2 août 2011

Fric-Frac (1939) de Maurice Lehmann et Claude Autant-Lara

Fric-Frac Dans les tribunes d’un champ de courses, Marcel, sage employé d’une bijouterie, fait connaissance avec Loulou et Jo qui font partie du milieu des petits truands de Montmartre. Marcel est à tel point subjugué par Loulou qu’il repousse les avances de la fille de son patron… S’il est des films qui sont des supports pour de formidables numéros d’acteurs, Fric-Frac en est l’un des plus beaux fleurons. Il réunit trois acteurs au jeu particulièrement démonstratif dans des rôles où ils excellent : Arletty, combinaison de charme et de gouaille, le verbe haut, rapide dans la répartie, Fernandel en naïf, sentimental et chevaleresque et Michel Simon qui est tout à la fois. Tout l’humour repose sur le choc des cultures et les savoureux dialogues sont teintés d’un argot très coloré. L’histoire est totalement improbable mais très amusante. Les trois acteurs semblent prendre beaucoup de plaisir à jouer (1). Il est fascinant de voir qu’il ne surjouent jamais ; ils sont parfois à la limite mais ne la dépassent à aucun moment. Les dialogues fusent, l’humour est constant, il n’y a pas une seule scène faible. Fric-Frac n’est pas un « grand film »… mais quel plaisir de le regarder !
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Fernandel, Michel Simon, Arletty, Hélène Robert, Andrex, René Génin
Voir la fiche du film et la filmographie de Maurice Lehmann sur le site imdb.com.
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(1) Et pourtant… Bien que cela ne se sente pas du tout à l’écran, Michel Simon et Fernandel ne s’entendirent pas du tout lors du tournage de Fric-Frac : les deux acteurs étaient en rivalité et le fait que Michel Simon parte souvent en improvisation ne devait rien arranger. Arletty dut fréquemment jouer les réconciliatrices et apaiser les conflits. Après Fric-Frac, Michel Simon et Fernandel ne retournèrent jamais de film ensemble.

Précision :
Fric-Frac est adapté d’une pièce de théâtre écrite par Edouard Bourdet en 1936. Elle fut jouée au théâtre de la Michodière par Victor Boucher, Arletty et Michel Simon. Ce fut un grand succès. A l’écran, Fernandel remplaça donc Victor Boucher.

(presque) Homonyme :
Fric frac, rue des diams (11 Harrowhouse) film anglais de Aram Avakian (1974) avec Charles Grodin et Candice Bergen.

30 juillet 2011

Solo (1970) de Jean-Pierre Mocky

Solo De passage à Paris, un violoniste, voleur de bijoux à ses heures, tente de revoir son jeune frère étudiant. Il découvre qu’il commet des attentats contre la société de l’argent… Solo de Jean-Pierre Mocky est l’un des premiers films de l’après-Mai 68 sur le thème du rejet de la société bourgeoise. Alors que Godard et d’autres montrent une contestation qui s’appuie sur la dialectique, Jean-Pierre Mocky est sur une ligne plus dure : ses étudiants sont n’ont pas une réflexion très développée, ce sont des francs-tireurs, adeptes d’une action violente, tout en restant très naïfs. Mocky traite le sujet à la façon d’un film policier, une longue traque dans la nuit. Deux couleurs ressortent : le rouge et le noir. Le rythme est assez rapide, la tension ne faiblit pas. Jean-Pierre Mocky incarne ce grand frère qui tente de faire revenir son frère à la raison tout en rejetant, lui aussi, le cadre étroit que lui offre la société. Solo est une belle œuvre originale et désespérée.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Pierre Mocky, Sylvie Bréal, Anne Deleuze, Denis Le Guillou, René-Jean Chauffard
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean-Pierre Mocky sur le site IMDB.
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Remarques :
A noter également : la musique composée par Georges Moustaki.
Certains décors ont été réalisés par Françoise Hardy.

