13 mars 2018

Quarante tueurs (1957) de Samuel Fuller

Titre original : « Forty Guns »

Quarante tueursGriff Bonnel, accompagné de ses frères Wes et Chico, arrive à Tombstone où la puissante propriétaire terrienne Jessica Drummond fait la loi à la tête d’une petite troupe de quarante hommes. Elle a aussi un jeune frère qui estropie par jeu un adjoint du shérif. Griff le maitrise et le met sous les verrous…
A sa sortie, Forty Guns était un western unique en son genre et soixante ans plus tard il l’est tout autant. Tourné rapidement avec un budget très faible, c’est un film d’auteur qui privilégie le style sur le déroulement du récit. L’histoire est surtout celle d’un amour impossible : il ne faut pas attendre un film d’action. Samuel Fuller réussit de nombreux plans mémorables, à commencer par une scène d’introduction pleine de furie qui nous laisse abasourdi. Il traite les scènes classiques du western (duels, chevauchées, etc.) de façon franchement inédite : le duel final est ainsi dans toutes les mémoires (de ceux qui l’ont vu…) Le plus remarquable est dans la simplicité de ses solutions qui nécessitent toutefois une grande maitrise technique. Inévitablement, certains spectateurs seront certainement déroutés par Forty Guns mais son style et son atmosphère le rendent assez enthousiasmant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Barbara Stanwyck, Barry Sullivan, Dean Jagger, John Ericson, Gene Barry
Voir la fiche du film et la filmographie de Samuel Fuller sur le site IMDB.

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Forty Guns
Barry Sullivan et Barbara Stanwyck dans Quarante tueurs de Samuel Fuller.

Remarques :
* Dans son encyclopédie sur le western, l’américain Phil Hardy qualifie Forty Guns d’ « exemple typique des différences entre les Etats-Unis et l’Europe dans le regard porté sur les productions hollywoodiennes : les américains considèrent le film comme étant franchement raté alors que les européens l’admirent pour son style et sa vigueur. »
(Ceci dit, il n’a pas fait l’unanimité en Europe : sur ce film, on retrouve globalement le clivage pro-/con- Nouvelle Vague).

* Barbara Stanwyck, 49 ans au moment du tournage, a toujours été une intrépide cavalière. Lorsque sa doublure a jugé trop dangereux de se laisser trainer au sol par un cheval au galop, l’actrice n’a pas hésité à le faire elle-même. Elle en est sortie indemne, avec tout de même ecchymoses et éraflures.

Forty GunsBarbara Stanwyck et John Ericson dans Quarante tueurs de Samuel Fuller.
Le duel final est unique en son genre. Samuel Fuller a expliqué dans une interview qu’initialement il avait prévu que Barbara Stanwyck soit tuée par Griff. Les studios ayant refusé cette fin, il a alors trouvé un moyen très original de ne pas retourner la scène.

Forty GunsEve Brent dans Quarante tueurs de Samuel Fuller.
Célèbre plan où le frère de Griff regarde la jeune et jolie armurière à travers le canon d’un fusil (démonté). Jean-Luc Godard fera un clin d’oeil à cette scène dans A bout de souffle lorsque Belmondo regarde Jean Seberg à travers un magazine roulé.
Parmi les autres scènes mémorables, il faut citer le long travelling sur Barry Sullivan marchant à travers la ville.

Quarante tueursBarry Sullivan et Barbara Stanwyck dans Quarante tueurs de Samuel Fuller.

11 mars 2018

Les ripoux (1984) de Claude Zidi

Les ripouxDans le 18e arrondissement de Paris, l’inspecteur de police Boisrond est un adepte des petites combines. Il se fait payer pour fermer les yeux sur un certain nombre de choses ce qui lui permet de s’adonner à sa passion : les courses. Le train-train de ce flic ripou va être chamboulé par l’arrivée de l’inspecteur Lesbuche, un jeune et ambitieux provincial, avec qui il va devoir faire équipe…
Le film a vraiment surpris à sa sortie par son ton et son amoralité. Claude Zidi parvient à bien installer l’humour sur un sujet qui ne s’y prête guère. Pour ce faire, il est bien aidé par un duo d’acteurs qui fonctionne à merveille. Le film reste toujours aussi distrayant aujourd’hui. Gros succès populaire.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Philippe Noiret, Thierry Lhermitte, Régine, Grâce de Capitani, Julien Guiomar
Voir la fiche du film et la filmographie de Claude Zidi sur le site IMDB.

