9 avril 2018

Graine de violence (1955) de Richard Brooks

Titre original : « Blackboard Jungle »

Graine de violenceUn jeune professeur d’anglais est recruté par une école secondaire d’enseignement professionnel d’un un quartier populaire de New York. Il se heurte à l’hostilité des élèves et à leur désintérêt. La violence est très présente…
Basé sur un roman d’Evan Hunter, Blackboard Jungle est un film très novateur à la fois par le regard porté sur la délinquance juvénile et par son message anti-raciste. Le film est pratiquement une étude sociologique, débouchant sur la proposition d’utiliser des moyens détournés ou inhabituels pour parvenir à intéresser ces élèves particulièrement difficiles. Glenn Ford utilise ainsi un magnétophone, un film, des activités parascolaires, méthodes très peu usuelles à l’époque mais qui ont fait leur chemin depuis. Le film est aussi novateur pour sa musique : le générique débute sur « Rock Around the Clock » de Bill Haley qui attira en masse un public jeune et n’est pas étranger au grand succès du film. Celui-ci, en retour, ouvrit un véritable boulevard pour le rockabilly. Hormis Sydney Poitier, les élèves sont interprétés par des acteurs non-professionnels ce qui donne une très grande authenticité à l’ensemble (plusieurs firent carrière ensuite). Blackboard Jungle fut imité et lança une vogue de films sur la délinquance juvénile, de qualité inégale. Film franchement avant-gardiste, il semble toujours d’actualité aujourd’hui.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Glenn Ford, Sidney Poitier, Vic Morrow, Anne Francis, Louis Calhern, Margaret Hayes, John Hoyt
Voir la fiche du film et la filmographie de Richard Brooks sur le site IMDB.

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Remarques :
* Les pressions internes à la Fox furent fortes pour bloquer le projet, puis pour empêcher la sortie du film. L’argument avancé est que le film allait ternir l’image des Etats-Unis. Richard Brooks s’en sortit en rajoutant un message avant le générique de début.
* L’ambassadrice des Etats Unis en Italie a réussi à empêcher que le film soit présenté au Festival de Venise puis a tenté de bloquer sa sortie en Europe.
* A sa sortie, le film fut interdit en Géorgie car il montrait un élève noir dans une classe de blancs.
* Le service juridique de la Fox a demandé à Sydney Poitier de signer un serment de loyauté stipulant qu’il n’avait pas l’intention de renverser le gouvernement des Etats-Unis (papier qu’il a réussi à ne pas signer).
* Certains cinémas coupèrent le son du générique du début car le rock and roll était suspecté d’avoir une mauvaise influence.

Blackboard jungle
Paul Mazursky, Vic Morrow, Glenn Ford et Sydney Poitier dans Graine de violence de Richard Brooks. Le jeune garçon derrière Vic Morrow (juste sous Glen Ford) est John Erman, futur réalisateur et producteur de télévision.

4 avril 2018

Vera Cruz (1954) de Robert Aldrich

Vera CruzA la fin de la guerre de Sécession, certains soldats sans attaches ou ayant tout perdu passent au Mexique, alors en pleine guerre civile, pour vendre leurs services au plus offrant. C’est ainsi qu’un ex-officier de l’armée sudiste (Gary Cooper) se voit forcé de faire équipe avec un aventurier rencontré en chemin (Burt Lancaster) dans une mission pour l’empereur Maximilien…
Sur une histoire imaginée par Borden Chase, dont les écrits ont déjà inspirés de grands westerns (Red River de Hawks, Winchester 73 et Bend of the River de Mann… et suivront Far Country toujours de Mann et Man Without a Star de Vidor), Vera Cruz met face à face deux têtes d’affiche pour un film à la réalisation parfaite et au contenu plus complexe qu’attendu. L’histoire est en effet assez simple mais son traitement est très particulier dans le cadre du western classique. Au lieu de montrer une opposition tranchée entre le bien et le mal, entre le bon et le méchant, Vera Cruz adopte une vision plus ambigüe de ses personnages, qui sont à la fois héros et anti-héros. Ainsi, si Gary Cooper montre une grande humanité, il n’hésite pas à trahir ou à tuer pour préserver ses intérêts bassement financiers. Face à lui, Burt Lancaster est bien le méchant de l’histoire mais il est aussi doté d’une indéniable droiture. Il est ambivalent, à l’image de son sourire à la fois carnassier et séducteur, et une utilisation très habile de l’humour le rend plus attirant encore.  Par cette ambivalence, cette façon de proposer des héros imparfaits, Vera Cruz semble ouvrir la voie aux westerns modernes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gary Cooper, Burt Lancaster, Denise Darcel, Cesar Romero, Sara Montiel, George Macready, Ernest Borgnine, Charles Bronson
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Vera Cruz
Burt Lancaster et Gary Cooper dans Vera Cruz de Robert Aldrich.

