28 mai 2015

Agent secret (1936) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Sabotage »
Titre U.S.A. : « The Woman Alone »

Agent secretLondres est soudainement plongé dans le noir à la suite d’un acte de sabotage de la centrale électrique. Un enquêteur de Scotland Yard surveille le directeur d’un cinéma… Sabotage (Agent secret) est adapté du roman de Joseph Conrad The Secret Agent, titre qui ne pouvait pas être utilisé puisque Hitchcock venait d’achever un autre film portant ce titre. Bien qu’il ait été très mal reçu à l’époque, c’est un très bon film où le cinéaste s’attache à créer un suspense qui se révèle assez fort. Comme le film précédent d’Hitchcock, Sabotage est handicapé par le choix des acteurs : John Loder en policier est assez terne (Hitchcock voulait Robert Donat qui n’a pu se libérer), Oscar Homolka est trop sympathique et le couple qu’il forme avec Sylvia Sydney n’est pas crédible. Mais ce n’est pas à cause de l’interprétation si le film a été si mal reçu. [Attention, la suite de ce commentaire va révéler un point important, arrêtez-ici votre lecture si vous comptez regarder le film prochainement.] Ce que le public n’a pas pardonné au cinéaste, c’est de faire mourir le jeune garçon après avoir construit un suspense très fort autour de lui : « C’est une très grave erreur de ma part » analyse le cinéaste a posteriori (1). Il s’agissait pourtant d’un élément très réaliste et c’est, bien entendu, une réaction très naïve de la part du public de vouloir que les personnages qu’il a pris en affection soient toujours sauvés in extremis. Toujours est-il que cela a scellé le destin du film. Une autre scène très forte est celle du repas : Sylvia Sydney, Oskar Homolka et… le couteau. Là, c’est du grand art, et accessoirement un superbe exemple de la manipulation du cinéma car cette scène, par sa construction, son montage et surtout la formidable utilisation d’un objet, le couteau, transforme finalement un meurtre en demi-suicide… Sabotage est donc un film intéressant à plus d’un titre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sylvia Sidney, Oskar Homolka, John Loder
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Sabotage d'Alfred Hitchcock
Sylvia Sydney dans Agent secret (Sabotage) de Alfred Hitchcock

Remarques :
* En visionnant Sabotage aujourd’hui, il est difficile de ne pas penser aux attentats de Londres de 2005 où une bombe a explosé de façon similaire dans un bus. A noter que dans le film d’Hitchcock, les motivations ne sont pas clairement identifiées : les commanditaires des attentats veulent déstabiliser la société par la peur mais le cinéaste ne les rattache à aucun mouvement politique.

* Cameo d’Alfred Hitchcock (difficile à repérer et incertain) : Juste au moment où la lumière revient (8’50), au premier plan de l’attroupement devant le cinéma, Hitchcock passe très rapidement au premier plan en regardant en l’air. (Nota : Le cameo listé par Wikipédia français ne correspond à aucune scène de la version que j’ai vue)

* Ne pas confondre :
Secret Agent (titre français : Quatre de l’espionnage) d’Alfred Hitchcock (UK 1936)
Sabotage (titre français : Agent secret) d’Alfred Hitchcock (UK 1936)
Saboteur (Titre français : Cinquième colonne) d’Alfred Hitchcock (USA 1942)

Sabotage d'Alfred Hitchcock
Desmond Tester, le jeune garçon dans Agent secret (Sabotage) de Alfred Hitchcock

(1) « Il y a une très grave erreur de ma part : le petit garçon qui porte la bombe. Quand un personnage promène une bombe sans le savoir comme un simple paquet, vous créez par rapport au public un très fort suspense. Tout au long de ce trajet, le personnage du garçon est devenu beaucoup trop sympathique pour le public qui, ensuite, ne m’a pas pardonné de le faire mourir lorsque la bombe explose. » (Hitchcock / Truffaut, Ramsay 1983, p. 88)
Lorsque Hitchcock parle ensuite d’une variante possible, François Truffaut a une remarque intéressante : « C’est très délicat de faire mourir un enfant dans un film ; on frôle l’abus de pouvoir du cinéma. » Hitchcock approuve.

