9 juillet 2014

Abus de confiance (1937) de Henri Decoin

Abus de confianceA la mort de sa grand-mère, la jeune Lydia se retrouve orpheline. Elle a bien du mal à continuer ses études de droit et accumule les dettes. Sa seule amie lui conseille de se faire passer pour la fille naturelle d’un écrivain connu. Elle refuse tout d’abord mais ne pouvant trouver de travail, elle finit par accepter… Abus de confiance est le deuxième film d’Henri Decoin avec sa jeune épouse Danielle Darrieux, alors âgée de 20 ans. Plus que l’intrigue, c’est la condition sociale de cette étudiante sans le sou qui a visiblement intéressé Decoin. Il nous la montre très vulnérable, en proie à tous les profiteurs libidineux qui tentent d’abuser d’elle. Il veut nous montrer qu’elle est presque forcée d’en venir à l’escroquerie… Le final est de toute beauté avec une plaidoirie magistrale de la jeune avocate contre la pauvreté. Abus de confiance est finalement un film très humaniste. La réalisation d’Henri Decoin est assez classique, sans grand éclat mais il sait nous gratifier de quelques très beaux gros plans de son actrice préférée.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Danielle Darrieux, Charles Vanel, Valentine Tessier, Pierre Mingand
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Remarques :
* L’histoire est de Pierre Wolff qui a également écrit les dialogues. L’adaptation a été écrite par Henri Decoin et Jean Boyer.
* Comme l’a fait remarquer de façon amusante le critique d’un magazine bien connu, la silhouette de Danielle Darrieux qui déambule dans les rues avec son grand ciré noir n’est pas sans faire penser à celle de Michelle Morgan de Quai des Brumes que Carné tournera l’année suivante… Le ciré noir était (a toujours été ?) assez prisé des cinéastes car très photogénique. On pourrait citer aussi comme exemple Simone Simon dans La Bête humaine de Renoir, tourné également l’année suivante.

10 février 2014

La Ricotta (1963) de Pier Paolo Pasolini

Titre original : « RoGoPaG »

RogopagStacci est un miséreux qui a décroché un rôle de figuration dans un film sur la Passion. Il doit faire le bon larron. Après avoir donné son panier-repas à sa famille, il est tenaillé par la faim et doit ruser pour chercher à manger sous les quolibets des autres membres de l’équipe… La Ricotta (ou Le Fromage blanc en français) est l’un des quatre sketches du film Rogopag, titre formé avec le début des noms de ses quatre réalisateurs : Rossellini, Godard, Pasolini et Gregoretti. Les trois autres sketches sont généralement jugés comme étant assez mineurs mais celui de Pasolini est resté dans l’histoire du cinéma. Il fit effectivement grand scandale à l’époque, le film fut mis sous séquestre et Pasolini fut condamné à quatre mois de prison avec sursis pour « offense à la religion d’Etat ». Pourtant, ce n’est pas à la religion que s’en prend Pasolini dans ce film de 35 minutes. Il s’en prend assez durement à une classe de gens qui se prétendent artistes, vont s’esbaudir devant une scène de la Passion (jouée bien piètrement) mais restent aveugles à la misère toute proche d’eux. De plus, Pasolini fait dire à son metteur en scène (interprété par Orson Welles) ce qu’il pense des italiens : « le peuple le plus analphabète et la bourgeoisie la plus ignorante d’Europe ». Rogopag Acteurs et membres de l’équipe de tournage passent leur temps à rire de tout, à danser le twist, à se moquer des autres. Assez bizarrement, Pasolini utilise lui aussi l’humour pour nous montrer comment le pauvre Stacci doit se démener pour pouvoir manger. Il est vrai que le rire nous reste ensuite en travers de la gorge et l’humour tourne alors au tragique lors de la scène de gavage. La Ricotta est un film assez féroce envers les nantis.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Orson Welles, Mario Cipriani
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Remarques :
* Le film Rogopag fut exploité sans le sketch de Pasolini sous le titre Laviamoci il cervello (Lavons-nous le cerveau).

