9 janvier 2024

Chronique d’un amour (1950) de Michelangelo Antonioni

Titre original : « Cronaca di un amore »

Chronique d'un amour (Cronaca di un amore)Un riche industriel milanais engage un détective privé pour connaître le passé de sa jeune épouse. Alerté de l’enquête, son ancien amant entre de nouveau en contact avec elle. Ils s’étaient quittés après le décès accidentel d’une de ses meilleures amies…
Chronique d’un amour est un film italien co-écrit et réalisé par Michelangelo Antonioni. Il s’agit de son premier long métrage. L’histoire peut par moments évoquer Les amants diaboliques (Ossessione, 1943), le premier film de Visconti, mais il est en réalité très différent. Plus qu’une histoire de meurtre, Antonioni nous offre un portrait de femme qui cherche à reprendre sa vie en main. Le scénario est habile : les deux anciens amants se retrouvent du fait de la méfiance du mari, c’est en effet l’enquête qui fait renaître une passion éteinte, et l’issue est plutôt inattendue. C’est aussi le portrait d’une classe sociale aisée dont les membres, et particulièrement les femmes car c’est sur elles qu’Antonioni porte son attention, ont une existence oisive et vide de sens. Il est tentant d’y voir les prémices des « grands » Antonioni qui viendront quelque dix ans plus tard mais l’ensemble reste très classique. Belle interprétation de Lucia Bosé, qui n’avait alors que dix-neuf ans alors que son personnage en a dix de plus.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Lucia Bosè, Massimo Girotti, Ferdinando Sarmi, Gino Rossi
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Massimo Girotti et Lucia Bosè dans Chronique d’un amour (Cronaca di un amore) de Michelangelo Antonioni.

11 février 2023

Les Invités de huit heures (1933) de George Cukor

Titre original : « Dinner at Eight »

Les invités de huit heures (Dinner at Eight)Millicent Jordan met toute son énergie à organiser un dîner en l’honneur d’un couple d’aristocrates anglais sans se préoccuper des difficultés professionnelles de son mari. On suit ainsi les préparatifs épiques du dîner et la galerie pittoresque de personnages invités à la soirée…
Les Invités de huit heures (Dinner at Eight) est un film américain réalisé par George Cukor. Le scénario est signé Frances Marion (qui venait de remporter son deuxième Oscar (1)) et Herman J. Mankiewicz (le frère aîné de Joseph) d’après une pièce à succès de George S. Kaufman et Edna Ferber. En ces premières années du parlant, Broadway était un vivier de bons sujets de film. L’histoire est un prétexte pour nous gratifier d’une belle galerie de portraits de personnages bien différents. La construction en scènes centrées sur une ou deux personnes est un bon tremplin pour de belles interprétations. Ici, c’est le couple formé par Jean Harlow et Wallace Beery qui est le plus spectaculaire, leurs disputes sont hautes en couleur. Rien de très original mais néanmoins plaisant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs : Marie Dressler, John Barrymore, Wallace Beery, Jean Harlow, Lionel BarrymoreEdmund Lowe, Billie Burke, Madge Evans, Jean Hersholt, Karen Morley, Phillips Holmes, May Robson, Grant Mitchell
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(1) Frances Marion fut la première femme à remporter l’Oscar pour la Meilleure adaptation en 1930 pour le film Big House de George W. Hill; elle reçut aussi l’Oscar de la meilleure histoire originale pour Le Champion de King Vidor en 1932. Elle fut par ailleurs  l’auteure de nombreux scénarios pour Mary Pickford.

Les invités de huit heures (Dinner at Eight)Grant Mitchell, Tenen Holtz, Louise Closser Hale, Jean Harlow, Wallace Beery, Edmund Lowe, Elizabeth Patterson et Billie Burke dans Les invités de huit heures (Dinner at Eight) de George Cukor.

Les invités de huit heures (Dinner at Eight)Wallace Beery et Jean Harlow dans Les invités de huit heures (Dinner at Eight) de George Cukor.