Sabotage d'Alfred Hitchcock
Oskar Homolka et Sylvia Sydney dans Agent secret (Sabotage) de Alfred Hitchcock avec (hors champ)… le couteau.

27 mai 2015

Quatre de l’espionnage (1936) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Secret Agent »

Quatre de l'espionnagePendant la Première Guerre mondiale, un officier britannique est envoyé en mission à Genève pour traquer un agent allemand. Il y est accompagné par un homme de main et découvre, à son arrivée, que les services secrets ont également envoyé une jeune femme qui doit passer pour être sa femme… Dans la période anglaise d’Alfred Hitchcock, Secret Agent (Quatre de l’espionnage) vient juste après le magnifique Les 39 marches. Il est hélas d’une qualité bien différente. Pour en écrire l’histoire, le cinéaste a choisi comme inspiration deux nouvelles de Somerset Maugham extraites de son recueil Ashenden et une pièce de Campbell Dixon également adaptée de ce recueil. Le résultat est une histoire un peu complexe mais bien développée avec de belles trouvailles (la chocolaterie, la longue-vue, etc.) et de beaux moments de tension. En revanche, et de l’aveu même du cinéaste, le personnage principal est problématique car il ne tient pas son rôle de héros : il est hésitant, réticent à remplir sa mission, « il doit tuer un homme et il ne veut pas le faire, c’est un but négatif et cela donne un film d’aventures qui n’avance pas, qui tourne à vide ». Il est vrai qu’il nous apparaît bien fade, d’autant plus que John Gielgud a un physique et un jeu sans éclat. Le choix de Robert Young, acteur marqué par ses rôles de comédie, n’est pas très heureux non plus. Le personnage le plus fort est indéniablement celui de l’acolyte homme de main, merveilleusement interprété par un Peter Lorre mielleux et équivoque à souhait.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Madeleine Carroll, Peter Lorre, John Gielgud, Robert Young
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Quatre de l'espionnage
John Gielgud, Madeleine Carroll et Peter Lorre  dans Quatre de l’espionnage d’Alfred Hitchcock (1936).

Remarques :
* Ne pas confondre :
Secret Agent (titre français : Quatre de l’espionnage) avec
Sabotage (titre français : Agent secret)
tous deux des films d’Alfred Hitchcock datés de 1936.

* Cameo : Hitchcock apparaît fugitivement à la 7e minute parmi les passagers qui descendent du bateau.

26 mai 2015

C’est la vie (1927) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Downhill »

C'est la vieAu collège, victime d’une jalousie féminine, un étudiant se laisse accuser d’un petit larcin à la place de son ami. Il est renvoyé du collège et chassé par son père. C’est la descente… Tourné par Alfred Hitchcock juste après The Lodger, Downhill a bien peu de points communs avec ce dernier, hormis son acteur principal, Ivor Novello. L’acteur est, avec Constance Collier, le co-auteur de la pièce dont est tiré le film. L’histoire est le principal handicap de Downhill : elle est très mal écrite, les personnages sont mal mis en place, le développement est sans finesse, la fin est plate. Bref, c’est très mauvais – et, soit-dit en passant, passablement misogyne (1). Le point le plus notable dans tout cela est le thème du faux coupable, thème récurrent dans la filmographie d’Alfred Hitchcock. Sur le plan de la forme, il est assez difficile d’y déceler la patte du réalisateur, hormis dans les scènes d’hallucinations qui sont assez inventives. (film muet)
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Ivor Novello, Annette Benson, Isabel Jeans, Ian Hunter
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Ivor Novello et Isabel Jeans dans C’est la vie de Alfred Hitchcock

Remarques :
* Alfred Hitchcock a lui-même reconnu qu’il s’agissait d’une « pièce assez médiocre » et que « le dialogue était souvent mauvais ».

