28 janvier 2014

Gloria (1980) de John Cassavetes

GloriaAlors que les tueurs de la Mafia sont au pied de son immeuble pour le tuer, un comptable de la Mafia qui a « trahi » confie à une voisine son jeune fils de six ans ainsi qu’un livre compromettant…
Gloria est un film assez à part dans la filmographie de John Cassavetes. S’il a bien écrit lui-même cette histoire de Mafia, c’était originellement pour la vendre à Columbia et c’est lorsque le rôle échût à Gena Rowlands que Cassavetes fut intéressé pour la tourner lui-même (1). La lutte d’une personne seule contre la Mafia n’est pas un thème très nouveau au cinéma mais le traitement de Cassavetes est assez remarquable. Le résultat est en effet très différent des normes habituelles et pourtant le film a son lot de scènes d’action, des poussées assez brutales qui sont d’autant plus inattendues qu’elles viennent d’une femme à l’apparence très classique. Gloria est avant tout le portrait d’une femme et des liens qu’elle noue avec ce garçon de six ans qui l’encombre. Son passé quelque peu tumultueux semble la pousser vers une certaine normalité, à recréer un semblant de famille. C’est aussi un film très réaliste, tourné parfois en décors naturels au milieu de la foule, Cassavetes allant jusqu’à faire jouer de vrais truands. Il semble vouloir nous montrer l’envers du décor. La performance de Gena Rowlands est assez spectaculaire, exprimant une force peu commune. Le jeu du jeune garçon n’est pas toujours à la hauteur mais cela a le mérite d’accentuer le côté monolithique de son personnage. La fin est plutôt énigmatique, il est même assez difficile de deviner les intentions de Cassavetes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gena Rowlands, John Adames
Voir la fiche du film et la filmographie de John Cassavetes sur le site IMDB.

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Remarque :
* L’héroïne se prénomme Gloria Swenson, c’est à dire le nom à une lettre près le nom de la célèbre actrice du cinéma muet Gloria Swanson.
* Le jeune John Adames n’a joué dans aucun autre film après Gloria.

Remake (raté) :
Gloria de Sidney Lumet (1999) avec Sharon Stone

(1) Il faut rappeler que Gena Rowlands et John Cassavetes étaient mari et femme.

6 janvier 2014

L’Énigme du Chicago Express (1952) de Richard Fleischer

Titre original : « The Narrow Margin »
Autre titre (Belgique) : « Les Tueurs du Pacific-Express »

L'énigme du Chicago ExpressDeux policiers sont chargés d’escorter la jeune veuve d’un gangster en train, de Chicago à Los Angeles où elle doit témoigner dans un important procès. Des tueurs ont été lancés à ses trousses… Sur une histoire écrite par Martin Goldsmith et Jack Leonard, L’Énigme du Chicago Express (The Narrow Margin) a été mis sur pied comme une série B mais le résultat dépasse largement le simple film de genre. Tourné en seulement treize jours avec un budget très serré, le film démontre la virtuosité de Richard Fleisher. La grande majorité des quelque 1h10 se déroulent à bord d’un train et le cinéaste s’est montré particulièrement inventif pour filmer dans un décor si exigu : il utilise une caméra portée, c’est-à-dire tenue à la main par l’opérateur, ce qui en fait l’un des premiers films à utiliser cette façon de filmer. Le décor était fixe et c’est le mouvement de la caméra qui simule les balancements du train. Cette grande mobilité lui permet surtout de suivre les personnages dans les couloirs, les compartiments, le wagon-restaurant, ce qui décuple l’effet du jeu du chat et de la souris. Les Tueurs du Pacific Express Dès les premières minutes, la tension est constante ; il n’y a aucun temps mort. Le suspense nous capte et ne nous lâche plus. En outre, le film de Fleisher nous offre une réflexion sur le rôle du policier dans le cadre de cette lutte contre le crime organisé. Son héros est un policier quelque peu désabusé, qui se pose des questions, en partie déstabilisé par la perspective d’une « mort pour rien ». Ceci apporte non seulement un certain réalisme au film mais aussi une grande noirceur. L’Énigme du Chicago Express connut un grand succès à sa sortie.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Charles McGraw, Marie Windsor, Jacqueline White
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Remarques :
* Tourné en 1950, L’Énigme du Chicago Express n’est sorti que deux ans plus tard. Entre temps, il aurait « trainé » sur le bureau d’Howard Hughes, l’excentrique patron de la RKO, qui désirait le voir après en avoir entendu parler en bien mais l’aurait oublié. Après l’avoir enfin visionné, il aurait proposé à Richard Fleisher de le refaire avec un budget plus important et des acteurs de premier plan mais le cinéaste était passé à autre chose entre temps et sous d’autres cieux puisque The Narrow Margin est son dernier film pour la RKO.

