16 novembre 2011

Le messager (1970) de Joseph Losey

Titre original : « The go-between »

Le messagerLe jeune Leo, 12 ans, est invité pour l’été dans la vaste propriété des parents de son camarade de collège. Il est tout de suite attiré par Marian. La jeune femme va l’utiliser comme messager secret pour échanger des lettres avec l’un des fermiers du domaine… Le messager est adapté d’un roman de L.P. Hartley par Harold Pinter qui avait déjà collaboré avec Losey pour les très beaux The Servant en 1963 et Accident en 1967. On peut trouver de nombreux thèmes dans ce film, notamment celui, cher à Losey, des rapports de classe.  Nous sommes en 1900, dans la très haute bourgeoise victorienne anglaise, une société empreinte de règles sociales assez strictes. Un autre thème est celui de la confrontation du monde de l’enfance avec celui des adultes. C’est donc un double choc qui ne pouvait que laisser des traces durables chez les protagonistes. La fin est même terriblement pessimiste. Néanmoins, Joseph Losey filme cela avec une délicatesse infinie, s’attardant sur la beauté des paysages, nous faisant partager l’oisiveté de ses personnages. La photographie et les éclairages sont superbes. Plus que jamais, le cinéma de Losey semble drapé d’une beauté naturelle qui nous enveloppe et nous ravit. Seul regret à mes yeux (ou plutôt à mes oreilles), la musique de Michel Legrand que je trouve tonitruante et trop présente (opinion hautement subjective). Palme d’Or au festival de Cannes 1971, Le messager était, est et restera toujours un très beau film.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Julie Christie, Alan Bates, Dominic Guard, Margaret Leighton, Michael Redgrave, Michael Gough, Edward Fox
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15 novembre 2011

Les herbes folles (2009) d’ Alain Resnais

Les herbes follesMarguerite se fait voler son sac à main. Le portefeuille est retrouvé par Georges qui a du mal à se décider à l’appeler pour la prévenir… Les herbes folles sont des herbes qui poussent, contre toute logique, là où on ne les attend pas. A l’instar des herbes folles, les personnages du film d’Alain Resnais n’ont jamais les réactions qu’ils devraient logiquement avoir : ils semblent toujours vouloir s’engager sur des chemins de traverse, embrouiller les situations simples, adopter un comportement irrationnel. A l’époque où le rationnel domine la société, Alain Resnais s’amuse à oter un peu de la logique et de la prévisibilité de nos relations humaines. Vouloir absolument trouver une explication est faire fausse route, c’est avant tout une fantaisie, marquée par une grande liberté (dans le fond et dans la forme). Il suffit de se laisser gagner par l’humour quasi permanent, de se laisser porter par cette liberté de ton et de propos… et le film est alors un vrai plaisir.
Elle: 3 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: André Dussollier, Sabine Azéma, Emmanuelle Devos, Mathieu Amalric, Anne Consigny
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Remarques :
* Les herbes folles est adapté du roman de Christian Gailly L’incident.
* Le nom de Marguerite Muir est très certainement un clin d’oeil au très beau film de Mankiewicz L’aventure de Madame Muir (The ghost and Mrs Muir, 1947), film qui s’écartait lui aussi du rationnel.

14 novembre 2011

Le mur du son (1952) de David Lean

Titre original : « The Sound Barrier »