C'est la vie* Il a aussi reconnu que l’utilisation à plusieurs reprises de la métaphore de la descente des escaliers (et même d’un ascenseur où le héros, mis à la porte de chez lui, appuie sur le bouton « down » !) pour exprimer la descente sociale n’était pas très heureuse.
> Détail amusant : l’affiche ci-contre (affiche française mais la même existe en anglais) a inversé l’escalier : le héros semble s’apprêter à monter l’escalier ! Il serait intéressant de savoir de quelle époque date cette affiche. De plus, on peut s’interroger sur la signification du titre français, C’est la vie. A noter que Patrick Brion mentionne un autre titre français : La Pente.

* Ivor Novello, alors âgé de 34 ans, est sans aucun doute un peu âgé pour interpréter un étudiant censé avoir 18 ans au grand maximum.

* Pas de caméo d’Alfred Hitchcock dans ce film.

(1) Quand on y réfléchit, on peut trouver surprenant qu’Ivor Novello, qui était alors un acteur très connu sur la scène londonienne avec un physique à faire tomber toutes les femmes passant à moins trois mètres dans ses bras, ait pu écrire une histoire montrant les femmes sous un si mauvais jour : elles y sont cupides, profiteuses et franchement malveillantes, il n’y en a pas une à sauver (ce serait plutôt à nous de nous sauver en courant si l’on en rencontre une!) « Méfiez-vous des femmes », telle pourrait être la morale de cette histoire!

25 mai 2015

Les Cheveux d’or (1926) de Alfred Hitchcock

Titre original : « The Lodger: A Story of the London Fog »

Les cheveux d'orUn cri perce la nuit froide et brumeuse de Londres. Le «Vengeur» vient de faire une septième victime, encore une jeune femme blonde. Un témoin décrit un homme de grande taille se dissimulant le bas du visage avec un foulard. Le même soir, un étrange voyageur se présente pour louer une chambre dans une maison du quartier. La fille de la famille, Daisy, y est courtisée avec insistance par un enquêteur de Scotland Yard… The Lodger est le premier «vrai film» d’Alfred Hitchcock, le premier où il a pu exercer son style propre (1). C’est aussi la première adaptation à l’écran de ce roman de l’anglaise Marie Belloc Lowndes, roman inspiré par les crimes en série de Jack l’éventreur. Le cinéaste montre un talent pour créer une atmosphère plutôt angoissante, où l’on s’interroge sur la culpabilité du personnage principal. Le montage des premières minutes du film est assez remarquable, faisant monter la tension pendant une quinzaine de minutes avant que n’apparaisse l’acteur principal, partiellement masqué. Il montre aussi un talent pour mettre en place des images fortes : la scène (chargée d’une indéniable connotation christique) où Ivor Novello se retrouve suspendu par ses menottes à une grille reste dans les esprits. Il se montre enfin novateur et même audacieux dans certains plans, comme celui où l’on «entend» le locataire marcher dans la pièce au-dessous de nous. (film muet)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ivor Novello, June, Malcolm Keen
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The Lodger d'Alfred Hitchcock
Ivor Novello et June dans The Lodger de Alfred Hitchcock (1926)

Remarques :
* The Lodger est le premier film où le réalisateur apparaît lui-même dans une scène. Il s’agissait alors plus de combler un manque de figurants que d’un choix délibéré. On le voit de dos dans les bureaux du journal au tout début du film (confirmé par le réalisateur). Certains mentionnent un second caméo (non confirmé) à la fin du film, au moment où l’on décroche Ivor Novello : il y a bien un figurant qui lui ressemble vu de loin mais, vu de plus près un peu plus tard, l’on voit bien que ce n’est pas lui (à mon avis).
The Lodger d'Alfred Hitchcock
Le premier caméo d’Alfred Hitchcock est une apparition de dos dans The Lodger (1926)

* Les superbes intertitres dans le style Avant-garde / Art-déco sont l’oeuvre de Edward McKnight Kauffer, artiste-illustrateur avant-gardiste d’origine américaine (1890-1954).

