23 novembre 2014

The Color Wheel (2011) de Alex Ross Perry

The Color WheelColin accompagne sa soeur JR pour aller récupérer ses affaires chez son ex-professeur avec lequel elle a eu une relation. Durant les trois jours de leur voyage, ils échangent, parlent de leurs aspirations, se chamaillent… Coécrit, réalisé, joué, monté et produit par Alex Ross Perry, The Color Wheel est une belle surprise, un film qui sort du lot. Il est tourné en noir et blanc et en 16 mm, en lumière naturelle avec un grain très important, ce qui lui donne un amusant parfum de « premier film » des années soixante-dix. Le style évoque Jim Jarmusch ou même Woody Allen mais en plus féroce dans l’humour. Le frère et la soeur n’arrêtent pas de se chamailler tout en offrant un front uni face aux autres personnes (tous assez odieux, ceci dit) qu’ils rencontrent. Au travers d’une logorrhée permanente, ils expriment la perte de leurs illusions, de leurs rêves. Alex Ross Perry a su se créer un vrai personnage avec son débit monocorde et son humour mordant, désabusé, peut-être un peu trop résigné pour générer l’identification du spectateur. Alex Ross Perry n’hésite pas à adopter une fin aussi radicale que transgressive.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Carlen Altman, Alex Ross Perry
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The Color Wheel

6 octobre 2014

Les adieux à la reine (2012) de Benoît Jacquot

Les adieux à la reineArrivée depuis peu à la cour, une jeune liseuse est au service de la reine Marie-Antoinette qu’elle approche de très près et qu’elle admire profondément. Au lendemain de la prise de la Bastille, toute la cour est en émoi et s’interroge sur les intentions du roi et de la reine… Adapté d’un roman de Chantal Thomas, Les adieux à la reine nous fait vivre les trois jours qui suivirent le 14 juillet 1789 à travers les yeux d’une jeune servante pleine de dévotion envers sa reine. Ces trois jours ne sont remplies que d’attentes, d’interrogations, d’hésitations, il n’y a donc pas de grands évènements dans cette histoire dont l’objet est avant tout de dresser le portrait de cette jeune fille, mélange de naïveté et de détermination. Benoit Jacquot filme avec délicatesse et surtout sait trouver le ton juste. Nous sommes ici loin des reconstitutions démonstratives, aux décors flamboyants : l’univers des adieux à la reine est plus celui des antichambres, des couloirs, des chambres minuscules, des communs encombrés, des éclairages à la bougie (et des mauvaises dentitions …) Léa Seydoux donne une interprétation parfaite de son personnage. Les seconds rôles sont très bien définis ce qui donne une certaine ampleur à ce film empreint d’une grande sensibilité.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Léa Seydoux, Diane Kruger, Virginie Ledoyen, Noémie Lvovsky, Michel Robin
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Les adieux à la reine (2012) de Benoît JacquotDiane Kruger et Léa Seydoux dans Les adieux à la reine de Benoît Jacquot.

27 septembre 2014

Jours de pêche en Patagonie (2012) de Carlos Sorin

Titre original : « Días de pesca »

Jours de pêche en PatagonieA 52 ans et après quelques ennuis de santé, Marco Tucci a une autre vision de la vie. Parti de Buenos-Aires, il se rend dans le sud de l’Argentine, en Patagonie, à la fois pour se trouver un nouveau hobby, la pêche au gros, et pour tenter de revoir sa fille qu’il a perdue de vue depuis quelques années… Ecrit et réalisé par l’argentin Carlos Sorin, Jours de pêche en Patagonie est film très humain reposant sur une histoire très simple. De cet homme qui a décidé de se tourner vers les autres, nous partageons les rencontres et les aspirations et peu à peu nous découvrons un peu de sa personnalité. Tout est en nuances, en petits riens qui finissent par former un tout. Carlos Sorin n’utilise aucun effet, aucun mouvement de caméra sophistiqué, mais il sait restituer une belle chaleur humaine. Hormis les deux acteurs principaux, le père et la fille, tous les autres acteurs sont non-professionnels.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Alejandro Awada, Victoria Almeida
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Remarque :
* Non seulement la ville de Puerto Deseado existe vraiment (port de pêche isolé de 10 000 habitants non loin de la Terre de Feu, à environ 2 000 kms de Buenos-Aires) mais la petite société qui organise l’excursion de pêche en mer existe elle aussi réellement.