Le mur du sonAprès s’être illustré pendant la Seconde Guerre mondiale, un brillant pilote épouse la fille d’un industriel de l’aviation. Ce dernier cherche à construire un avion qui dépassera la vitesse du son… Le mur du son fait partie des films les moins connus de David Lean. Il nous replonge dans l’atmosphère des grandes découvertes : personne ne savait alors ce qui pouvait se passer si un avion dépassait le mur du son. Le film n’est en rien historiquement juste, puisqu’il attribue l’exploit à un pilote anglais (1). Malgré ses inexactitudes, le film est toutefois fort bien fait et prenant. David Lean donne une certaine portée à son propos puisqu’il met en balance le dépassement scientifique avec les sacrifices humains induits. Les scènes aériennes sont très réussies avec, en plus, une belle traversée au dessus de l’Europe avec des rares vues aériennes de Paris. On pourra noter une petite pointe de misogynie : les femmes sont soit des briseuses de rêves, soit totalement centrées sur elles-mêmes. Le très bon jeu d’acteurs apporte une contribution non négligeable à l’attrait qu’exerce encore le film, 50 ans après sa sortie.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ralph Richardson, Ann Todd, Nigel Patrick, John Justin, Joseph Tomelty, Denholm Elliott
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Remarques :
(1) Dans la réalité, le premier pilote à dépasser la vitesse du son fut l’américain Chuck Yeager en 1947, tel que rapporté avec beaucoup plus d’exactitude dans le film L’étoffe des héros de Philip Kaufman (1983).

13 novembre 2011

The Social Network (2010) de David Fincher

The Social NetworkThe Social Network nous raconte la création de Facebook et la bataille juridique autour de sa paternité… Le parcours de Mark Zuckerberg est bien entendu assez exceptionnel mais est-ce que cela en fait nécessairement un bon film ? Visiblement non. L’histoire n’est somme toute pas très intéressante, elle est réduite à un agglomérat d’anecdotes, il n’y a aucune tension dramatique. Comme toujours dans ce genre de film, l’ensemble est idéalisé : on met l’accent sur le fait d’avoir une idée de départ et on gomme tous les aspects laborieux de sa mise en place. Et pour bien créer l’image de « petit génie de l’informatique », David Fincher appuie sur le côté asocial de son personnage et joue avec le débit verbal, rapide et sec, plutôt indigeste.  En dehors de miser sur la fascination du succès rapide, on se demande quel est l’intérêt d’avoir réalisé un tel film. A noter que le réalisateur a utilisé de nombreux effets digitaux, notamment un surprenant  « effet miniature » (1) sur une scène de compétition d’aviron : amusant (mais totalement inutile).
Elle: pas d'étoile
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jesse Eisenberg, Andrew Garfield, Justin Timberlake, Max Minghella, Armie Hammer
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Remarques :
Si deux acteurs différents jouent les deux jumeaux Winklevoss, la tête de l’un des acteurs a été incrustée sur l’autre afin d’avoir deux jumeaux parfaits. La neige est, elle aussi, un effet digital tout comme la buée qui sort de la bouche des acteurs.

(1) « L’effet miniature » est obtenu en diminuant artificiellement la profondeur de champ sur un plan très large. Le premier et l’arrière plan sont flous comme ce serait le cas avec un objectif macro et notre cerveau interprète alors l’image vue comme étant celle d’une maquette. C’est étonnant. Cet effet visuel est intégré dans certains appareils photo grand public et même dans certains téléphones, en tant que traitement d’image (on peut le faire à la prise de vue mais cela nécessite un objectif à décentrement ou tilt-shift). Au delà de l’anecdote, il est difficile d’en voir l’intérêt pour le grand écran. Le cinéma nous a d’ailleurs plus habitués à faire l’inverse : filmer une maquette avec une grande profondeur de champ afin de la faire passer pour une scène réelle !
(Pour voir un bel exemple d’effet miniature :
The Sandpit petit clip par Sam O’Hare, fait avec un D3 et un D90!)

12 novembre 2011

Fatty cabotin (1919) de Roscoe Arbuckle

Titre original : « Back Stage »

Fatty cabotin(Muet, 22 minutes) Fatty est régisseur du Hickville Bijou, un vaudeville house (petite salle de music-hall). Avec son assistant (Buster Keaton), ils accueillent deux nouveaux artistes… Back Stage est l’un des derniers films de Fatty Arbuckle avec Buster Keaton. Il comporte de très bons gags dont plusieurs variations autour des trompe-l’œil (très belle variante du gag de l’escalier notamment). Back Stage est surtout célèbre pour préfigurer la très dangereuse cascade de Buster Keaton dans Steamboat Bill Jr (Cadet d’eau douce, 1928) : une façade de maison lui tombe dessus mais, heureusement, il se trouve juste à l’emplacement d’une fenêtre. Ici, c’est Fatty qui reçoit une fausse façade, bien plus légère toutefois, alors qu’il joue la sérénade à sa belle.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Roscoe ‘Fatty’ Arbuckle, Buster Keaton, Al St. John, Molly Malone
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Fatty cabotinFatty cabotinFatty cabotinFatty cabotin