* Le film a failli ne pas sortir : le réalisateur Graham Cutts, dont Hitchcock avait été l’assistant, voyait d’un mauvais oeil l’émergence d’un autre réalisateur ; il réussit à dénigrer le film auprès des responsables de Gainsborough Pictures et ce n’est qu’à l’insistance du producteur Michael Balcon qu’il put finalement sortir après quelques modifications d’intertitres.

The Lodger d'Alfred Hitchcock
Ivor Novello, June et Malcolm Keen dans The Lodger de Alfred Hitchcock (1926) (photo publicitaire)

Les adaptations du roman The Lodger à l’écran :
1. Les cheveux d’or (The Lodger) d’Alfred Hitchcock (UK, 1926) avec Ivor Novello
2. The Lodger de Maurice Elveny (UK, 1932)avec à nouveau Ivor Novello
3. Jack l’éventreur (The Lodger) de John Brahms (USA, 1944) avec Laird Cregar
4. L’Etrange Mr Slade (Man in the Attic) de Hugo Fregonese (USA, 1953) avec Jack Palance
5. Jack l’éventreur: The Lodger (The Lodger) de David Ondaatje (USA, 2009) avec Alfred Molina.
Nota : Il existe d’autres films intitulés Jack l’éventreur, ou mettant en scène le tristement célèbre meurtrier, mais ce ne sont pas des adaptations du roman de Marie Belloc Lowndes.

(1) Techniquement parlant, c’est son troisième film en tant que réalisateur (voire quatrième si l’on inclut un premier court-métrage inachevé) mais Alfred Hitchcock le dit lui-même : « Dans ce film, toute mon approche a été instinctive, c’est la première fois que j’ai exercé mon style propre. En vérité, on peut considérer que The Lodger est mon premier film. » (Entretiens avec François Truffaut, Ramsay 1983).

14 mai 2015

L’Étranger (1943) de Anthony Asquith

Titre original : « The Demi-Paradise »

L'étrangerA la veille de la Seconde Guerre mondiale, un ingénieur russe arrive en Angleterre pour commander à un constructeur un bateau brise-glace muni d’une hélice révolutionnaire de sa conception… Réalisé en 1943, The Demi-Paradise fait partie de l’effort de guerre de l’industrie cinématographique anglaise. Le but recherché est d’aplanir les différences entre les deux nouveaux alliés contre l’Allemagne nazie que sont l’Angleterre et l’Union Soviétique (1). Le scénario de cette comédie est très simple : un russe est plongé dans la civilisation anglaise pour mieux montrer les différences de mentalité et de coutumes entre les deux peuples mais, n’en doutons pas, ces différences seront finalement aplanies et ce sera pour le bien de tous. C’est Laurence Olivier, expert en accents de tous genres, qui est chargé d’interpréter l’étranger. Il le fait brillamment et les seconds rôles sont également très bien tenus. Le film est parsemé d’un humour très british avec une bonne dose d’autodérision, mentalité et coutumes anglaises étant quelque peu caricaturées, une façon élégante de dire au spectateur : « L’étranger vous paraît bizarre mais nous aussi pouvons apparaître bizarres à ses yeux ». La réalisation est d’excellente facture, on n’en attendait pas moins d’un réalisateur comme Anthony  Asquith, mais nos yeux modernes peuvent trouver que l’ensemble manque de subtilités.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Laurence Olivier, Penelope Dudley-Ward, Margaret Rutherford, Felix Aylmer
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The Demi-Paradise par Anthony Asquith
Laurence Olivier et Penelope Dudley-Ward dans L’étranger de Anthony Asquith

(1) Staline ayant signé un pacte de non-agression (le Pacte germano-soviétique) avec Hitler en 1939, l’Union Soviétique n’était pas vue comme un allié au début de la guerre. Lorsqu’Hitler rompt ce pacte en envahissant la Russie à la mi-41, cette vision se doit de changer : les russes deviennent en effet des amis et des alliés dans la guerre contre le 3e Reich.