* Originellement, les quatre sketches étaient :
1. Illibatezza (Pureté) de Roberto Rossellini avec Rosanna Schiaffino
2. Il Nuovo Mondo (Le Nouveau Monde) de Jean-Luc Godard avec Jean-Marc Bory et Alexandra Stewart
3. La Ricotta (Le Fromage blanc) de Pier Paolo Pasolini
4. Il Pollo ruspante (Le Poulet de grain) de Ugo Gregoretti avec Ugo Tognazzi

28 mai 2013

Les Raisins de la colère (1940) de John Ford

Titre original : « The Grapes of Wrath »

Les Raisins de la colèreLorsque Tom Joad rentre chez lui après quatre années d’absence, il trouve la situation bien changée. Après plusieurs récoltes ravagées par les tempêtes de poussière et expulsés sans scrupule par les propriétaires, les fermiers d’Oklahoma quittent leurs terres, attirés par les promesses de travail abondant en Californie… L’adaptation du grand roman de John Steinbeck, Les Raisins de la colère, était au départ un projet de Daryl Zanuck qui en confia la réalisation à John Ford. Touché par cette histoire, le réalisateur y a vu une analogie avec la grande famine de l’Irlande de ses ancêtres. Il la filme avec un grand réalisme, presque documentaire, et une grande honnêteté qui font des Raisins de la colère un film humaniste de grande envergure. C’est sans aucun doute l’un des plus beaux rôles d’Henri Fonda, le plus beau d’après lui, l’acteur contribuant à donner une nature christique à son personnage. Certes, le propos de Steinbeck a été édulcoré, dépolitisé, amoindri mais il reste suffisamment fort, une ode poignante à la dignité humaine.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Henry Fonda, Jane Darwell, John Carradine, Charley Grapewin
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Remarques :
Grappes d'amertume * L’adaptation a été écrite par Nunnally Johnson.
* Le livre de John Steinbeck et le film de John Ford ont été édités en Belgique sous le titre Grappes d’amertume.
* Les Raisins de la colère comporte deux fins et les copies en circulation montrent l’une ou l’autre. John Ford avait terminé son film avec le départ de Tom après sa superbe profession de foi. A la demande de Daryl Zanuck, il fut ajouté une autre scène (de 4 minutes environ) où l’on voit la famille Joad quitter le camp pour un bon travail de plusieurs semaines et Ma Joad dit à son mari : « Nous durerons toujours car nous sommes le peuple. On ne peut nous effacer. »
* Pour juger du caractère réaliste du film, on peut le rapprocher des travaux des grands photographes qui ont travaillé pour la F.S.A. (Farm Security Administration) à la fin des années trente : Walker Evans et Dorothea Lange sont les plus connus, à juste titre d’ailleurs, mais il y a aussi Russell Lee, Arthur Rothstein, Ben Shahn et John Vachon.

2 février 2013

Les Femmes de la nuit (1948) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Yoru no onnatachi »

