26 novembre 2017

L’Amour de Jeanne Ney (1927) de Georg Wilhelm Pabst

Titre original : « Die Liebe der Jeanne Ney »

L'amour de Jeanne Ney(Film muet) Au lendemain de la Révolution russe, la guerre civile fait rage en Crimée. Jeanne, fille d’un diplomate français œuvrant pour l’ancien régime, est amoureuse d’Andreas sans savoir qu’il est un responsable bolchévique. Lors de son arrestation, le père de Jeanne est tué et la jeune femme se réfugie chez son oncle à Paris… Inspiré d’un roman du russe Ilja Ehrenburg publié en 1924, L’amour de Jeanne Ney est un drame sentimental sur fond de bouleversements politiques. Il ne fait pas partie des films les plus remarquables de G.W. Pabst mais comporte quelques belles scènes. Le montage est parfois très rapide, dans un style inspiré du cinéma soviétique, et Pabst a voulu terminer beaucoup de ses plans par un mouvement. Hélas, l’histoire en elle-même n’est pas des plus passionnantes ; peu intense, elle repose sur le personnage du « vilain », particulièrement haïssable et merveilleusement interprété par Fritz Rasp. La photographie est cosignée par Fritz Arno Wagner, l’un des plus grands chefs opérateurs du cinéma expressionniste allemand. Pabst cherche toujours le réalisme dans ses films et les scènes de rue dans Paris, notamment la longue scène dans l’impressionnante foule des Halles, sont étonnantes. Le film est magnifiquement restauré par la Fondation Murnau.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Édith Jéhanne, Uno Henning, Fritz Rasp, Brigitte Helm
Voir la fiche du film et la filmographie de Georg Wilhelm Pabst sur le site IMDB.

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Remarque :
* Tout le contenu politique du scénario a été écarté en cours de tournage sous la pression d’Alfred Hugenberg, puissant patron de presse d’extrême droite, qui venait d’être appelé à la rescousse pour prendre la direction de l’UFA au bord de la banqueroute.

L'amour de Jeanne Ney
Édith Jéhanne est Jeanne Ney dans L’amour de Jeanne Ney de Georg Wilhelm Pabst.

L'amour de Jeanne Ney
Fritz Rasp est un méprisable opportuniste dans L’amour de Jeanne Ney de Georg Wilhelm Pabst. Noter le jeu avec les miroirs.

21 novembre 2011

L’argent (1928) de Marcel L’Herbier

L'argentSaccard, directeur de la Banque Universelle, subit un revers financier important lorsque son ennemi de toujours, le banquier Gunderman, bloque une augmentation de capital d’une filiale stratégique. Il est proche de la ruine. Pour se remettre en selle, il décide de financer l’aviateur Jacques Hamelin qui projette d’aller exploiter des gisements de pétrole en Guyane… Tourné dans les toutes dernières années du cinéma muet, L’argent est une transposition moderne du roman homonyme d’Emile Zola. Marcel L’Herbier, réalisateur qui a fortement contribué à hisser le cinéma au rang d’art véritable au tout début des années vingt, réussit à mettre sur pied cette ambitieuse production dotée de larges moyens (qui seront d’ailleurs dépassés). Composant, parfois difficilement, avec un producteur pointilleux, il a fortement imprimé sa marque sur le film. L’argent est donc bien un film d’auteur.

L'argent Le plus visible de sa démarche réside dans les audacieux et inventifs mouvements de caméra. Le plus célèbre est un vertigineux traveling vertical au dessus de la Corbeille mais il y a beaucoup d’autres travelings, parfois très rapides, qui apportent beaucoup de mobilité. L’autre aspect le plus visible est l’utilisation des flous, soit pour mieux isoler un personnage, soit pour exprimer un sentiment, un état d’esprit, une situation trouble. Très étonnant. Il faut aussi remarquer le montage avec notamment des plans alternés très efficaces. Toute cette créativité pourrait sembler vaine si elle n’était au service de l’intensité du drame qui se noue devant nos yeux.

