13 juillet 2016

Mata Hari, agent H21 (1964) de Jean-Louis Richard

Mata Hari, agent H21En 1917, la danseuse « javanaise » Mata Hari séduit le public du cabaret parisien où elle se produit. C’est aussi une espionne qui travaille pour l’Allemagne et qui utilise ses charmes pour obtenir des renseignements… Mata Hari, agent H21 est un film plutôt rare et méconnu. Son géniteur est Jean-Louis Richard, scénariste de François Truffaut. La situation est ici inversée puisque Truffaut est scénariste-dialoguiste du film. Les deux compères utilisent le mythe de l’espionne Mata Hari (rappelons que si la femme a bien existé, on ne sait toujours pas avec certitude aujourd’hui si elle était réellement une espionne) pour mettre en valeur Jeanne Moreau, actrice qu’ils portent tous deux dans leur coeur. Les invraisemblances n’ont donc que peu d’importance, on se situe même à la limite de la fantaisie, du divertissement plaisant. Malgré un budget certainement limité, la reconstitution est soignée et réussie avec une agréable atmosphère Belle-époque. La photographie de Michel Kelber est assez superbe et les dialogues souvent brillants. La musique de Georges Delerue est très présente, peut-être un peu trop, parfois. L’ensemble est assez élégant. Sans être un film majeur, Mata Hari, agent H21 est un bel écrin pour Jeanne Moreau qui succède ainsi joliment à Greta Garbo…
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jeanne Moreau, Jean-Louis Trintignant, Claude Rich, Henri Garcin, Frank Villard
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean-Louis Richard sur le site IMDB.

Voir les livres sur Jeanne Moreau

Remarques :
* On remarquera les petites apparitions d’autres acteurs de l’univers Truffaut : Jean-Pierre Léaud (le fils un peu illuminé), Marie Dubois (la jeune fille à la gare), Charles Denner (un soldat), Albert Rémy (le père) ou encore Nicole Desailly, la femme de Jean Desailly (en Charlotte, servante de Mata Hari).
* Jean-Louis Richard a ensuite été plus souvent acteur que réalisateur.
* Jeanne Moreau et Jean-Louis Richard ont été brièvement mariés (1949-1951), ils ont eu un fils ensemble, Jérôme Richard qui a fait un peu de figuration (il a un petit rôle dans Céline et Julie vont en bateau de Rivette).

* Autres films inspirés de la vie de Mata Hari :
Mata Hari (1921) film allemand de Ludwig Wolff avec la star danoise Asta Nielsen (film perdu)
Mata Hari, die rote Tänzerin (1927) film allemand de Friedrich Feher avec sa femme Magda Sonja dans le rôle principal (film perdu)
Mata Hari (1931) de George Fitzmaurice avec Greta Garbo
Mata Hari (1985) variation pseudo érotique avec Sylvia Kristel.
Mata Hari (2017?) film de David Carradine avec sa fille Calista Carradine dans le rôle principal (film en production)
+ plusieurs téléfilms dont un récent (2003) avec Maruschka Detmers.

Mata Hari
Jean-Louis Trintignant et Jeanne Moreau dans Mata Hari, agent H21 de Jean-Louis Richard.

Mata Hari
Jeanne Moreau, photo publicitaire pour Mata Hari, agent H21 de Jean-Louis Richard.

3 juillet 2016

Cría cuervos (1976) de Carlos Saura

Cría cuervosDans une vaste demeure madrilène, une petite fille Ana entend son père décéder dans la pièce voisine. Une femme en sort précipitamment. Bizarrement, la fillette entre dans la pièce, regarde son père et prend un verre de lait qu’elle va laver dans la cuisine… Ecrit et réalisé par Carlos Saura dans la dernière année de dictature franquiste, Cria Cuervos est une admirable réflexion sur le deuil, sur le monde de l’enfance, sur les souvenirs qui ne veulent s’effacer. Le récit débute de façon un peu mystérieuse pour dévoiler ensuite peu à peu l’univers de cette fillette seule avec ses deux soeurs : profondément marquée par la mort (ou plutôt par l’absence), elle parvient à se bâtir un monde à part où le rêve se mêle à la réalité, malgré la totale incompréhension du monde des adultes. Mais, comme on le sait, tous les films de Carlos Saura sont également une métaphore politique de son pays sous la chape de plomb du franquisme. Cette grande demeure coupée de l’extérieur représente ainsi l’Espagne, le père (et les hommes en général) le franquisme finissant, la mère est la république réduite au silence, la grand-mère la vie d’avant la dictature, la tante la bourgeoisie qui s’accommode des militaires. Les trois fillettes symbolisent l’avenir de l’Espagne et, en ce sens, le film de Saura est profondément optimiste. Âgée de neuf ans, Ana Torrent est assez inoubliable avec ses grands yeux noirs. Une fois de plus, Carlos Saura signe un film très fort avec sa façon assez unique de mêler inextricablement rêve, réalité, fantasmes et souvenirs.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Geraldine Chaplin, Ana Torrent, Mónica Randall, Florinda Chico
Voir la fiche du film et la filmographie de Carlos Saura sur le site IMDB.