Les invités de huit heures (Dinner at Eight)Photo publicitaire pour Les invités de huit heures (Dinner at Eight) de George Cukor.
(debout) Edmund Lowe, George Cukor, Lionel Barrymore, Jean Harlow, Phillips Holmes
(assis) Madge Evans, Louise Closser Hale, Billie Burke, Marie Dressler, Elizabeth Patterson, Grant Mitchell

17 décembre 2022

Gatsby le magnifique (2013) de Baz Luhrmann

Titre original : « The Great Gatsby »

Gatsby le magnifique (The Great Gatsby)1922. Apprenti écrivain, Nick Carraway quitte la région du Middle-West pour s’installer à New York. Il a désormais pour voisin un mystérieux millionnaire, Jay Gatsby, qui s’étourdit en fêtes mondaines, et vit non loin de sa cousine Daisy et de son mari volage, issu de sang noble. C’est ainsi que Nick se retrouve au cœur du monde fascinant des milliardaires, de leurs illusions, de leurs amours et de leurs mensonges…
Gatsby le magnifique est un film australo-américain coécrit, produit et réalisé par Baz Luhrmann. Il s’agit d’une nouvelle adaptation du célèbre roman de F. Scott Fitzgerald, publié en 1925. C’est avant tout un grand spectacle, une féérie colorée comme seul le cinéma peut le faire, avec une vision idéalisée des fastes de cette folle époque. Baz Luhrmann a modernisé le récit essentiellement par la musique qui est de 2013, cet anachronisme surprend au premier abord mais s’intègre finalement assez bien et permet d’éviter que le spectateur reste à trop grande distance. Bien entendu, il n’est pas interdit de trouver l’ensemble factice mais le roman est plutôt bien restitué et la candeur du narrateur conservée. L’interprétation est retenue et les personnages ont une certaine épaisseur.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Leonardo DiCaprio, Carey Mulligan, Tobey Maguire, Joel Edgerton, Elizabeth Debicki
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Les adaptations du roman de F. Scott Fitzgerald au cinéma :
1926 : The Great Gatsby de Herbert Brenon, avec Warner Baxter (film perdu)
1949 : Le Prix du silence (The Great Gatsby) de Elliott Nugent, avec Alan Ladd
1974 : Gatsby le magnifique (The Great Gatsby) de Jack Clayton, avec Robert Redford
2013 : Gatsby le magnifique (The Great Gatsby) de Baz Luhrmann, avec Leonardo DiCaprio.

Gatsby le magnifique (The Great Gatsby)Leonardo DiCaprio, Carey Mulligan, Tobey Maguire et Joel Edgerton dans Gatsby le magnifique (The Great Gatsby) de Baz Luhrmann.

Gatsby le magnifique (The Great Gatsby)Gatsby le magnifique (The Great Gatsby) de Baz Luhrmann.

30 août 2022

Les Apparences (2020) de Marc Fitoussi

Les apparencesA Vienne, Ève et Henri sont un couple en vue de la petite communauté française. Lui est chef d’orchestre à l’Opéra, elle dirige la médiathèque de l’Institut français. Une vie apparemment sans fausse note, jusqu’au jour où Henri succombe au charme de l’institutrice de leur fils…
Les Apparences est un film français écrit et réalisé par Marc Fitoussi, librement adapté du roman Trahie de l’écrivaine suédoise Karin Alvtegen, paru en 2003. L’histoire n’est pas très originale, l’étude de mœurs de cette bourgeoisie privilégiée reste sommaire et convenue, l’intrigue est décevante. Le réalisateur semble avoir hésité entre plusieurs genres sans vraiment s’engager dans aucun. L’interprétation de Karin Viard est heureusement parfaite, le contraste est très visible avec Benjamin Biolay, en mari désabusé, qui n’exprime rien et paraît d’une lourdeur infinie. Le film a été très bien accueilli par la critique qui l’a rapproché des œuvres de Hitchcock, Chabrol ou Buñuel comme le suggérait le dossier de presse.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Karin Viard, Benjamin Biolay, Lucas Englander, Laetitia Dosch, Pascale Arbillot, Evelyne Buyle
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Les apparencesKarin Viard, Benjamin Biolay et Pascale Arbillot dans Les apparences de Marc Fitoussi.

27 décembre 2021

La dernière lettre de son amant (2021) de Augustine Frizzell

Titre original : « The Last Letter from Your Lover »

