22 octobre 2019

Michel Strogoff (1956) de Carmine Gallone

Michel StrogoffAlors que son autorité en Sibérie est menacée par le soulèvement des Tartares, le tsar charge Michel Strogoff d’aller porter une lettre à Irkoutsk à son frère le grand-duc. Il doit traverser toute une région sous le contrôle du rebelle Féofor Khan en se faisant passer pour un négociant en tissus accompagné de sa femme…
Grand film commercial des années cinquante, cette nouvelle adaptation du roman de Jules Verne est une production franco-italienne tourné en Yougoslavie. Reprenant les temps forts du roman, le scénario est conçu pour offrir un grand film d’aventures à un public large, y compris aux très jeunes. La mise en scène n’est pas particulièrement remarquable, l’ensemble est trop statique et c’est particulièrement net dans les quelques (courtes) scènes de batailles filmées en plans fixes, sans découpage, où les nombreux figurants ne miment qu’à peine le combat. En revanche, nous avons de belles chevauchées à admirer. Bien qu’un peu âgé pour le rôle, Curd Jürgens est plutôt crédible en Michel Strogoff. Cette adaptation par Carmine Gallone manque cruellement de souffle mais cela ne l’a pas empêché de connaitre un grand succès commercial en Europe.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Curd Jürgens, Geneviève Page, Jacques Dacqmine, Sylva Koscina, Gérard Buhr, Françoise Fabian
Voir la fiche du film et la filmographie de Carmine Gallone sur le site IMDB.

Voir les autres films de Carmine Gallone chroniqués sur ce blog…

Michel StrogoffValéry Inkijinoff et Curd Jürgens dans Michel Strogoff de Carmine Gallone.

Principales adaptations :
(les deux premières sont généralement considérées comme étant les meilleures)
Michel Strogoff de Victor Tourjansky (France, 1926) avec Ivan Mosjoukine (muet)
Michel Strogoff de Jacques de Baroncelli (France, 1935) avec Anton Walbrook (+ 1 version anglaise et 1 version allemande)
Michel Strogoff de Carmine Gallone (1956) avec Curd Jürgens
Le Triomphe de Michel Strogoff de Victor Tourjansky (France, 1961) avec Curd Jürgens
Michel Strogoff  de Eriprando Visconti (1970) avec John Philip Law

14 octobre 2019

Le Désert de la peur (1958) de J. Lee Thompson

Titre original : « Ice Cold in Alex »

Le Désert de la peur (Ice Cold in Alex)1941. Durant la Guerre du Désert en Afrique du Nord, le capitaine Anson est chargé de transporter deux infirmières jusqu’à Alexandrie. Accompagné du sergent Hugh, ils partent en ambulance pour traverser le désert. Au premier arrêt, un officier sud-africain isolé, le capitaine Van der Poel, leur demande de pouvoir les accompagner…
Basé sur le roman du même nom de l’anglais Christopher Landon, Ice Cold in Alex est un film britannique peu courant. Le film peut être décrit comme un huis clos en plein air, doté d’un suspense assez puissant. Les personnages sont décrits avec profondeur et les situations extrêmes font ressortir les traits de caractère et les qualités humaines. Le propos prône la réconciliation entre les peuples puisqu’il montre la nécessité de s’allier pour surmonter l’insurmontable. Tourné majoritairement dans le désert libyen, le film n’a pas bénéficié d’un gros budget mais se révèle terriblement efficace. Le film a connu un franc succès au Royaume-Uni à sa sortie mais est devenu plus rare par la suite.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: John Mills, Sylvia Syms, Anthony Quayle, Harry Andrews
Voir la fiche du film et la filmographie de J. Lee Thompson sur le site IMDB.

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Remarques :
* Aux Etats-Unis, le film a été distribué dans une version raccourcie de 76 minutes (au lieu de 130!) sous le titre Desert Attack : le film était devenu presque incompréhensible et a donc eu de forts mauvaises critiques..
* La scène finale a été utilisée pour des publicités de bière à la télévision britannique dans les années 80, successivement par deux marques concurrentes avec la fameuse phrase « Worth waiting for… » (Voir sur Youtube) A noter que dans cette scène, de la vraie bière fut utilisée pour faire plus vrai, John Mills est sorti quelque peu éméché des multiples prises. Des quatre acteurs, il était le seul à être capable de boire un verre d’un trait.

