1 mars 2018

Monika (1953) de Ingmar Bergman

Titre original : « Sommaren med Monika »
Autres titres français : « Un été avec Monika », « Monika et le désir »

MonikaPeu après s’être rencontrés, Harry, garçon livreur, et Monika, ouvrière dans un magasin d’alimentation, décident de quitter la ville de Stockholm. Ils se rendent sur l’île d’Ornö où ils mènent une vie libre et idyllique…
Ingmar Bergman a tourné Monika avec très peu de moyens alors qu’il traversait une période délicate (qui l’avait contraint à tourner des films publicitaires). L’histoire, adaptée d’un roman de Per Anders Fogelström, est très simple mais ce qui rend le film si remarquable est la façon dont Bergman l’aborde en privilégiant les personnages sur le récit. Sa caméra nous place au milieu d’eux, elle semble vouloir nous placer en troisième personnage comme en témoigne le long et célèbre regard-caméra. Avec le recul, il est étonnant de voir à quel point le film est précurseur de la Nouvelle Vague. Il est si en avance que les « jeunes turcs » des Cahiers du cinéma ne le remarqueront pas tout de suite : Rohmer et Godard ne le verront sous cet angle qu’en 1958, lors d’une rediffusion à la Cinémathèque. Il faut dire qu’à sa sortie ses aspects érotiques avaient pris le dessus et occulté tout le reste (érotisme qui ne saute plus vraiment aux yeux aujourd’hui mais bien réel en 1953). C’est Godard qui pointera sa valeur subversive sur le plan moral, avec une remise en cause du schéma traditionnel de la famille, et le déclarera comme étant une source d’inspiration pour le « jeune cinéma moderne ». Monika a ainsi acquis le statut de mythe…
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Harriet Andersson, Lars Ekborg
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Monika
Harriet Andersson et Lars Ekborg dans Monika de Ingmar Bergman.

Monika
Le célèbre regard-caméra d’Harriet Andersson dans Monika de Ingmar Bergman.
En 1958, Godard dit de ce plan : « Il faut avoir vu Monika rien que pour ces extraordinaires minutes où Harriet Andersson, avant de recoucher avec un type qu’elle avait plaqué, regarde fixement la caméra, ses yeux rieurs embués de désarroi, prenant le spectateur à témoin du mépris qu’elle a d’elle-même d’opter volontairement pour l’enfer contre le ciel. C’est le plan le plus triste de l’histoire du cinéma. »
On peut aussi y voir autre chose, un regard de défi, Bergman nous mettant à la place d’Harry. C’est un regard soutenu pendant de nombreuses secondes, assez inexpressif, comme vidé de tout sentiment. Monika sait ce qu’elle va faire mais ses désillusions la rendent indifférente.
Ces deux façons de voir l’héroïne ont partagé (et partagent toujours) les cinéphiles : Monika est-elle une victime qui se libère d’un cadre trop étroit ou fait-elle preuve d’un égoïsme aussi extrême que blâmable ?

Monika
Lars Ekborg et Harriet Andersson dans Monika de Ingmar Bergman.

27 février 2018

L’attente des femmes (1952) de Ingmar Bergman

Titre original : « Kvinnors väntan »

L'attente des femmesDans leur villa de vacances, quatre femmes attendent leurs maris, les frères Lobelius, qui doivent les rejoindre. L’une d’elles est très déprimée par le vide de son couple et, pour la réconforter, les trois autres lui racontent un épisode peu avouable de leur vie qui a changé l’orientation de leur couple…
Ingmar Bergman a tourné L’attente des femmes juste avant Monika. Il en a écrit le scénario avec sa (troisième) femme Gun Grut. Il se présente comme un film à sketches avec trois histoires indépendantes, une formule qui a séduit le cinéaste qui a pu adopter à chaque fois un style très différent. La première, un triangle amoureux très classique, est peut-être celle où il adopte un style le plus personnel. Il y montre de la sensibilité dans son approche des personnages. La deuxième histoire, particulièrement ennuyeuse, est d’un style inspiré de l’expressionnisme allemand et la troisième est une comédie assez amusante de type screwball, une typique « comédie du remariage ». Ingmar Bergman cherche son style et n’a pas encore cette faculté de nous emmener profondément dans ses personnages. De ce fait, l’ensemble n’échappe pas à une certaine banalité apparente.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Anita Björk, Eva Dahlbeck, Maj-Britt Nilsson, Birger Malmsten, Gunnar Björnstrand, Jarl Kulle
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L'attente des femmes
Anita Björk, Gerd Andersson (à l’arrière-plan), Eva Dahlbeck et Aino Taube dans L’attente des femmes de Ingmar Bergman.