4 mai 2015

L’homme au complet blanc (1951) de Alexander Mackendrick

Titre original : « The Man in the White Suit »

L'homme au complet blancChimiste passionné, Sidney Stratton se fait embaucher comme manutentionnaire dans une grande entreprise textile à Manchester et parvient à s’introduire dans le laboratoire de l’usine pour y mener ses recherches. C’est ainsi qu’il va réussir à inventer un tissu révolutionnaire… L’homme au complet blanc fait partie des meilleures comédies anglaises de la (trop) courte période des Studios Ealing. L’histoire est amusante, elle joue avec les stéréotypes, s’amuse à faire des rapprochements inattendus (patrons et ouvriers unis dans un refus du modernisme). Alec Guinness est parfait dans son personnage d’inventeur obsédé par ses recherches, avec un air de grand naïf, lunaire, presque coupé du monde qui l’entoure. L’humour est constant tout en restant retenu, il va souvent se nicher dans les détails. L’homme au complet blanc fait ainsi partie de ces films qui se revoient avec beaucoup de plaisir.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Alec Guinness, Joan Greenwood, Cecil Parker, Michael Gough, Ernest Thesiger
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L'homme au complet blanc
Alec Guinness est L’homme au complet blanc dans le film de Alexander Mackendrick (à l’arrière plan : Charles Cullum et Michael Gough).

Remarques :
* Le bruitage si particulier de l’assemblage d’appareils et de cornues du laboratoire a été fait avec, entre autres, un basson et un tuba.
* Le patron de l’usine serait inspiré de Michael Balcon, le patron d’Ealing, et l’ouvrier syndicaliste par Sydney Cole, le producteur du film, très soucieux du droit des travailleurs au sein du studio.

* Bien qu’il soit né (et mort) aux Etats-Unis, Alexander Mackendrick était anglais de coeur (ses parents sont revenus vivre dans leur Ecosse natale lorsqu’il était encore enfant). Il a réalisé pour la Ealing trois perles de la comédie britannique : Whisky Galore! (1949), The Man in the White Suit (1951) et The Ladykillers (1955).
On pourrait y ajouter, toujours pour la Ealing,  Mandy (1952) (très rare, je ne l’ai personnellement jamais vu) et Maggie (1954).
Après 1955, il est passé aux Etats-Unis avec notamment l’excellent Sweet Smell of Success (1957) avec Burt Lancaster et Tony Curtis, film dont l’insuccès a injustement sabordé la carrière de réalisateur.