Le Désert de la peur (Ice Cold in Alex)John Mills, Anthony Quayle, Harry Andrews et Sylvia Syms dans Le Désert de la peur (Ice Cold in Alex) de J. Lee Thompson.

Le Désert de la peur (Ice Cold in Alex)Le Désert de la peur (Ice Cold in Alex) de J. Lee Thompson.

* Ne pas confondre avec :
Le Désert de la peur alias Une corde pour te pendre (Along the Great Divide) de Raoul Walsh (1951) avec Kirk Douglas et Virginia Mayo.

28 septembre 2019

La Lune était bleue (1953) de Otto Preminger

Titre original : « The Moon Is Blue »

La Lune était bleueUne jeune femme rencontre au sommet de l’Empire State Building un architecte qui l’invite à dîner. L’homme, qui sort d’une liaison compliquée, est séduit par sa spontanéité et son ingénuité…
La Lune était bleue (The Moon Is Blue) est au départ une pièce de F. Hugh Herbert qu’Otto Preminger avait lui-même montée à Broadway avec grand succès. Il s’agit d’une comédie légère dont l’humour joue beaucoup sur le caractère de la jeune femme : sa fraicheur et sa franchise la portent à parler de tout très directement. Comme un enfant, sa curiosité la pousse à poser des questions inattendues. Elle n’est toutefois ni stupide ni inexpérimentée ; elle prend d’ailleurs le dessus et emmène tout le monde là elle veut aller. Elle est aussi particulièrement volubile, les dialogues sont abondants et brillants ce qui donne à l’ensemble un parfum de marivaudage moderne. Maggie McNamara connait bien le rôle puisqu’elle l’a déjà tenu sur les planches à Chicago. Face à elle, William Holden paraît étonnamment vulnérable et David Niven est parfait dans un rôle qui semble taillé pour lui. Cette comédie gentille est le premier film sorti par un grand studio sans l’agrément de la censure. Le film fut un succès.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: William Holden, David Niven, Maggie McNamara
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Voir les livres sur Otto Preminger

 

La Lune était bleueWilliam Holden, Maggie McNamara et David Niven dans La Lune était bleue de Otto Preminger.

Remarques :
* Aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd’hui, le scénario fut refusé par la censure car il « présentait de façon gaie et légère la séduction et la possibilité du sexe en dehors du mariage » (contrairement à la légende, le rejet n’était pas seulement motivé par l’emploi des mots « vierge », « maitresse » et « séduction »). Les présidents d’United Artists soutinrent Preminger qui put donc tourner son scénario malgré ce refus. The Moon Is Blue devint ainsi le premier film sorti par une Major sans l’autorisation du PCA (Production Code Administration) depuis la généralisation de ce code Hays aux alentours de 1934.
Le film terminé fut donc banni de nombreuses petites villes… ou montré à des audiences non-mixtes (seulement des hommes ou seulement des femmes!)  Certains états interdirent le film. Le plus coriace fut le Kansas et United Artists dut aller jusqu’à la Cour Suprême pour faire lever l’interdiction. Cette affaire eut pour résultat d’affaiblir l’influence du code de censure. Le strict Joseph Breen démissionnera dès l’année suivante en 1954. Le Code périclitera ensuite lentement jusqu’à sa disparition totale au milieu des années 60.

* Le film fut fermement condamné par les organismes catholiques américains (National Catholic Legion of Decency et Catholic Parent-Teacher League). En revanche, en France, le journal La Croix vantait sa fantaisie et son charme.

* Une version en langue allemande a été tournée en parallèle : Die Jungfrau auf dem Dach avec Hardy Krüger, Johannes Heesters et Johanna Matz. Krüger et Matz font une courte apparition dans la version anglaise (le couple de touristes qui attend pour se servir de la longue-vue panoramique au somment de l’Empire State à la fin du film). Holden et McNamara apparurent de la même façon dans la version allemande. Le chauffeur de taxi est interprété par Gregory Ratoff dans les deux versions.

 

La Lune était bleueL’affiche conçue par Soul Bass pour La Lune était bleue de Otto Preminger.

* Une lune bleue est la pleine lune supplémentaire qui se produit lorsqu’une année comporte 13 pleines lunes, au lieu de 12  habituellement (12 fois 29 jours 1/2 est en effet inférieur à 365 jours). Le terme n’est pas vraiment courant en français. En revanche, en anglais, l’expression « once in a blue moon » est assez courante. Elle est équivalente à notre « tous les 36 du mois », c’est à dire « assez rarement » (voire jamais). L’origine de l’expression n’est pas connue  (car, bien entendu, la lune n’est jamais bleue).