Remarques :
* Vera Cruz a beaucoup influencé Sergio Leone. Il est parfois surnommé « le premier western spaghetti ». A noter que Charles Bronson a un tout petit rôle… où il joue (déjà !) de l’harmonica.

* Gary Cooper était vraiment très mal à l’aise avec son personnage d’anti-héros. Ce serait pour cette raison qu’il a ensuite refusé la proposition de Charles Laughton d’incarner le pasteur dans La Nuit du chasseur, laissant ainsi la place à Robert Mitchum.

* Le film est produit par la société Hecht-Hill-Lancaster formée par Harold Hecht (le producteur, aucune relation avec Ben Hecht le scénariste), James Hill et Burt Lancaster.

* Précision technique : Vera Cruz est le premier (et principal) grand film en SuperScope. L’image est enregistrée en 2:1 puis agrandie (en hauteur) afin d’occuper toute la hauteur du cadre dans les copies d’exploitation. Ce procédé, lancé par la RKO en 1954, ne vivra guère. Son principal avantage était d’éviter l’anamorphose à la prise de vue (tassement horizontal pour occuper toute la surface d’une pellicule 35mm) qui impose d’utiliser des objectifs spéciaux. Son inconvénient est de laisser inutilisée une grande partie de la pellicule (interimage important) et donc d’avoir inévitablement une image finale de qualité inférieure.

Vera Cruz
Burt Lancaster dans Vera Cruz de Robert Aldrich.

Vera Cruz
Ernest Borgnine et Sara Montiel dans Vera Cruz de Robert Aldrich.

27 mars 2018

The Thing (1982) de John Carpenter

The ThingAntarctique, hiver 1982. Dans les étendues vides et enneigées, un hélicoptère norvégien pourchasse un chien isolé. Arrivé dans une station de recherche américaine, l’homme continue à tirer sur l’animal sans se soucier de blesser les hommes à proximité tout en prononçant des phrases incompréhensibles. Il est abattu par le chef de station…
Trois ans après Alien de Ridley Scott, John Carpenter reprend le thème de la créature extraterrestre phagocytaire. Il s’agit toutefois du remake de La chose d’un autre monde, film produit par Howard Hawks (1) qui avait connu un grand succès en 1951. Autres temps, autres mœurs : alors que tout l’art de la première version avait été de ne pas montrer la créature et de laisser notre imagination travailler au grand galop, le film de John Carpenter montre et remontre une bestiole aussi multiforme que sanguinolente (il est judicieux d’éviter de voir le film après un repas trop copieux) avec jets d’acide et tentacules réglementaires que tout monstre digne de ce nom se doit de posséder. Les effets spéciaux sont élaborés et de vrais organes d’animaux ont également été utilisés (bon appétit!). C’est un cinéma efficace. Le scénario a été simplifié à l’extrême : John Carpenter a évacué toute dimension psychologique ou sociétale pour se concentrer sur la lutte pour la survie. Plutôt mal reçu à sa sortie (mais revalorisé par la suite), The Thing de John Carpenter sera sans aucun doute plus apprécié par les amateurs de films d’horreur que par les amateurs de science-fiction qui préfèreront revoir la version d’Howard Hawks.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Kurt Russell, Wilford Brimley
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* Préquelle :
The Thing, film américain de Matthijs van Heijningen Jr. (2011), raconte la découverte du vaisseau.

(1) Certains pensent qu’Howard Hawks l’a également réalisé, laissant le crédit à Christian Nyby pour qu’il puisse être membre de la Director’s Guild (ce que Hawks a toujours nié).

The Thing
Mac (Kurt Russell) …

The Thing
… fait équipe avec Windows (Thomas G. Waites) …
… dans The Thing de John Carpenter
(rappelons que le premier Mac ne sortira qu’en 1984 et Windows 1 en 1985 !)

