11 décembre 2019

Cold War (2018) de Pawel Pawlikowski

Titre original : « Zimna wojna »

Cold War (Zimna wojna)Dans les années 50, Wiktor, pianiste, parcourt la campagne polonaise à la recherche de voix et de chansons authentiques pour former un groupe folklorique. Il tombe amoureux de Zula, jeune femme au caractère affirmé et ils jurent de ne plus se quitter…
Cinq ans après le remarqué Ida, Pawel Pawlikowski revient avec cette histoire très forte d’amour impossible, en partie inspirée de la relation chaotique de ses propres parents et de l’histoire du groupe folklorique polonais Mazowsze (Chœur Ballet et Orchestre National de chants et danses populaires de Pologne). Il mêle subtilement à son histoire des éléments qui évoquent l’omniprésence de la surveillance et la pesanteur du joug soviétique. Outre le récit qui s’étale sur une quinzaine d’années, le film séduit aussi par sa forme : la photographie en noir et blanc format 4:3 est très belle, avec des compositions vraiment remarquables et la musique très présente est superbe. Enorme succès en Pologne, le film a été très remarqué à l’international. Prix de la mise en scène à Cannes 2018.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Joanna Kulig, Tomasz Kot, Borys Szyc, Agata Kulesza, Cédric Kahn, Jeanne Balibar
Voir la fiche du film et la filmographie de Pawel Pawlikowski sur le site IMDB.
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Remarques :
* Lorsque Wiktor travaille sur la musique d’un film à Paris, le film montré est Les Vampires (I Vampiri, 1957) de Riccardo Freda avec Gian Maria Canale.
* Le titre original signifie bien « Guerre froide ». A noter que le film a été distribué dans toute l’Europe sous le titre en anglais.

Cold War (Zimna wojna)Joanna Kulig dans Cold War (Zimna wojna) de Pawel Pawlikowski.

Cold War (Zimna wojna)Tomasz Kot dans Cold War (Zimna wojna) de Pawel Pawlikowski.

14 juillet 2018

Le Dibbouk (1937) de Michal Waszynski

Titre original : « Der Dibuk »

Le DibboukPologne, XIXe siècle. Deux amis d’enfance, Sender et Nisson, promettent devant le rabbin de marier leurs futurs enfants qui doivent naître presque le même jour. Mais Nisson décède le jour de la naissance de son fils et Sender oublie vite la promesse. Vingt ans plus tard, les deux enfants se rencontrent…
Le Dibbouk est adapté d’une pièce rédigée en yiddish par l’ethnographe russe Shalom Anski en 1917. C’est l’un des rares films tournés en yiddish qui soient parvenus jusqu’à nous. L’histoire s’inspire d’une légende ancienne, assez proche de Roméo et Juliette, où les rites et la religion juive côtoient le fantastique. Outre la préservation du folklore et de la culture yiddish, la description de la vie d’une communauté juive d’Europe Centrale donne au film des qualités ethnologiques certaines. Tourné à Varsovie, le film réunit les plus grands artistes du théâtre yiddish de l’époque. Le climat, les lieux, les lumières et sa dimension poétique évoquent l’expressionnisme allemand. Si le film a des qualités historiques évidentes, il faut bien reconnaitre que les rites religieux ou sociaux si soigneusement montrés peuvent paraître un peu longs au spectateur étranger à cette culture.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Avrom Morewski, Ajzyk Samberg, Lili Liliana
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Le dibbouk
Lili Liliana dans Le Dibbouk de Michal Waszynski.

Remarque :
* Sens du titre : selon la légende, dans la tradition juive kabbaliste, lorsque qu’un être meurt avant son heure, son âme revient errer parmi les vivants. Certains entrent dans le corps d’une personne qui leur fût proche. On appelle la personne ainsi possédée un dibbouk.

Le Dibbouk
Lili Liliana, Ajzyk Samberg et Leon Liebgold dans Le Dibbouk de Michal Waszynski.

10 juin 2016

Marie Walewska (1937) de Clarence Brown

Titre original : « Conquest »