14 septembre 2019

Règlement de comptes à O.K. Corral (1957) de John Sturges

Titre original : « Gunfight at the O.K. Corral »

Règlement de comptes à O.K. CorralSur la piste d’un hors-la-loi, Wyatt Earp, shérif de Dodge City, arrive à Fort Griffin. Il tente d’avoir des informations auprès de John Holliday, joueur de poker notoirement connu dans la région. En vain. Il repart alors à Dodge City, bientôt rejoint par Doc Holliday…
Dix ans après le magnifique My Darling Clementine (La Poursuite infernale) de John Ford, Règlements de comptes à OK Corral retrace l’épisode (réel) de la fusillade d’O.K. Corral en 1881. Ce récit de John Sturges est assez décousu, s’éparpille dans des intrigues mineures et manque de puissance. Heureusement, l’interprétation sauve l’ensemble avec des belles performances de Burt Lancaster et Kirk Douglas, un duo d’acteur joliment complété par Rhonda Fleming. La notoriété de ce film paraît quelque peu excessive, notoriété qui a été aidée il est vrai par un titre dont on se souvient et une chanson qui est restée dans les esprits (musique de Dimitri Tiomkin).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Burt Lancaster, Kirk Douglas, Rhonda Fleming, Jo Van Fleet, John Ireland
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Remarques :
* John Sturges a produit et réalisé dix ans plus tard un nouveau film basé sur Wyatt Earp : Sept secondes en enfer (Hour of the Gun) dont l’histoire débute exactement là où s’arrête celle de Règlements de comptes à OK Corral.
* John Ireland (qui interprète Johnny Ringo) tenait le rôle d’un fils Clanton dans le film de John Ford.

Règlement de comptes à O.K. CorralKirk Douglas, Burt Lancaster, DeForest Kelley et Martin Milner dans Règlement de comptes à O.K. Corral de John Sturges.

Règlement de comptes à O.K. CorralBurt Lancaster et Rhonda Fleming dans Règlement de comptes à O.K. Corral de John Sturges.

19 juillet 2019

Sept hommes à abattre (1956) de Budd Boetticher

Titre original : « 7 Men from Now »
Autre titre français : « Sept hommes restent à tuer »

Sept hommes à abattreL’ex-shérif Ben Stride vient de perdre son épouse, tuée lors d’un hold-up. Il se met sur la piste des sept hommes responsables pour les tuer…
Sept hommes à abattre est le premier scénario écrit par Burt Kennedy. Il le proposa à John Wayne qui le confia à Budd Boetticher avec l’intention d’en tenir le rôle principal. Ce ne sera finalement pas possible pour des raisons d’emploi du temps mais John Wayne restera producteur. Il s’agit d’un western assez remarquable par l’épure de son récit qui suit une ligne simple et claire, et par la sobriété de son interprétation. Le scénario se déroule de façon limpide, étoffant ses personnages peu à peu avec une grande économie d’effets. Les sentiments se perçoivent avec un regard plus que par un grand discours. Randolph Scott personnifie à merveille ce personnage taciturne en quête de vengeance qui laisse transparaître une fragilité et une grande humanité sous sa carapace. Habitué des séries B, Budd Boetticher ne bénéficiera pas d’une bonne distribution et le film sera rapidement impossible à voir. Il faudra attendre une rétrospective Budd Boetticher à la Cinémathèque française en 2001 pour revoir ce film en France.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Randolph Scott, Gail Russell, Lee Marvin, Walter Reed, John Larch
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Remarques :
* A sa sortie, Sept hommes à abattre fut décrit par André Bazin comme « peut-être le meilleur western que j’ai vu depuis la guerre, le plus raffiné et le moins esthète, le plus simple et le plus beau. » (Cahiers du Cinéma, 1957)
* Sept hommes à abattre est le premier film issu de la collaboration entre le réalisateur Budd Boetticher, le scénariste Burt Kennedy et l’acteur Randolph Scott.

Sept hommes à abattreRandolph Scott dans Sept hommes à abattre de Budd Boetticher.

Sept hommes à abattreWalter Reed et Gail Russell avec, en arrière-plan, Randolph Scott dans Sept hommes à abattre de Budd Boetticher.

Sept hommes à abattreDon ‘Red’ Barry et Lee Marvin dans Sept hommes à abattre de Budd Boetticher.