23 mars 2018

Gussle’s Backward Way (1915) de Charles Avery et Syd Chaplin

Autre titre : Syd’s Backward Ways

Gussle's Backward WayUn voyageur sur sa mule s’arrête au bord d’une rivière de montagne où il se fait rançonner. Il parvient à s’échapper par ruse mais, dans sa précipitation, ne se rend pas compte qu’il chevauche sa monture à l’envers. Il arrive dans une auberge où il raconte ses mésaventures…
Frère de Charles Chaplin, Sydney Chaplin (couramment nommé Syd Chaplin pour éviter de le confondre avec Sydney Chaplin, le fils de Charles Chaplin) a rapidement rejoint son frère à Hollywood à la fin 1914 pour tenter d’entamer, lui aussi, une carrière au cinéma. Son personnage Gussle apparaît ainsi dans une dizaine de courts métrages pour la Keystone. Le plus remarquable dans celui-ci est l’utilisation habile d’un trucage (film passé à l’envers) pour simuler une mule sans tête. On ne peut que remarquer la propension de Syd Chaplin à imiter son frère pour son accoutrement (pantalon trop large, veste trop serrée, canne et chapeau ridicule). Le film a été tourné au printemps 1915 alors que Charlie Chaplin utilisait son costume du vagabond depuis presque un an (même si The Tramp n’a été tourné que quelques semaines avant celui-ci). Sydney n’a toutefois pas toute la gestuelle évocatrice de son frère, il ne parvient pas à en engendrer l’empathie et ses gags restent très classiques et habituels, tout à fait dans la pure tradition du slapstick de la Keystone. Ce film, dont l’intérêt historique est indéniable, a été récemment brillamment restauré.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Syd Chaplin, Phyllis Allen
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Gussle's Backward Way

Gussle's Backward Way
Syd Chaplin et Dave Anderson dans Gussle’s Backward Way. A noter, en arrière-plan, l’écriteau de l’auberge qui annonce dans un français approximatif « Alpine du Nord – en pension ».

Gussle's Backward Way
Phyllis Allen et Syd Chaplin dans Gussle’s Backward Way.

20 mars 2018

Excalibur (1981) de John Boorman

ExcaliburGrâce à Merlin l’Enchanteur, le roi Uter Pendragon possède l’épée mythique Excalibur. Avant de mourir dans une bataille, il la plante dans un bloc de granit. Seul le jeune Arthur, son fils illégitime, parviendra plusieurs années plus tard à l’en extirper devenant par ce geste le nouveau roi d’Angleterre. Il parvient à rétablir la paix et crée la confrérie des Chevaliers de la Table ronde…
La Légende arthurienne a été porté plusieurs fois à l’écran mais la version de John Boorman est indéniablement la plus belle. Le scénario se base sur les écrits de Thomas Malory (milieu du XVe siècle) qui ont l’avantage de compiler légendes et écrits pour en faire un récit chronologique, comblant éventuellement les trous. John Boorman parvient à restituer tout le souffle épique de ces histoires où la magie se mêle aux luttes des humains. Il sait créer des images à la fois fortes et belles, sans démesure de moyens. Le film a été tourné en Irlande en évitant d’utiliser des acteurs connus pour concentrer l’attention sur le récit : bon nombre d’acteurs viennent de la scène shakespearienne anglaise ce qui donne une indéniable intensité à l’interprétation. Bien entendu, tout cela pourra paraître vieillot aux spectateurs nourris aux effets spéciaux et aux combats des productions plus récentes, mais rarement une telle ampleur a été donnée à la Légende arthurienne.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Nigel Terry, Helen Mirren, Nicholas Clay, Cherie Lunghi, Paul Geoffrey, Nicol Williamson, Gabriel Byrne
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Excalibur
Superbe plan : l’apparition de l’épée Excalibur dans Excalibur de John Boorman.

Excalibur
Gabriel Byrne (Uther, à cheval) et Nicol Williamson (Merlin) dans Excalibur de John Boorman.

Excalibur
Les Chevaliers de la Table ronde (presque) au grand complet dans Excalibur de John Boorman.

Excalibur
Patrick Stewart tente d’extirper l’épée prisonnière du roc dans Excalibur de John Boorman.

