7 octobre 2022

Gigi (1958) de Vincente Minnelli

GigiParis, 1900. La jeune Gigi (Leslie Caron) est élevée par sa grand-mère et sa grande tante qui la destinent à une vie de mondaine et de courtisane. Plutôt espiègle et pleine de vie, elle entretient des rapports de bonne camaraderie avec le jeune Gaston Lachaille (Louis Jourdan), un riche héritier qui aime rendre visite à la grand-mère de Gigi pour fuir les mondanités…
Gigi est un film musical américain réalisé par Vincente Minnelli, adaptation de la nouvelle homonyme écrite par Colette en 1944. La distribution est franco-américaine et le tournage a été en grande partie fait à Paris. Le thème sulfureux de la nouvelle de Colette (peinture du monde des « cocottes », il s’agissait presque de prostitution infantile à destination de la haute société) est ici escamoté au profit d’une certaine vision de la culture française libertine de jadis, une vision joyeuse et idéalisée. Le personnage de l’oncle de Gaston (Maurice Chevalier), personnage qui a été créé de toutes pièces, appuie en ce sens : les français, c’est bien connu, ne pensent qu’à l’amour ! Si le fond du propos n’emporte pas forcément l’adhésion, la forme enchante par les couleurs, les décors, les costumes et une nombreuse figuration. Le Gigi de Minnelli est très hollywoodien, certes, mais il forme un somptueux spectacle. Et voir Maurice Chevalier chanter « Thank Heaven for Little Girls » est un petit plaisir dont on ne se lasse pas. Gros succès aux Etats-Unis avec 9 Oscars à la clé.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Leslie Caron, Maurice Chevalier, Louis Jourdan, Hermione Gingold, Eva Gabor, Jacques Bergerac, Isabel Jeans
Voir la fiche du film et la filmographie de Vincente Minnelli sur le site IMDB.

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GigiLeslie Caron, Louis Jourdan et Hermione Gingold dans Gigi de Vincente Minnelli.

GigiLouis Jourdan et Maurice Chevalier dans Gigi de Vincente Minnelli.

Remarques :
* Alan Jay Lerner a écrit l’adaptation en se basant sur la pièce d’Anita Loos (1951), elle-même basée sur la nouvelle de Colette.
* Paroles des chansons de Alan Jay Lerner, sur une musique de Frederick Loewe, arrangée et dirigée par André Previn.
* Une scène chez Maxim’s a été tournée de nouveau en studio par Charles Walters (alors que Minnelli était déjà sur un nouveau projet).
* Le générique utilise des dessins de Sem (1963-1934), caricaturiste français de la Belle Époque. Ils ont été également une source d’inspiration pour les costumes.

GigiGénérique de Gigi de Vincente Minnelli.

Les adaptations les plus célèbres de la nouvelle de Colette :
1949 : Gigi, film français de Jacqueline Audry avec Danièle Delorme, Gaby Morlay et Jean Tissier.
1951 (théâtre) : Gigi adapté par Anita Loos, mise en scène de Raymond Rouleau, avec Audrey Hepburn.
1958 : Gigi, film américain de Vincente Minnelli

29 janvier 2018

Rue de l’Estrapade (1953) de Jacques Becker

Rue de l'EstrapadeFrançoise (Anne Vernon) est une jeune femme pleine de vie et très amoureuse de son mari Henri (Louis Jourdan), pilote automobile, mais lorsqu’elle découvre qu’il a une liaison avec une jeune femme-mannequin, elle fait aussitôt ses valises et part louer une chambre sous les toits… Le succès d’Edouard et Caroline a incité Jacques Becker à tourner, non pas une suite, mais une autre comédie dans le même esprit, avec la même équipe. Le scénario de Rue de l’Estrapade est donc signé de nouveau par la très jeune (et belge) Anne Wademant. Il est assez conventionnel en apparence mais résolument moderne dans les détails. Nous retrouvons aussi le couple d’acteurs formé par Anne Vernon et Daniel Gelin, à ceci près que ce dernier n’a pas le premier rôle masculin donné à Louis Jourdan. Dans cette histoire de couple en crise, les hommes ne sont pas montrés sous leur meilleur jour alors que le personnage féminin fait preuve d’une liberté et d’une modernité rares pour l’époque. Il insuffle aussi beaucoup de fraîcheur à l’ensemble. Anne Vernon a une belle présence à l’écran. Le film est d’une grande perfection formelle et la mise en scène de Jacques Becker est élégante. Ce n’est certes pas son meilleur film mais il n’en est pas moins d’un haut niveau.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Daniel Gélin, Louis Jourdan, Anne Vernon, Jean Servais, Micheline Dax
Voir la fiche du film et la filmographie de Jacques Becker sur le site IMDB.