8 juillet 2019

La Pointe Courte (1955) d’ Agnès Varda

La Pointe-CourtePour tenter de relancer son couple, un homme fait venir sa femme dans le quartier de son enfance : le quartier de pêcheurs de la Pointe Courte à Sète. Ils s’interrogent sur la profondeur de leur amour…
Âgée de 26 ans, la jeune Agnès Varda se lance dans la réalisation d’un long métrage sans aucune connaissance particulière, en ayant vu auparavant à peine une dizaine de films. La Pointe Courte comporte deux aspects distincts : la description presque documentaire de la vie d’un quartier de pêcheurs qui essaie de survivre et les discussions d’un couple en crise qui essaie de se reformer. C’est la première de ces deux composantes qui est de loin la plus réussie. Avec un témoignage très brut, Agnès Varda n’est pas loin du néoréalisme italien (1), elle nous immerge dans cette communauté de pêcheurs très pauvres au sein de laquelle elle a visiblement réussi à se faire totalement accepter. En revanche, le drame au sein du couple est, il faut bien l’avouer, particulièrement ennuyeux. Silvia Monfort et le jeune Philippe Noiret, deux acteurs de théâtre sans expérience de cinéma, récitent leur texte impassiblement, sans émotion, probablement dans une intention de distanciation qui ne réussit ici qu’à nous couper des personnages. Sur le plan de l’image, la recherche esthétique est de tous les plans et l’attirance d’Agnès Varda pour la photographie est visible. Elle sait trouver de beaux plans, se montre inventive et sait exploiter tous les objets. La musique composée par Pierre Barbaud est moderne, sans doute trop intellectuelle pour le sujet. Le film n’eut aucun succès à sa sortie. Avec le recul, La Pointe Courte nous paraît une belle curiosité, un premier essai étonnant.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Philippe Noiret, Silvia Monfort
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La Pointe-CourtePhilippe Noiret et Silvia Monfort dans La Pointe Courte de Agnès Varda.

Remarques :
* Alain Resnais a assuré le montage (qui est parfait).
* La Pointe Courte a souvent été rapproché des films de la Nouvelle Vague. Sous certains aspects, on peut en effet le voir comme un film annonciateur de la Nouvelle Vague.
* Agnès Varda connaissait Sète pour y avoir passé une partie de son adolescence pendant la guerre.
* Silvia Monfort et le jeune Philippe Noiret étaient alors acteurs au TNP où Agnès Varda travaillait comme photographe.

(1) Dans le néoréalisme, le film fait surtout penser à La Terre Tremble de Visconti (1948).

La Pointe-CourteLa Pointe-Courte

Agnès Varda sur le tournage de La Pointe Courte
(l’image a servi de base pour l’affiche du Festival de Cannes 2019).

1 juillet 2019

La Main gauche du Seigneur (1955) de Edward Dmytryk

Titre original : « The Left Hand of God »

La Main gauche du SeigneurChine 1947, pendant la guerre civile. Habillé en prêtre, un homme se présente dans une mission isolée comme étant le tant attendu Père O’Shea. Il semble mal à l’aise avec ses devoirs sacerdotaux mais est rapidement accepté par tous…
Publié en 1950, ce roman de William Edmund Barrett avait aussitôt attiré l’attention de la Fox qui demanda à William Faulkner d’écrire une ébauche d’adaptation pour Howard Hawks. Jugé trop pâle pour être tourné, le projet refit surface quelques années plus tard, cette fois scénarisé par Alfred Hayes. Le film d’Edward Dmytryk réunit deux grandes stars qui sont alors toutes deux très éprouvées, physiquement (Bogart) ou moralement (Tierney), et dont la carrière s’arrêtera peu après. Si un certain mal à l’aise a perturbé leur jeu, cela  colle toutefois très bien avec leur personnage. Il est assez stupéfiant de voir que Bogart, malgré un habit qui ne lui est pas familier, a une forte présence (même si l’on sait, en le voyant porter une arme dès la première image, qu’il n’est pas un vrai prêtre). Hélas, l’ensemble est  bien terne et les rares scènes qui devraient se charger d’intensité tournent court : le meilleur exemple étant la partie de dés sur la place du village qui finit presque en pantalonnade. Sur le fond, l’histoire est aussi improbable que simplette dans sa « morale ». La Main gauche du Seigneur est finalement à voir plutôt comme une curiosité.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Gene Tierney, Lee J. Cobb, Agnes Moorehead, E.G. Marshall
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Remarques :
* Gene Tierney était alors psychologiquement très fragile, dépressive, éprouvée par une vie personnelle qui ne lui a apporté que des déceptions. Comme elle l’a raconté dans son autobiographie, Self-Portrait, terminer le tournage fut une véritable épreuve et Bogart s’en est aperçu : « Il a reconnu les signes, s’est rendu chez les patrons du studio et les a avertis que j’étais malade et que j’avais besoin d’aide… Ils ont suggéré à Bogart d’être gentil et prévenant, ce qu’il a été. Sa patience et sa compréhension m’ont portée tout au long du tournage. » Après ce film, l’actrice mettra sa carrière d’actrice de côté pour se soigner. La Main gauche du Seigneur reste son dernier premier rôle dans un film hollywoodien.