Excalibur
Nigel Terry (Arthur) et Cherie Lunghi (Guenevere) dans Excalibur de John Boorman. A l’arrière-plan à gauche : Nicholas Clay (Lancelot).

19 mars 2018

L’Adorable Voisine (1958) de Richard Quine

Titre original : « Bell Book and Candle »

L'adorable voisineUn soir de Noël, à New York, une ravissante jeune femme se désole de ne pouvoir tomber amoureuse d’un homme et mener une vie ordinaire. Elle ne fréquente en effet que des personnes de « son espèce ». Elle aimerait tant pouvoir ainsi passer une soirée avec son nouveau voisin…
Bell Book and Candle est adapté d’une pièce de John Van Druten qui n’avait connu qu’un très petit succès à Broadway au début de la décennie. Cette comédie légère sur le thème des sorcières est mise en scène à l’écran par Richard Quine, artisan des comédies à la Columbia. Beaucoup la considère comme sa réalisation la plus réussie. L’humour repose sur le décalage entre le monde courant et le monde des mages et sorcières. On peut voir le film comme une tentative de retrouver l’humour de la série des Topper (1937) (Cary Grant a d’ailleurs cherché à avoir le rôle) ou encore de I Married a Witch de René Clair (1942). Sans être aussi réussi, l’ensemble est très amusant. Le choix de Kim Novak paraît judicieux pour ce rôle ambivalent (à noter que Vertigo venait tout juste de sortir sur les écrans). L’actrice joue ici avec son propre chat. James Stewart a déclaré n’avoir pas été très à l’aise dans son rôle de businessman mais, s’il montre une petite gêne, celle-ci colle très bien avec son personnage. La présence de Jack Lemmon est plus inattendue ; elle ajoute des notes d’humour supplémentaires. Bell Book and Candle nous fait passer un bon moment.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: James Stewart, Kim Novak, Jack Lemmon, Ernie Kovacs, Elsa Lanchester, Janice Rule
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Bell Book and Candle
Kim Novak et son chat Pyewacket dans L’adorable voisine de Richard Quine.

Remarques :
* Richard Quine a été amoureux de Kim Novak pendant des années.
* La Columbia avait prêtée Kim Novak à la Paramount pour Vertigo. L’arrangement prévoyait une réciprocité. C’est ainsi que James Stewart s’est retrouvé dans cette production Columbia.
* Le français Philippe Clay est bien visible en chanteur dans deux scènes situées dans le Zodiac Club. Il y fait un beau numéro.
* L’expression Bell book and candle (= cloche, livre et bougie) fait référence aux trois accessoires nécessaires dans un rite latin d’excommunication par anathème (merci Wikipedia). A noter toutefois qu’il n’est jamais fait allusion à la religion dans cette histoire.

Bell Book and Candle
James Stewart et Kim Novak dans L’adorable voisine de Richard Quine.

Bell Book and Candle
Elsa Lanchester, Kim Novak et Jack Lemmon dans L’adorable voisine de Richard Quine.

17 mars 2018

Patton (1970) de Franklin J. Schaffner

PattonEn 1943, George S. Patton arrive en Tunisie pour prendre le commandement des troupes américaines alors très mal en point face à l’Afrikakorps de Rommel. Il renforce la discipline et restaure la confiance en remportant une victoire contre les chars allemands…
Sur un scénario co-écrit par Francis Ford Coppola, Patton retrace le parcours de ce général hors du commun, féru d’Histoire et, selon lui, né pour se battre. Le récit se concentre ainsi plus sur le personnage que sur ses faits d’armes. Le général Patton était incontestablement un brillant stratège mais il fut souvent tenu à l’écart par l’état-major car impossible à contrôler et enclin à faire des maladresses diplomatiques ou médiatiques. La vérité historique est assez bien respectée et le plus remarquable dans le film est dans la distance prise avec le sujet : ce n’est ni un éloge admiratif ni une condamnation, c’est avant tout le portrait d’un homme qui se sentait investi d’une mission et qui a joué un rôle important dans le déroulement de la Seconde Guerre mondiale. L’interprétation de George C. Scott est en tous points parfaite, très puissante.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: George C. Scott, Karl Malden, Stephen Young, Michael Strong
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Remarque :
* George C. Scott fut le premier acteur à refuser son Oscar, s’opposant ainsi à cette grande foire communicationnelle et réfutant le principe-même d’une compétition entre les acteurs.