Voir les autres films de Carlos Saura chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Carlos Saura

Remarques :
* Le titre vient d’un proverbe espagnol « Cría cuervos y te sacarán los ojos » qui signifie « Nourrissez des corbeaux et ils vous arracheront les yeux », maxime volontiers utilisée par les adultes pour se plaindre de l’ingratitude des enfants qui est donc détournée ici pour prendre un sens politique et prophétiser que la jeune génération balaiera le franquisme.

* La chanson Porque te vas (Parce que tu pars) a connu un succès international la même année, notamment en France où ce fut le tube de l’été 1976. Les paroles de cette chanson sont sur le thème de l’absence de l’être aimé et du souvenir qu’il laisse.

* Franco est mort à peine deux mois avant la sortie du film (donc après le tournage).

* Carlos Saura avait découvert la jeune Ana Torrent dans le beau film de Victor Erice L’esprit de la ruche (1973).

Cria Cuervos
Géraldine Chaplin et Ana Torrent dans Cría cuervos de Carlos Saura.

15 juin 2016

La Chair et le diable (1926) de Clarence Brown

Titre original : « Flesh and the Devil »

La Chair et le diable(Film muet) Leo et Ulrich sont deux inséparables amis d’enfance. De retour d’un entrainement militaire, Leo remarque une très belle femme à la gare. Il la retrouve quelques jours plus tard à un grand bal mondain…
A peine le tournage de La Tentatrice terminé, la MGM impose à Greta Garbo un nouveau scénario qui va encore plus loin dans l’utilisation de son image : cette fois, elle n’est plus une simple vamp mais une envoyée du diable ! Le scénario de La Chair et le diable est épouvantablement mauvais, bigot et misogyne. Il pourrait avoir été écrit par une de ces ligues de vertu qui sévissaient alors. Si le troisième film américain de Greta Garbo est notable, c’est surtout parce qu’il s’agit de son premier film sous la direction de Clarence Brown, avec lequel elle tournera sept fois, et de son premier film avec John Gilbert. La MGM lui avait précédemment opposé des acteurs qui étaient plutôt des latin-lovers alors que John Gilbert (à cette époque, l’acteur le mieux payé d’Hollywood) est un américain pur jus. Il va lui ouvrir de nouveaux horizons, lui donner de l’assurance grâce à une meilleure compréhension de la mentalité américaine. Les deux acteurs vont tout de suite très bien s’entendre, une grande amitié et même plus, au grand bonheur des services de publicité des studios qui vont transformer cette aventure en grande histoire d’amour (1). Si le scénario est affligeant, le film est beaucoup plus beau dans sa forme. Clarence Brown a de belles trouvailles : une scène d’amour dans la pénombre éclairée par la flamme d’une allumette, de superbes reflets de la pluie sur une vitre sur le visage de Greta Garbo et la scène la plus célèbre, la transformation d’une communion en un acte sensuel (il fallait oser !) Toutes les scènes entre Garbo et Gilbert sont belles, y compris leur première rencontre à la gare. La Chair et le diable fut un grand succès qui finit de propulser Greta Garbo au rang de star.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: John Gilbert, Greta Garbo, Lars Hanson, Barbara Kent, William Orlamond, George Fawcett, Marc McDermott
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La Chair et le diable
Greta Garbo et John Gilbert dans La Chair et le diable de Clarence Brown. Pour simuler l’allumette, Clarence Brown a fait placer une petite lampe à arc dans la main de John Gilbert.

La Chair et le diable
Greta Garbo et John Gilbert dans La Chair et le diable de Clarence Brown.