Jours de pêche en Patagonie (Días de pesca)Alejandro Awada dans Jours de pêche en Patagonie (Días de pesca) de Carlos Sorin.

5 septembre 2014

Miss Bala (2011) de Gerardo Naranjo

Miss BalaMexique, années 2000. Alors qu’elle s’apprête à participer à un concours de beauté pour faire plaisir à son amie, une jeune fille est kidnappée par un cartel de la drogue. Elle est ensuite forcée de participer à des opérations… Au travers de cette histoire, le réalisateur mexicain Gerardo Naranjo dresse un portrait de son pays où le trafic de drogue a pris une importance considérable. Il montre à quel point la corruption est omniprésente : les cartels ont visiblement des agents à l’intérieur de la police et sont suffisamment organisés pour obtenir n’importe quelle information ; leur plus grand ennemi reste la DEA américaine (1). C’est un monde sans fard, sans luxe, où règne une amoralité sauvage. L’originalité de l’approche du réalisateur est de montrer cela au travers des yeux d’une innocente victime, impliquée malgré elle dans une situation dont elle ne peut se libérer. On ressent son anxiété, sa peur et sa tension constante par de longs plans-séquences. Au final, Miss Bala montre une indéniable force et une certaine profondeur.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Stephanie Sigman, Noé Hernández
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(1) La D.E.A. (Drug Enforcement Administration) américaine agit dans presque tous les pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud pour épauler les autorités dans leur lutte contre les cartels de la drogue.

Miss BalaStephanie Sigman dans Miss Bala de Gerardo Naranjo.

22 août 2014

Bullhead (2011) de Michaël R. Roskam

Titre original : « Rundskop »

BullheadJacky est le fils aîné d’une importante famille d’agriculteurs et d’engraisseurs non loin de Liège en Belgique. A 33 ans, il apparaît comme un être renfermé et imprévisible, parfois violent. Sa collaboration avec un vétérinaire corrompu lui a permis de se forger une belle place dans le milieu de la mafia des hormones. Alors qu’ils s’apprêtent à traiter avec un nouveau revendeur, un enquêteur fédéral est assassiné… Bullhead est écrit et réalisé par Michaël R. Roskam. Pour son premier long métrage, il a réussi à créer une histoire très forte qui mêle habilement le thriller et le drame : sur fond de trafic d’hormones, c’est tout le passé de Jacky et ses lourds secrets qui refont surface. Le tour de force de Michaël Roskam est de parvenir à rendre attachant un personnage extrêmement bourru et violent (et, qui plus est, hors-la-loi) en nous donnant les clés de sa personnalité et en dévoilant sa grande vulnérabilité intérieure. L’atmosphère est lourde, sans édulcoration ; le récit apparaît très ancré dans ses racines locales donnant ainsi un fort parfum d’authenticité. Bullhead est un film rude, brutal même, mais finalement très convaincant par la profondeur de ses personnages.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Matthias Schoenaerts, Jeroen Perceval, Jeanne Dandoy
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6 août 2014

The Housemaid (2010) de Im Sang-soo

Titre original : « Hanyo »