L'argentLes décors Art-Déco sont superbes. Star auréolée du succès de Metropolis, Brigitte Helm n’a qu’un second rôle, celui de l’intrigante baronne Sandorf. Lascive et féline, elle distille, dans les scènes où elle apparaît, une forte sensualité qui atteint son paroxysme dans son altercation avec Saccard (1). Pierre Alcover donne beaucoup de corps (!) à son personnage. Ce qui est étonnant à propos de Saccard, c’est l’ambivalence des sentiments qu’il nous inspire : il est à la fois odieux, calculateur, entièrement asservi par l’argent, mais il est parfois sympathique, surtout lorsqu’il laisse transparaître sa fragilité. L’autre banquier, Gundermann, est encore plus machiavélique, un personnage très réussi : froid et inexpressif, il ne cesse de caresser l’un de ses chats à longs L'argentpoils.

Tourné un an avant le krach boursier de 1929, L’argent a été donc assez prophétique dans sa dénonciation du pouvoir extrême de l’argent. Il trouve d’ailleurs un nouvel écho aujourd’hui, 80 ans plus tard. L’argent eut un succès mitigé : à sa sortie, il fut mal considéré par la critique et il faut attendre les années soixante pour le voir réhabilité et remis à sa juste place, c’est à dire parmi les 5 ou 10 plus grands films du cinéma muet.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Pierre Alcover, Brigitte Helm, Marie Glory, Alfred Abel, Henry Victor, Antonin Artaud, Jules Berry
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Remarques :
* Le tout jeune et inexpérimenté Jean Dréville a tourné un film de 40 minutes sur le tournage de L’argent : Autour de L’argent. Ce petit film est passionnant, un document précieux.
L'argent * Les scènes de bourse furent réellement tournées à la Bourse (Palais Brongniart à Paris) que Marcel L’Herbier put avoir trois jours à son entière disposition pendant le week-end de l’Ascension. 2000 figurants (dont certains étaient de véritables opérateurs de bourse), une quinzaine de caméras, le réalisateur ne lésina guère sur les moyens. Le résultat est saisissant : l’effervescence de ce temple de la finance est clairement perceptible.  Pour l’un des plans les plus audacieux de toute l’histoire du cinéma, L’Herbier a fait chuter une volumineuse caméra au dessus de la Corbeille depuis la coupole, soit 22 mètres en quasi-chute libre.

(1) Le film/making-of de Jean Dréville nous montre que cette scène (entrevue entre Saccard et la baronne Sandorf) fut la première à être tournée. C’est assez étonnant lorsqu’on voit l’intensité dramatique et sensuelle qu’elle atteint à l’écran.

Remake :
L’argent de Pierre Billon (1936) avec Nicolas Amato et Pierre Richard-Willm (film perdu?)

21 novembre 2011

Autour de l’argent (1928) de Jean Dréville

Autour de l'argent(Court-métrage de 40 mn) Autour de l’argent est ce que nous appelons aujourd’hui un making-of. Jean Dréville a 22 ans lorsqu’il propose à Marcel l’Herbier de filmer le tournage de son film L’Argent, grosse production de 1928. Nous sommes là dans les toutes dernières années du cinéma muet. Jean Dréville n’a absolument aucune expérience cinématographique, ni pour tourner, ni pour monter, mais il s’appuie sur ses connaissances de photographe amateur. Il s’agit donc de son tout premier film. Autour de l’argent est un document très précieux car il nous montre donc comment Marcel L’Herbier a tourné : le grand studio, les trouvailles ingénieuses, les chariots pour ses mouvements complexes de caméra ; nous voyons tomber la caméra dans la fameuse scène de la bourse, l’incroyable traveling au dessus de la soirée chez Saccard, nous voyons L’Herbier diriger ses comédiens. Toutes ces images sont d’un intérêt extrême, c’est un document inestimable. Il est intelligemment monté en grands chapitres. Initialement muet, un commentaire en voix-off de Jean Dréville a été rajouté en 1971.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs:
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