Remarques :
* La Chair et le diable est adapté d’un roman d’Hermann Sudermann, écrivain et dramaturge allemand, dont les romans et pièces ont servi de base à de nombreux films dont notamment Le Cantique des cantiques de Mamoulian (1933) ou L’Aurore de Murnau (1927).
* Lasse de ce type de rôles, Greta Garbo rentra en Suède à la fin du tournage. Ce n’est qu’après plusieurs mois, et grâce au grand succès de La Chair et le diable sorti entre temps, que Greta Garbo put forcer la main à Louis B. Mayer et obtenir un meilleur contrat.
* On peut remarquer sur l’affiche ci-dessus la différence de taille des lettres pour « John Gilbert » et pour « Greta Garbo ». L’affiche de son film suivant portera son nom en aussi grosses lettres que John Gilbert. Voir…

(1) Ne reculant devant rien, la M.G.M. changera le titre de leur deuxième film ensemble de Anna Karenine en Love afin que sur les affiches cela donne « John Gilbert and Greta Garbo in Love » … ! (voir lien-dessus)

La Chair et le diable
Les reflets de la pluie sur une vitre forment un semblant de larme sur la joue de Greta Garbo dans La Chair et le diable de Clarence Brown.

La Chair et le diable
Clarence Brown (debout derrière Miss Garbo), Greta Garbo et Lars Hanson sur le tournage de La Chair et le diable de Clarence Brown. Le caméraman (debout avec les lunettes) est une fois encore William H. Daniels. Le plan correspondant à cette photographie est le très gros plan sur l’écrin contenant un bracelet.

20 mai 2016

Les Nuits moscovites (1934) de Alexis Granowsky

Les nuits moscovitesA Moscou, en 1916, le Capitaine Ignatoff est soigné à l’hôpital militaire par l’infirmière Natacha dont il tombe instantanément amoureux. La jeune femme est hélas promise par sa famille à un riche négociant, fournisseur de l’armée, bien plus âgé qu’elle et peu avenant…
Alexis Granowsky (1890-1937) est un réalisateur d’origine russe ; premier film en URSS (1925) qui lui causa quelques soucis avec la censure, puis deux films en Allemagne (1931) et quatre films en France dont Les Nuits moscovites adapté d’une histoire de Pierre Benoît que l’auteur choisira de ne pas publier (déjà, ça s’annonce mal). Le film, il faut bien l’avouer, n’a pas grand-chose pour lui : l’histoire est très banale, il est mal dirigé, mal monté et plombé par un exotisme de pacotille. Malgré l’appui de moult musiques entrainantes tsiganes (dont le russe, c’est bien connu, est gros consommateur), on ne croit pas un seul instant à cette Russie toc et francisée. Et quoi de plus naturel que Tino Rossi habillé en napolitain vienne à Moscou pousser la chansonnette en français accompagné par un orchestre russe…?
L’imprécision de la direction est assez nette dans les scènes à forte figuration et a certainement déteint sur les interprétations : celle d’Annabella est très mauvaise, celle de Pierre Richard-Willm bien moyenne, trop impulsif et finalement inconsistant, seul Harry Baur s’en tire honorablement avec sa truculence habituelle (sauf dans la scène finale où il ne parvient vraiment à rien de bon). Comme toujours, on peut trouver qu’il en fait beaucoup mais il est le seul à donner un peu d’allant à cet ensemble par ailleurs bien terne. Alexis Granowsky le refera tourner pour son ultime film, Tarass Boulba en 1936.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Annabella, Harry Baur, Pierre Richard-Willm
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Les Nuits moscovites
Annabella et Harry Baur dans Les nuits moscovites de Alexis Granowsky.

