5 avril 2014

The We and the I (2012) de Michel Gondry

The We and the IC’est le dernier jour d’école pour un groupe de lycéens du Bronx. Nous les suivons dans le bus qui les ramène chez eux… A première vue, The We and the I ressemble à un exercice de style : 1h30 dans un bus rempli de lycéens. Le début est assez pénible avec le comportement despotique de ces adolescents qui s’affrontent verbalement et enchainent moqueries, stupidités et brimades. Peu à peu, à mesure que le bus se vide, des personnalités émergent et le film gagne un peu en épaisseur, la fin est subitement plus profonde. Comme le titre l’indique, le propos est de montrer la différence de comportement d’un adolescent suivant qu’il est en groupe (« the We ») ou plus isolé (« the I ») : le groupe stéréotype et nivelle (uniformise) les comportements, accentue les rapports de force, constat qui, ceci dit, serait tout aussi vrai pour des adultes (mais ces derniers seraient certainement moins démonstratifs). A mes yeux, la démonstration manque un peu de nuance mais on ne peut toutefois que saluer l’originalité de la forme. Michel Gondry a utilisé de vrais lycéens qui jouent leur propre rôle mais les textes sont écrits.
Elle:
Lui : 2 étoiles

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26 février 2014

L’âge atomique (2012) de Héléna Klotz

L'âge atomiqueDeux adolescents font une virée d’une nuit à Paris. Après quelques rencontres dans une boîte de nuit, ils errent dans les rues… L’âge atomique est un film de 67 minutes. Nous suivons ces deux amis dans leur errance nocturne, assistons à leur tentative d’aborder une fille, leur querelle avec d’autres garçons. Si le film comporte quelques (trop rares) beaux passages, l’ensemble paraît vraiment vide, les dialogues n’apportent aucun contenu sinon un maniérisme artificiel. En effet, le souhait est visiblement de donner un caractère néoromantique à ces deux adolescents qui cherchent amour et frisson mais la réalisatrice ne parvient pas vraiment à atteindre ce but. Le film a été entièrement tourné avec un Canon 1D (un appareil photo reflex de type pro), ce qui donne une image assez dure et accentue l’apparence documentaire. On peut bien entendu saluer le côté expérimental de L’âge atomique, le film tranche nettement avec la production cinématographique courante mais son manque d’étoffe est pour lui un sérieux handicap.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Eliott Paquet, Dominik Wojcik
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23 janvier 2013

Mort à Venise (1971) de Luchino Visconti

Titre original : « Morte a Venezia »

Mort à VeniseAu tout début du XXe siècle, un compositeur allemand vieillissant se rend à contrecœur à Venise pour un séjour de repos prescrit par son médecin. A l’Hôtel des Bains où il réside, il croise un adolescent polonais dont la beauté le fascine immédiatement… Mort à Venise est l’adaptation d’un court roman de Thomas Mann (1). C’est une œuvre traversée de nombreux thèmes forts (la recherche de la beauté, le désir, l’Art, l’isolement, le temps qui passe, la mort) où Visconti réalise une symbiose parfaite entre la forme et le sujet. C’est sur la beauté que cette symbiose est la plus évidente : par les costumes et les mouvements de caméra (superbes travellings), Visconti montre qu’il est dans le même type de démarche que son personnage qui a entièrement voué sa vie à la musique. Et surtout, en s’inspirant de Gustav Mahler pour ce même personnage, il réussit la plus belle fusion entre un film et sa musique, l’une des associations les plus parfaites (2). Mort à Venise n’est pas qu’une réflexion sur l’art et la beauté, ou encore sur le désir/fascination qui perturbe toutes nos certitudes : Visconti introduit de manière très forte les thèmes du temps, du déclin, de la mort. Le titre ne laisse aucun espoir et la citation qui ouvre le film est plus sombre encore (3). Visconti était alors lui-même très marqué par ces thèmes. Les images de Venise sont crépusculaires, exprimant la fin d’un monde, l’épidémie de choléra symbolisant la guerre qui approche. Avec peu de dialogues, Mort à Venise est un film qui se déroule lentement, tout en manifestant une forte présence.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Dirk Bogarde, Silvana Mangano, Björn Andrésen, Marisa Berenson, Romolo Valli
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(1) Visconti s’est également inspiré d’un autre roman de Thomas Mann, Le Docteur Faustus, pour les conversations sur beauté et la séquence de la maison close. On peut également penser qu’il a puisé son inspiration dans A la recherche du temps perdu de Proust, notamment pour certaines des séquences de l’hôtel.
(2) Adagietto de la 5e symphonie (4e mouvement) de Gustav Mahler. Cette symphonie a été composée entre 1901 et 1903 par le compositeur, soit la même époque que celle de Mort à Venise.
(3) « Celui qui a contemplé de ses yeux la beauté est déjà voué à la mort. » (Citation d’August von Platen-Hallermünde, poète allemand du début du XIXe)