* Autres films se déroulant entièrement dans un train (avant 1952) :
Une femme disparait (The Lady Vanishes), film anglais d’Alfred Hitchcock (1938)
Le Grand Attentat (The Tall Target) d’Anthony Mann (1951) qui fut tourné après The Narrow Margin mais sortit avant lui.

Remake :
Le Seul Témoin (Narrow Margin) de Peter Hyams (1990) avec Gene Hackman, remake à gros budget mais sans saveur.

12 avril 2013

Pulp Fiction (1994) de Quentin Tarantino

Pulp FictionPulp Fiction est composé de trois histoires mettant en scène deux tueurs à Los Angeles. Ce qui rend le film si particulier est le traitement que Tarantino fait de ces histoires. Il entremêle, complique, insère de l’humour et esthétise l’ensemble qui, malgré sa violence, devient savoureux. C’est surtout le tandem formé par les deux tueurs qui donnent au film tout son sel, deux tueurs bavards, ergoteurs, la moindre futilité étant le prétexte d’un long échange verbal d’une fausse profondeur. En ajoutant une bonne dose d’humour, Tarantino parvient à les rendre attachants et crée des scènes fortes, des images qui restent. Toutefois, cette esthétisation de la violence peut toutefois susciter des interrogations, d’autant plus que Tarantino entoure toute cela d’une morale qui lui est propre (et que l’on retrouve dans bon nombre de ses films ultérieurs) : tout se paye au prix fort car on tombe toujours sur plus fort que soi… Une justice immanente en quelque sorte. Mais Tarantino, c’est avant tout un spectacle qu’il crée et il montre en ce domaine un réel talent dans Pulp Fiction. A l’instar de ces publications pulp dont il se réclame ouvertement par le titre, il crée un environnement clinquant, combinant habilement attraction et répulsion, et aussi un peu magique. Et il manie avec beaucoup de goût cette dimension supplémentaire dont il dispose qu’est la musique.
Elle: 2 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: John Travolta, Samuel L. Jackson, Uma Thurman, Bruce Willis, Harvey Keitel, Christopher Walken, Tim Roth
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27 février 2012

Les félins (1964) de René Clément

Les félinsPour échapper à des tueurs lancés à ses trousses par un mari jaloux mafieux, un jeune play-boy se réfugie chez une riche veuve qui l’engage comme chauffeur. Cette femme séduisante vit seule avec sa jeune cousine dans une grande maison de la Côte d’Azur… Pour Les félins, René Clément retrouve Alain Delon qui, depuis le merveilleux Plein Soleil (1960) et Quelle joie de vivre (1961), est devenu entre temps une star. René Clément adapte ici un roman policier de Day Keene, une histoire assez forte assez surprenante. Il crée une atmosphère particulière, jouant avec l’étrange, l’ambiguïté, le mensonge, éléments qu’il mêle habilement au charme de ses trois acteurs principaux, distillant même une certaine sensualité élégante. Le film est aussi une variation sur la claustration, thème cher au réalisateur. Le film a été tourné en anglais et les acteurs, y compris Jane Fonda, ont assuré eux-même le doublage en français. Les félins a plutôt été mal reçu ; s’il est vrai qu’il est un peu en deçà de Plein Soleil, il n’en demeure pas moins un très beau huis clos sophistiqué et élégant, remarquablement photographié en noir et blanc par l’excellent chef-opérateur Henri Decaë.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Alain Delon, Jane Fonda, Lola Albright
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11 janvier 2012