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Les Ripoux
Philippe Noiret et Thierry Lhermitte dans Les ripoux de Claude Zidi.

Suites (de moindre intérêt) :
Ripoux contre ripoux (1989) de Claude Zidi
Ripoux 3 (2003) de Claude Zidi

9 mars 2018

Mesdames et messieurs bonsoir (1976) de Luigi Comencini, Nanni Loy, Luigi Magni, Mario Monicelli et Ettore Scola

Titre original : « Signore e signori, buonanotte »

Mesdames et messieurs bonsoirDans le spartiate studio du journal télévisé 3TG, le journaliste Paolo Fiume (Marcello Mastroianni) lit les nouvelles du jour que son assistante lui apporte et introduit les différents reportages…
Signore e signori, buonanotte est une œuvre collective produite par la Cooperativa 15 Maggio qui rassemble un bon nombre d’acteurs et d’auteurs de la comédie italienne (1). Le plateau de cette satire de la télévision est donc prestigieux. Le propos est de dénoncer la corruption dans la politique et de pointer plusieurs travers de la société italienne : le travail des enfants, la mainmise de la Mafia, l’hypocrisie d’une politique nataliste, les luttes de pouvoirs au Vatican, etc. Un programme chargé ! L’humour ne donne pas dans la finesse, l’angle choisi est celui de l’exagération. Le manque d’homogénéité est un peu perturbant. Comme trop souvent dans les films à sketches, la réussite est inégale. Les séquences ne sont pas attribuées, donc on ne sait qui a écrit ou réalisé quoi. Le meilleur sketch est à mes yeux celui sur l’élection du pape qui est une petite merveille d’écriture. On peut saluer le caractère provocateur du film mais le bilan d’ensemble reste toutefois plutôt décevant.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Senta Berger, Adolfo Celi, Vittorio Gassman, Nino Manfredi, Marcello Mastroianni, Ugo Tognazzi, Andréa Ferréol
Voir la fiche du film sur le site IMDB.

(1) Cooperativa 15 Maggio (Coopérative du 15 mai) = Age & Scarpelli, Ugo Pirro, Ettore Scola, Luigi Magni, Leonardo Benvenuti, Luigi Comencini, Ruggero Maccari, Mario Monicelli, Nanni Loy, Piero De Bernardi, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni, Nino Manfredi, Aldolfo Celi et Santa Berger.

Mesdames et messieurs, bonsoir
Marcello Mastroianni dans Mesdames et messieurs bonsoir de Luigi Comencini, Nanni Loy, Luigi Magni, Mario Monicelli et Ettore Scola dans un débat avec quatres édiles napolitains (de toute évidence, quatre mafiosi qui se sont bien engraissés sur la bête).

Remarques :
* Les télévisions privées n’étant pas encore apparues à cette époque, c’est donc une critique de la télévision publique. Les journaux télévisés des deux chaines publiques s’appelaient alors TG1 et TG2. La troisième chaîne de télévision publique italienne Rai 3 n’a été créée qu’en 1979 et son journal télévisé a alors naturellement pris pour nom TG3 (TG = Telegiornale).

* Les reportages (sketches) :
– L’enlèvement d’un grand patron qui fait appel à ses travailleurs pour payer l’énorme rançon demandée.
– Interview d’un ministre corrompu qui assume son attitude en évoquant la loi du plus fort.
– Une publicité d’un père heureux sur son vélo avec son fils qui passe la frontière pour aller mettre ses économies en Suisse (il s’agit de la parodie d’une célèbre publicité télévisée italienne d’une compagnie d’assurance bien connue)
– Une classe d’anglais farfelue tenue en fait par deux agents secrets qui en profitent pour assassiner une personnalité.
– Une fiction « La bombe » qui voit un poste de police évacué pour un tic-tac non identifié.
– Un jeune garçon napolitain qui doit s’occuper de ses huit frères et sœurs miséreux, juste après que sa mère a été récompensée par un évêque du grand prix de la fertilité.
– L’entretien avec un sociologue qui dit le plus sérieusement du monde vouloir résoudre le problème de la surpopulation en mangeant les enfants pauvres.
– Débat avec quatre politiciens napolitains de la Mafia qui tiennent la ville.
– La tragédie d’un général qui se suicide après que ses médailles sont tombées dans les toilettes.
– Un reportage sur le travail des enfants.
– Une fiction où l’on voit un inspecteur de police qui part arrêter un « gros bonnet » et finit par devenir son valet de chambre. (Absent de la version raccourcie)
– La rubrique « Le personnage du jour », dédiée à un retraité pauvre qui démontre sa capacité à bien vivre avec la somme 32.000 lires par mois (16 euros).
– Un épisode du jeu le « Disgraciomètre » où le gagnant est celui qui a subi un malheur le plus absurde qui soit. (Absent de la version raccourcie)
– Une série télévisée historique, « Le Saint-Siège », sur les luttes d’influence lors de l’élection d’un nouveau pape (inspiré de de la lutte entre Sixte V et Pie V à la fin du XVIe siècle)(Ce sketch aurait été réalisé par Luigi Magni).
– La rentrée de la Cour d’Appel avec un président et des magistrats vraiment décrépits qui finissent par danser la tarentelle.