* La Main gauche du Seigneur fait partie des tous derniers films tournés par Humphrey Bogart dont le cancer était alors en phase terminale. L’acteur décédera en janvier 1957.

La Main gauche du SeigneurHumphrey Bogart et Gene Tierney dans La Main gauche du Seigneur de Edward Dmytryk.

15 juin 2019

Jaguar (1955-1967) de Jean Rouch

JaguarTrois jeunes nigériens décident de quitter leur village de brousse durant la saison sèche pour se rendre temporairement en Gold Coast (qui deviendra le Ghana en 1957) dans l’espoir d’y faire fortune. Arrivés là-bas, ils se séparent. L’un travaille au port d’Accra, l’autre devient un Jaguar ( = « jeune homme galant à la tête bien peignée que tout le monde regarde ») exerçant divers petits métiers et tous deux finissent par rejoindre le troisième qui vend diverses choses sur le marché de Kumassi. Ils s’associent pour fonder l’échoppe « Petit à petit, l’oiseau fait son bonnet » avant de rentrer dans leur village…
Alors qu’il est chargé de recherches au CNRS au début des années cinquante, Jean Rouch tourne d’abord des documentaires de format conventionnel avant de tenter une expérience nouvelle avec ce Jaguar. Il propose à trois jeunes nigériens d’inventer une histoire qu’il filmera en décors naturels avec une petite caméra portable, le son étant ajouté par la suite. Jean Rouch se situe ainsi directement dans la ligne initiée par Robert Flaherty avec son Nanouk l’esquimau. La partie voyage est finalement assez courte, plus de la moitié du film prend place dans les villes d’arrivée. Jean Rouch intervient très peu en voix-off, tout le reste est commenté par les trois nigériens eux-mêmes, ils décrivent ce qu’ils sont en train de faire comme s’ils le revivaient. Leurs commentaires sont hauts en couleur (ce sont de véritables moulins à paroles…) et donnent un caractère très décontracté à l’ensemble : le résultat est coloré et sympathique. Sur le fond, Jaguar offre un témoignage sur les mutations de la société africaine. Tourné en 1955, le film n’est sorti qu’en 1967.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Damouré Zika, Lam Ibrahim Dia, Illo Gaoudel
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Remarques :
* Pour en savoir plus sur les difficultés à sortir le film, voir une étude sur le site 1895 (Revue de l’association française de recherche sur l’histoire du cinéma)

* Le film Petit à petit de Jean Rouch peut être vu comme une suite à Jaguar. Le troisième volet devait s’intituler Grand à grand mais n’a pas vu le jour.

Jaguar
(à gauche) Damouré Zika, Illo Gaoudel et Lam Ibrahim Dia dans Jaguar de Jean Rouch.
(à droite) Damouré Zika est un « jaguar » dans Jaguar de Jean Rouch.

 

Ne pas confondre avec :
Le Jaguar de Francis Veber (1996) avec Jean Reno et Patrick Bruel (!)