Patton
George C. Scott dans Patton de Franklin J. Schaffner.

Patton
George C. Scott et Karl Malden dans Patton de Franklin J. Schaffner.

Partton
George C. Scott dans Patton de Franklin J. Schaffner.

15 mars 2018

Arizona Dream (1993) de Emir Kusturica

Arizona DreamAxel a perdu ses parents dans un accident. Son oncle Leo le fait venir en Arizona avec son cousin Paul pour qu’ils travaillent dans son commerce comme vendeurs de voitures. Axel y fait la connaissance de deux femmes, Grace et sa belle-mère Elaine, qu’ils suivent dans leur maison en plein désert. Elaine nourrit le rêve de voler dans les airs et Axel va l’aider en construisant des machines de fortune…
Ecrit et réalisé par le serbe Emir Kusturica, Arizona Dream est son unique (jusqu’à présent du moins) film américain. C’est une fable plutôt surréaliste où l’on sent poindre son incompréhension du rêve américain. Pour Kusturica, ce qui compte, c’est l’imaginaire, les rêves les plus fous qui sont enfouis en nous. Le cinéaste sait créer de belles allégories d’une indéniable force poétique. Tout cela serait parfait si le film n’était pas si long, toute la seconde moitié de ce film de 142 minutes n’apporte rien. La musique est remarquable avec quatre morceaux chantés par un Iggy Pop à la voix grave, dont le fameux « In the Death Car » (qui fut bloqué un certain temps par la justice car c’est un plagiat). Gros succès en Europe à sa sortie. Nous avions alors beaucoup plus apprécié ce film…
Elle: 3 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Johnny Depp, Jerry Lewis, Faye Dunaway, Lili Taylor, Vincent Gallo
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Arizona Dream
Symbole d’un rêve américain que Kusturica comprend mal : les grosses voitures que plus personne ne veut acheter sont réduites à être exposées au bord des routes dans Arizona Dream de Emir Kusturica (entre lesquelles Jerry Lewis semble vouloir au golf avec un balai).

Arizona Dream
Faye Dunaway et Johnny Depp dans Arizona Dream de Emir Kusturica.

Arizona Dream
Lili Taylor et Johnny Depp dans Arizona Dream de Emir Kusturica.

Arizona Dream
Vincent Gallo dans Arizona Dream de Emir Kusturica.

13 mars 2018

Quarante tueurs (1957) de Samuel Fuller

Titre original : « Forty Guns »

Quarante tueursGriff Bonnel, accompagné de ses frères Wes et Chico, arrive à Tombstone où la puissante propriétaire terrienne Jessica Drummond fait la loi à la tête d’une petite troupe de quarante hommes. Elle a aussi un jeune frère qui estropie par jeu un adjoint du shérif. Griff le maitrise et le met sous les verrous…
A sa sortie, Forty Guns était un western unique en son genre et soixante ans plus tard il l’est tout autant. Tourné rapidement avec un budget très faible, c’est un film d’auteur qui privilégie le style sur le déroulement du récit. L’histoire est surtout celle d’un amour impossible : il ne faut pas attendre un film d’action. Samuel Fuller réussit de nombreux plans mémorables, à commencer par une scène d’introduction pleine de furie qui nous laisse abasourdi. Il traite les scènes classiques du western (duels, chevauchées, etc.) de façon franchement inédite : le duel final est ainsi dans toutes les mémoires (de ceux qui l’ont vu…) Le plus remarquable est dans la simplicité de ses solutions qui nécessitent toutefois une grande maitrise technique. Inévitablement, certains spectateurs seront certainement déroutés par Forty Guns mais son style et son atmosphère le rendent assez enthousiasmant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Barbara Stanwyck, Barry Sullivan, Dean Jagger, John Ericson, Gene Barry
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Forty Guns
Barry Sullivan et Barbara Stanwyck dans Quarante tueurs de Samuel Fuller.

Remarques :
* Dans son encyclopédie sur le western, l’américain Phil Hardy qualifie Forty Guns d’ « exemple typique des différences entre les Etats-Unis et l’Europe dans le regard porté sur les productions hollywoodiennes : les américains considèrent le film comme étant franchement raté alors que les européens l’admirent pour son style et sa vigueur. »
(Ceci dit, il n’a pas fait l’unanimité en Europe : sur ce film, on retrouve globalement le clivage pro-/con- Nouvelle Vague).