16 avril 2015

Frenzy (1972) de Alfred Hitchcock

FrenzyUne jeune femme est retrouvée flottant dans la Tamise, étranglée avec une cravate. Ce n’est pas la première victime du « tueur à la cravate ». Le même jour, Richard Blaney, un ancien de la RAF impulsif et aigri, est renvoyé du pub où il travaillait… Frenzy est l’avant-dernier film d’Alfred Hitchcock. Le cinéaste a choisi de s’écarter d’Universal pour avoir toute liberté de le tourner et l’a fait en Angleterre. Le suspense n’est pas ici sur l’identité du meurtrier, qui nous est dévoilée très rapidement, mais repose plutôt sur le principe de la souricière : comment celui qui y est pris va t-il pouvoir s’en échapper ? Hitchcock s’écarte de toute édulcoration, n’hésite pas à aller dans le domaine du sordide tout en le contrebalançant par un humour assez constant, par petites touches. Cet humour est présent non seulement sur le contenu lui-même (comme cet inspecteur de police dont la femme s’est découvert une passion pour la cuisine française) mais aussi sur le plan cinématographique pur. Hitchcock est facétieux, place sa caméra dans des endroits inhabituels, nous surprend, joue avec le son : au lieu de la scène habituelle d’une personne découvrant un cadavre, il la laisse entrer et reste à la porte, filmant le vide pendant quelques secondes avant de faire retentir un cri perçant. Mais le plan le plus remarquable est incontestablement ce long traveling arrière après avoir vu l’assassin emmener chez lui une jeune femme, par lequel Hitchcock semble dire au spectateur : « oui, il va la tuer, et vous ne pourrez rien faire pour l’en empêcher ! » Le caractère le plus marquant de Frenzy reste toutefois sa crudité, une certaine normalité (banalité ?) dans l’horreur, avec ses personnages « ordinaires » où même les personnages féminins n’ont pas la superbe des héroïnes hitchcockiennes…
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jon Finch, Alec McCowen, Barry Foster, Billie Whitelaw, Anna Massey, Barbara Leigh-Hunt, Vivien Merchant
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Frenzy
Hichcock manie le sordide et l’humour noir : Barbara Leigh-Hunt dans Frenzy.

Cameo :
Hitchcock apparaît dans les toutes premières minutes, bien visible au milieu de la petite foule de personnes qui écoutent le discours près de la Tamise. Fait inhabituel, il apparaît une seconde fois quelques secondes plus tard, assez longuement, vu de haut.

14 avril 2015

La Mort apprivoisée (1949) de Michael Powell et Emeric Pressburger

Titre original : « The Small Back Room »
Titre USA : « Hour of Glory »

La mort apprivoiséePendant la Seconde Guerre mondial, en Angleterre, Sammy Rice est un expert en engins explosifs, un chercheur brillant qui préfère rester dans l’ombre (1). Il a perdu un pied dans une précédente mission et ne peut marcher qu’imparfaitement grâce à une prothèse. Il s’en sent très diminué, notamment dans ses rapports avec Susan : il craint que la jeune femme ne reste avec lui que par pitié… Tourné juste après les oeuvres de belle ampleur que sont Black Narcissus et The Red Shoes, The Small Back Room permet au tandem Michael Powell et Emeric Pressburger de revenir à un cinéma plus simple, voire plus naturaliste, proche de l’esprit de ceux que Powell tournait juste avant la guerre. Basé sur un livre de Nigel Balchin qui en a écrit lui-même l’adaptation, le film met en avant les chercheurs qui ont oeuvré en coulisses, parfois au péril de leur vie. Il y a plusieurs volets à cette histoire : le drame personnel de cet homme, antihéros par excellence qui s’enferme dans son mal-être et qui ne doit à son travail et surtout à sa relation amoureuse de ne pas sombrer dans l’alcool ; il y a aussi un regard plutôt acide sur les gens de ministères où règnent incompétence et luttes de pouvoir ; il y a enfin un aspect presque documentaire sur le travail (dans de bien mauvaises conditions) des chercheurs et autres experts qui culmine lors d’une longue scène de déminage, superbe par sa tension et ses très gros plans. Les scènes oniriques à tendance psychanalytique sont moins convaincantes. Côté acteurs, il faut noter la grande présence à l’écran de ses deux acteurs principaux : David Farrar a une belle prestance, avec un faux air de Gary Cooper et de Robert Montgomery, et la belle Kathleen Byron est délicieusement énigmatique. A sa sortie, The Small Back Room fut très bien reçu par la critique mais fut plutôt boudé par un public qui désirait plutôt oublier cette guerre qui venait de se terminer.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: David Farrar, Kathleen Byron, Jack Hawkins, Leslie Banks, Michael Gough, Cyril Cusack
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Kathleen Byron et David Farrar dans The Small Back Room de Michael Powell et Emeric Pressburger

The Small Back Room
Déminage d’une bombe trouvée sur une plage : David Farrar dans The Small Back Room de Michael Powell et Emeric Pressburger (1948)

(1) En anglais courant, backroom = confidentiel, secret. The backroom boys désignent (désignaient ?) les experts et techniciens qui travaillent dans l’ombre, en arrière plan. On entend aussi dans le film le terme boffin qui désignait, pendant la guerre, les chercheurs, mot plutôt argotique mais non péjoratif.