Remarques :
* Back Stage fut le premier film Paramount de Fatty Arbuckle à être distribué en version teintée. Pendant longtemps, seules des versions en noir et blanc étaient couramment visibles mais une version teintée a récemment été restaurée.
* La danse égyptienne (dansée par Alice Lake) est une parodie de Theda Bara dans Cléopâtre, film de 1917 hélas aujourd’hui perdu.
* Le danseur très souple et efféminé est John Coogan, le père de Jackie Coogan, le petit garçon du Kid de Chaplin.

11 novembre 2011

Bromo and Juliet (1926) de Leo McCarey

Bromo and JulietPour faire plaisir à sa fiancée, Charley doit interpréter Roméo lors d’un gala de bienfaisance. Il doit aussi veiller à ce que le père de la jeune fille, assez porté sur la boisson, se présente bien sur scène à l’heure…
Charley Chase est un grand comique du cinéma muet, aujourd’hui hélas oublié. Bromo and Juliet fait partie de ses excellents films : plein d’inventivité dans les gags, avec des situations les plus absurdes et les plus inattendues qui soient. L’acteur joue ici l’homme saoul pendant une bonne partie du film  et, bien que ce ne soit pas vraiment sa spécialité, il s’en sort fort bien. Oliver Hardy a ici un second rôle, sans grande scène comique (1). (muet, 24 minutes)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Charley Chase, Corliss Palmer, William Orlamond, Oliver Hardy
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(1) A noter que le duo Laurel et Hardy sera vraiment formé en cette même année 1926.

10 novembre 2011

Répulsion (1965) de Roman Polanski

Titre original : « Repulsion »

RépulsionUne jeune manucure d’origine belge vit avec sa sœur à Londres. Se retrouvant seule pour quelques jours, elle se renferme sur elle-même dans un monde de cauchemars et d’hallucinations… Répulsion est le premier fruit de la collaboration entre le réalisateur Roman Polanski et le scénariste Gérard Brach, rencontré à Paris. Pour se lancer et avoir les moyens de faire les films dont ils ont envie, ils acceptent de tourner un film d’horreur. Le résultat est bien entendu assez hors normes et le film fut un choc à sa sortie. Habilement, Polanski nous enferme peu à peu dans cet appartement exigu puis dans le monde intérieur de cette jeune femme introvertie. Le choix de Catherine Deneuve n’est pas anodin : très belle, véritable Belle au Bois Dormant, l’actrice permet d’offrir un contraste saisissant entre son apparence extérieure et son monde intérieur tourmenté. Polanski utilise habilement des effets pour exprimer ses tourments, craquelures, mains qui sortent du mur, effets amplifiés par une musique simple au piano. L’appartement est un acteur à part entière! Les frustrations sexuelles sont évoquées sans lourdeur, les fenêtres donnant sur un couvent nous mettent sur la piste d’une éducation religieuse inhibitrice. Sans être un grand film, Répulsion est certainement l’un des films d’horreur les plus intelligents et les plus habiles qui soient et aussi l’un des plus dérangeants.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Catherine Deneuve, Ian Hendry, John Fraser, Yvonne Furneaux, Patrick Wymark
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9 novembre 2011

La proie (1948) de Robert Siodmak

Titre original : « Cry of the City »

