5 septembre 2015

Ordet (1955) de Carl Theodor Dreyer

Autre titre français : « La Parole »

La ParoleDans le Danemark aux alentours de 1930, le luthérien Morten Borgen exploite une vaste ferme avec ses trois fils ; l’aîné est marié, le second traverse une grave crise mystique qui le pousse à se prendre pour le Christ et le troisième désire épouser la fille du tailleur. Les pères s’opposent à cette union du fait de leurs divergences religieuses… Dès qu’il voit la pièce Ordet de Kaj Munk en 1932, Dreyer souhaite la porter à l’écran. Il n’y parvient pas et se fait « doubler » par le suédois Gustaf Molander en 1943 (1). La version qu’il en donne finalement en 1955 est à la fois plus profonde et plus stylisée avec cette belle austérité qui le caractérise. Sur le fond, le film pose la question de la foi et du rapport des hommes à Dieu (sans toutefois que la réflexion ne soit poussée très avant, la foi étant placée comme un idéal absolu) et, en s’élevant au dessus des querelles théologiques triviales,  s’oppose aux sectarismes. La forme est, une fois de plus, superbe : la mise en scène de Dreyer est rigoureuse, majoritairement en plans moyens, déroulant lentement le récit. Le climat ainsi créé est fort et prégnant. Les rares plans extérieurs sont très beaux avec tous ces joncs qui ondulent au gré des vents, comme une expression du trouble intérieur du fils illuminé.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Henrik Malberg, Birgitte Federspiel, Emil Hass Christensen, Cay Kristiansen, Preben Lerdorff Rye
Voir la fiche du film et la filmographie de Carl Theodor Dreyer sur le site IMDB.

Voir les autres films de Carl Theodor Dreyer chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Carl Theodor Dreyer

Ordet
Emil Hass Christensen, Henrik Malberg et Cay Kristiansen dans Ordet de Carl Theodor Dreyer

(1) La Parole (Ordet) de Gustaf Molander (1943) avec Victor Sjöström dans le rôle principal du patriarche.

4 septembre 2015

Jour de colère (1943) de Carl Theodor Dreyer

Titre original : « Vredens dag »
Autre titre : « Dies Irae »

Dies iraeDans le Danemark de 1623, le pasteur d’un village a recueilli et épousé une très jeune femme, du même âge que son fils issu d’un premier mariage. Celui-ci rentre vivre avec son père au moment où le pasteur fait brûler vive une femme accusée de sorcellerie… Après l’échec commercial de Vampyr, Dreyer reste dix ans sans tourner. Ce n’est qu’en 1943, alors que son pays est occupé, qu’il parvient à réaliser ce Jour de colère, une histoire de sorcellerie et d’amour impossible dans l’austère Danemark du XVIIe siècle. Il s’agit de l’adaptation d’une pièce de Wiers-Jenssen que Dreyer avait vue presque vingt ans auparavant. Le film est remarquable par sa très grande beauté formelle. Les décors sont épurés (mais sans avoir l’abstraction de ceux de Jeanne d’Arc) et les éclairages particulièrement travaillés, avec une superbe répartition  des noirs et des blancs. Le film a souvent été rapproché des peintures de Rembrandt, certains le qualifiant même de « Rembrandt vivant ». L’image évoque la peinture non seulement par l’éclairage mais aussi par le placement des personnages : c’est particulièrement net dans les plans sur les jurés par exemple. Il faut aussi mentionner les panoramiques tournants savamment synchronisés (1). Toute cette beauté plastique peut toutefois nous détacher du récit : la scène de torture de la vieille femme accusée devient ainsi objet d’émerveillement visuel alors qu’elle est bien entendu atroce sur le fond. Cette scène évoque bien entendu les pratiques des occupants nazis. Et pour rester sur le fond, André Bazin a souligné avec justesse que le désespoir final de la jeune femme peut exprimer aussi bien l’aveu que le mensonge. De son côté, Georges Sadoul affirme que Dreyer croit à la sorcellerie, ce qui semble effectivement probable mais pas certain, toutefois. Jour de colère est un très beau film : rarement l’austérité et la beauté formelle n’ont été si harmonieusement accordées.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Lisbeth Movin, Thorkild Roose, Preben Lerdorff Rye, Sigrid Neiiendam, Anna Svierkier
Voir la fiche du film et la filmographie de Carl Theodor Dreyer sur le site IMDB.

Voir les autres films de Carl Theodor Dreyer chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Carl Theodor Dreyer

Jour de colère
Lisbeth Movin dans Jour de colère de Carl Theodor Dreyer.

