19 août 2021

Le mort en fuite (1936) de André Berthomieu

Le Mort en fuiteDeux comédiens plutôt médiocres se lamentent de n’être pas assez connus. Pour se faire de la publicité, ils inventent un crime imaginaire. L’un des deux va disparaître en laissant des indices pour laisser croire que l’autre l’a tué…
André Berthomieu n’a pas la réputation d’être un réalisateur vraiment remarquable mais ses premiers films sont considérés comme les plus intéressants. Le point fort de celui-ci est son scénario signé Loïc Le Gouriadec. L’histoire est délicieusement loufoque et il a de la matière pour de beaux numéros d’acteurs. Hélas, la confrontation entre les deux grands acteurs Michel Simon et Jules Berry n’est pas aussi jubilatoire qu’attendu. Ils n’ont d’ailleurs que peu de scènes ensemble puisqu’ils se séparent rapidement. Il y a bien d’excellents moments (le procès est mémorable) mais aussi et surtout de moins bons (toutes les séquences avec le général Popoff paraissent bien longues). La réalisation est des plus simples. Heureusement, les dialogues de Carlo Rim sauvent la mise. Le scénario sera de nouveau porté à l’écran par René Clair (1938) et le même André Berthomieu (1954).
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jules Berry, Michel Simon, Marie Glory, Fernande Albany, Gabrielle Fontan
Voir la fiche du film et la filmographie de André Berthomieu sur le site IMDB.

Remakes :
1938 : Fausses nouvelles (Break the News) film anglais de René Clair avec Jack Buchanan et Maurice Chevalier
1954 : Les deux font la paire par André Berthomieu avec Jean Richard et Jean-Marc Thibault

Le Mort en fuiteMichel Simon dans Le Mort en fuite de André Berthomieu.

25 juin 2020

L’Habit vert (1937) de Roger Richebé

L'habit vertLa duchesse de Maulévrier a le coeur accueillant, un mari « aveugle » et un ami dévoué qui lui présente un homme qu’il vient de rencontrer, le comte de Latour-Latour. La duchesse et le comte deviennent amants. De son côté, le duc de Maulévrier, académicien, cherche un nouvel immortel pour un fauteuil vacant. A la suite d’un quiproquo, il sera amené à patronner la candidature de l’amant de sa femme…
L’Habit vert est adapté d’une pièce écrite en 1913 par Robert de Flers (marquis de La Motte-Lézeau, comte de Flers…) et Gaston Arman de Caillavet. Cette comédie ridiculise fortement l’Académie française qui semble ne pas s’en être offusquée puisqu’elle a accueilli Robert de Flers en son sein quelques années plus tard, en 1920! C’est aussi une critique des institutions puisque le président de la République est lui aussi tourné en ridicule. Les acteurs s’en donnent à cœur joie, Elvire Popesco et Jules Berry ont un jeu très exubérant qui pourra agacer. Bien qu’assez conventionnelle, l’histoire est assez amusante grâce à des dialogues assez savoureux mais le film souffre du manque d’inspiration de la mise en scène de Roger Richebé. Le film donne en effet beaucoup trop l’impression de n’être que du théâtre filmé.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Elvire Popesco, Victor Boucher, Jules Berry, André Lefaur, Pierre Larquey, Meg Lemonnier, Bernard Blier
Voir la fiche du film et la filmographie de Roger Richebé sur le site IMDB.

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Remarque :
* Bernard Blier, dans un tout petit rôle non crédité au générique, est ici dans un de ses tous premiers films (ses premières apparitions au cinéma datent de cette année 1937).

L'habit vert(à gauche) Elvire Popesco et Jules Berry et ??
(à droite) Elvire Popesco, Meg Lemonnier, André Lefaur et Victor Boucher
dans L’habit vert de Roger Richebé.