19 juin 2017

Le Sacrifice (1986) de Andreï Tarkovski

Titre original : « Offret »

Le Sacrifice(Exceptionnellement, le synopsis qui suit couvre tout le film car il est, à mon avis, préférable de le connaitre avant de voir de film) Ex-comédien célèbre, Alexandre s’est retiré avec sa famille pour vivre isolé sur une île au large des côtes suédoises. Le jour de son anniversaire, une guerre nucléaire mondiale est déclenchée. Alexandre fait le vœu à Dieu de renoncer à ce qui lui est le plus cher et de ne plus prononcer une parole si tout redevient comme avant. Le facteur, passionné des phénomènes paranormaux, lui conseille d’aller chez sa voisine qui est un peu sorcière (ou un ange, au choix) et qui saura exaucer son vœu. C’est le cas. Il détruit alors sa maison et sacrifie sa liberté… Le Sacrifice est l’ultime film d’Andrei Tarkovski qui décèdera hélas quelques mois plus tard. Il s’agit d’une longue parabole dont plusieurs aspects restent assez obscurs. Le premier tiers (avant le passage des bombardiers) m’a personnellement le plus enchanté : de longs monologues d’Alexandre qui s’interroge sur sa vie et son rapport à la société. Autant ses réflexions sont intéressantes, autant les autres personnages paraissent futiles, le cas le plus extrême étant sa femme, une anglaise nostalgique de la vie mondaine (qui symbolise certainement la futilité de notre monde moderne mais on peut se demander comment Alexandre a pu vivre tant d’années avec elle). Le reste m’a paru inutilement imagé et lent, disons qu’Alexandre doit éprouver lui-même sa capacité à désirer le bien. On peut ne pas partager l’attrait du réalisateur pour le paranormal (mais toute l’histoire n’est peut-être qu’un rêve, aucun indice ne permet de trancher). La spectaculaire scène finale est devenue l’un des plans-séquences les plus célèbres de Tarkovski. Le film est une production franco-suédoise (le réalisateur a quitté sa Russie natale pour la Suède), plusieurs acteurs sont doublés, y compris la française Valérie Mairesse qui est plutôt inattendue dans un tel film. Le Sacrifice est, en tous cas, visuellement très beau.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Erland Josephson, Susan Fleetwood, Allan Edwall, Sven Wollter, Valérie Mairesse
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Remarques :
* Tarkovski fait un hommage appuyé à Bergman : Erland Josephson est l’un des acteurs fétiches de Bergman ; Sven Nykvist, le directeur de la photographie attitré de Bergman, est derrière la caméra ; les décors sont signés Anna Asp, oscarisée pour les décors de Fanny et Alexandre ; le tournage a eu lieu sur l’île de Gotland où Bergman a tourné plusieurs de ses films ; pour couronner le tout, Daniel Bergman, fils du réalisateur, est un assistant.

* Bergman n’aimait pas vraiment le film, disant en quelque sorte que Tarkovski avait surtout fait du Tarkovski.

* Le Sacrifice a été sélectionné par le Vatican dans la catégorie « Religion » de sa liste de « 45 grands films ».

 

Le Sacrifice
Allan Edwall, Erland Josephson, Filippa Franzén et Susan Fleetwood dans Le Sacrifice de Andrei Tarkovski.

Le Sacrifice
Tournage de la scène finale de Le Sacrifice de Andrei Tarkovski. (Il s’agit vraisemblablement de la première prise car la fumée est bien plus verticale que dans le film. La caméra s’étant enrayée au beau milieu du plan-séquence, la maison a en effet été reconstruite pour faire une seconde prise.)

Le Sacrifice
La maison et sa miniature dans Le Sacrifice de Andrei Tarkovski.