Les femmes de la nuitDans le Japon de l’après-guerre, Fusako apprend que son mari dont elle espérait le retour est décédé. Elle doit subvenir seule à ses besoins et à celle de sa sœur qu’elle a retrouvée, entraineuse dans un cabaret. Elle en vient à envisager la prostitution… Impressionné par les premiers films néoréalistes italiens (1), Kenji Mizoguchi change de style et signe son film le plus sombre. Tourné en grande partie en décors réels, dans les quartiers pauvres d’Osaka encore fortement marqués par les dégâts de la guerre, Les Femmes de la nuit décrit la descente aux enfers de trois femmes qui en viennent à se prostituer pour simplement pouvoir vivre. Avec son scénariste Yoshikata Yoda, le réalisateur est allé à la rencontre des prostituées et parvient donc à une description très réaliste des relations qu’elles ont entre elles. Il montre comment ces femmes reproduisent la violence que la société leur fait subir. Ses images sont brutes et sans fard. Certaines scènes sont très fortes, assez violentes aussi. Toute la dernière scène du film est particulièrement poignante et puissante. En montrant la condition tragique de certaines femmes, Mizoguchi dresse aussi le portrait de son pays, dévasté et meurtri par la guerre, le montrant sans optimisme dans sa triste réalité.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Kinuyo Tanaka, Sanae Takasugi, Tomie Tsunoda, Mitsuo Nagata
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Remarques :
* Le film est adapté d’un roman d’Eijirô Hisaita.
* Un autre film de 1948 porte en français un titre très proche : Femmes dans la nuit (Women of the night) de l’américain William Rowland.

(1) Le premier grand film néoréaliste Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini est sorti en 1945.

 

15 décembre 2012

Une auberge à Tokyo (1935) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Tôkyô no yado »

Une auberge à Tokyo(Film muet) Dans la banlieue industrielle de Tokyo, Kihachi erre avec ses deux jeunes enfants à la recherche d’un travail. Chaque jour, le problème de trouver un endroit pour manger et dormir se pose. Il rencontre une jeune femme et sa fille, elles aussi sans domicile… Une auberge à Tokyo est un film assez étonnant : dans le sillage des grands films réalistes du muet, notamment des films soviétiques, Ozu arrive un résultat assez similaire à ce que sera le courant du néoréalisme italien quelque dix années plus tard. Une auberge à Tokyo évoque ainsi singulièrement Le Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica (1948). Ozu pousse le réalisme jusque dans les détails et nous fait percevoir avec netteté et sans concession le désarroi de ce père condamné à errer avec ses deux enfants. Il parvient à nous faire sentir comment cette extrême pauvreté affecte l’homme dans l’estime qu’il s’accorde. La gravité du thème n’empêche pas Ozu de glisser un peu d’humour et de faire de très belles scènes dans les terrains vagues qui entourent les usines : celle où le père mime avec ses enfants un repas arrosé de saké, ou encore celles où l’homme et la femme regardent leurs enfants jouer. Même si la copie existante est assez abimée, l’image est assez belle et Ozu fait ici de très beaux travelings. Une auberge à Tokyo a été tourné en muet mais il a été ensuite sonorisé avec de la musique par le réalisateur.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Takeshi Sakamoto, Yoshiko Okada, Chôko Iida, Tomio Aoki
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Remarque :
Une auberge à Tokyo est l’avant-dernier film tourné par Ozu en format muet. Le dernier sera Daigaku yoitoko (Vive la fac ou Le collège est un endroit agréable) sorti en 1936.

23 juillet 2012

L’argent de la vieille (1972) de Luigi Comencini

Titre original : « Lo scopone scientifico »

L'argent de la vieilleTous les ans, une riche américaine vient passer quelques jours dans une somptueuse villa de Rome. Elle a pour habitude de jouer aux cartes avec un couple habitant le bidonville situé au pied de la colline. La vieille dame leur donne à chaque début de soirée un million de lires qu’ils perdent invariablement mais ils nourrissent l’espoir de gagner un jour… L’argent de la vieille est un film ambivalent à plus d’un titre. D’abord, sous couvert d’une comédie, le film a un contenu politique puissant ; ensuite, à l’aide d’un cas très particulier, il propose une vision on ne peut plus générale. Ce que l’on peut prendre au départ comme le gentil passe-temps d’une vieille dame est donc en réalité un jeu cruel dont les dés sont pipés, parabole sur les différences de classe entre riches et pauvres, capitalisme américain contre vieille Europe. Il faut tout l’art d’un grand metteur en scène pour parvenir à ce subtil équilibre entre les multiples composantes mises en œuvre, entre la comédie et le drame, entre la légèreté et la profondeur. Le film est très prenant. Les personnages sont hauts en couleur, avec de très nombreux seconds rôles très typés mais sans excès. Comencini dit avoir soigné les personnages des enfants, les seuls à ne pas tomber dans le panneau et desquels vient la solution ultime et radicale (qui est bien entendu une image : c’est le capitalisme qu’il faut tuer selon Comencini). L’argent de la vieille connut un beau succès. Il paraît toujours aussi actuel aujourd’hui.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Silvana Mangano, Joseph Cotten, Bette Davis, Mario Carotenuto
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Remarques :
* Oublié par les distributeurs, L’argent de la vieille n’est sorti en France qu’en 1977.
* Le scénario a été écrit par Rodolfo Sonego qui s’est inspiré d’un fait divers dont il avait été lui-même le témoin.
* Joseph Cotten a un rôle plutôt réduit : « Est-ce que mon dos a bien joué? » demandait-il à Comencini sur le tournage.