The American (2010) de Anton Corbijn

The AmericanUn tueur à gages, lui-même pisté par des tueurs, s’isole dans un petit village italien niché sur les hauteurs des Abruzzes. Malgré les recommandations de son commanditaire, il commence à nouer des liaisons avec un prêtre et une prostituée… Réalisé par le néerlandais Anton Corbijn, The American est une production américaine adapté d’un roman de l’anglais Martin Booth sur le thème assez classique du tueur qui aspire à une rédemption. Les personnages manquent plutôt de profondeur et, hormis l’intérêt que l’on peut avoir pour George Clooney, on pourra n’être que peu intéressé par les états d’âme de ce tueur traqué par d’autres tueurs. Il reste de très beaux plans : Anton Corbijn est photographe (de scène rock) et il met joliment en valeur le superbe cadre du village de Castel del Monte.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: George Clooney, Violante Placido, Thekla Reuten, Paolo Bonacelli
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Remarques :
Le tournage a eu lieu peu après le tremblement de terre d’avril 2009 qui avait sévèrement touché la région des Abruzzes (qui est à une centaine de kilomètres au nord-est de Rome). Les scènes urbaines ont été tournées à L’Aquila, toutes les autres au village de Castel del Monte (ne pas confondre avec le château situé dans Les Pouilles, 200 kms plus au sud, qui est classé au patrimoine mondial de l’Unesco).

6 décembre 2008

Baby Boy Frankie (1961) de Allen Baron

Titre original : « Blast of silence »

Baby Boy FrankieFrankie Bono est un homme solitaire. Frankie Bono est un tueur à gages. Il arrive à New York la veille de Noël pour prendre commande d’un contrat… Blast of Silence est (du moins, était) une rareté, un film noir écrit, réalisé et interprété par Allen Baron dont c’est la première réalisation (1). Il aura fallu attendre 45 ans pour que le film sorte en France. Le film n’est pas sans défaut mais se révèle assez étonnant, héritier des films noirs des années 50 et préfigurant ceux des années 60 et même 70. C’est Allen Baron qui joue lui-même le rôle principal d’un tueur à gages qui vient exécuter un contrat à New York. La grosse originalité de Baby Boy Frankie est d’avoir une voix-off tout au long du film, sorte de voix intérieure du tueur qui se parle à lui-même. Cette voix, grave et chaleureuse (bien qu’il ne soit pas au générique, on sait maintenant qu’il s’agit de Lionel Stander), donne une certaine humanité à ce tueur à gages alors qu’il prépare son mauvais coup. Le climat est assez lourd mais sans excès, fataliste et mélancolique surtout,  filmé en décors réels dans le New York nocturne ou en plein jour dans des rues désertes et froides (nous sommes à la veille de Noël). Vu avec le recul, Baby Boy Frankie apparaît comme un précurseur, il semble préfigurer de nombreux films, Le Samouraï de Melville s’il n’y en avait qu’un à citer.
Note : 3 eacute;toiles

Acteurs: Allen Baron, Molly McCarthy, Larry Tucker
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Baby Boy FrankieRobert De Niro dans un film de Scorsese ? Non, Allen Baron dans son propre film : Baby Boy Frankie (1961)

Remarques :
* La voix-off est celle de Lionel Stander (le gangster de Cul-de-sac). Il ne figure pas au générique.
* Merrill S. Brody est à la fois directeur de la photographie, caméraman et producteur.
* Martin Scorsese, qui a vu Blast of Silence à sortie alors qu’il était étudiant, en a souvent parlé comme un film qui l’a marqué.

(1) Allen Baron tournera ensuite essentiellement des séries TV.