5 novembre 2018

Accord final (1938) de Douglas Sirk et Ignacy Rosenkranz

Accord finalAdepte des jeux de hasard, un célèbre virtuose du violon fait le pari, un soir de beuverie, d’épouser avant deux mois la dixième jeune fille qui franchira la porte du Conservatoire de musique le lendemain matin. Il parie son unique et inestimable Stradivarius…
Ce n’est que récemment que l’on sait avec une quasi-certitude que Accord final a été en réalité dirigé par Douglas Sirk (1). En revanche, on ne sait si Ignacy Rosenkranz (ou I.R. Bay), crédité comme auteur du scénario et réalisateur, a vraiment existé ou s’il s’agit d’un pseudonyme du cinéaste allemand. Le film est une fantaisie sur le thème de l’amour. On y retrouve une belle brochette d’acteurs français qui donne beaucoup de solidité dans les seconds rôles. Tout cela est charmant mais, il faut bien l’avouer, plutôt anodin.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Käthe von Nagy, Jules Berry, George Rigaud, André Alerme, Raymond Aimos, Georges Rollin, Jacques Baumer, Josette Day, Bernard Blier
Voir la fiche du film et la filmographie de Douglas Sirk sur le site IMDB.

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(1) Fin 1937, Douglas Sirk (Hans Detlef Sierck) a réussi à quitter l’Allemagne sous le prétexte d’aller en Afrique du Sud effectuer les repérages d’un film qui ne verra jamais le jour. Après un bref séjour à Rome, il gagne la Suisse où Sirk supervise Accord final pour un producteur indépendant admirateur de son film Schlussakkord (La neuvième symphonie, 1936). Sierck a rompu unilatéralement son contrat avec la UFA et tient à éviter toute poursuite judiciaire ; il réussit à garder l’anonymat sur ce film qui sera signé Ignacy Rosenkranz, alias I.R. Bay.
Dans sa présentation du film au Cinéma de Minuit, Patrick Brion signale que c’est le livre d’Hervé Dumont Histoire du cinéma suisse qui a levé le voile sur son identité.

Accord final
Josette Day dans Accord final de Ignacy Rosenkranz (I.R. Bay) et Douglas Sirk.

15 juin 2014

Le Crime de Monsieur Lange (1936) de Jean Renoir

Le crime de Monsieur LangeDans un petit hôtel de campagne à la frontière belge, un homme et une femme arrivent pour réserver une chambre. Lui est recherché par la police pour un crime. La femme explique aux quelques habitués du lieu pourquoi il a agi ainsi. Elle raconte… L’histoire du Crime de Monsieur Lange a été écrite par Jean Castanier et adaptée par Jacques Prévert. Tous deux sont membres du groupe Octobre, une troupe de théâtre d’agit-prop cherchant à promouvoir un « théâtre prolétarien » et qui a fourni un grand nombre d’acteurs pour le film. Jean Renoir s’est contenté d’agir sur la forme, se gardant bien de toute tentative d’interférence sur le contenu. Assez utopique et manichéenne, l’histoire promeut la notion d’autogestion et va même très loin puisque l’assassinat du patron (magouilleur et odieux) est justifié, et même validé par une sorte de « jury populaire ». Ce militantisme appuyé est à replacer dans son contexte historique : nous sommes alors en pleine ferveur de la montée de l’idée du Front Populaire qui verra le jour quelques mois plus tard. Plus que sur le fond, c’est plutôt sur le plan de la forme que Le cCime de Monsieur Lange conserve aujourd’hui un certain attrait car Jean Renoir innove par ses plans-séquences et ses mouvements de caméra, des expérimentations qui trouvent leur apogée vers la fin du film avec notamment un célèbre panoramique de plus de 180 degrés en lieu et place d’un champ/contre-champ (au moment du crime). Comme tous les autres mouvements de camera, il trouve toute sa justification : il vient appuyer le sentiment de désorientation du personnage.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: René Lefèvre, Florelle, Jules Berry
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Remarque :
Le Crime de Monsieur Lange est la seule collaboration de Prévert avec Jean Renoir. On peut supposer que le fait que Prévert soit plutôt anarchiste alors que Renoir allait se rapprocher des communistes pour tourner son film suivant (La vie est à nous) a joué un rôle. Le Crime de Monsieur Lange et La vie est à nous sont probablement les deux films les plus engagés politiquement de Renoir. C’est, semble t-il, sa compagne d’alors, Marguerite Houllé (alias Marguerite Renoir), également sa monteuse attitrée, qui l’a poussé dans cet engagement politique. C’est notamment elle qui l’a présenté au groupe Octobre.

