19 décembre 2019

Livre : L’Aurore de Murnau

de Yannick Le Vaillant – Editions Conspiration 2019 – broché 112 pages – 20,00 €

L'Aurore de Yannick Le VaillantTourné en 1927 à Hollywood, le film L’Aurore de l’allemand Friedrich Wilhelm Murnau est bien connu de tous les cinéphiles et considéré comme l’un des plus grands films de tous les temps. Ce nous livre nous propose de l’aborder d’une façon originale.
Yannick Le Vaillant  a reconstitué tout le fil narratif de cette grande histoire d’amour à partir de photogrammes (images) du film. Cet ensemble forme en quelque sorte un roman-photo muet car tous les intertitres sont conservés (tout en sachant qu’ils ne sont pas nombreux dans L’Aurore). L’auteur s’est concentré sur l’histoire en elle-même. Ce n’est pas un découpage plan par plan ni un scénario à proprement parler : le montage de Murnau est parfois trop riche et certaines séquences difficiles à transcrire, par exemple la scène hilarante des bretelles tombantes de la robe pendant la danse, ont été écartées. La qualité des photogrammes n’est hélas pas optimale, bien en deçà des restaurations récentes, mais elle est suffisante.
Cet ouvrage nous offre une façon agréable de nous replonger dans l’atmosphère de ce grand classique et de revivre cette grande histoire d’amour, atemporelle et, tout simplement, humaine.

>> Le livre sur le site internet des Editions Conspiration

>> Fiche du livre sur livres-cinema.info

Remarque :
Il faut saluer l’originalité de cette approche, peu courante. Dans les années soixante dix, aux Etats-Unis, l’éditeur Darien House avait édité plusieurs grands classiques (Casablanca, Ninotchka, Maltese Falcon, The General, …) sous la forme d’une série de photogrammes. A la même époque, en France, l’éditeur Balland avait ainsi édité six classiques du cinéma français dans sa collection Bibliothèque des classiques du cinéma et la Cinémathèque universitaire Université de Paris III avait édité un livre sur Octobre d’Eisenstein (avec concept différent : une image par plan).

21 décembre 2015

Tartuffe (1925) de F.W. Murnau

Titre original : « Herr Tartüff »

Tartuffe(Film muet) Un vieillard riche vit avec sa gouvernante qui lorgne sur sa fortune : elle réussit à faire déshériter son petit-fils qui, pour confondre l’intrigante, organise une projection privée du Tartuffe de Molière… Placer ainsi un film dans le film était un procédé très rare à l’époque : le prologue et l’épilogue se situent donc à la période actuelle avec une image plutôt moderne, des angles de vue innovants et une absence de maquillage des acteurs, alors que le corps du film est situé au XVIIe siècle, avec une image plus classique, adoucie par un flou artistique (ce sont les propres mots employés par l’opérateur Karl Freund interviewé en 1928). Murnau a beaucoup simplifié la pièce de Molière, ne conservant que quatre personnages principaux, mais il en garde bien l’esprit : il s’agit de fustiger l’hypocrisie et la fausse dévotion sur un fond de mise en relief des différences sociales. Les éclairages sont assez travaillés et les très gros plans nombreux. Pour compenser la dramatique réduction des dialogues, Emil Jannings a un jeu très expressif et son interprétation grimaçante de Tartuffe le rend plus inquiétant que ridicule. Du fait de ses connotations anticléricales, le film avait été amputé d’une dizaine de minutes dans sa version américaine. Il a été récemment restauré.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Emil Jannings, Werner Krauss, Lil Dagover
Voir la fiche du film et la filmographie de F.W. Murnau sur le site IMDB.

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Tartuffe
Emil Jannings et Lil Dagover dans Tartuffe de F.W. Murnau

 

20 novembre 2014

Ombres et brouillard (1991) de Woody Allen

Titre original : « Shadows and Fog »

Ombres et brouillardLe terne et timoré employé Kleinman est réveillé au beau milieu de la nuit par des voisins qui constituent une milice. Ils veulent traquer l’étrangleur qui sévit les jours de brouillard. Et cette nuit-là, la brume est particulièrement intense… Ombres et brouillard est un film assez atypique dans la filmographie de Woody Allen. C’est la forme que l’on remarque en premier : tourné en noir et blanc, le film est un hommage à l’expressionnisme allemand (Murnau, Pabst, Lang) avec tout un jeu sur les ombres et (beaucoup) de brume (1). Visuellement, le résultat reste toutefois en deçà des maitres dont il s’inspire. Sur le fond, l’idée est de créer un environnement isolé où toutes les traces familières de civilisation ont disparu, dans lequel un « petit homme » (2) se trouve brutalement plongé pour y jouer un rôle qu’il ne connait et ne comprends pas. C’est donc du pur Kafka… Woody Allen parvient à introduire beaucoup d’humour dans cette atmosphère oppressante. Avec ses nombreuses petites touches, son film est totalement imprévisible et sur ce point il est très réussi. Surprenant et même déroutant, le film fut assez diversement accueilli, en général plutôt mal…
Elle: 2 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Woody Allen, Mia Farrow, John Malkovich, John Cusack
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Remarques :
* Parmi les acteurs de seconds ou troisièmes rôles : John Malkovich, Jodie Foster, John Cusack, Madonna, Donald Pleasance, Lily Tomlin, Kathy Bates, …
* La musique comporte plusieurs extraits de L’Opéra de quat’sous de Kurt Weill, dans des enregistrements d’époque.
* Shadows and Fog est le dernier film de Woody Allen pour Orion Pictures.
* Si les références aux maitres allemands sont les plus évidentes (Nosferatu de Murnau, La Rue sans joie et Loulou de Pabst, M le Maudit de Lang), Ombres et brouillard comporte également plusieurs références à Bergman (Le Septième Sceau, Le Visage ou encore La Nuit des forains). Nombreux autres clins d’oeil comme le fait de faire tuer Donald Pleasance dans un cul-de-sac (Polanski) (les mots « cul-de » apparaissent même à l’écran).