Marie WalewskaPologne, 1807. Comme beaucoup de polonais, la comtesse Walewska voient en Napoléon un libérateur des jougs russe et prussien. C’est donc avec un mélange d’admiration et de ferveur patriotique qu’elle rencontre l’empereur. Napoléon tombe instantanément sous son charme… Marie Walewska est un des ces films où Hollywood romance l’Histoire pour servir au plus grand nombre une belle histoire d’amour, de quoi hérisser le poil de tout historien fervent. C’est ici l’histoire de celle qui fut la maitresse de Napoléon de 1807 à 1815, parfois désignée comme « la femme polonaise » de Napoléon. C’est le septième (et ultime) film de Garbo sous la direction de Clarence Brown qui sait donc bien manier la ténébreuse actrice, intimidante pour ses partenaires. Il n’est pas facile de trouver un acteur de sa stature à lui opposer mais force est de constater que Charles Boyer, à défaut d’être parfaitement crédible en Napoléon, est entièrement à la hauteur. L’acteur originaire de Figeac est alors au sommet de sa gloire ; il fait preuve ici d’une palette assez riche de jeu. Certes, il n’y a pas de chimie particulière entre les deux acteurs mais cela sied bien aux personnages. Garbo montre toute la force de son jeu, autant dans la mélancolie, ce qui est habituel, que dans la gaité, ce qui l’est moins. Le film bénéficia de tous les soins, le tournage fut particulièrement long (cinq mois). Malgré cela, le film n’eut qu’un succès relatif et se révéla être un grand gouffre financier pour la MGM. Il n’est pas mineur pour autant mais sans doute manque t-il d’une ou deux scènes de grande envergure qui lui auraient certainement donné de l’ampleur.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Greta Garbo, Charles Boyer, Reginald Owen
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Remarques :
* Conquest est souvent présenté comme le film qui a initié la chute de Greta Garbo. De fait, alors qu’elle a touché 500 000 dollars pour faire ce film (soit l’équivalent de 8 millions de dollars de 2016), elle ne touchera que 125 000 dollars pour son film suivant (le délicieux Ninotchka de Lubitsch) soit quatre fois moins.
* Certaines scènes auraient été tournées par Gustav Machatý (le réalisateur austro-hongrois découvreur d’Hedy Lamarr) durant une brève abscence de Clarence Brown pour cause de maladie.
* Le budget du film fut de 2,7 millions de dollars (soit le double de celui de Camille) et n’en rapporta que la moitié. La perte de 1,4 millions fut la plus lourde perte enregistrée pour un seul film par la MGM pour les années 20, 30 et 40.
Nota : à titre de comparaison, le budget de de Gone with the Wind l’année suivante sera de 3,9 millions, nous sommes donc là dans les plus gros budgets.

Marie Walewska
Greta Garbo et Charles Boyer dans Marie Walewska de Clarence Brown.

7 janvier 2016

Ida (2013) de Pawel Pawlikowski

IdaDans la Pologne de 1961, une jeune orpheline, élevée dans un couvent catholique, est sur le point de prononcer ses voeux de religieuse. Pour qu’elle soit sûre de son engagement, la Mère Supérieure l’envoie rencontrer sa tante, seul membre connu de sa famille, qui lui parle de ses parents. Ensemble, elles vont chercher à découvrir ce qui leur est arrivé pendant la guerre… Après avoir signé quatre longs métrages en Angleterre, le polonais Pawel Pawlikowski est revenu dans son pays natal pour y réaliser Ida, un très beau film plein de délicatesse. Ces deux femmes sont très différentes, aux antipodes l’une de l’autre, et ce qu’elles vont découvrir sur le passé va avoir des répercussions tout aussi différentes sur elles (mais n’est ce pas les conséquences du même constat, celui de l’impossibilité de vivre ?) Le propos du réalisateur n’est pas de démontrer ou de dévoiler mais plutôt de nous faire pénétrer un univers pour, peut-être, provoquer la réflexion. Pawlikowski a filmé cela avec beaucoup de retenue, évitant tout pathos malgré la force des émotions, et aussi beaucoup d’esthétisme : l’image en noir et blanc est superbe, il n’y a pas ou très peu de mouvements de caméra et les cadrages sont parfaits, très photographiques. Cet esthétisme n’est jamais forcé, à aucun moment il ne paraît artificiel. Ida forme ainsi un très bel ensemble.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Agata Kulesza, Agata Trzebuchowska
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Ida
Agata Kulesza et Agata Trzebuchowska dans Ida de Pawel Pawlikowski

Ida

24 septembre 2015

Camouflage (1977) de Krzysztof Zanussi

Titre original : « Barwy ochronne »

CamouflagePologne, années soixante-dix. Lors d’une université d’été, en marge d’un concours d’exposés de linguistique, un jeune professeur enthousiaste et idéaliste s’oppose à un de ses collègues plus âgés à propos des pressions et compromissions… Plutôt mal connu en France, le réalisateur polonais Krzysztof Zanussi est l’un des grands représentants de la nouvelle vague polonaise (« Nowa fala ») qui a débuté à la toute fin des années soixante. Il a écrit lui-même cette réflexion à la fois psychologique, philosophique et politique. Elle explore de nombreux sujets, notamment le conformisme et la corruption, et de façon plus générale, l’éthique. L’essentiel du film réside dans les discussions vives et acerbes de ces deux professeurs et si le début du film peut laisser craindre une situation plutôt manichéenne, la suite nous emmène dans des réflexions plus profondes : le personnage le plus riche est le professeur plus âgé, d’abord présenté comme arriviste et soumis aux autorités mais qui se montre ensuite bien plus complexe, manipulateur, rusé mais finalement extrêmement désillusionné comme en témoigne sa toute dernière phrase qui vient clore le film de façon assez noire. Les questions soulevées sont intéressantes et, si les sous-entendus politiques sont évidents (nous sommes là en pleine période de la Pologne communiste, trois ans avant la création-même de Solidarność), ces réflexions sur l’éthique de vie sont suffisamment générales pour s’appliquer en dehors de ce contexte si particulier (en remplaçant aujourd’hui le politique par l’économique par exemple). Les deux acteurs sont merveilleux. Camouflage est un film brillant.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Piotr Garlicki, Zbigniew Zapasiewicz
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Camouflage de Zanussi
Zbigniew Zapasiewicz et Piotr Garlicki sont les deux professeurs du film de Krzysztof Zanussi Camouflage.