3 novembre 2015

Volga en flammes (1934) de Viktor Tourjansky

Volga en flammesDans la Russie tzariste du XIXe siècle, le jeune lieutenant Orloff est nommé dans une lointaine garnison sur les bords de la Volga. En route, il sauve la vie d’un homme lors d’une tempête de neige. Arrivé à destination, il tombe instantanément amoureux de la fille du colonel, ce qui lui vaut l’inimitié durable du lieutenant Schalin, son ancien prétendant. Mais une menace bien plus importante pèse sur la garnison… Avec la vogue de l’exotisme dans le cinéma des années trente, il était logique que Victor Tourjansky, l’un des pionniers du cinéma russe venu se réfugier en France à la Révolution, réalise quelques films nous plongeant au coeur de la Russie. Il a effectivement tous les atouts pour bien en restituer toute l’atmosphère. Il adapte en premier la célèbre nouvelle de Pouchkine, La Fille du Capitaine, assez fidèlement même si le déroulement du scénario paraît quelque peu perfectible. De belles scènes d’extérieurs dans la neige, les chants mélancoliques donnent effectivement une belle atmosphère très russe (du moins à nos yeux d’occidentaux). Les acteurs principaux français sont nettement moins crédibles mais font une adéquate prestation. Danielle Darrieux (à 17 ans, déjà dans son septième film) est encore assez insignifiante ; elle n’a pas cette présence à l’écran qu’elle saura développer ensuite. Volga en flammes était un film assez rare mais a été récemment brillamment restauré.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Albert Préjean, Valéry Inkijinoff, Danielle Darrieux, Raymond Rouleau, Henri Marchand
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Volga en flammes
La scène d’ouverture de Volga en flammes de Viktor Tourjansky.

Volga en flammes
Danielle Darrieux et Albert Préjean dans Volga en flammes de Viktor Tourjansky.

14 octobre 2015

K-19 : Le piège des profondeurs (2002) de Kathryn Bigelow

Titre original : « K-19: The Widowmaker »

K-19: Le piège des profondeursEn 1961, les soviétiques décident de contrer la menace des sous-marins nucléaires lanceurs de missiles américains en construisant à la hâte le sous-marin K-19. Le commandant Mikhail Polenine (Liam Neeson) étant jugé trop proche de ses hommes, il est rétrogradé commandant en second, et remplacé au poste de commandement par le commandant Alexei Vostrikov (Harrison Ford) dont la loyauté a toujours été sans faille… Le film de sous-marins est un genre délicat, huis-clos par excellence où il est difficile d’innover et où l’on est inévitablement comparé aux films qui ont marqués le genre. Cette comparaison n’est hélas pas à l’avantage du film de Kathryn Bigelow. Le plus remarquable finalement est dans le fait réel qu’il relate, un incident/accident qui n’a été révélé qu’après la chute du Mur et qui nous a fait passer très près de la troisième guerre mondiale. La vision sur les soviétiques n’évite pas les clichés et l’intransigeant commandant ne provoque guère l’empathie, mais c’est surtout le manque de tension qui rend le film assez peu convaincant.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Harrison Ford, Liam Neeson, Peter Sarsgaard
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K19
Harrison Ford et Liam Neeson dans K-19: Le piège des profondeurs de Kathryn Bigelow

Remarques :
* Des membres survivants de l’équipage du véritable K-19 ont été consultés pendant la production.
* Le surnom du sous-marin, widowmaker = faiseur de veuves, a été inventé de toutes pièces. En réalité, il n’avait pas de surnom.
* Dans la réalité, il n’y a pas eu de mutinerie.

20 juillet 2015

Le Chemin des étoiles (1945) de Anthony Asquith

Titre original : « The Way to the Stars »

Le Chemin des étoiles1942. Peter, un jeune pilote, est envoyé sur un aérodrome militaire dans le Yorkshire en Angleterre. Il devient ami avec David, son chef d’escadrille, qui se rend fréquemment au village voisin. David a l’intention d’épouser Toddy, une jeune femme qui tient une pension de famille… Ce film anglais sur les forces aériennes britanniques et américaines basées en Angleterre s’inscrit dans la lignée du film américain de William Wyler The Memphis Belle, mais il se concentre sur la vie dans la base : il n’y a pas de séquences de vol. Même si l’histoire peut paraître assez classique, The Way to the Stars est de belle facture avec une excellente distribution : tous les rôles sont fort bien tenus. L’humour n’est pas absent notamment dans la cohabitation d’anglais et d’américains.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Michael Redgrave, John Mills, Rosamund John, Douglass Montgomery, Basil Radford, Jean Simmons
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Le Chemin des étoiles
Michael Redgrave, Basil Radford et John Mills dans Le Chemin des étoiles de Anthony Asquith.

Remarques :
* Lorsqu’il fut évident que la guerre allait être terminée avant que le film sorte, Terence Rattigan, auteur du scénario, rajouta un prologue montrant un aérodrome à l’abandon et plaçant toute l’histoire dans un flashback.
* Jean Simmons fait une très brève apparition en chanteuse. Elle est ici dans l’un de ses tous premiers films et âgée d’à peine 16 ans (et déjà très belle). A noter que son nom figure en 3e position sur l’affiche ci-dessus qui ne date donc certainement pas de 1945.