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Rue de l'estrapade
Anne Vernon et Louis Jourdan dans Rue de l’Estrapade de Jacques Becker.

rue de l'Estrapade
Superbe regard caméra : nous sommes à la place du miroir dans lequel se regarde Anne Vernon qui essaie une robe chez un couturier. Lucienne Legrand et Anne Vernon dans Rue de l’Estrapade de Jacques Becker.

Rue de l'estrapade
Daniel Gélin et Anne Vernon dans Rue de l’Estrapade de Jacques Becker. Daniel Gélin n’apparaît qu’après 45 minutes.

Remarque :
* Rue de l’Estrapade est le premier film avec une chanson de George Brassens, Le Parapluie, chantée ici par Daniel Gélin. Brassens débutait alors, non sans difficulté, sa carrière. Éditée sur disque en même temps que la sortie du film en salle, cette chanson sera distinguée par l’Académie Charles-Cros l’année suivante en obtenant le Grand Prix du disque 1954.

Rue de l'Estrapade
Quand il s’agit de faire de superbes gros plans, Jacques Becker n’est pas manchot ! Daniel Gélin dans Rue de l’Estrapade de Jacques Becker.

Rue de l'Estrapade
Jean Servais dans Rue de l’Estrapade de Jacques Becker. Et paf! un autre regard-caméra : cette fois, nous sommes à la place d’Anne Vernon qui s’avance vers l’énigmatique (et, chose très rare pour le cinéma de cette époque, bisexuel) couturier.

Remarque :
* La rue de l’Estrapade existe bel et bien à Paris dans le 5e arrondissement. Le numéro 7 est bien face au lycée Henri IV. A noter que cette rue doit son nom à un supplice (assez horrible) nommé l’estrapade, qui était infligé à cet endroit au XVIIIe siècle. Est-ce sa proximité sonore avec « escapade » qui a poussé Jacques Becker à choisir ce nom ? (l’estrapade devenant ainsi une escapade ratée…)

20 mars 2015

Félicie Nanteuil (1942) de Marc Allégret

Félicie NanteuilParis, fin du XIXe siècle. Un acteur de seconde zone découvre une jeune chanteuse sur une scène de music-hall où il se produit. Il la prend sous son aile, lui fait travailler intensément le métier d’acteur et parvient à la faire entrer à l’Odéon. L’élève dépasse le maître… Félicie Nanteuil est l’adaptation du livre d’Anatole France Histoire comique qui, malgré son titre, n’a rien de drôle (1). On pourra tout au plus trouver le début assez léger mais la suite est un portrait psychologique assez puissant qui évolue de façon assez inattendue. En outre, l’histoire se trouve enrichie par une certaine mise en abyme du théâtre. La candide jeune fille naïve se transforme rapidement en femme égotiste, consciente de son pouvoir. La reconstitution de l’atmosphère « fin de siècle » par Marc Allégret est soignée, les éclairages sont très travaillés. Marc Allégret s’attache à mettre en valeur la jeune mais déjà très talentueuse Micheline Presle, l’une des plus grandes (et, comme ce film le montre, plus belles) actrices du cinéma français. Elle n’a beau avoir ici que 20 ans, Micheline Presle montre une maturité étonnante dans son jeu, très riche avec toujours cette justesse de ton qui la caractérise. Claude Dauphin est, lui aussi, admirable. Oeuvre assez méconnue, Félicie Nanteuil est un très beau film, plus profond qu’il ne paraît et admirablement interprété.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Claude Dauphin, Micheline Presle, Louis Jourdan, Jacques Louvigny
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(1) Le terme « comique » est à prendre ici dans le sens « relatif à la comédie, au théâtre, aux comédiens ».