* Durée :
Film complet = 118 minutes,
Version raccourcie (moins 2 sketches) = 105 minutes

* Ne pas confondre avec :
Ces messieurs dames (Signore & signori, 1966) de Pietro Germi, autre film à sketches (plus réussi).

7 mars 2018

L’empereur du Nord (1973) de Robert Aldrich

Titre original : « Emperor of the North Pole »

L'empereur du Nord1933. La Grande Dépression a transformé des milliers d’américains en vagabonds qui errent à la recherche d’un travail, voyageant illégalement en train pour traverser le pays. L’un d’eux, surnommé Numéro 1, met au défi Shack, un chef de train brutal et sadique, en annonçant qu’il voyagera sur son train jusqu’à Portland. Un jeune hâbleur du nom de Cigarette sera aussi du voyage…
L’empereur du Nord est librement inspiré d’un roman de Leon Ray Livingston, From Coast to coast with Jack London (1917), qu’il écrit sous le pseudonyme de « A-No.-1 » (1). Robert Aldrich évacue tout aspect humaniste ou social : le drame de cette période de crise est ici réduit à la confrontation aussi violente qu’inutile de deux individus. Il en fait un jeu du chat et de la souris, impression renforcée par la musique qui évoque les films muets burlesques dans certaines scènes, mais la violence est omniprésente (le meurtre de la scène d’ouverture est rapide mais vraiment horrible). Comme dans nombre de ses précédents films, Aldrich dépasse la notion de bien et de mal ; les victimes peuvent ici se transformer rapidement en bourreaux. Le principal attrait (à mes yeux, du moins) du film réside dans la performance des acteurs avec ce face à face de deux « trognes » de cinéma et dans la belle photographie. Le film est en général très apprécié. La fascination de l’homme pour la violence est toujours aussi surprenante…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Lee Marvin, Ernest Borgnine, Keith Carradine, Charles Tyner
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(1) Le scénario s’inspire certainement également de The Road (1907) où Jack London raconte sa vie de vagabond. Jack London a effectivement rencontré un « No. 1 » mais ne l’a pas mentionné dans son livre. Jack London aurait lu une préversion du livre de Leon Ray Livingston et l’aurait qualifié de « pure fiction à 98% ». Bien que Jack London ait porté ce surnom de Cigarette quand il était vagabond, le personnage de Cigarette dans le film d’Aldrich n’a rien à voir avec lui.

Remarques :
* Le titre original, Emperor of the North Pole, se base sur une blague du milieu des vagabonds, qui disait que le meilleur vagabond du monde serait « Empereur du pôle Nord », manière de dire qu’il régnerait sur un désert.
* Le titre original fut ensuite raccourci à Emperor of the North pour ne pas prêter à confusion, l’univers arctique étant considéré comme un  box office poison  (repoussoir de succès).

L'Empereur du NordErnest Borgnine dans L’empereur du Nord de Robert Aldrich.

L'Empereur du Nord
L'Empereur du NordLee Marvin et Keith Carradine dans L’empereur du Nord de Robert Aldrich.
L'Empereur du NordErnest Borgnine n’a pas son pareil pour nous faire de telles trognes… Ernest Borgnine dans L’empereur du Nord de Robert Aldrich.