Sa dernière lettre (The Last Letter from Your Lover)Au milieu des années 1960, la mondaine Jennifer Stirling souffre de pertes de mémoire après un accident de voiture. Incapable de se souvenir d’une grande partie de sa vie d’avant, elle est intriguée par une lettre qu’elle trouve cachée dans un livre, une lettre d’un certain « Boot » à « J ». Dans le Londres d’aujourd’hui, Ellie Haworth doit écrire un article et trouve dans les archives une lettre mal classée. Émue par les sentiments passionnés, elle cherche d’autres lettres avec l’aide du jeune archiviste…
La Dernière Lettre de son amant (The Last Letter from Your Lover) est un film romantique franco-britannique réalisé par l’américaine Augustine Frizzell et produit par Netflix. Il s’agit de l’adaptation du roman homonyme de la journaliste et romancière britannique Jojo Moyes. L’histoire est assez touchante mais très classique sur le thème de l’occasion manquée. La construction en parallèle sur deux périodes de temps éloignés n’est pas nouvelle mais permet d’enrichir le récit. Il manque toutefois un lien fort entre les deux héroïnes à cinquante ans d’intervalle (il semblerait que ce lien existe dans le roman). De ce fait, l’histoire au temps présent paraît bien faible, elle est juste sauvée par l’humour généré par la timidité de l’archiviste. L’interprétation est de bonne qualité. Hormis l’américaine Shailene Woodley, toute la distribution est britannique. L’ensemble est charmant mais loin d’être mémorable.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Shailene Woodley, Felicity Jones, Callum Turner, Nabhaan Rizwan, Joe Alwyn
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 La dernière lettre de son amant (The Last Letter from Your Lover)Shailene Woodley et Callum Turner dans La dernière lettre de son amant (The Last Letter from Your Lover) de Augustine Frizzell.

 La dernière lettre de son amant (The Last Letter from Your Lover)Felicity Jones et Nabhaan Rizwan dans La dernière lettre de son amant (The Last Letter from Your Lover) de Augustine Frizzell.

3 décembre 2020

A couteaux tirés (2019) de Rian Johnson

Titre original : « Knives Out »

À couteaux tirés (Knives Out)Le romancier Harlan Thrombey est retrouvé mort la gorge tranchée, le lendemain de son 85e anniversaire alors que toute la famille était réunie dans son vaste manoir. Tout indique un suicide mais le détective privé Benoit Blanc s’invite dans l’enquête de l’inspecteur Elliott et commence à suspecter un meurtre…
À couteaux tirés est un film américain écrit et réalisé par Rian Johnson, dont le nom est maintenant associé à Star Wars. Mais il est ici dans un tout autre registre : une énigme à (presque) huis clos dans le pur style d’Agatha Christie. Bien que le lieu et les personnages puissent paraître habituels, une riche famille avec des grandes tensions sous-jacentes entre ses membres, l’intrigue est assez originale dans son déroulement, rendue plutôt inhabituelle par l’insertion d’un personnage extérieur (interprété par l’actrice cubaine Ana de Armas). L’histoire est captivante et on ne devine guère la solution avant la fin. Rian Johnson s’est assuré d’une belle distribution et tous les rôles sont bien tenus. Tout au plus, peut-on regretter cet accent du Sud un peu forcé pris par Daniel Craig (1). L’ensemble est assez intelligent et élégant. Un excellent divertissement. Gros succès en salles.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Daniel Craig, Chris Evans, Ana de Armas, Jamie Lee Curtis, Michael Shannon, Don Johnson, Toni Collette, Christopher Plummer
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(1) L’acteur Daniel Craig a calqué sa voix sur celle traînante de Shelby Foote, célèbre romancier et historien du Sud américain. (Extrait du dossier de presse)
Si, comme moi, vous ne connaissez pas Shelby Foote (1916-2005), sachez qu’il est considéré comme l’héritier spirituel de Faulkner. Parmi ses cinq romans, on peut citer L’Amour en saison sèche (1951) ou encore Shiloh (1952).

À couteaux tirés (Knives Out)Ana de Armas et Daniel Craig dans À couteaux tirés (Knives Out) de Rian Johnson.

À couteaux tirés (Knives Out)La famille Thrombey au grand complet : (de g. à d.) Don Johnson, Jamie Lee Curtis, Chris Evans, K Callan, Ana de Armas, Christopher Plummer, Michael Shannon, Jaeden Martell, Katherine Langford, Toni Collette et Riki Lindhome dans À couteaux tirés (Knives Out) de Rian Johnson.

5 octobre 2020

Charlie Chan at Monte Carlo (1937) de Eugene Forde

Charlie Chan at Monte CarloDe passage à Monte Carlo, Charlie Chan et son fils Lee se retrouvent fortuitement au centre d’une enquête : un meurtre commis dans le milieu de la haute finance…
Charlie Chan at Monte Carlo (il n’y a pas de titre français car le film n’est pas sorti en France) est le dernier film de la série Charlie Chan avec Warner Oland. L’acteur suédois est mort d’une pneumonie quelques mois plus tard pendant une tournée dans son pays natal, la Suède. Car Warner Oland était en effet suédois, il affirmait juste avoir quelques racines en Mongolie pour expliquer ses traits un peu asiatiques. Bien que ne présentant aucun défaut majeur, le film manque un peu de brillance, paraît plus anodin. Contrairement à l’habitude, le dénouement ne surprend guère. Keye Luke a tendance à surjouer son personnage de fils turbulent mais Harold Huber mérite une mention particulière car il apporte beaucoup d’humour et de panache au personnage du policier français. La série continuera avec l’acteur Sidney Toler.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Warner Oland, Keye Luke, Virginia Field, Sidney Blackmer, Harold Huber, Kay Linaker
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Charlie Chan at Monte CarloWarner Oland, Keye Luke et Harold Huber dans Charlie Chan at Monte Carlo de Eugene Forde.