21 juillet 2011

L’armée des ombres (1969) de Jean-Pierre Melville

L'armée des ombresLui :
Jean-Pierre Melville rend hommage à la Résistance en puisant dans ses souvenirs personnels et dans un livre de Joseph Kessel écrit en 1943. L’armée des ombres n’est pas un film spectaculaire qui montre de glorieux faits d’armes… non, Melville nous fait vivre quelques fragments du parcours d’un grand coordinateur de la Résistance. Il montre l’effacement de l’individu devant la tâche qu’il doit accomplir et le dilemme de sa position : alors qu’il agit pour le collectif, il doit se couper du monde et prendre des décisions sans gloire mais qui doivent être prises. Jean-Pierre Melville (et cela lui a été reproché) transpose certains codes du film policier ce qui ajoute beaucoup de force à son récit. Le film est assez long, mais sans longueur, avec une grande économie de paroles qui accentue le sentiment de solitude. La distribution est parfaite, Lino Ventura a ici l’un de ses rôles les plus forts. A ses côtés, Simone Signoret est l’actrice idéale pour interpréter ce rôle inspiré de Lucie Aubrac. Tous les seconds rôles sont très justes. Sobre et grave, L’armée des ombres est un film d’une grande puissance.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Lino Ventura, Simone Signoret, Paul Meurisse, Jean-Pierre Cassel, Claude Mann, Paul Crauchet, Christian Barbier
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Remarques :
* Jean-Pierre Grumbach avait pris comme nom Melville dans la Résistance. Il a gardé ce nom après la Libération dans le monde du cinéma, pour s’appeler Jean-Pierre Melville.
* On ne peut être qu’admiratif face au premier plan du film : un plan fixe de la Place de l’Etoile avec un défilé militaire allemand qui entre dans le champ pour se diriger inexorablement vers nous ; il semble venir nous écraser. En un seul plan, c’est toute l’Occupation qui est symbolisée. Jean-Pierre Melville a déclaré par la suite que c’était l’un des plans dont il était le plus fier de toute sa carrière.

7 juillet 2011

Heureux anniversaire (1962) de Jean-Claude Carrière et Pierre Étaix

Heureux anniversaireLui :
Un mari est attendu par sa femme pour fêter l’anniversaire de leur mariage. Il doit passer chez la fleuriste, seulement voilà : nous sommes à Paris et les inconvénients de la ville vont entraver la progression de ce mari attentionné… Heureux anniversaire est la deuxième co-réalisation de Pierre Etaix avec Jean-Claude Carrière après Rupture. Le court métrage est plus ambitieux et plus riche, filmé en grande partie dans les rues (encombrées) de Paris. Nos deux compères utilisent remarquablement les tracas de la circulation automobile pour créer des situations saugrenues et drolatiques. Pierre Etaix joue le mari dans un style proche de Buster Keaton par le fait qu’il semble rester imperturbable face aux obstacles qui se succèdent et par l’ingéniosité dont il fait preuve pour se sortir des situations délicates. Il évoque aussi le Tati de Mon Oncle ou du futur Play Time. Heureux anniversaire est un vrai petit plaisir. (Court métrage de 14 minutes).
Note : 4 étoiles

Acteurs: Pierre Étaix, Laurence Lignières
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6 juillet 2011

Le grand amour (1969) de Pierre Étaix

Le grand amourLui :
Pierre s’est marié avec la femme qu’il aime mais il doit faire face à sa belle famille, plutôt envahissante. L’arrivée d’une charmante secrétaire va éveiller en lui une nouvelle passion… L’histoire du Grand amour de Pierre Etaix n’a pas tant d’importance, elle n’est en fait qu’un prétexte pour créer des situations où il peut placer ses gags. Comme toujours avec Pierre Etaix, c’est un humour délicat, subtil, inventif, qui peut se nicher dans tous les recoins de l’image, parfois très poétique comme cette célèbre scène où notre héros, dans son lit, laisse vagabonder son imagination : Le grand amour c’est en fait le lit qui part errer sur les routes où il fera diverses rencontres. Ce n’est pas un humour qui nous frappe en pleine figure mais c’est un humour auquel on repense après coup et qui donne immanquablement envie de revoir le film. Il y a de sacrés trouvailles! S’il caricature certains comportements ou certains rapports sociaux, la méchanceté est absente. Le grand amour est le premier film de Pierre Etaix en couleurs. Un petit bijou que l’on peut enfin revoir aujourd’hui après une trop longue éclipse pour des raisons juridiques.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Pierre Étaix, Annie Fratellini, Nicole Calfan, Alain Janey
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Remarques :
Annie Fratellini est la femme de Pierre Etaix, à la ville comme à l’écran.