Félicie Nanteuil de Marc Allégret
Micheline Presle et Claude Dauphin dans Félicie Nanteuil de Marc Allégret

Remarques :
* Achevé en 1942, Félicie Nanteuil dut attendre la fin de la guerre pour sortir sur les écrans. Claude Dauphin ayant rejoint les Forces Françaises Libres (FFI) après le tournage, le film fut interdit de sortie par les autorités allemandes. A sa sortie en 1945, le film n’eut pas le succès qu’il mérite, noyé dans la pléthore de films (notamment américains) qui étaient enfin visibles.
* L’adaptation a été écrite par Curt Alexander, scénariste allemand d’origine juive, réfugié en France puis déporté, mort en 1943 dans un camp de concentration. Curt Alexander avait notamment travaillé pour Max Ophüls dans les années trente.
* Les dialogues sont de Marcel Achard.
* Pierre Prévert a été assistant-réalisateur sur le tournage.

Félicie Nanteuil de Marc Allégret
Louis Jourdan et Micheline Presle dans Félicie Nanteuil de Marc Allégret.

4 juillet 2014

Léviathan (1962) de Léonard Keigel

LeviathanPaul Guéret aime Angèle, une jeune blanchisseuse. Il la suit, réussit à lui parler, lui donne rendez-vous mais elle se refuse à lui. Paul en est désespéré… Dès sa publication en 1929, le grand roman de Julien Green Léviathan a attiré plusieurs metteurs en scène et non des moindres : Marc Allégret, Georg Pabst, Robert Siodmak, Eisenstein, Cukor, Jacques Tourneur, Visconti. A chaque fois, le projet n’aboutit pas pour des raisons diverses et ce n’est qu’en 1962 que l’adaptation au grand écran verra enfin le jour sous la direction du débutant Léonard Kiegel. Il s’agit d’une histoire très sombre où les différents personnages ont de grandes frustrations et où l’amour, loin d’être un élément émancipateur, n’apporte qu’aigreur et rancoeur, voire pire encore. Pour son premier film, Léonard Kiegel parvient parfaitement à restituer l’atmosphère assez oppressante, presque morbide, du livre ; il est aidé par la présence de Julien Green qui a écrit les dialogues de cette adaptation. Louis Jourdan a laissé au vestiaire son profil de grand séducteur : son personnage est censé être quelconque, sans attrait ; il a su adapter son jeu et gagne ainsi en complexité. Face à lui, Marie Laforêt apporte une touche de sensualité et de spontanéité, elle semble entrer dans son personnage au fur et à mesure que le film avance. Mais le plus beau personnage, le plus complexe, le plus tourmenté sans doute, est celui de Madame Grosgeorges admirablement interprété par l’actrice internationale Lili Palmer (1) qui a probablement ici l’un de ses plus beaux rôles. Elle fait preuve d’une très grande présence à l’écran, absolument superbe dans toutes les scènes où elle apparaît. La très belle photographie est signée Nicolas Hayer(2). Léviathan est une belle adaptation littéraire, assez puissante, qui a certainement grandement bénéficié de la participation active de Julien Green. Il fait partie de ces films qu’une mauvaise distribution à l’époque a jetés dans l’ombre alors qu’ils méritent un bien meilleur statut.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Louis Jourdan, Lilli Palmer, Marie Laforêt, Madeleine Robinson, Georges Wilson
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Remarques :
* Le film est produit par Pierre Jourdan, frère de Louis Jourdan.
* La musique utilise des extraits de La Nuit transfigurée d’Arnold Schönberg.
* Auparavant très difficile à visionner, Léviathan vient de ressortir restauré dans une belle édition DVD (Voir sur Amazon…) Parmi les suppléments, il faut noter la présence de scènes commentées d’une autre adaptation d’un roman de Julien Green, Adrienne Mesurat, que Marcel L’Herbier a réalisée pour la télévision en 1953 avec Anouk Aimée et Alain Cuny dans les rôles principaux. Ces courtes scènes filmées (env. 15 à 20 minutes) sont les seules dont on ait la trace aujourd’hui car toutes les autres ont été interprétées en direct.