6 juin 2019

La Traversée de Paris (1956) de Claude Autant-Lara

La Traversée de ParisA Paris, sous l’Occupation, Marcel Martin (Bourvil) doit transporter de nuit un cochon découpé dans quatre valises pour le compte d’un commerçant pratiquant le marché noir (Louis de Funès). Son habituel acolyte venant d’être arrêté, il propose à un inconnu rencontré dans un café, Grandgil (Jean Gabin), de l’accompagner…
Film bien connu que l’on ne présente plus, La Traversée de Paris est basé sur une nouvelle de Marcel Aymé, adaptée par Jean Aurenche et Pierre Bost. Le film surprit, et même dérangea, à sa sortie par son ton très acide. C’est en effet un portrait mordant de la monstruosité ordinaire, une vision finalement assez noire des rapports humains. Plus que détestables, les personnages paraissent toutefois plutôt pitoyables (Bourvil) ou très ambigus (Gabin). La force du propos est décuplée par la vivacité des dialogues. C’est Autant-Lara qui a imposé Bourvil, son premier grand rôle sérieux au cinéma, au grand dam de Marcel Aymé qui a tout fait pour contester ce choix. Jean Gabin est lui aussi dans un rôle assez inattendu, beaucoup plus exubérant qu’à l’habitude. Au final, c’est un film quasi parfait, souvent décrit comme le chef d’œuvre d’Autant-Lara.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Bourvil, Louis de Funès
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Remarque :
* La nouvelle de Marcel Aymé se terminait tragiquement : Marcel Martin tuait Grangil.

La Traversée de Paris
Jean Gabin et Bourvil dans La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara.

La Traversée de Paris
Louis de Funès et Bourvil dans La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara.

La Traversée de Paris
« Salauds de pauvres ! » Bourvil et Jean Gabin sur le point de dire sa célèbre réplique dans La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara.

14 mai 2019

Nazarin (1959) de Luis Buñuel

Titre original : « Nazarín »

NazarinDans le Mexique du début du XXe siècle, le Père Nazario exerce son ministère pastoral dans un esprit très proche des valeurs évangéliques : il aide ses paroissiens très pauvres et leur donne tout ce qu’il possède. Après avoir protégé une prostituée ayant commis un meurtre, il doit fuir…
Adaptation d’un roman de l’espagnol Benito Pérez Galdós, Nazarin de Luis Buñuel a suscité beaucoup de malentendus à sa sortie. Comment un cinéaste reconnu par tous comme anticlérical pouvait-il produire un tel film sur la Foi, film qui fut à deux doigts de recevoir le Prix de l’Office catholique du cinéma ? (1) Ce fut l’incompréhension qui domina parmi ses amis et soutiens. En réalité, son film est une réflexion sur la mise en pratique de grands principes évangéliques : son prêtre est ce que l’on appellerait volontiers « un saint homme », il ne cherche qu’à faire le bien autour de lui et vit dans le dénuement le plus total. Mais son action n’est pas toujours profitable aux autres, elle est même parfois préjudiciable comme dans la scène du chantier de construction. Le cinéaste s’en prend aussi aux institutions : le « saint homme » est en effet rejeté par l’Eglise qui le défroque. Et, au final, le doute finit par le gagner. Il y a certainement d’autres lectures possibles de ce film : Alain Bergala y voit une tentative de « comprendre la circulation du mal dans le monde à travers les expériences et la conscience de son personnage » (2). Dans sa forme, le film est à l’image du propos, épuré, sans artifice avec une photographie sobre mais assez belle.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Francisco Rabal, Marga López, Rita Macedo
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Remarques :
* « Dieu merci, je suis encore athée ». Cette citation de Luis Buñuel figure dans tous les dictionnaires de citations mais, comme bien souvent, vouloir réduire une pensée à six mots est réducteur. En fait, ce n’est ni une pirouette ni juste un trait d’humour. Pour comprendre sa pensée, il faut mieux lire le chapitre « Athée grâce à Dieu » de ses mémoires où il aborde les questions du hasard, de l’existence de Dieu et de l’imaginaire.
En réalité, Buñuel croit fermement dans le hasard et pense que si Dieu existe vraiment, cela ne change rien pour nous : « Dieu ne s’occupe pas de nous. S’il existe, c’est comme s’il n’existait pas. Raisonnement que j’ai résumé jadis dans cette formule : Je suis athée, grâce à Dieu. Une formule qui n’est contradictoire qu’en apparence. » (Luis Buñuel, Mon dernier soupir, éditions Robert Lafon 1982, p 214)

* Le cinéaste poursuivra sa réflexion, notamment en s’attaquant aux dogmes, dans Viridiana (1961), Simon du désert (1965) et dans La Voie lactée (1969).

(1) Buñuel aurait été bien embarrassé de recevoir ce Prix de l’Office catholique. Il refusa plus tard de recevoir d’un prélat américain un diplôme d’honneur pour le film.
(2) Alain Bergala, Luis Buñuel, éditions Le Monde/Les Cahiers du cinéma 2007, p 54.

Nazarin
Marga López et Francisco Rabal dans Nazarin de Luis Buñuel.