(1) Le panoramique sur les enfants de choeur lors des funérailles est d’une perfection absolue : les enfants tournent autour de la pièce et la camera tourne dans le même sens mais un peu plus lentement, créant ainsi un mouvement apparent inverse dont le décalage rythmé par leurs chants. Du grand art.

3 juillet 2015

Berlin, la cité des millions (1925) de Adolf Trotz

Titre original : Die Stadt der Millionen

Die Stadt der Millionen(Film muet) Ce documentaire optimiste sur la ville de Berlin a été tourné à une époque où l’Allemagne se redressait : la page de l’Après-guerre marqué par la crise et l’hyperinflation était tournée et le moment était venu de retrouver une certaine joie de vivre. Berlin est ainsi montrée comme une ville foisonnante, riche de sa diversité autant économique que culturelle où la course effrénée des automobiles marque l’entrée de la ville dans la modernité. Le film met en avant les vertus du travail mais aussi celles des loisirs. La réalisation est soignée avec de beaux effets (fractionnement d’écran, surimpression). Hormis toutes les scènes « actuelles », le film illustre plusieurs moments d’Histoire par de petites mises en scènes en costumes et montre même une brève vision du Berlin de l’an 2000, Metropolis avant l’heure. Dans le domaine du cinéma, on y voit brièvement les studios de l’UFA et la façade d’un grand cinéma projetant Le Dernier des hommes de Murnau (1924). Berlin, la cité des millions est un documentaire à la fois intéressant et d’une indéniable valeur historique. Deux ans plus tard, Walter Ruttmann réalisera un autre documentaire sur Berlin, plus connu celui-là : Berlin, symphonie d’une grande ville (1927).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs:
Voir la fiche du film et la filmographie de Adolf Trotz sur le site imdb.com.

Berlin, la cité des millions
Images extraites de Die Stadt der Millionen de Adolf Trotz (1925)

Berlin, la cité des millions

22 juin 2015

L’Espoir (1939) d’ André Malraux

Titre complet : « Espoir, Sierra de Teruel »

L'espoirSierra de Teruel, Espagne, 1936. Un petit groupe de combattants républicains préparent avec l’aide de la population le bombardement d’un terrain d’aviation franquiste et d’un pont… De son roman L’Espoir, André Malraux n’a porté à l’écran qu’un seul petit épisode. Commencé en 1938, le tournage a été interrompu par l’entrée des troupes de Franco à Barcelone où se trouvaient les studios. Montré clandestinement dès 1939, L’Espoir n’est sorti commercialement qu’à la Libération en 1945 avec une introduction de Maurice Schumann. André Malraux évite soigneusement tout discours, il montre simplement la réalité de ce combat très inégal, et la débrouillardise dont les combattants républicains doivent faire preuve pour pallier leur manque d’armes et de matériel. Des scènes prises sur le vif ont été mêlées aux scènes de fiction jouées non pas par des acteurs mais par des combattants qui ont vécu des scènes semblables et par la population. Le résultat donne ainsi l’impression d’être plus proche du documentaire que de la fiction et il se dégage un fort sentiment d’authenticité de l’ensemble. André Malraux parvient à faire passer le souffle de Révolution espagnole. Il a inclus des scènes tournées à l’intérieur d’un petit bombardier, ce qui constitue une première, et la descente finale le long de la montagne est une scène inoubliable, d’une ampleur phénoménale avec ses centaines de figurants, une scène qui, plus que tout grand discours, est une exaltation de ce combat pour une juste cause. Accessoirement, André Malraux nous fait là une belle démonstration de la force des images, de la force du cinéma. L’Espoir sera son unique réalisation.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Andrés Mejuto, Nicolás Rodríguez
Voir la fiche du film et la filmographie de André Malraux sur le site IMDB.

L'Espoir d'André Malraux
A l’intérieur d’un bombardier dans L’Espoir d’André Malraux, Boris Peskine

14 juin 2015

La Peste à Florence (1919) de Otto Rippert

Titre original : « Die Pest in Florenz »