3 juillet 2012

Lola (2009) de Brillante Mendoza

Titre original : « Lola »

LolaA Manille, aux Philippines, une « grand-mère » (« lola » en philippin) vient de perdre son petit-fils poignardé par un vendeur de téléphones portables. Avec son arrière-petit-fils, elle arpente les rues pour faire les démarches et trouver l’argent nécessaire pour l’inhumation. Pendant ce temps, une autre lola fait tout pour sauver son petit-fils de la prison et lui donner une seconde chance ; c’est lui qui a tué… Le réalisateur philippin Brillante Mendoza nous plonge au cœur d’un des quartiers les plus pauvres de Manille. Il nous fait suivre le parcours de ces deux grands-mères qui se démènent avec obstination dans des conditions très difficiles. Son film nous montre l’importance sociale des personnes âgées qui sont très respectées (le « grand-mère » utilisé par toutes les personnes qui s’adressent à elles est une marque de respect) et aussi l’omniprésence de l’argent qui régit tous les rapports sociaux : même la justice doit s’effacer devant lui. Le film a été tourné à Manille, pendant la saison des pluies, plus précisément à Malabon, un quartier qui est inondé toute l’année. Les intempéries (pluies massives et forts vents) malmènent les humains. Caméra à l’épaule, Brillante Mendoza a ici un style très authentique qui donne aussi à son film un rôle documentaire.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Anita Linda, Rustica Carpio, Tanya Gomez, Ketchup Eusebio
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4 avril 2012

Los olvidados (1950) de Luis Buñuel

Los olvidadosDans la banlieue la plus pauvre de Mexico, un groupe d’adolescents traine dans les rues. L’un deux, El Jaibo, récemment évadé d’une maison de redressement, possède un ascendant sur les autres et les entraîne à commettre des méfaits. Le jeune Pedro se retrouve impliqué malgré lui… Los olvidados (les oubliés) marque le retour de Luis Buñuel sur le devant de la scène. Il s’est immergé plusieurs mois dans les bidonvilles de Mexico pour observer et voir la réalité de très près. Il signe ainsi un film proche du néo-réalisme italien (1), un film fort, sans sensationnalisme ni excès de misérabilisme mais dont les images sont marquantes. Luis Buñuel ne porte pas de jugement, il n’accuse pas la société qui tente d’apporter des solutions, il rend compte d’une situation sans issue. Il n’y a aucun manichéisme : fourbe et traitre, El Jaibo est la figure du mal et pourtant Buñuel le rend attachant dans une courte scène. Le seul jugement vraiment sévère est porté sur la mère de Pedro, incapable de donner la moindre parcelle d’amour. Los olvidados fut d’abord très mal reçu au Mexique. Déjà pendant le tournage, l’équipe était hostile mais, à sa sortie, Buñuel dut faire face à de nombreuses critiques acerbes : on lui reprochait de donner une mauvaise image du pays. Ce n’est qu’après un accueil triomphal à Cannes (en partie grâce à ses amis surréalistes) que le film put être plus largement distribué (2). Los olvidados a été inscrit par l’Unesco au Registre Mémoire du Monde en 2003.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Roberto Cobo, Estela Inda, Miguel Inclán, Alfonso Mejía, Alma Delia Fuentes
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Remarques :
* En France, les distributeurs sortirent le film sous le titre Los olvidados, Pitié pour eux, sous-titre qualifié de « ridicule » par Buñuel.
* Une autre fin, tournée par sécurité par Buñuel qui craignait la censure, a été redécouverte 50 ans après la sortie. Ce happy-end n’a heureusement jamais été utilisé. Il est présent sur certaines versions en DVD.