(1) Ombres et brouillard fut entièrement tourné en studio et, malgré le budget important, tous les décors désirés ne purent être réalisés ce qui poussa à intensifier encore plus le brouillard.
(2) Ein kleiner Mann en allemand… On peut aussi voir dans le nom Kleinman une référence au Josef K. dans Le Procès de Kafka.

Ombres et brouillard de Woody Allen
Le modeste employé Kleiman est réveillé en pleine nuit pour aller tenir un rôle qu’il ne comprend pas…

26 mai 2011

Tabou (1931) de F.W. Murnau

Titre original : « Tabu: A story of the south seas »

TabouLui :
(film muet/sonore) Sur l’île de Bora Bora, la jeune et jolie Reri est choisie pour incarner une divinité. Elle est donc déclarée « tabou », c’est-à-dire qu’aucun homme ne doit la regarder comme une femme. Elle s’enfuit avec le jeune pêcheur dont elle est amoureuse… Tabou est issu de la rencontre de deux grands créateurs : Robert Flaherty qui a donné au documentaire ses lettres de noblesse au cinéma depuis Nanouk l’esquimau, 10 ans auparavant, et Friedrich Wilhelm Murnau, le réalisateur d’origine allemande, l’un des plus talentueux du cinéma muet. Tabou est tourné entièrement sur les lieux-même de l’action, avec les autochtones jouant leur propre rôle, deux pratiques extrêmement rares à l’époque. Au grand dam de Flaherty (1), Murnau sait parfaitement introduire une belle et forte histoire d’amour sur ces images de paradis naturel encore intact de toute civilisation moderne. Les images, de Floyd Crosby (2), sont très belles ce qui donne au film une grande dimension poétique. Tabou Malgré le drame qui se noue devant nos yeux, il se dégage de Tabou beaucoup d’innocence, d’insouciance, une impression de nature à l’état brut, de paradis. Le film est heureusement muet, la parole semble inutile, les intertitres sont d’ailleurs extrêmement peu nombreux. En revanche, la musique de Hugo Reisenfeld colle parfaitement à l’action et aux images, elle est en parfaite symbiose, modelant l’atmosphère. Tabu fut un grand succès. Ce fut hélas le dernier film de Murnau : quelques jours avant la première, le réalisateur perdait la vie dans un accident automobile en Californie.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Matahi, Anne Chevalier, Bill Bambridge
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Remarques :
* A l’époque, Paramount avait exigé des coupes pour enlever les scènes de nudité. Le montage initial a été retrouvé dans les années quatre vingts. Cette version dure 82 minutes. Elle a été numérisée et restaurée, image et son, en 2005.
* Bien que Tabou ait l’apparence d’un film muet, il s’agit en réalité d’un film sonore : la musique est donc sur la pellicule. La musique (et sa synchronisation avec l’image) est telle que Murnau l’a voulue.

(1) Avant même de commencer à tourner, plusieurs désaccords entre les deux réalisateurs les empêchèrent de co-réaliser le film comme il était prévu. Flaherty désirait préserver avant tout l’aspect documentaire et le fait de faire jouer les habitants était, à ses yeux, trahir la réalité. Il préféra donc s’effacer et laisser Murnau réaliser seul. De plus, il y avait des tensions personnelles. Floyd Crosby raconte : « Murnau aimait Flaherty mais Flaherty haïssait Murnau, en partie parce que Murnau était assez prussien dans ses manières, très sûr de lui et aussi par jalousie : Murnau en savait dix fois plus sur la réalisation que Flaherty ».
(2) Floyd Crosby est le père de David Crosby (Crosby, Stills & Nash). Tabou était son premier film. Il fut ensuite directeur de la photographie sur plus d’une centaine de films dont Le train sifflera trois fois et de nombreux documentaires.

Murnau sur le tournage de TabouF.W. Murnau, entouré de Reri et Matahi, pendant le tournage de Tabou (1931)

Homonyme :
Tabou (Tabu) du portugais Miguel Gomes (2012)