5 juillet 2011

Je l’aimais (2009) de Zabou Breitman

Je l'aimaisLui :
Dévastée après une rupture soudaine, une jeune femme est recueillie par son beau-père. Pour la convaincre que cette rupture est probablement une bonne chose pour elle, il commence à lui raconter sa propre histoire… Adapté d’un roman d’Anna Gavalda, Je l’aimais est le troisième long métrage de Zabou Breitman qui avait montré beaucoup de sensibilité dans ses deux premiers. C’est à nouveau le cas dans cette histoire d’amour-passion. Le début du film peut paraître assez rebutant, car très centré sur le profond désarroi de la jeune femme, mais le film bascule dans un tout autre registre lorsque le beau-père commence à se livrer et à raconter. C’est son histoire que nous voyons se dérouler, une histoire aussi forte que terrible par son inaboutissement. Daniel Auteuil et Marie-Josée Croze font une belle interprétation, riche et complexe, puissante et nuancée. Le couple ainsi formé est assez étonnant par ses contrastes tout en formant un ensemble. Zabou Breitman montre une belle maitrise du déroulement du récit, maniant habilement flashbacks et retours au présent. Je l’aimais est un beau film empreint de force et de sensibilité.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Daniel Auteuil, Marie-Josée Croze, Florence Loiret Caille, Christiane Millet
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2 juin 2011

Le caporal épinglé (1962) de Jean Renoir

Le caporal épingléLui :
Dans un camp de prisonniers allemand de 1940, trois amis se retrouvent. L’un deux n’a qu’une idée en tête : s’évader… Adapatation des mémoires d’un prisonnier de guerre signées Jacques Perret, Le caporal épinglé a souvent été présenté comme un remake de La Grande Illusion. A tort, car si le lieu est plus ou moins le même, le propos est tout autre. La Grande Illusion traitait des différences de classes et plus particulièrement d’une noblesse à l’agonie qui tentait de se placer au dessus des guerres. Dans Le caporal épinglé, le propos est centré sur l’individu et, s’il est question d’une noblesse, c’est plutôt celle de l’esprit. Renoir place également l’amitié au-dessus de tout, c’est elle qui peut nous pousser à lutter et à vivre comme des hommes. L’amitié et aussi l’amour, par l’intermédiaire de cette jeune fille qui « aime les hommes qui ne sont pas des esclaves ». Le caporal épinglé fut le dernier long métrage de Jean Renoir.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Pierre Cassel, Claude Brasseur, Claude Rich, Jacques Jouanneau, Guy Bedos
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1 juin 2011

À l’origine (2009) de Xavier Giannoli

À l'origineLui :
Dans le nord de la France, un escroc solitaire se fait passer pour un chef de chantier venu relancer la construction d’une autoroute. Très rapidement, la nouvelle de son arrivée se répand et fait renaître l’espoir dans cette petite ville touchée par l’isolement et le chômage. Alors qu’au départ il était surtout pressé d’empocher les dessous de table qui s’offraient à lui, l’escroc va peu à peu se laisser gagner par ce grand projet qu’il a relancé malgré lui… Aussi incroyable qu’elle puisse paraître, l’histoire de A l’origine est inspirée d’un fait divers authentique, certes ici plutôt idéalisé et fortement romancé. Xavier Giannoli parvient à donner une dimension autre qu’anecdotique à son film. Plus que l’arnaque en elle-même, c’est la personnalité de l’escroc qui l’intéresse. Il tente donc d’expliquer par quel processus cet imposteur en est venu à changer de but. A l’origine est aussi la peinture d’un grand et bel élan collectif.
Note : 3 étoiles