(1) Luis Buñuel dit avoir beaucoup aimé Sciuscià de Vittorio de Sica.
(2) Dans ses mémoires, Luis Buñuel raconte que Georges Sadoul avait reçu ordre du Parti Communiste français de ne pas parler du film, jugé film bourgeois (à cause de l’intervention de l’agent de police dans la scène du pédophile et de l’angélisme de la ferme/maison de redressement). Ce n’est que lorsque Poudovkine écrivit un article louangeur sur Los olvidados dans La Pravda quelques mois plus tard, que le PCF révisa instantanément son jugement.

29 janvier 2012

Barberousse (1965) de Akira Kurosawa

Titre original : « Akahige »

BarberousseAux alentours de 1820 à Edo (aujourd’hui Tokyo), un tout jeune médecin est affecté à un dispensaire de quartier pauvre alors qu’il attendait un poste bien plus prestigieux du fait de ses relations. Il se révolte d’abord contre son patron, un docteur entièrement dévoué à sa tâche surnommé Barberousse, avant de s’intéresser peu à peu à certains cas… Barberousse fait partie des grands films humanistes d’Akira Kurosawa. Il s’agit d’une œuvre de grande ampleur à laquelle le cinéaste a consacré deux années. Cette transformation d’un jeune arriviste est admirablement construite puisque plusieurs histoires dans l’histoire nous sont contées. L’idée développée par Kurosawa est de montrer que les maux physiques cachent souvent une tragédie humaine dont la cause profonde est soit la pauvreté, soit la rigidité des codes sociaux. Le docteur Barberousse prouve peu à peu au jeune homme que soigner les maux des autres lui permet aussi de soigner les siens et trouver une paix en lui-même. Kurosawa sait éviter tout misérabilisme et tout sermon, il raconte des histoires qui nous captivent par leur force et qui nous touchent profondément. Barberousse fait partie de ces films qui nous font réfléchir sur notre vision de la vie et nous donnent une sensation d’enrichissement. La mise en scène est parfaite, un grand soin a été porté sur les décors et le format large de l’image est merveilleusement exploité. Barberousse fait partie des plus grands films de Kurosawa.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Toshirô Mifune, Yûzô Kayama, Tsutomu Yamazaki, Reiko Dan, Miyuki Kuwano
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Remarque :
Barberousse marque la fin de la collaboration entre Akira Kurosawa et son acteur fétiche Toshirô Mifune. Ce dernier se lançait alors dans la production, il était aussi courtisé par Hollywood. Immobilisé par le long tournage de Barberousse, il a commencé à entrer en conflit avec Kurosawa sur l’orientation à donner à son personnage : alors que le réalisateur voulait mettre en avant son altruisme, l’acteur voulait accentuer son côté héros prêt à tout, lointain. Kurosawa déclarera par la suite : « Son interprétation héroïque, granitique, austère, a faussé le personnage. Mifune n’a pas voulu m’écouter. Alors j’ai décidé de ne plus travailler avec lui. Quand un acteur commence à jouer son propre personnage, c’est fini. » Nous pouvons voir la conséquence de ces dissensions dans  la scène du combat, une scène qui paraît assez décalée et inutile.