5 mars 2018

Carol (2015) de Todd Haynes

CarolÀ New York en 1952, la jeune et timide Thérèse, passionnée de photo et vendeuse dans un grand magasin, fait la connaissance d’une riche et séduisante cliente, Carol, mère d’une petite fille et en instance de divorce. Une amitié se noue entre les deux femmes et elles passent de plus en plus de temps ensemble…
Carol est adapté du roman semi-autobiographique The Price of Salt que Patricia Highsmith publia en 1952 sous le pseudonyme Claire Morgan. L’auteure a pris un pseudonyme à la fois pour se protéger et parce qu’il s’agit d’un mélodrame et non d’un roman policier (1). Soixante ans plus tard, l’adaptation a été écrite par son amie Phyllis Nagy. Todd Haynes met en scène cette histoire de façon délicate, élégante, évitant les clichés et sans victimisation excessive. Au delà de la mise en évidence des pesanteurs de la société vis-à-vis de l’homosexualité féminine, il parvient à donner à cette histoire simple une dimension atemporelle et une indéniable beauté. Pour mieux restituer l’atmosphère du début des années cinquante, le film a été tourné en 16 mm. La recherche esthétique est sans doute parfois un peu voyante mais elle est réussie ; les couleurs, notamment, sont très belles. Le film est d’un très beau classicisme.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Cate Blanchett, Rooney Mara, Kyle Chandler, Sarah Paulson
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Carol
Cate Blanchett dans Carol de Todd Haynes.

Carol
Rooney Mara dans Carol de Todd Haynes. L’appareil-photo est un Argus C3 (marque américaine peu connue en Europe), un appareil assez bon marché à mise au point télémétrique (séparée de l’objectif, ajusté avec les grosses molettes) commercialisé entre 1939 et 1966.

Carol
Cate Blanchett et Rooney Mara dans Carol de Todd Haynes.

(1) Le roman connu un grand succès, notamment lors de son édition en livre de poche à la fin des années soixante : près d’un million d’exemplaires furent au final vendus. Patricia Highsmith a nié en être l’auteur pendant 38 ans avant de donner la permission pour une réédition sous son nom avec le titre Carol en 1990.

3 mars 2018

Sourires d’une nuit d’été (1955) de Ingmar Bergman

Titre original : « Sommarnattens leende »

Sourires d'une nuit d'étéAux alentours de 1900, l’avocat Frederik Egerman a épousé en secondes noces la jeune Anne, qui a l’âge de son fils Henrik, étudiant en théologie. Il apprend que son ancienne maîtresse, la célèbre comédienne Désirée Armfeldt, vient se produire dans sa ville et ne peut résister à l’envie de la revoir…
Sourires d’une nuit d’été est assez inattendu de la part d’Ingmar Bergman car c’est une comédie légère, un marivaudage baigné de belles répliques et de traits d’humour. On peut le voir comme un prolongement du style des comédies américaines screwball, genre que le cinéaste suédois admirait mais dans lequel il n’a jamais pleinement réussi. C’est en tous cas pour lui un moyen d’espérer obtenir un succès commercial qui lui donnerait plus de libertés. Le film est parfois rapproché de la Règle du Jeu de Renoir ; personnellement je le verrais plutôt dans le style de L’importance d’être constant d’Oscar Wilde. Si Bergman montre un talent certain pour écrire des répliques relevées d’un humour  parfois cinglant, celles-ci ne tombent pas toujours très bien. Il montre aussi de la maladresse pour ajouter une dimension tragi-comique : le personnage du fils évolue fort mal et devient pesant. L’ensemble est toutefois très amusant et, fort heureusement, ce fut un succès. Sourires d’une nuit d’été fut remarqué à Cannes où il reçut le Prix de l’humour poétique.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Eva Dahlbeck, Gunnar Björnstrand, Ulla Jacobsson, Harriet Andersson, Margit Carlqvist, Jarl Kulle
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Remarques :
* « Sommarnattens leende » (en réalité Les sourires de la nuit d’été et non Sourires d’une nuit d’été) désigne les sourires de la nuit de la Saint-Jean en Scandinavie, où le soleil ne se couche guère (et cela explique qu’à 1 heure du matin, il fasse encore jour).
* Le Svensk Filmindustri avait annoncé à Bergman qu’il ne financerait plus ses films si celui-ci ne rentrait pas dans ses frais.
* La légende veut que Bergman ne fût pas au courant de la présentation de son film à Cannes et qu’il apprit la nouvelle de sa récompense en lisant son journal dans les toilettes.
* Woody Allen fait des références répétées au film dans Comédie érotique d’une nuit d’été (1982).