7 décembre 2013

Monsieur Personne (1936) de Christian-Jaque

Monsieur PersonneUne série de cambriolages de haut vol met la police sur les dents. Le coupable reste insaisissable, à tel point qu’on le surnomme Monsieur Personne. Lorsque Josette Verneau, une jeune femme du monde, admet à ses invités qu’elle trouve que l’homme a du panache, elle ignore qu’il va se glisser parmi ses invités… Monsieur Personne est adapté d’un roman de Marcel Allain, écrivain français qui a créé avec Pierre Souvestre le personnage de Fantômas. Il n’est donc pas étonnant que les méthodes adoptées par ce gentleman cambrioleur pour commettre ses méfaits soient assez élaborées. Elles sont aussi raffinées et, en outre, sa galanterie envers les femmes rappelle Arsène Lupin, le film pouvant être considéré comme un pastiche doté de beaucoup d’humour. Jules Berry s’en donne à coeur joie pour interpréter ce personnage brillant et charmeur. Sans être un grand film, Monsieur Personne se regarde avec plaisir.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jules Berry, Josseline Gaël, Henri Marchand, Georges Tourreil, André Berley
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Remarques :
* A cette époque, Christian-Jaque tournait environ cinq à six films par an (souvent des vaudevilles). Monsieur Personne est l’un des plus importants de ses débuts.
* Christian-Jaque ayant débuté sa carrière comme décorateur, les décors sont bien évidemment soignés, même s’ils sont peu nombreux.

20 octobre 2011

Les visiteurs du soir (1942) de Marcel Carné

Les visiteurs du soirEn mai 1485, deux ménestrels arrivent au château du baron Hughes qui va bientôt donner sa fille Anne en mariage au seigneur Renaud. Ils sont envoyés par le Diable pour désespérer les humains… Les visiteurs du soir a été réalisé sous l’Occupation. Marcel Carné et Jacques Prévert (qui cosigne le scénario avec Pierre Laroche) choisissent une période la plus éloignée possible pour contourner la censure mais la métaphore avec le présent de 1942, bien que subtilement cachée, est certaine : le Diable est Hitler et le film prône la résistance pour triompher du mal. La dernière scène du film en est le meilleur exemple. Le film est empreint d’une langueur poétique qui n’est pas sans générer une certaine lenteur. L’histoire présente cette simplesse propre aux récits atemporels et aussi un caractère assez manichéen : il y a ceux qui sont capables d’aimer et les autres. Les qualités des Visiteurs du soir, Les visiteurs du soir il faut aussi les chercher du côté de la forme : plutôt que de se livrer à une reconstitution montrant l’usure du temps, Marcel Carné opte pour des décors propres et nets, des décors épurés qui paraissent d’ailleurs étonnamment actuels aujourd’hui. Il utilise largement la blancheur des murs, le blanc étant la couleur dominante du film. Cet environnement renforce à la fois son caractère onirique et l’allégorie du présent. Arletty est superbe en beauté androgyne. Les visiteurs du soir connut un grand succès dès sa sortie. Le film a été récemment magnifiquement restauré.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Alain Cuny, Arletty, Marie Déa, Fernand Ledoux, Marcel Herrand, Jules Berry
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Remarques :
Parmi les figurants non crédités au générique, on note la présence de Simone Signoret (21 ans), Alain Resnais (20 ans) et François Chaumette (19 ans). Egalement non crédité, Michelangelo Antonioni a été assistant-réalisateur.