(1) Lili Palmer est une actrice d’origine allemande qui a tourné en Allemagne, en Angleterre, aux Etats Unis et en France.

(2) Nicolas Hayer est l’un des plus grands directeurs de la photographie français. Sa filmographie est impressionnante, il a travaillé pour Clouzot (Le Corbeau), Cocteau (Orphée), Duvivier, Melville, Daquin, Becker, etc.

18 juin 2013

Madame Bovary (1949) de Vincente Minnelli

Madame BovaryAccusé d’avoir publié un roman immoral, Gustave Flaubert prend la défense de son personnage devant le tribunal et raconte l’histoire d’Emma Bovary… Pour cette adaptation littéraire, Vincente Minnelli refaçonne le personnage de Madame Bovary en accentuant son côté sentimental. Il doit aussi composer avec la censure qui est très méfiante envers cette histoire d’adultère. Pour cette raison, il doit renoncer à Lana Turner dont les précédents rôles ont été trop connotés sexuellement et opte pour la sage Jennifer Jones, actrice romantique par excellence qui saura attirer la sympathie de tous. Entre les mains de Minnelli, le roman de Gustave Flaubert devient ainsi le récit élégant d’une jeune femme victime de ses rêves d’adolescente. La scène du bal est à ce titre représentative : elle forme un éblouissant sommet à la fois pour le film et dans la vie de son héroïne. Il y a une très belle scène, très symbolique, où Emma se voit dans un miroir, entourée de prétendants. Minnelli joue d’ailleurs avec les miroirs tout au long de son récit, l’image qu’Emma se renvoie à elle-même.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jennifer Jones, James Mason, Van Heflin, Louis Jourdan, Alf Kjellin, Gene Lockhart
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Les adaptations du roman de Gustave Flaubert :
Madame Bovary par Jean Renoir (1933) avec Valentine Tessier
Madame Bovary par Gerhard Lamprecht (1937) avec Pola Negri
Madame Bovary par Vincente Minnelli (1949) avec Jennifer Jones
Madame Bovary par Claude Chabrol (1991) avec Isabelle Huppert

26 avril 2012

La vie de bohème (1945) de Marcel L’Herbier

La vie de bohèmeDans le Quartier Latin des années 1840, quatre jeunes artistes sans le sou vivent difficilement mais gaiment. Ils se nomment « les mousquetaires de la bohème ». Rodolphe, le poète, fait la rencontre de Mimi… La vie de bohème est adapté du roman autobiographique d’Henry Murger (Rodolphe dans le film), roman mis en opéra par Puccini en 1896 (« La Bohème »). Marcel L’Herbier a tourné cette grande production en 1942 sous l’Occupation mais la lenteur du montage ne permettra de ne le sortir qu’en 1945. Malgré toutes les restrictions, le film bénéficie de décors soignés et d’une certaine ampleur. Le film commence de façon tourbillonnante (tonitruante même), sur le registre de la fantaisie et devient de plus en plus grave ensuite. Le déroulement de la narration est loin d’être parfait même si le découpage en quatre saisons est assez séduisant. Louis Jourdan est parfait, Maria Denis sans doute un peu trop âgée pour le rôle. Marcel L’Herbier adopte une réalisation très classique, sans doute un peu trop, et ce grand mélodrame parait hélas un peu désuet aujourd’hui.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: María Denis, Louis Jourdan, Giselle Pascal, Suzy Delair, Alfred Adam, Louis Salou
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Autres adaptations :
La vie de bohème d’Albert Capellani (1916)
La bohème de King Vidor (1926) avec Lilian Gish et John Gilbert
Mimi de Paul L. Stein (1935) avec Douglas Fairbanks Jr
La Bohème de Luigi Comencini (1988) avec Barbara Hendricks (opéra)
La vie de bohème d’Aki Kaurismäki (1992)