19 mai 2015

Griffes jaunes (1942) de John Huston

Titre original : « Across the Pacific »

Griffes jaunesRadié des cadres de l’armée pour faute grave, le capitaine Leland tente de s’engager dans l’armée canadienne. On ne veut pas de lui. Il embarque alors à Halifax sur le navire japonais « Genoa Maru » à destination du Japon et de la Chine via New York et Panama… Griffes jaunes est adapté d’un feuilleton paru dans le Saturday Evening Post signé Robert Carson (1). C’est le troisième film de John Huston qui reprend les acteurs principaux de son premier film Le Faucon maltais : Humphrey Bogart, Mary Astor et Sydney Greenstreet. Le tournage fut perturbé par des problèmes de scénario qui fut régulièrement modifié en fonction de l’actualité (nous sommes alors quelques mois après Pearl Harbour) et la fin restait toujours en suspens quand John Huston, alors âgé de 36 ans, fut appelé sous les drapeaux. Jack Warner a alors chargé Vincent Sherman (2) de le terminer. On comprendra donc pourquoi la fin paraît plutôt bâclée. Sans être un grand film de John Huston, Griffes jaunes est de bonne facture, se situant plutôt au-dessus des autres films de propagande. Bogart a comme toujours une belle présence mais le couple Bogart/Astor est sans doute un peu fade.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Mary Astor, Sydney Greenstreet
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Across the Pacific / Griffes jaunes
Sydney Greenstreet, Humphrey Bogart et Mary Astor dans Griffes jaunes de John Huston.

Remarques :
* Initialement, le scénario était écrit pour se dérouler à Hawaï. Lorsque l’attaque sur Pearl Harbour eut lieu, l’histoire fut déplacée à Panama… mais le titre est resté bien que toute l’action se déroule en Atlantique et à Panama. L’affiche ci-dessus porte un slogan guerrier qui tente de justifier le titre : « Quand Humphrey Bogart dérouille ces japs, on sent qu’il est impatient de traverser le Pacifique ».

* John Huston a raconté que, lorsqu’il a été appelé sous les drapeaux, il a pris un malin plaisir de mettre Humphrey Bogart dans une position désespérée : « Je ne simplifiai pas la tâche de mon successeur. Je ligotai Bogie sur une chaise et le fis garder par trois fois plus de soldats nippons que nécessaire. J’en postai un, mitraillette au poing, devant chaque issue. Puis je téléphonai à Jack Warner : « Je pars pour la guerre. Bogart saura se débrouiller tout seul. » Vincent Sherman reprit le film. Pas question de retourner des scènes. Il fallait trouver le moyen de faire échapper Bogie. Sherman imagina de frapper un des Japonais d’une crise de folie furieuse. Le prisonnier s’évadait à la faveur de confusion générale. » (John Huston par John Huston, Pygmalion 1982, p81).
Bizarrement, on ne voit pas dans le film Bogart ligoté sur une chaise et encore moins une scène de folie furieuse d’un gardien. Le site américain de TCM précise que la scène a du être tournée à nouveau différemment pour ne pas qu’il ne soit pas ligoté.

* Peter Lorre, le quatrième acteur du Faucon Maltais, fait une brève apparition en tant que serveur à l’arrière plan (j’avoue ne pas l’avoir repéré).

(1) Robert Carson est connu pour être l’auteur de l’histoire initiale de A Star is Born (Une étoile est née).
(2) Vincent Sherman venait de terminer Echec à la Gestapo (All Through the Night) avec Humphrey Bogart, ce qui explique certainement ce choix.

Across the Pacific / Griffes jaunes
Keye Luke, Humphrey Bogart et Mary Astor dans Griffes jaunes de John Huston (publicity photo).

Photo de tournage de Griffes Jaunes 1942
Humphrey Bogart, Mary Astor et John Huston sur le tournage de Griffes jaunes (mars /avril 1942).