The HousemaidUne jeune femme se fait embaucher comme aide-gouvernante dans une riche maison bourgeoise. Elle doit céder aux avances du maitre de maison… Im Sang-soo devait certainement tirer un avantage de présenter The Housemaid comme un remake de La Servante de Kim Ki-young car, en réalité, les histoires n’ont que bien peu de points communs ! Disons plutôt qu’il s’agit d’une variation sur le même thème, à savoir une jeune servante embauchée par une famille. Plus qu’une intrigue psychologique, The Housemaid est un film qui désire explorer les rapports de classe entre riches et pauvres. L’histoire est simple et (hélas) prévisible, Im Sang-soo se focalisant sur le thème du sentiment de supériorité (le mari) et de l’arrivisme (la femme et sa mère). Plusieurs éléments ne sont pas crédibles et la fin est quelque peu outrancière. En fait, si le film se révèle plaisant à regarder, c’est surtout grâce à sa forme élégante : une superbe photographie, une composition des plans qui frise la perfection. Im Sang-soo joue beaucoup avec les symétries, les cadres. C’est un délice pour les yeux. Quel dommage que le contenu ne soit pas de la même qualité !
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jeon Do-yeon, Lee Jung-Jae, Yoon Yeo-jeong
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Voir les autres films de Im Sang-soo chroniqués sur ce blog…

Voir sur ce blog : La Servante de Kim Ki-Young (1960)…

Remarque :
Im Sang-soo poursuivra son exploration très critique de l’univers des ultrariches avec son film suivant L’Ivresse de l’argent (2012).

2 août 2014

Elena (2011) de Andrei Zvyagintsev

ElenaDans un appartement vaste et froid, Elena vit avec Vladimir, un homme âgé et riche. Elle rend visite régulièrement à son fils sans emploi, auquel elle donne de l’argent, et à ses petits enfants. De son côté, Vladimir a une fille très libre d’esprit qu’il voit de temps à autre… Elena est une fable sur l’argent : bien qu’ils soient (re)mariés, les rapports entre Elena et Vladimir sont fortement marqués par l’argent, ils sont même très proches de rapports employeur à employée. C’est aussi un film sur la coexistence de deux mondes, celui de la réussite et celui de l’assistanat. Elena est en équilibre instable entre ces deux mondes, tentant de garder le lien avec l’un et l’autre. Le plus surprenant est qu’Andrei Zvyagintsev ne prend pas parti, il renvoie dos à dos riches et pauvres. Le film prend ainsi une connotation assez sombre. Finalement, le seul personnage estimable est sans doute celui de la fille (pourtant très antipathique au premier abord). Le réalisateur égratigne au passage la société russe actuelle, gangrénée par la corruption. Andrei Zvyagintsev traite son sujet en partant du quotidien, lentement, avec de très longs plans. Cette lenteur pourra dérouter mais c’est graphiquement très beau, avec une belle utilisation du format large dans les cadrages, et la musique de Philip Glass magnifie l’ensemble.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Nadezhda Markina, Andrey Smirnov, Elena Lyadova
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17 juillet 2014

The Place Beyond the Pines (2012) de Derek Cianfrance

The Place Beyond the PinesLuke est cascadeur à moto dans les fêtes foraines. De passage à Schenectady, il voit revenir vers lui Romina avec qui il a eu une aventure. Il découvre qu’elle vient d’avoir un fils et qu’il en est le père. Il décide de quitter son spectacle pour subvenir aux besoins de son fils et se fait engager comme mécanicien par un ancien braqueur de banques… L’histoire de The Place Beyond the Pines est en trois actes et s’étale sur deux générations. Elle mêle beaucoup de genres différents : c’est un récit romanesque, c’est un polar, c’est une tragédie, c’est un film social, c’est une histoire de vengeance. Derek Cianfrance semble avoir voulu mettre trop de choses et le résultat donne un peu l’impression d’un fourre-tout qui manque de cohérence et de profondeur. La forme, en revanche, est plus enthousiasmante avec une belle maitrise de la caméra et une réalisation moderne assez plaisante.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Ryan Gosling, Bradley Cooper, Eva Mendes, Ray Liotta, Dane DeHaan
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Remarque :
Le titre n’a aucun lien direct avec l’histoire. C’est la signification en iroquois du nom de la ville où se déroule l’action et où le film a été tourné : Schenectady (état de New York).