1 décembre 2015

Fanny et Alexandre (1982) de Ingmar Bergman

Titre original : « Fanny och Alexander »

Fanny et AlexandreSuède, début du XXe siècle. Comme chaque année, Helena Ekdahl, propriétaire du théâtre d’Uppsala, a invité sa famille pour les festivités de Noël. Il y a là ses trois fils : le sérieux Oscar qui dirige le théâtre, le bon vivant Gustav Adolf et Carl, le professeur alcoolique. Les enfants Fanny et Alexandre prennent part à la fête qui hélas tourne court lorsque leur père, Oscar, est victime d’une hémorragie cérébrale lors d’une répétition… Cet avant-dernier film de Bergman est l’un des plus ambitieux de sa carrière, en tous cas celui pour lequel il a profité du plus important budget. Cette somptueuse chronique familiale est conçue comme une ode à la vie où les joies d’une truculente famille bourgeoise sont opposées à l’enfer du puritanisme religieux. On y retrouve les thèmes chers au réalisateur suédois, la représentation de la mort, la figure du père, le mystère du couple. Il tire son inspiration de quelques géants de la littérature (Hoffman, Dickens, Strindberg, Ibsen), des souvenirs de sa propre enfance et de ses précédents films. La réalisation montre une indéniable perfection que ce soit dans l’image ou dans ses fameux plans-séquences.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bertil Guve, Gunn Wållgren, Ewa Fröling, Börje Ahlstedt, Jan Malmsjö
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Remarque :
* Bergman a renié la version « courte » de 3 heures exploitée au cinéma. La version diffusée à la télévision suédoise dure plus de 5 heures. Hors de Suède, bien peu de gens ne l’avaient vue avant qu’elle ne sorte en DVD (coffret avec les deux versions).

Fanny et Alexandre
Bertil Guve et Pernilla Allwin sont Fanny et Alexandre, héros éponymes du film d’Ingmar Bergman.

31 octobre 2015

Scènes de la vie conjugale (1973) de Ingmar Bergman

Titre original : « Scener ur ett äktenskap »

Scènes de la vie conjugaleMariés depuis dix ans, Marianne et Johan renvoient l’image d’un couple idéal, une réussite que leur envient leurs amis. Mais, un jour, Johan annonce qu’il va partir vivre avec une jeune femme qu’il a rencontrée… Ingmar Bergman a tourné Scènes de la vie conjugale pour la télévision, six épisodes de 50 minutes qui eurent un succès considérables en Suède (les derniers épisodes furent suivis par trois millions de téléspectateurs, soit la moitié de la population du pays). Bergman en a tiré un long métrage de 2h50 qui conserve le découpage en six tableaux. Bergman a adopté la technique de la télévision, abondance de gros plans et de champs-contre-champs, pour ce long huis clos sentimental qui ausculte ce couple à l’intérieur duquel les rapports vont évoluer considérablement sur la période. Le cas est délibérément banal mais, au delà des apparences, Bergman cherche le vrai. Ses personnages sont des adultes raisonnables (et raisonneurs) mais n’en sont pas moins « analphabètes du sentiment ». Johan, avec sa carapace ironique, peut certainement être vu comme un alter-ego du cinéaste. Liv Ullmann semble s’être pleinement investie dans son personnage (assez universel) de femme à la conquête de son émancipation et de son identité, une quête qui s’inscrit pleinement dans les années soixante-dix. Cette longue réflexion, qui dépasse largement son caractère circonstanciel, se révèle finalement très enrichissante. Il est toutefois compréhensible que le film soit diversement apprécié. Pour tout avouer, il nous avait plutôt ennuyé lorsque nous l’avions vu une première fois, il y a certes assez longtemps de cela…
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Liv Ullmann, Erland Josephson
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Scènes de la vie conjugale
Liv Ullmann et Erland Josephson dans Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman

15 février 2015

Les Fraises sauvages (1957) de Ingmar Bergman

Titre original : « Smultronstället »

Les fraises sauvagesLe professeur Borg, âgé de 78 ans, doit recevoir un prix couronnant ses cinquante années en tant de docteur. Il se rend en voiture à l’Université de Lund avec sa belle-fille Marianne. Pendant le trajet, il revit certains éléments de son passé… Ecrit et réalisé par Ingmar Bergman, Les Fraises sauvages fait partie des oeuvres les plus profondes du cinéma. Cet homme qui se sent proche de la mort porte un regard sur sa vie, à la fois par introspection et par le regard des autres, ce qui génère en lui une foule de sentiments variés, parfois contradictoires, qui le désorientent. La forme est aussi enthousiasmante que le fond car Bergman fait preuve d’une remarquable limpidité et d’une grande simplicité dans sa mise en scène ; rien n’est appuyé et pourtant tout est fort. En 1957, Bergman avait déjà une vingtaine de films à son actif mais il n’avait pas encore quarante ans : tant de maturité dans son cinéma et dans son propos qui aborde de nombreux aspects fondamentaux de la vie est assez exceptionnel. C’est d’autant plus étonnant que l’on sait qu’il y a souvent, dans ses films, une certaine identification de Bergman avec son personnage principal. Ce n’est pas un film sombre et amer, comme en témoigne la très belle fin ; la lucidité de son propos le place au-delà de cette simple problématique. Ce n’est pas non plus un film sur la mort, c’est bien plus un film sur la vie, sur ce qui la constitue, sur l’essence-même du passé. Comme j’ai pu personnellement le constater, Les Fraises sauvages est un film que l’on peut voir plusieurs fois, à des moments différents de notre vie, et ressentir différemment. Sa profondeur le permet.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Victor Sjöström, Bibi Andersson, Ingrid Thulin, Gunnar Björnstrand, Max von Sydow
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Les Fraises sauvages d'Ingmar Bergman
Ingrid Thulin et Victor Sjöström dans Les Fraises sauvages d’Ingmar Bergman