2 mars 2015

Un crime dans la tête (1962) de John Frankenheimer

Titre original : « The Manchurian Candidate »

Un crime dans la têtePendant la Guerre de Corée, un petit groupe de soldats américains est capturé l’ennemi. Après être rentré au pays sous les honneurs, le major Marco est en proie à un malaise permanent alimenté par ses cauchemars récurrent : il se voit face à des militaires russes et chinois qui lui ont fait subir un lavage de cerveaux élaboré ce qui leur permet d’avoir sur lui un contrôle à distance… The Manchurian Candidate est adapté d’un roman de Richard Condon. C’est une histoire assez extravagante qu’il faut la replacer dans son contexte de 1962, c’est-à-dire en pleine Guerre Froide qui alimentait les fantasmes les plus fous. Mais on finit par y croire grâce aux talents de mise en scène de Frankenheimer : le montage est assez remarquable (la scène du cauchemar est franchement exceptionnelle dans son montage), les mouvements de caméra et les angles de prise de vue sont très travaillés. Le réalisateur utilise en outre des focales courtes pour accentuer l’impression de rêve (cauchemar) éveillé. Il instaure finalement un climat surréaliste et anxiogène qu’il appuie encore en introduisant le personnage d’Eugenie (Janet Leigh) dont on ne parvient pas à deviner les motivations. Côté acteurs, Sinatra est égal à lui-même, c’est-à-dire mauvais, mais Angela Lansbury et Laurence Harvey (la mère et le fils) font tous deux une prestation superbe.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Frank Sinatra, Laurence Harvey, Janet Leigh, Angela Lansbury, James Gregory
Voir la fiche du film et la filmographie de John Frankenheimer sur le site IMDB.

Voir les autres films de John Frankenheimer chroniqués sur ce blog…

 

Un crime dans la tête (1962) de John Frankenheimer
Malgré une différence d’âge de seulement trois années entre les deux acteurs, Angela Lansbury et Laurence Harvey sont mère et fils dans Un crime dans la tête (The Manchurian Candidate) de John Frankenheimer.

Remarques :
* The Manchurian Candidate est sorti sur les écrans un an avant l’assassinat du Président Kennedy (qui avait d’ailleurs donné son aval au film).
* La rumeur qui affirme que le film a été plus ou moins retiré de la circulation sous l’accusation d’avoir inspiré Lee Harvey Oswald serait totalement fausse.
* Dans la scène où il montre le jeu de cartes à son ami, Sinatra est franchement flou. Ce n’était pas un effet intentionnel mais accidentel. Frankenheimer a dû se résoudre à utiliser ce plan qui était celui où Sinatra était le meilleur (il était toujours très difficile de faire rejouer une scène à Sinatra).
* Remake :
Un crime dans la tête (The Manchurian Candidate) de Jonathan Demme (2004) avec Denzel Washington, Liev Schreiber et Meryl Streep.

10 janvier 2015

Le vent (1982) de Souleymane Cissé

Titre original : « Finyè »

Le ventBah et Batrou sont camarades d’école secondaire. Ils ont des origines très différentes : lui est le fils d’un ancien chef traditionnel alors qu’elle est la fille du gouverneur militaire de la ville… Le vent est le troisième long métrage du réalisateur malien Souleymane Cissé, l’un des cinéastes africains majeurs. S’il s’agit du récit d’une révolte d’étudiants face au pouvoir militaire, la portée du film est plus large puisqu’il propose une vision sur la mutation des sociétés africaines, sur la rencontre entre une culture ancestrale et des valeurs de la société moderne (il s’agit plus d’une rencontre que d’une confrontation car l’une ne chasse pas l’autre). Cette rencontre est présente non seulement sur la question du pouvoir mais aussi dans le fonctionnement social :  la polygamie côtoie ainsi un début d’émancipation des femmes. La vision que Souleymane Cissé nous propose est globalement optimiste, montrant une grande confiance en l’avenir.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Fousseyni Sissoko, Goundo Guissé, Balla Moussa Keita, Ismaila Sarr
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Remarques :
* Le film a fait partie de la sélection Un certain regard à Cannes en 1982.
* « J’ai fait ce film quand les Maliens avaient cessé de croire en leur avenir pendant une période de tension politique et militaire. J’étais tellement confiant en l’avenir que j’ai fait Finyè et il a créé un grand engouement populaire car le film disait ce que les gens n’osaient dire. » (Souleymane Cissé à propos de Finyè)

Homonyme :
Le vent (The Wind) de Victor Sjöström (1928) avec Lillian Gish.

Le Vent de Souleymane Cissé