9 octobre 2012

Un amour de jeunesse (2011) de Mia Hansen-Løve

Un amour de jeunesseCamille, 15 ans, vit intensément son premier amour avec Sullivan, un peu plus âgé qu’elle. Lorsque ce dernier décide de partir un an en Amérique du Sud, Camille est totalement désemparée, elle sent sa vie se vider… Ecrit et réalisé par Mia Hansen-Løve, Un amour de jeunesse est un film sentimental qui parvient à retranscrire l’émoi et l’émotion sans chercher la dramatisation. Traitant à la fois de l’amour adolescent, de la fragilité engendrée par l’absence puis de l’émancipation, la réalisatrice se place très près de son personnage, interprété avec beaucoup de sensibilité par la jeune Lola Créton. On ne peut hélas en dire autant de Sebastian Urzendowsky dont le jeu maladroit peut sans doute être considéré comme étant en phase avec son personnage mais qui ne parvient pas à faire passer quelque chose. C’est dommage car le regard de Mia Hansen-Løve est à la fois délicat et très juste.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Lola Créton, Sebastian Urzendowsky, Magne-Håvard Brekke, Valérie Bonneton
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17 juillet 2012

Poetry (2010) de Lee Chang-dong

Titre original : « Shi »

PoetryMija est une sexagénaire coréenne qui vit avec son petit-fils, adolescent. Elle décide de suivre un cours pour apprendre à écrire de la poésie. Grâce à cela, elle devient attentive au monde qui l’entoure et absorbe les évènements défavorables de la vie… Le film Poetry du sud-coréen Lee Chang-dong est un film attachant. Il repose beaucoup sur son actrice principale Yun Jeong-hie qui parvient à faire passer beaucoup d’émotion avec son personnage de femme dont la sensibilité artistique se réveille. Lee Chang-dong la filme avec délicatesse et même une certaine pudeur. Le propos est à la fois la place de l’art dans notre société pas toujours reluisante mais aussi la recherche de la beauté dans le cadre d’une réflexion plus existentielle sur le sens à donner à la dernière partie de sa vie. Lee Chang-dong signe là probablement son film le plus abouti.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Yun Jeong-hie, Lee Da-wit, Kim Hira, Ahn Nae-sang
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4 avril 2012

Los olvidados (1950) de Luis Buñuel

Los olvidadosDans la banlieue la plus pauvre de Mexico, un groupe d’adolescents traine dans les rues. L’un deux, El Jaibo, récemment évadé d’une maison de redressement, possède un ascendant sur les autres et les entraîne à commettre des méfaits. Le jeune Pedro se retrouve impliqué malgré lui… Los olvidados (les oubliés) marque le retour de Luis Buñuel sur le devant de la scène. Il s’est immergé plusieurs mois dans les bidonvilles de Mexico pour observer et voir la réalité de très près. Il signe ainsi un film proche du néo-réalisme italien (1), un film fort, sans sensationnalisme ni excès de misérabilisme mais dont les images sont marquantes. Luis Buñuel ne porte pas de jugement, il n’accuse pas la société qui tente d’apporter des solutions, il rend compte d’une situation sans issue. Il n’y a aucun manichéisme : fourbe et traitre, El Jaibo est la figure du mal et pourtant Buñuel le rend attachant dans une courte scène. Le seul jugement vraiment sévère est porté sur la mère de Pedro, incapable de donner la moindre parcelle d’amour. Los olvidados fut d’abord très mal reçu au Mexique. Déjà pendant le tournage, l’équipe était hostile mais, à sa sortie, Buñuel dut faire face à de nombreuses critiques acerbes : on lui reprochait de donner une mauvaise image du pays. Ce n’est qu’après un accueil triomphal à Cannes (en partie grâce à ses amis surréalistes) que le film put être plus largement distribué (2). Los olvidados a été inscrit par l’Unesco au Registre Mémoire du Monde en 2003.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Roberto Cobo, Estela Inda, Miguel Inclán, Alfonso Mejía, Alma Delia Fuentes
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Remarques :
* En France, les distributeurs sortirent le film sous le titre Los olvidados, Pitié pour eux, sous-titre qualifié de « ridicule » par Buñuel.
* Une autre fin, tournée par sécurité par Buñuel qui craignait la censure, a été redécouverte 50 ans après la sortie. Ce happy-end n’a heureusement jamais été utilisé. Il est présent sur certaines versions en DVD.

(1) Luis Buñuel dit avoir beaucoup aimé Sciuscià de Vittorio de Sica.
(2) Dans ses mémoires, Luis Buñuel raconte que Georges Sadoul avait reçu ordre du Parti Communiste français de ne pas parler du film, jugé film bourgeois (à cause de l’intervention de l’agent de police dans la scène du pédophile et de l’angélisme de la ferme/maison de redressement). Ce n’est que lorsque Poudovkine écrivit un article louangeur sur Los olvidados dans La Pravda quelques mois plus tard, que le PCF révisa instantanément son jugement.