13 juillet 2020

Le Jardin des Finzi-Contini (1970) de Vittorio De Sica

Titre original : « Il giardino dei Finzi Contini »

Le Jardin des Finzi-Contini (Il giardino dei Finzi Contini)Au cours de l’été 1938, alors que l’idéologie fasciste imprègne insidieusement les moeurs italiennes, la jeunesse dorée juive de Ferrare, qui s’est vu interdire l’accès aux courts de tennis, est invitée à jouer sur le terrain de tennis du domaine des Finzi-Contini. Ceux-ci ont toujours vécu à l’écart mais Micòl, leur fille, rencontrait parfois le jeune Giorgio depuis leur enfance. Ce dernier cherche à déclarer son amour…
Tout le monde s’accorde à dire que la fin de l’œuvre de Vittorio De Sica est plutôt décevante mais que Le Jardin des Finzi-Contini, adapté du roman homonyme de Giorgio Bassani, y brille tel un joyau. C’est un film extraordinairement plein et riche. C’est le récit d’un amour tourmenté entre une jeune fille de la très haute bourgeoisie et un garçon de la bourgeoisie moyenne aisée : alors qu’il ne veut aimer personne d’autre, elle l’attire pour mieux le repousser ensuite, ne sachant que faire de cet amour. Au départ simple contexte, l’Histoire s’impose de plus en plus tragiquement dans le récit, le parti fasciste voulant montrer à l’Allemagne d’Hitler que l’Italie pratique la même politique antisémite. Esthétiquement, le film est très élégant avec ses éclairages diffus et de subtils mouvements de caméra. Dominique Sanda, magnétique, d’une grande beauté juvénile, joue avec une grande retenue tout en donnant de l’intensité à son personnage.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Lino Capolicchio, Dominique Sanda, Fabio Testi, Romolo Valli, Helmut Berger
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Le Jardin des Finzi-Contini (Il giardino dei Finzi Contini)Dominique Sanda et Lino Capolicchio dans Le Jardin des Finzi-Contini (Il giardino dei Finzi Contini) de Vittorio De Sica.

11 juin 2019

Le Détour (1922) de Cecil B. DeMille

Titre original : « Saturday Night »

Le DétourLes riches héritiers Iris Van Suydam et Richard Prentiss viennent d’annoncer leurs fiançailles, plus par convention sociale que par passion. Mais le sort va en décider autrement : Richard tombe amoureux d’une jeune blanchisseuse et l’épouse. De son côté, Iris se marie avec son chauffeur et, déshéritée par son oncle, part vivre chichement chez son mari. Ces deux couples vont-ils pouvoir surmonter leurs différences sociales ?
Le scénario de Saturday Night a été écrit par l’actrice Jeanie Macpherson dont on retrouve la signature sur bon nombre de films de Cecil B. DeMille. L’histoire met en scène la confrontation de deux classes sociales et développe la théorie que, « tout comme l’huile et l’eau », elles ne peuvent se mélanger. Il ne faut pas sombrer dans la facilité de voir là une théorie plutôt réactionnaire, chacun devant rester dans sa classe sociale, car ce serait oublier que bon nombre des films muets de Cecil B. DeMille (ce sont les moins connus, il est vrai) sont naturalistes avant l’heure. Il décrit avec une relative précision la vie des classes populaires et le film a aujourd’hui une indéniable valeur sociologique, à commencer par le titre (1). De plus, à cette époque, le réalisateur accédait, du fait de sa popularité grandissante, à un autre milieu que le sien et il n’est pas impossible qu’il ressentait lui aussi des difficultés à s’insérer parmi les milieux aisés d’Hollywood. Comme le souligne Luc Moulet dans son étude sur le réalisateur (2), DeMille est l’un des premiers cinéastes à traiter des rapports entre maîtres et serviteurs, thème qui deviendra le sujet favori des plus grands (Murnau, Renoir, Stroheim, Buñuel, Losey, Chabrol, Altman … la liste est longue). Saturday Night est assez admirable par la puissance de son récit, du fait d’une mise en scène précise. Il utilise sans excès des décors parfois spectaculaires (la salle de bains de la riche famille vaut le coup d’œil) et des scènes d’une belle ampleur (l’accident, la soirée Halloween, …) Il est vraiment dommage que ce film soit si mal connu car il nous confirme que Cecil B. DeMille est bien plus qu’un simple faiseur de films historiques.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Leatrice Joy, Conrad Nagel, Edith Roberts, Jack Mower, Julia Faye
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Remarques :
* Lors d’un dîner avec la presse au Club 21 de New York en février 1939, Alfred Hitchcock a fait une liste de ses dix films préférés. Saturday Night y figurait en première position (un autre Cecil B. DeMille était en 4e position : Forbidden Fruit de 1921) (3).
* Edith Roberts évoque Mary Pickford à la fois par son jeu et aussi sa taille : elle est même plus petite que Mary Pickford  (1m52 vs. 1m54).