Remarques :
* Victor Sjöström avait exactement l’âge de son personnage. Rappelons que Victor Sjöström est l’un des plus grands cinéastes du cinéma muet et, à ce titre, l’un des maîtres de Bergman. Ses films sont hélas assez difficiles à voir aujourd’hui. D’abord en Suède, puis à Hollywood entre 1924 et 1930 où il réalisa de grands films (notamment avec Lilian Gish) qui n’eurent jamais le succès qu’ils méritaient, ce cinéaste a toujours fait preuve d’un grand lyrisme dans ses réalisations mais aussi d’inventivité (voir sa filmographie sur IMDB). Les Fraises sauvages est son dernier film en tant qu’acteur puisqu’il est décédé deux ans plus tard.
* La première scène de rêve au début du film est un hommage au très beau film de Victor Sjöström La Charrette fantôme (1921).

23 janvier 2015

September (1987) de Woody Allen

SeptemberDans une maison de la Nouvelle Angleterre, Lane reçoit sa mère, ex-star de cinéma plutôt frivole, pour quelques jours de même que son amie Stephanie. Le voisin de Lane l’aime secrètement alors que Lane est amoureuse de Peter, un écrivain venu habiter quelques semaines dans sa maison pour parvenir à écrire au calme, mais Peter est attiré par Stephanie qui est mariée… Pour écrire September, Woody Allen dit avoir été inspiré par la maison de campagne de Mia Farrow, maison qu’il a reconstituée en studio. Il y place un drame aux accents tchékhoviens basé sur six personnages. Si September a souvent été rapproché d’Interiors (1978) pour son atmosphère bergmanienne, il n’a pas tout à fait la même profondeur. Le sujet principal est ici l’inaccessibilité de l’être aimé, les rares tentatives par Woody Allen d’élargir le propos restent limitées dans leur portée. Woody Allen marque certains contrastes : face à l’abnégation tourmentée de Lane, dont l’interprétation par Mia Farrow a parfois des inflexions christiques, la mère paraît particulièrement égoïste et superficielle (mais c’est leur seul personnage qui ressortira indemne). Il n’y a aucun plan d’extérieurs : tout le film se déroule dans la maison pour laquelle Carlo Di Palma a créé de beaux éclairages, parfois à la bougie (lors de la panne). September fut un très gros échec commercial pour Woody Allen.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Dianne Wiest, Mia Farrow, Elaine Stritch, Sam Waterston, Denholm Elliott, Jack Warden
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Remarques :
* Woody Allen avait tourné et monté une première version de September avec Maureen O’Sullivan dans le rôle de la mère, Charles Durning dans le rôle du voisin, et Christopher Walken, rapidement remplacé par Sam Shepard, dans le rôle de Peter. Peu satisfait du résultat (surtout de la prestation de Maureen O’Sullivan), Woody Allen a décidé de tout refaire. La première version a été détruite.

* Fait unique dans sa filmographie : 1987 est une année où Woody Allen a sorti deux longs métrages cinéma, September et Radio Days.

September de Woody Allen
Mia Farrow et Sam Waterston dans September de Woody Allen.