La proieGravement blessé lors d’un échange de coups de feu avec le policier qu’il a abattu, le gangster Martin Rome est étroitement surveillé par la police. Un avocat tente de lui faire endosser un meurtre commis lors d’un cambriolage… Tel est le point de départ de La proie (Cry of the City) adapté d’un roman policier d’Henry Edward Helseth. L’atmosphère est très réaliste ; certaines scènes ont été tournées en plein New York, dans le Bronx. Aux côtés de Richard Conte et Victor Mature, tous deux remarquables, les seconds rôles sont particulièrement travaillés, fort bien définis. Les plus frappants sont le vieux détenu balayeur et la masseuse à l’imposante stature mais tous les autres sont tout aussi réussis : la mama, l’avocat, le docteur, le policier acolyte… On remarquera aussi le fond du propos : le policier Candella et le gangster Rome sont deux italiens immigrés, ils viennent du même milieu. Ils ont choisi des voies opposées mais ils sont presque interchangeables : le policier aurait très bien pu être gangster et le gangster, policier. Ils se retrouvent d’ailleurs tous deux blessés, s’échappant chacun de son hôpital. Robert Siodmak a réalisé là un très beau film noir.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Victor Mature, Richard Conte, Fred Clark, Shelley Winters, Debra Paget, Hope Emerson, Walter Baldwin
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Homonymes :
La proie (The Hunted) de J.F.Lawton (1995) avec Christophe Lambert
La proie d’Eric Valette (2011) avec Albert Dupontel

8 novembre 2011

La merditude des choses (2009) de Felix Van Groeningen

Titre original : « De helaasheid der dingen »

La merditude des chosesDans les années quatre vingt, le jeune Gunther vit chez sa grand-mère avec son père et ses trois oncles, braillards, hirsutes, parfois violents et passant le plus clair de leur temps au café à boire des bières… La merditude des choses fait penser à une version flamande du film Affreux, sales et méchants dans le sens où il décrit un milieu certes plutôt glauque mais le regard porté est exempt de condamnation ou de misérabilisme. Il est même porteur d’une certaine tendresse car le récit est celui de l’enfant de 13 ans qui a grandi dans ce milieu. Le film est adapté d’un best-seller de Dimitri Verhulst, livre autobiographique paru en 2006 qui a eu beaucoup de succès. Malgré la répétition des scènes de beuveries, il y a un très bon équilibre d’ensemble entre drame et humour, entre fatalité et optimisme, avec même une certaine réflexion au travers de l’enfant devenu adulte. La merditude des choses est un film assez étonnant, assez à part de la production actuelle, plein d’énergie.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Kenneth Vanbaeden, Valentijn Dhaenens, Koen De Graeve, Wouter Hendrickx
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7 novembre 2011

L’argent des autres (1978) de Christian de Chalonge

L'argent des autresLe fondé de pouvoir d’une grande banque est licencié à la suite d’un scandale financier. Ce cadre assez naïf n’était en rien responsable mais on lui fait porter le chapeau… Christian de Chalonge et Pierre Dumayet ont écrit le scénario de L’argent des autres, adaptant un livre de Nancy Markham. L’histoire est plus ou moins inspirée du scandale de la Garantie Foncière (en 1971 sous Pompidou, scandale qui a eu de fortes répercutions politiques). C’est Jean-Louis Trintignant qui joue le candide égaré dans l’affairisme des dirigeants de sa banque. L’ensemble est hélas trop manichéen pour convaincre vraiment ou même seulement intriguer ; les personnages sont de vraies caricatures vivantes. L’univers qui se voudrait kafkaïen manque de force et, dès lors, certains effets faciles sautent aux yeux. Catherine Deneuve a un rôle étonnamment insignifiant. L’argent des autres déçoit donc. On remarquera une scène dans un cabinet de recrutement futuriste, du moins à l’époque car, dans ce domaine, la réalité a maintenant dépassé la fiction.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jean-Louis Trintignant, Michel Serrault, Catherine Deneuve, Claude Brasseur, Juliet Berto
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Remarques :
Le titre vient probablement de la célèbre citation d’Alexandre Dumas fils : « Les affaires, c’est bien simple: c’est l’argent des autres. »