La Peste à FlorenceA l’époque de la Renaissance, la ville de Florence est dirigée par le Conseil des Anciens qui fait régner une austère discipline, d’inspiration religieuse. Une mystérieuse courtisane arrivée de Venise risque de remettre en cause le pouvoir de l’Eglise en incitant la population à profiter des plaisirs de la vie. Son arrestation provoque un soulèvement…
Peu connu, La Peste à Florence de l’allemand Otto Rippert a un scénario écrit par Fritz Lang qui s’est librement inspiré d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe, Le Masque de Mort rouge. L’histoire est structurée en chapitres, ce qui était alors l’usage dans le cinéma allemand. Dès le début du film, on est frappé par l’ampleur des scènes de foule ce qui témoigne d’une maitrise certaine de la mise en scène. Si les scènes de débauche sont assez empâtées, il y a de belles scènes, notamment un passage dans le monde des morts (étonnant fleuve des morts), l’apparition de la peste, et un certain nombre d’images symboliques. Le sens profond est un peu difficile à cerner : « la cité symbolise la chute de l’Empire allemand, rongé par l’inflation » indique la fiche d’Arte qui a diffusé ce film. Oui, peut-être (quoique l’inflation en 1919 ne rongeait pas encore l’empire allemand)… personnellement, je verrais plutôt plutôt là une variation faustienne, une réflexion sur la quête d’idéal, sur la recherche de sens, avec, en ce lendemain de guerre mondiale, le thème fort de la Mort purificatrice. Le film a été restauré et numérisé 2K par la Fondation Murnau. (film muet)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Theodor Becker, Marga von Kierska, Anders Wikman
Voir la fiche du film et la filmographie de Otto Rippert sur le site IMDB.

Remarques :
* La réalisation la plus connue d’Otto Rippert est Homunculus (1916), un sérial en six épisodes qui met en scène un génie du crime, en fait une créature créée par un savant, qui devient dictateur et provoque une guerre mondiale ; une histoire qui préfigure étonnamment ce que sera Hitler. Otto Rippert a arrêté la réalisation en 1925 pour se consacrer au montage.
* Fritz Lang, qui écrivait beaucoup alors, a également signé la même année deux autres scénarios pour Otto Rippert : Der Totentanz (1919, film perdu), Die Frau mit den Orchideen (1919, film perdu).

 

La Peste à Florence(au premier plan de gauche à droite) Anders Wikman, Marga von Kierska et Theodor Becker dans La Peste à Florence de Otto Rippert

28 mai 2015

Cendres et diamant (1958) de Andrzej Wajda

Titre original : « Popiól i diament »

Cendres et diamantPologne, mai 1945. C’est la fin de la guerre mais la lutte contre les Allemands a laissé la place à un dur affrontement entre communistes et partisans nationalistes fidèles à l’ancien régime. Maciek, un jeune combattant d’un maquis nationaliste, est chargé d’abattre un responsable communiste local. Après s’être une première fois trompé de victime, il est en proie au doute… Cendres et diamant est le troisième film d’Andrzej Wajda. Adapté d’un roman de Jerzy Andrzejewski, il s’inscrit dans la lignée de Kanal qui l’avait révélé l’année précédente à Cannes. Il témoigne du désarroi d’une jeunesse qui cherche au milieu des cendres le diamant d’une renaissance. Comment intégrer ces années de lutte, comment vivre lorsque l’on a si souvent oté la vie à ses semblables ? Ecartelé, son héros, magnifiquement interprété par Zbigniew Cybulski, est à la fois un militant-combattant dont la conviction n’est plus soutenue par l’action permanente et un grand romantique : sa rencontre avec une jolie serveuse ranime son aspiration à la vie. Wajda réussit même à glisser une dose d’humour, le plus souvent au détriment de l’attrait du pouvoir. C’est un film à la fois riche dans son propos et superbe dans sa forme : la photographie, marquée par l’expressionnisme mais aussi par le film noir, est assez enthousiasmante…
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Zbigniew Cybulski, Ewa Krzyzewska, Waclaw Zastrzezynski, Adam Pawlikowski
Voir la fiche du film et la filmographie de Andrzej Wajda sur le site IMDB.
Voir les autres films de Andrzej Wajda chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Zbigniew Cybulski, acteur qui a une présence folle à l’écran, a ensuite beaucoup tourné avec Wajda avant de mourir accidentellement en 1967.

Cendres et Diamant
Zbigniew Cybulski et Ewa Krzyzewska dans Cendres et diamant de Andrzej Wajda