15 juillet 2014

Trois soeurs (2011) de Milagros Mumenthaler

Titre original : « Abrir puertas y ventanas »

Trois soeursTrois jeunes soeurs vivent ensemble dans une grande maison de Buenos Aires. Leur unique parent, leur grand-mère, vient de décéder. C’est l’été. Il fait très chaud. Les soeurs semblent assez proches, elles s’entraident beaucoup, mais ont des caractères différents. Rapidement, chacun s’interroge : rester ou partir ? … Trois soeurs est le premier long-métrage de la réalisatrice argentine Milagros Mumenthaler. Elle en a écrit le scénario. Ses trois jeunes filles sont dans une période de transition, elles sont indécises devant cette liberté inattendue, cette accroissement soudain du champ des possibles ; elles se positionnent les unes par rapport aux autres tout en aspirant à l’indépendance. L’un des thèmes forts de ce film est l’absence, l’absence de la grand-mère récemment décédée mais aussi l’absence des parents disparus depuis plus longtemps. Sur ce thème vient se greffer un début de sentiment d’incertitude sur ses origines (alimenté en outre par un autre élément que l’on découvre en cours de film). L’approche de la réalisatrice est assez étonnante : le scénario pourra sembler assez vide aux yeux de certains par l’absence de grands évènements (mais il ne l’est pas vraiment), le rythme est assez lent, nous sommes dans une position presque contemplative, sentiment accentué par ces mouvements, parfaitement maitrisés, d’une caméra qui semble avoir sa propre liberté. La communication peut parfois être silencieuse. Et il y a aussi les non-dits, de la part des personnages, mais aussi de la réalisatrice : la question des disparitions politiques n’est jamais évoquée mais il y a tout lieu de penser que les parents étaient des militants politiques (ce qui permet d’expliquer en outre « l’autre élément » précité). Trois soeurs est un film qui n’est pas sans défaut, il semble notamment s’étioler par instants (et il est sans doute aisé de rester en surface), mais ce huis clos ne manque pas de force et d’attrait.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: María Canale, Martina Juncadella, Ailín Salas, Julián Tello
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Remarque:
Trois sœurs, le film de Milagros Mumenthaler, n’a aucun lien avec la pièce homonyme de Tchekhov (même si on peut trouver certaines similitudes dans la situation de départ).

 

10 juillet 2014

Derrière la colline (2012) de Emin Alper

Titre original : « Tepenin ardi »

Derrière la collineAu pied de collines rocheuses, Faik mène une vie de fermier solitaire avec son métayer et sa femme. A son fils et ses petits-enfants venus en visite, il parle du danger des nomades qui traversent la région et font paitre leur troupeau de chèvres sur ses terres. La menace est là, invisible… Derrière la colline est le premier film écrit et réalisé par le cinéaste turc Emin Alper. Le film est avant tout une allégorie de la Turquie d’aujourd’hui (1), allégorie qui prend une belle ampleur par ses décors immenses où la nature semble former un cirque naturel. Ce que l’on craint, l’ennemi, est au delà des collines, hors du champ visuel. Son importance est exagérée, les craintes se s’autoalimentent par des conflits internes tus, des maladresses, voire des hallucinations. L’issue de cette escalade est inévitable. Avec une belle lenteur, Emin Alper sait créer une atmosphère, un climat basé sur la suggestion, un peu oppressant parfois, une sorte de huis clos en plein air. Derrière la colline est un film assez atypique. La beauté et la force de cette allégorie le rendent assez enthousiasmant.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tamer Levent, Reha Özcan, Mehmet Ozgur, Berk Hakman
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(1) La Turquie d’aujourd’hui est « empoisonné par la paranoïa et la suspicion », déplore le metteur en scène. « Ici, je parle de la Turquie dont le climat politique est basé sur ce même besoin de se créer un ennemi. Que ce soit les Kurdes ou un soi-disant complot international sans compter d’innombrables conflits internes. Chez nous, les débats ne peuvent jamais être raisonnables. Car les théories du complot sabrent les fondations de tout débat politique », ajoute le réalisateur.