Saturday NightJack Mower, Edith Roberts et Conrad Nagel dans Saturday Night de Cecil B. DeMille.

Saturday NightJack Mower, Cecil B. DeMille et Leatrice Joy sur le tournage de Saturday Night de Cecil B. DeMille.

 

(1) Dans les milieux populaires, on ne prenait un bain qu’une fois par semaine, le samedi juste avant de sortir pour la soirée alors que dans les milieux plus aisés, on prenait un bain tous les jours.
(2) Cecil B. DeMille, l’empereur du mauve de Luc Moullet (Editions Capricci, 2012)
(3) Liste des 10 films préférés d’Alfred Hitchcock, établie en 1939 :
1. Saturday Night (Le Détour) de Cecil B. DeMille, 1923
2. The Isle of Lost Ships (L’Ile des navires perdus) de Maurice Tourneur, 1923
3. Scaramouche de Rex Ingram, 1923
4. Forbidden Fruit (Le Fruit défendu) de Cecil B. DeMille, 1921
5. Sentimental Tommy de John S. Robertson, 1921
6. The Enchanted Cottage de John S. Robertson, 1924
7. Variétés de E.A. Dupont, 1925
8. The Last Command (Crépuscule de gloire) de Josef von Sternberg, 1928
9. The Gold Rush (La Ruée vers l’or) de Charles Chaplin, 1925
10. I Am a Fugitive from a Chain Gang (Je suis un évadé) de Mervyn LeRoy, 1932
… soit 9 films muets et 1 parlant.

Saturday NightAffiche pour Saturday Night de Cecil B. DeMille.
L’affiche illustre bien les oppositions de classe (regards, vêtements, arrière-plans) et le dessinateur a même ajouté des menottes pour exacerber la confrontation (ou pour symboliser le mariage ?)

3 janvier 2018

La Dame en rouge (1935) de Robert Florey

Titre original : « The Woman in Red »

La Dame en rougeShelby (Barbara Stanwyck) est une écuyère professionnelle salariée par Nicko, une riche héritière qui a des vues sur Johnny, joueur de polo et fils d’une vieille famille désargentée de Long Island. Mais Johnny fait une cour assidue à Shelby qui finit par accepter ses avances même si elle comprend qu’elle va perdre sa place…
Adapté d’un roman de Wallace Irwin, The Woman in Red est un de ces films tournés rapidement (25 jours) que les studios alignaient au milieu des années trente. Le français Robert Florey a ainsi tourné pas moins de sept films en 1935. L’histoire n’est pas en soi très remarquable si ce n’est qu’elle abrite une critique sociale en dressant un portrait peu flatteur de la haute société de l’est des Etats-Unis, un cercle très fermé de familles qui se targuent d’être les descendants des premiers émigrants  qui arrivèrent par le Mayflower. Le film est surtout un vecteur pour Barbara Stanwyck qui fait une belle composition, sans faille aucune, dans un de ces personnages auxquels le public américain pouvait s’identifier : une femme émancipée, au tempérament volontaire, faisant fi de la lourdeur des conventions sociales. Film rare.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Barbara Stanwyck, Gene Raymond, Genevieve Tobin, John Eldredge
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Remarque :
* Robert Florey est très réputé pour ses écrits sur Hollywood :
Voir les livres écrits par Robert Florey

The Woaman in Red
Gene Raymond, Genevieve Tobin et Barbara Stanwyck dans La Dame en rouge de Robert Florey.

Homonyme :
The Woman in Red (La Fille en rouge) de Gene Wilder (1984), remake du film Un éléphant, ça trompe énormément d’Yves Robert.