24 mai 2015

La Salamandre (1971) de Alain Tanner

La SalamandreA Genève en Suisse, un journaliste doit écrire un scénario sur un petit fait divers. Il fait appel à un ami écrivain et commence à enquêter sur une jeune fille, Rosemonde. Celle-ci, que l’on dit paresseuse, est en réalité une jeune fille à l’esprit libre qui refuse la routine d’une vie bien rangée… La salamandre est le deuxième film du suisse Alain Tanner. Après le succès de son premier film Charles, mort ou vif (1969), le cinéaste confirme l’émergence d’un nouveau cinéma helvétique. Tourné avec très peu de moyens (16mm, son direct), La salamandre nous dresse un certain portrait de la société suisse, un « désert intellectuel » d’où suintent l’ennui et un profond conservatisme qui confine à l’immobilisme. La jeune Rosemonde est comme une tâche de couleurs dans cette grisaille. Le journaliste ne la découvrira que superficiellement, l’écrivain plus profondément et même l’aidera à prendre conscience de sa révolte. Le propos s’inscrit pleinement dans ce cinéma subversif qui fleurit en ce début des années soixante-dix. Alain Tanner manie avec justesse l’ironie ce qui lui permet de s’écarter de toute austérité. On remarquera le petit hommage à Truffaut (Rosemonde trouve un emploi dans un magasin de chaussures). La Salamandre connut un très grand succès à sa sortie, il a grandement contribué à faire connaître cette actrice si attachante qu’est Bulle Ogier.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bulle Ogier, Jean-Luc Bideau, Jacques Denis
Voir la fiche du film et la filmographie de Alain Tanner sur le site IMDB.

Voir les autres films de Alain Tanner chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Alain Tanner
Voir les livres sur le cinéma helvétique

La Salamandre
Bulle Ogier dans La Salamandre de Alain Tanner

La Salamandre
Jacques Denis, Jean-Luc Bideau et Bulle Ogier dans La Salamandre de Alain Tanner

26 avril 2015

Pina (2011) de Wim Wenders

PinaLe décès prématuré de la chorégraphe Pina Bausch en 2009 a forcé Wim Wenders de réaliser seul le projet qu’ils avaient en commun depuis de nombreuses années. Pina est plus qu’un simple documentaire puisque Wenders a voulu expérimenter ce que pourrait être l’apport du relief à la danse au cinéma en filmant en 3D, allant parfois jusqu’au milieu des danseurs (avec même un peu de caméra subjective, vision à travers les yeux d’un danseur). Le film a été généralement très bien reçu mais il peut décevoir comme ce fut notre cas, perturbés par la proximité de la caméra et par ses mouvements qui donnent plus l’impression d’être devant sa télévision que d’assister à un spectacle. La fragmentation des scènes (il est impossible de voir une chorégraphie en entier) et l’absence de commentaire / présentation sont finalement assez frustrants. (Film vu en 2D)
Elle: 2 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs:
Voir la fiche du film et la filmographie de Wim Wenders sur le site IMDB.

Voir les autres films de Wim Wenders chroniqués sur ce blog…

Pina

20 avril 2015

Le Baron de Crac (1962) de Karel Zeman

Titre original : « Baron Prásil »

Le baron de cracA sa grande surprise, le cosmonaute Tonik rencontre à son arrivée sur la Lune ses illustres prédécesseurs : Impey Barbicane (le personnage de Jules Verne), Cyrano de Bergerac et surtout Le baron de crac (alias Baron de Münchhausen) qui le prend pour un authentique sélénite et décide de l’emmener sur Terre pour lui faire découvrir les merveilles de la civilisation. Ils arrivent à Constantinople où ils délivrent la princesse Bianca retenue prisonnière par le sultan… Karel Zeman est un réalisateur tchèque qui mêle acteurs réels à des décors dessinés ou peints et animés manuellement. Cette technique est parfaitement adaptée aux histoires du célèbre Baron, avec tous leurs éléments fantastiques, oniriques et poétiques. Le film reprend quelques épisodes fameux de ces récits qui, rappelons-le ont connu de multiples variations dans le temps depuis leur première publication à la fin du XVIIIe siècle sous la plume de Rudolf Erich Raspe. Cela donne au final un film totalement à part, aussi magique dans le premier sens du terme que pouvaient l’être les films de Méliès 50 ans auparavant, doté d’un bel humour et très inventif.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Milos Kopecký, Rudolf Jelínek, Jana Brejchová
Voir la fiche du film et la filmographie de Karel Zeman sur le site IMDB.

Le Baron de Crac
Le Baron de Crac de Karel Zeman

Remarques :
* Le Baron de Münchhausen (1720-1793), capitaine de l’armée russe, a bien existé. Il fut surnommé Le Baron de Crac (« Baron du mensonge », de l’expression «raconter des craques») en raison des ses récits extraordinaires : il racontait avoir voyagé sur la Lune, chevauché un boulet de canon, dansé avec Vénus. La première publication de ses récits eut lieu de son vivant, en 1785.