11 mars 2015

Le Retour de l’abominable Dr. Phibes (1972) de Robert Fuest

Titre original : « Dr. Phibes Rises Again »

Le retour de l'abominable Dr. PhibesTrois ans après sa « disparition » à la fin de L’abominable Dr. Phibes, le docteur revient à la vie grâce à un mécanisme prévu pour se déclencher à un moment précis. Il doit maintenant se rendre en Egypte pour faire revenir à la vie sa douce Victoria. Hélas, il découvre que le vieux parchemin qui devait le guider lui a été volé… Comme la plupart des suites, Le Retour de l’abominable Dr. Phibes est plutôt moins réussi que son prédécesseur. D’une part, l’effet de surprise n’est plus là et le scénario semble moins cohérent : certes, le fait de situer une grande partie de l’action en Egypte permet d’introduire toutes sortes de mécanismes aussi élaborés que mortels mais les meurtres manquent d’un plan d’ensemble (comme de suivre les plaies d’Egypte dans le précédent volet). Le Retour de l’abominable Dr. Phibes reste plaisant à regarder grâce à son côté totalement loufoque. Rien n’est sérieux ici et l’humour y est dans un sens plus marqué que dans le premier (l’affiche est plus terrifiante que le film). Le troisième volet qui était prévu ne verra jamais le jour.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Vincent Price, Robert Quarry, Peter Cushing, Peter Jeffrey, Hugh Griffith
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Le Retour de l'abominable Dr. Phibes (1972) de Robert Fuest

10 mars 2015

L’abominable Dr. Phibes (1971) de Robert Fuest

Titre original : « The Abominable Dr. Phibes »

L'abominable Dr. PhibesDans les années 1920, un mystérieux personnage, vêtu d’une grande cape noire, assassine des médecins avec une mise en scène qui intrigue Scotland Yard… L’abominable Dr. Phibes est un film très étonnant. Il faut sans doute le classer dans les films d’horreur du fait des meurtres perpétrés, mais l’inventivité et l’humour déployé le mettent indéniablement à part. L’inventivité est évidente dans les mises en scène pour donner la mort, se calquant sur les dix plaies d’Egypte de la Bible, mais cette inventivité est aussi présente dans l’intérieur de la demeure du Docteur Phibes, ses automates et son propre personnage (il a une façon de boire le champagne qui n’est pas banale…) L’humour est tout aussi omniprésent, dans l’excès de raffinement des mises en scène macabres et surtout chez les policiers enquêteurs. Vincent Price est bien entendu l’acteur idéal pour le rôle du docteur maléfique. Il a un jeu démonstratif malgré son visage figé. L’ensemble n’est pas à prendre au sérieux, L’abominable Dr. Phibes est avant tout un divertissement.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Vincent Price, Joseph Cotten, Hugh Griffith, Virginia North, Peter Jeffrey
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Remarque :
* Robert Fuest, qui aurait presque totalement réécrit le scénario, a débuté comme Art Director de la série Chapeau melon et Bottes de cuir dont il a également réalisé quelques épisodes. Il a effectivement une certaine similitude avec cette série dans les mises en scène excessivement élaborées.
* On peut supposer que le film (avec ses références bibliques) a été l’une des sources d’inspiration de David Fincher pour Seven.

L'abominable Dr. Phibes de Robert Fuest