28 mai 2015

Cendres et diamant (1958) de Andrzej Wajda

Titre original : « Popiól i diament »

Cendres et diamantPologne, mai 1945. C’est la fin de la guerre mais la lutte contre les Allemands a laissé la place à un dur affrontement entre communistes et partisans nationalistes fidèles à l’ancien régime. Maciek, un jeune combattant d’un maquis nationaliste, est chargé d’abattre un responsable communiste local. Après s’être une première fois trompé de victime, il est en proie au doute… Cendres et diamant est le troisième film d’Andrzej Wajda. Adapté d’un roman de Jerzy Andrzejewski, il s’inscrit dans la lignée de Kanal qui l’avait révélé l’année précédente à Cannes. Il témoigne du désarroi d’une jeunesse qui cherche au milieu des cendres le diamant d’une renaissance. Comment intégrer ces années de lutte, comment vivre lorsque l’on a si souvent oté la vie à ses semblables ? Ecartelé, son héros, magnifiquement interprété par Zbigniew Cybulski, est à la fois un militant-combattant dont la conviction n’est plus soutenue par l’action permanente et un grand romantique : sa rencontre avec une jolie serveuse ranime son aspiration à la vie. Wajda réussit même à glisser une dose d’humour, le plus souvent au détriment de l’attrait du pouvoir. C’est un film à la fois riche dans son propos et superbe dans sa forme : la photographie, marquée par l’expressionnisme mais aussi par le film noir, est assez enthousiasmante…
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Zbigniew Cybulski, Ewa Krzyzewska, Waclaw Zastrzezynski, Adam Pawlikowski
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Remarque :
Zbigniew Cybulski, acteur qui a une présence folle à l’écran, a ensuite beaucoup tourné avec Wajda avant de mourir accidentellement en 1967.

Cendres et Diamant
Zbigniew Cybulski et Ewa Krzyzewska dans Cendres et diamant de Andrzej Wajda

4 février 2015

Amator (1979) de Krzysztof Kieslowski

AmatorUn employé achète une caméra pour filmer sa fille qui vient de naître. Quand son patron apprend cela, il lui demande de filmer un évènement de son entreprise. C’est le début d’une passion… L’Amateur (parfois titré Le Profane) fait partie des premiers longs métrages du polonais Krzysztof Kieslowski qui livre un peu de lui-même dans ce récit. Comme il a pu l’être lui-même, son héros est gagné par une passion dévorante du cinéma qui phagocyte peu à peu sa vie personnelle et lui donne un regard nouveau sur le monde qui l’entoure. Il apprivoise son langage, le cadrage, le montage. Il va aussi découvrir son pouvoir, sa fonction au sein d’une société, la force du documentaire, sa portée politique, avec comme inévitable corollaire (du moins en pays communiste comme l’était la Pologne), la censure. L’Amateur est ainsi une belle réflexion sur le rôle du cinéma, sur l’implication de l’artiste dans son art et ses interrogations, tout cela presque sans en avoir l’air car Kieslowski reste très près de son personnage.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jerzy Stuhr, Malgorzata Zabkowska, Stefan Czyzewski
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Remarque :
* Le réalisateur Krzysztof Zanussi (l’un des grands représentants de la Nouvelle Vague polonaise et par ailleurs ami dans la vraie vie de Kieslowski) interprète lui-même son propre rôle.

Amator de Krzysztof Kieslowski
Jerzy Stuhr est le cinéaste amateur dans le film L’Amateur de Kieslowski. Il utilise ici une caméra 8mm Quartz 2 de fabrication russe. Derrière lui se tient Malgorzata Zabkowska.

Amator de Krzysztof Kieslowski
Vers la fin du film, la seconde caméra qu’il utilise est la légendaire Krasnogorsk K3, caméra 16mm à visée reflex de fabrication russe avec zoom Meteor (une caméra que Kieslowski a lui-même utilisée à ses débuts… mais pas pour L’Amateur qui est tourné en 35mm).
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