Acteurs: François Cluzet, Emmanuelle Devos, Gérard Depardieu, Soko, Vincent Rottiers
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Remarques :
Dans la réalité, la tromperie a duré douze jours en mars 1997. Philippe Berre a embauché une équipe et réalisé des travaux mais n’est pas intervenu sur le chantier de l’autoroute elle-même (l’A28 dans la Sarthe, dont les travaux n’ont repris qu’en 2004). Il a été condamné à cinq ans de prison pour cette escroquerie. Début 2010, il a cherché à rencontrer Xavier Giannoli. Il est actuellement à nouveau en prison pour une autre usurpation d’identité. Il est décrit comme un personnage très énigmatique dans ses motivations.

23 mai 2011

Mélodie en sous-sol (1963) de Henri Verneuil

Mélodie en sous-solLui :
Charles, la soixantaine, sort de prison. Il est quelque peu déphasé face au monde qui change, ses anciens comparses se sont rangés. Il décide de faire un dernier grand coup et prend un jeune acolyte qu’il a connu en cellule… Adaptation d’un roman noir de John Trinian, Mélodie en sous-sol est un film policier français d’un grand classicisme. Que ce soit dans l’histoire ou dans la vraie vie, avec le duo Gabin / Delon, ce sont deux mondes qui s’opposent. Gabin est en fin de carrière, blasé, un peu fatigué ; s’il joue sans grand entrain, c’est toujours un plaisir de le voir évoluer. Alain Delon, quant à lui, est pétillant de jeunesse, plein de charme, il montre une formidable envie de jouer (1). L’adaptation, très solide, est signée Albert Simonin. Michel Audiard a écrit 25 répliques dont la verve donne un peu de peps à l’ensemble. La mise en scène est précise, certes sans grand éclat ni grand suspense, avec une scène de braquage montrée en temps réel. Très belle scène finale, très photogénique. Mélodie en sous-sol se regarde toujours avec plaisir, un film de la meilleure veine du cinéma policier français.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Alain Delon, Viviane Romance, Maurice Biraud, Henri Virlojeux, Jean Carmet, José Luis de Villalonga
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Remarques :
(1) Alain Delon avait une grande admiration pour Jean Gabin, à tel point qu’il accepta de jouer gratuitement dans Mélodie en sous-sol. Il demanda juste les droits de distribution sur trois pays dont le Japon sur lequel, en se démenant, il gagna énormément d’argent, beaucoup plus que Gabin au final…

20 mai 2011

Les grandes manoeuvres (1955) de René Clair

Les grandes manoeuvresLui :
Dans une ville de province, à la veille de la guerre de 14-18, un jeune officier de cavalerie enchaîne les conquêtes féminines tout en regrettant de ne pas connaître l’amour vrai. Avec ses amis, il fait le pari de parvenir à séduire une femme choisie au hasard dans un nombre de jours impartis… Les grandes manoeuvres est l’un des plus beaux films de René Clair, un film très abouti où il parvient à une symbiose parfaite entre comédie et drame. Le film passe du rire à l’émotion avec une subtilité qui trouve sa source dans la très grande maîtrise de la mise en scène. Les grandes manoeuvres est un film d’un grand classicisme, très français dans son esprit. Dans ce marivaudage élégant, tous les personnages, premiers et seconds rôles, sont attachants mais le film est surtout porté par l’un des plus beaux couples du grand écran : Michèle Morgan, fragile et délicate, et le fringuant Gérard Philipe plein de sensibilité et d’une séduction qui semble transpirer de chaque pore de sa peau. Il se dégage d’eux une sorte de grâce, une infinie délicatesse.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Michèle Morgan, Gérard Philipe, Jean Desailly, Yves Robert, Brigitte Bardot, Jacques Fabbri, Jacques François, Magali Noël, Lise Delamare
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