20 novembre 2014

Ombres et brouillard (1991) de Woody Allen

Titre original : « Shadows and Fog »

Ombres et brouillardLe terne et timoré employé Kleinman est réveillé au beau milieu de la nuit par des voisins qui constituent une milice. Ils veulent traquer l’étrangleur qui sévit les jours de brouillard. Et cette nuit-là, la brume est particulièrement intense… Ombres et brouillard est un film assez atypique dans la filmographie de Woody Allen. C’est la forme que l’on remarque en premier : tourné en noir et blanc, le film est un hommage à l’expressionnisme allemand (Murnau, Pabst, Lang) avec tout un jeu sur les ombres et (beaucoup) de brume (1). Visuellement, le résultat reste toutefois en deçà des maitres dont il s’inspire. Sur le fond, l’idée est de créer un environnement isolé où toutes les traces familières de civilisation ont disparu, dans lequel un « petit homme » (2) se trouve brutalement plongé pour y jouer un rôle qu’il ne connait et ne comprends pas. C’est donc du pur Kafka… Woody Allen parvient à introduire beaucoup d’humour dans cette atmosphère oppressante. Avec ses nombreuses petites touches, son film est totalement imprévisible et sur ce point il est très réussi. Surprenant et même déroutant, le film fut assez diversement accueilli, en général plutôt mal…
Elle: 2 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Woody Allen, Mia Farrow, John Malkovich, John Cusack
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Remarques :
* Parmi les acteurs de seconds ou troisièmes rôles : John Malkovich, Jodie Foster, John Cusack, Madonna, Donald Pleasance, Lily Tomlin, Kathy Bates, …
* La musique comporte plusieurs extraits de L’Opéra de quat’sous de Kurt Weill, dans des enregistrements d’époque.
* Shadows and Fog est le dernier film de Woody Allen pour Orion Pictures.
* Si les références aux maitres allemands sont les plus évidentes (Nosferatu de Murnau, La Rue sans joie et Loulou de Pabst, M le Maudit de Lang), Ombres et brouillard comporte également plusieurs références à Bergman (Le Septième Sceau, Le Visage ou encore La Nuit des forains). Nombreux autres clins d’oeil comme le fait de faire tuer Donald Pleasance dans un cul-de-sac (Polanski) (les mots « cul-de » apparaissent même à l’écran).

(1) Ombres et brouillard fut entièrement tourné en studio et, malgré le budget important, tous les décors désirés ne purent être réalisés ce qui poussa à intensifier encore plus le brouillard.
(2) Ein kleiner Mann en allemand… On peut aussi voir dans le nom Kleinman une référence au Josef K. dans Le Procès de Kafka.

Ombres et brouillard de Woody Allen
Le modeste employé Kleiman est réveillé en pleine nuit pour aller tenir un rôle qu’il ne comprend pas…

5 novembre 2014

Une autre femme (1988) de Woody Allen

Titre original : « Another Woman »

Une autre femmeParvenue à la cinquantaine, Marion estime avoir une vie satisfaisante et bien remplie. Elle est mariée et brillante professeur de philosophie. Pour écrire son nouveau livre, elle loue un appartement situé juste à côté du cabinet d’un psychiatre dont elle entend les conversations par un défaut des conduites d’aération. Les confessions d’une cliente en particulier vont l’amener à réfléchir sur sa propre vie… Another Woman fait partie des films introspectifs de Woody Allen, pour simplifier on peut aussi dire « bergmanien ». C’est un très beau portrait d’une femme qui prend soudainement conscience du fait qu’elle s’est fixée des standards trop élevés, qu’elle a fait le vide autour d’elle, qu’elle n’engendre qu’une admiration respectueuse chez ses proches. Cette fois, Woody Allen rentre en profondeur dans le sujet sans utiliser l’artifice de l’humour qui est ici totalement absent. La construction est habile, mêlant rêves et souvenirs. Celle qui découvre en elle une autre femme, c’est Gena Rowlands, ici loin des rôles toujours énergiques de Cassavetes, qui exprime brillamment toutes les interrogations et la froideur de son personnage. L’actrice fait montre d’une grande sobriété et d’une indéniable dignité. Elle éclipse tous les autres acteurs et Woody Allen la filme superbement. Une autre femme est un très beau film.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gena Rowlands, Mia Farrow, Ian Holm, Gene Hackman
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Remarques :
* Le directeur de la photographie n’est autre que Sven Nykvist, le chef opérateur préféré d’Ingmar Bergman. Woody Allen tournera trois autres films avec lui (New York Stories, Crimes et Délits et Celebrity).

* Mia Farrow était alors enceinte de leur fils Satchel. Elle a accouché pendant le tournage qu’elle a donc fini avec une prothèse ventrale pour être raccord.

* Le tournage de Another Woman a débuté alors que son film précédent, September, autre film introspectif, n’était pas encore sorti. Le fait que ces deux films n’aient pas rencontré le succès escompté a poussé Woody Allen à revenir ensuite sur le terrain de la comédie.

Une autre femme (1988) de Woody Allen
Woody Allen, Gena Rowlands et Gene Hackman sur le tournage de Une autre femme de Woody Allen (1988).