Sourires d'une nuit d'été
Eva Dahlbeck et Jarl Kulle dans Sourires d’une nuit d’été de Ingmar Bergman.

Sourires d'une nuit d'été
Margit Carlqvist, Gunnar Björnstrand, Ulla Jacobsson et Björn Bjelfvenstam dans Sourires d’une nuit d’été de Ingmar Bergman.

1 mars 2018

Monika (1953) de Ingmar Bergman

Titre original : « Sommaren med Monika »
Autres titres français : « Un été avec Monika », « Monika et le désir »

MonikaPeu après s’être rencontrés, Harry, garçon livreur, et Monika, ouvrière dans un magasin d’alimentation, décident de quitter la ville de Stockholm. Ils se rendent sur l’île d’Ornö où ils mènent une vie libre et idyllique…
Ingmar Bergman a tourné Monika avec très peu de moyens alors qu’il traversait une période délicate (qui l’avait contraint à tourner des films publicitaires). L’histoire, adaptée d’un roman de Per Anders Fogelström, est très simple mais ce qui rend le film si remarquable est la façon dont Bergman l’aborde en privilégiant les personnages sur le récit. Sa caméra nous place au milieu d’eux, elle semble vouloir nous placer en troisième personnage comme en témoigne le long et célèbre regard-caméra. Avec le recul, il est étonnant de voir à quel point le film est précurseur de la Nouvelle Vague. Il est si en avance que les « jeunes turcs » des Cahiers du cinéma ne le remarqueront pas tout de suite : Rohmer et Godard ne le verront sous cet angle qu’en 1958, lors d’une rediffusion à la Cinémathèque. Il faut dire qu’à sa sortie ses aspects érotiques avaient pris le dessus et occulté tout le reste (érotisme qui ne saute plus vraiment aux yeux aujourd’hui mais bien réel en 1953). C’est Godard qui pointera sa valeur subversive sur le plan moral, avec une remise en cause du schéma traditionnel de la famille, et le déclarera comme étant une source d’inspiration pour le « jeune cinéma moderne ». Monika a ainsi acquis le statut de mythe…
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Harriet Andersson, Lars Ekborg
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Monika
Harriet Andersson et Lars Ekborg dans Monika de Ingmar Bergman.

Monika
Le célèbre regard-caméra d’Harriet Andersson dans Monika de Ingmar Bergman.
En 1958, Godard dit de ce plan : « Il faut avoir vu Monika rien que pour ces extraordinaires minutes où Harriet Andersson, avant de recoucher avec un type qu’elle avait plaqué, regarde fixement la caméra, ses yeux rieurs embués de désarroi, prenant le spectateur à témoin du mépris qu’elle a d’elle-même d’opter volontairement pour l’enfer contre le ciel. C’est le plan le plus triste de l’histoire du cinéma. »
On peut aussi y voir autre chose, un regard de défi, Bergman nous mettant à la place d’Harry. C’est un regard soutenu pendant de nombreuses secondes, assez inexpressif, comme vidé de tout sentiment. Monika sait ce qu’elle va faire mais ses désillusions la rendent indifférente.
Ces deux façons de voir l’héroïne ont partagé (et partagent toujours) les cinéphiles : Monika est-elle une victime qui se libère d’un cadre trop étroit ou fait-elle preuve d’un égoïsme aussi extrême que blâmable ?

Monika
Lars Ekborg et Harriet Andersson dans Monika de Ingmar Bergman.

28 février 2018

Sommaire de février 2018

L'attente des femmesLa Maison du MaltaisTootsieThat's Life!Ex-LadyBons baisers de RussieL'homme que j'ai tuéMonseigneur

L’attente des femmes

(1952) de Ingmar Bergman

La Maison du Maltais

(1938) de Pierre Chenal

Tootsie

(1982) de Sydney Pollack

That’s Life!

(1986) de Blake Edwards

Ex-Lady

(1933) de Robert Florey

Bons baisers de Russie

(1963) de Terence Young

L’homme que j’ai tué

(1932) de Ernst Lubitsch

Monseigneur

(1949) de Roger Richebé

James Bond 007 contre Dr. NoThe Big Short: Le casse du siècleLa Fille de la Cinquième AvenueCet homme est dangereuxLe CoupableL'amour est un crime parfaitLaissez faire les femmes!