* Barbara Stanwyck, 49 ans au moment du tournage, a toujours été une intrépide cavalière. Lorsque sa doublure a jugé trop dangereux de se laisser trainer au sol par un cheval au galop, l’actrice n’a pas hésité à le faire elle-même. Elle en est sortie indemne, avec tout de même ecchymoses et éraflures.

Forty GunsBarbara Stanwyck et John Ericson dans Quarante tueurs de Samuel Fuller.
Le duel final est unique en son genre. Samuel Fuller a expliqué dans une interview qu’initialement il avait prévu que Barbara Stanwyck soit tuée par Griff. Les studios ayant refusé cette fin, il a alors trouvé un moyen très original de ne pas retourner la scène.

Forty GunsEve Brent dans Quarante tueurs de Samuel Fuller.
Célèbre plan où le frère de Griff regarde la jeune et jolie armurière à travers le canon d’un fusil (démonté). Jean-Luc Godard fera un clin d’oeil à cette scène dans A bout de souffle lorsque Belmondo regarde Jean Seberg à travers un magazine roulé.
Parmi les autres scènes mémorables, il faut citer le long travelling sur Barry Sullivan marchant à travers la ville.

Quarante tueursBarry Sullivan et Barbara Stanwyck dans Quarante tueurs de Samuel Fuller.

7 mars 2018

L’empereur du Nord (1973) de Robert Aldrich

Titre original : « Emperor of the North Pole »

L'empereur du Nord1933. La Grande Dépression a transformé des milliers d’américains en vagabonds qui errent à la recherche d’un travail, voyageant illégalement en train pour traverser le pays. L’un d’eux, surnommé Numéro 1, met au défi Shack, un chef de train brutal et sadique, en annonçant qu’il voyagera sur son train jusqu’à Portland. Un jeune hâbleur du nom de Cigarette sera aussi du voyage…
L’empereur du Nord est librement inspiré d’un roman de Leon Ray Livingston, From Coast to coast with Jack London (1917), qu’il écrit sous le pseudonyme de « A-No.-1 » (1). Robert Aldrich évacue tout aspect humaniste ou social : le drame de cette période de crise est ici réduit à la confrontation aussi violente qu’inutile de deux individus. Il en fait un jeu du chat et de la souris, impression renforcée par la musique qui évoque les films muets burlesques dans certaines scènes, mais la violence est omniprésente (le meurtre de la scène d’ouverture est rapide mais vraiment horrible). Comme dans nombre de ses précédents films, Aldrich dépasse la notion de bien et de mal ; les victimes peuvent ici se transformer rapidement en bourreaux. Le principal attrait (à mes yeux, du moins) du film réside dans la performance des acteurs avec ce face à face de deux « trognes » de cinéma et dans la belle photographie. Le film est en général très apprécié. La fascination de l’homme pour la violence est toujours aussi surprenante…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Lee Marvin, Ernest Borgnine, Keith Carradine, Charles Tyner
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(1) Le scénario s’inspire certainement également de The Road (1907) où Jack London raconte sa vie de vagabond. Jack London a effectivement rencontré un « No. 1 » mais ne l’a pas mentionné dans son livre. Jack London aurait lu une préversion du livre de Leon Ray Livingston et l’aurait qualifié de « pure fiction à 98% ». Bien que Jack London ait porté ce surnom de Cigarette quand il était vagabond, le personnage de Cigarette dans le film d’Aldrich n’a rien à voir avec lui.

Remarques :
* Le titre original, Emperor of the North Pole, se base sur une blague du milieu des vagabonds, qui disait que le meilleur vagabond du monde serait « Empereur du pôle Nord », manière de dire qu’il régnerait sur un désert.
* Le titre original fut ensuite raccourci à Emperor of the North pour ne pas prêter à confusion, l’univers arctique étant considéré comme un  box office poison  (repoussoir de succès).

L'Empereur du NordErnest Borgnine dans L’empereur du Nord de Robert Aldrich.

L'Empereur du Nord
L'Empereur du NordLee Marvin et Keith Carradine dans L’empereur du Nord de Robert Aldrich.
L'Empereur du NordErnest Borgnine n’a pas son pareil pour nous faire de telles trognes… Ernest Borgnine dans L’empereur du Nord de Robert Aldrich.