* La technique utilisée par Karel Zeman évoque fortement celle qu’utilisera Terry Gilliam pour ses animations du Monty Python Flying Circus, à la fin des années soixante. Gilliam adaptera d’ailleurs, lui aussi, les aventures du Baron de Münchhausen mais en images réelles. Bien que la filiation soit soulignée par beaucoup, l’influence directe n’est pas évidente car, dans une interview, Terry Gilliam dit avoir découvert le film de Zeman dans les années 80, alors qu’il préparait sa propre adaptation de Münchhausen : « Je me rappelle avoir vu, alors que je préparais Baron Munchausen, un film de Karel Zeman dans le catalogue du British Film Institute. Je me suis dit « Wow, qu’est ce que c’est que ce truc ? » et, après avoir réussi à voir le film, « Wow, c’est génial », parce qu’il avait fait ce que j’ai toujours essayé de faire : combiner une action réelle avec des arrière-plans animés à la Gustave Doré. Le film exprimait parfaitement l’esprit du personnage ». (Terry Gilliam: Interviews, University Press of Mississippi, pp. 132–-133)

Autres adaptations :
Les Aventures du baron de Münchausen de Georges Méliès (1911)
Les Aventures fantastiques du baron Münchhausen de l’allemand de Josef Von Baky (1943) réalisé pour les 25 ans de la UFA à la demande de Goebbels.
Les fabuleuses aventures du légendaire Baron de Munchausen de Jean Image (1979), dessin animé
Le Secret des Sélénites de Jean Image (1984), dessin animé.
Les Aventures du baron de Munchausen de Terry Gilliam (1988)

25 mars 2015

Histoires extraordinaires (1968) de Federico Fellini, Louis Malle et Roger Vadim

Histoires extraordinairesTrois adaptations d’une histoire d’Edgar Poe par trois réalisateurs différents :
1. Metzengerstein de Roger Vadim avec Jane Fonda, Peter Fonda : Au Moyen-âge, une jeune et riche comtesse dilapide son temps en orgies et en jeux cruels.
2. William Wilson de Louis Malle avec Alain Delon et Brigitte Bardot : Un jeune officier, cruel et sadique, de l’armée hongroise confesse à un abbé qu’il a tué son double.
3. Toby Dammit de Federico Fellini avec Terence Stamp : Un acteur anglais alcoolique et décadent arrive à Rome pour tourner un « western catholique »…

Histoires extraordinaires est hélas plutôt décevant. Pour Roger Vadim, le film est surtout l’occasion de mettre en valeur sa femme Jane Fonda en jeune comtesse cruelle aux moeurs dépravées, dans de superbes tenues affriolantes. Elle est effectivement très agréable à regarder mais l’histoire, peu développée, est moins intéressante. On pourra tout de même remarquer l’habileté de Vadim pour faire jouer les animaux, notamment les chevaux. Le sketch de Louis Malle n’est guère plus remarquable : Brigitte Bardot, attifée d’une perruque brune mal ajustée, joue épouvantablement et le thème du Bien et du Mal y est bien mal traité. Heureusement, Fellini joue dans une toute autre cour, on s’en rend compte dès les premières minutes. On retrouve ici certains de ses thèmes favoris, notamment celui d’un monde du spectacle très superficiel et artificiel. Mais le véritable thème de son sketch est plus sur la représentation de la mort. Il est difficile de ne pas penser au propre vécu du cinéaste : victime d’une embolie, Fellini a frôlé la mort et ce sketch est le premier film qu’il tourne après une longue convalescence. Face à la fausseté du monde qui l’entoure, son personnage ne trouve d’issue que dans une course hallucinée vers la mort.
Elle:
Lui : 2 étoiles (Sketch de Fellini : 3 étoiles)

Acteurs: Jane Fonda, Peter Fonda, Brigitte Bardot, Alain Delon, Terence Stamp
Voir la fiche du film sur le site IMDB.

Voir les autres films de Federico Fellini chroniqués sur ce blog…
Voir les autres films de Roger Vadim chroniqués sur ce blog…
Voir les autres films de Louis Malle chroniqués sur ce blog…

Histoires extraordinaires (1968) de Roger Vadim
Jane Fonda dans Metzengerstein de Roger Vadim, l’un des trois sketches de Histoires extraordinaires (1968).

Histoires extraordinaires (1968) de Louis Malle
Brigitte Bardot et Alain Delon dans William Wilson de Louis Malle, l’un des trois sketches de Histoires extraordinaires (1968).

Histoires extraordinaires (1968) de Federico Fellini
Terence Stamp dans Toby Dammit de Federico Fellini, l’un des trois sketches de Histoires extraordinaires (1968).

Remarques :
* Les trois réalisateurs initialement prévues étaient Orson Welles, Luis Bunuel et Federico Fellini.
* Le sketch de Roger Vadim est le seul film où les deux enfants d’Henry Fonda, Jane et Peter, apparaissent ensemble.