James Bond 007 contre Dr. No

(1962) de Terence Young

The Big Short: Le casse du siècle

(2015) de Adam McKay

La Fille de la Cinquième Avenue

(1939) de Gregory La Cava

Cet homme est dangereux

(1953) de Jean Sacha

Le Coupable

(1937) de Raymond Bernard

L’amour est un crime parfait

(2013) de Arnaud et Jean-Marie Larrieu

Laissez faire les femmes!

(1936) de Paul Martin

Nombre de billets : 15

27 février 2018

L’attente des femmes (1952) de Ingmar Bergman

Titre original : « Kvinnors väntan »

L'attente des femmesDans leur villa de vacances, quatre femmes attendent leurs maris, les frères Lobelius, qui doivent les rejoindre. L’une d’elles est très déprimée par le vide de son couple et, pour la réconforter, les trois autres lui racontent un épisode peu avouable de leur vie qui a changé l’orientation de leur couple…
Ingmar Bergman a tourné L’attente des femmes juste avant Monika. Il en a écrit le scénario avec sa (troisième) femme Gun Grut. Il se présente comme un film à sketches avec trois histoires indépendantes, une formule qui a séduit le cinéaste qui a pu adopter à chaque fois un style très différent. La première, un triangle amoureux très classique, est peut-être celle où il adopte un style le plus personnel. Il y montre de la sensibilité dans son approche des personnages. La deuxième histoire, particulièrement ennuyeuse, est d’un style inspiré de l’expressionnisme allemand et la troisième est une comédie assez amusante de type screwball, une typique « comédie du remariage ». Ingmar Bergman cherche son style et n’a pas encore cette faculté de nous emmener profondément dans ses personnages. De ce fait, l’ensemble n’échappe pas à une certaine banalité apparente.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Anita Björk, Eva Dahlbeck, Maj-Britt Nilsson, Birger Malmsten, Gunnar Björnstrand, Jarl Kulle
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L'attente des femmes
Anita Björk, Gerd Andersson (à l’arrière-plan), Eva Dahlbeck et Aino Taube dans L’attente des femmes de Ingmar Bergman.

24 février 2018

La Maison du Maltais (1938) de Pierre Chenal

La Maison du MaltaisA Sfax en Tunisie, Safia est une prostituée au grand cœur qui mène une vie difficile. Matteo, dit « le Maltais », un vagabond un peu poète, s’éprend d’elle. Safia consent à aller vivre dans sa maison paternelle…
La Maison du Maltais de Pierre Chenal est la seconde adaptation du roman homonyme de Jean Vignaud. Ce mélodrame colonial qui se déroule pour moitié en Tunisie et pour moitié à Paris permet à Pierre Chenal de créer une atmosphère trouble comme il les aime. Comme toujours, il s’entoure de comédiens de premier ordre et d’une excellente équipe technique. La photographie de Curt Courant est remarquable, notamment dans le souk, même si la qualité de la copie ne nous permet pas toujours d’en profiter pleinement. La partie tunisienne évoque tout naturellement Pépé le Moko sorti l’année précédente. Tout comme ce dernier, La Maison du Maltais mérite sa place parmi les classiques du cinéma français.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Viviane Romance, Marcel Dalio, Pierre Renoir, Louis Jouvet, Jany Holt
Voir la fiche du film et la filmographie de Pierre Chenal sur le site IMDB.
Voir les autres films de Pierre Chenal chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Pierre Chenal

Voir aussi la chronique du film sur le blog Mon cinéma à moi qui rapporte des informations intéressantes sur la genèse du film, tirées du livre de souvenirs de Pierre Chenal et de l’autobiographie de Marcel Dalio.

Précédente adaptation :
La Maison du Maltais (1928) de Henri Fescourt avec Tina Meller et Sylvio de Pedrelli (film perdu).

La Maison du Maltais
Marcel Dalio dans La Maison du Maltais de Pierre Chenal. Cette scène de la première rencontre entre Safia et Matteo est un petit bijou…

la Maison du Maltais
Viviane Romance, Pierre Renoir et Louis Jouvet dans La Maison du Maltais de Pierre Chenal.