22 juillet 2016

Toute la mémoire du monde (1956) de Alain Resnais

Toute la mémoire du mondeTourné par Alain Resnais juste après Nuit et Brouillard, Toute la mémoire du monde est un documentaire de 20 minutes qui nous présente la Bibliothèque Nationale sous un jour nouveau et original. Alain Resnais a une approche presque clinique de cette vénérable institution : il montre le contenant, puis le contenu, avant de décortiquer méthodiquement ses principes de fonctionnement. Il a l’approche ethnologique que pourrait avoir un extra-terrestre. Sa caméra est fluide avec ces superbes travelings lents et majestueux dont il a le secret. On ne s’en lasse pas  ! Bien entendu, la question de fond soulevée, « comment assurer la mémoire », a aujourd’hui de nouveaux outils, informatiques notamment, pour être abordée. Mais elle reste la même bien que, face à l’explosion de la communication, la difficulté soit de nos jours moins sur le « comment sauvegarder » que sur le « quoi sauvegarder ». Sur le plan cinématographique en tous cas, Alain Resnais continue avec ce court métrage d’apporter au ton nouveau au documentaire.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: (voix) Jacques Dumesnil
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Remarques :
* Dans les années cinquante, la Bibliothèque Nationale est en pleine modernisation et extension. Le projet d’un court métrage pour la mettre en valeur est d’abord porté par la RTF, avec le Ministère des affaires étrangères pour co-producteur. Il est ensuite repris et mené à bien par la volonté de Pierre Braunberger.
* La musique est de Maurice Jarre.
* Dans l’équipe d’Alain Resnais, parmi les quelque 25 collaborateurs, on remarque les noms d’Agnès Varda et Chris Marker (… et de François-Régis Bastide).
* Le microphone qui descend dans l’image est sans aucun doute un clin d’œil à Orson Welles.

Toute la mémoire du monde
La Bibliothèque Nationale est l’acteur principal de Toute la mémoire du monde de Alain Resnais.

13 février 2016

Dont Look Back (1967) de D.A. Pennebaker

Dont Look BackProduit par Albert Grossman lui-même (alors manager de Bob Dylan), Dont Look Back (l’absence d’apostrophe est volontaire) nous permet de suivre Bob Dylan dans une tournée de concerts en Angleterre en mai 1965. Il s’attache plus à nous montrer la personnalité de Bob Dylan que ses morceaux joués sur scène qui sont finalement très peu nombreux. Nous assistons à sa confrontation avec les journalistes, quelques fans ou encore quelques musiciens : Donovan, Alan Price qui venait de quitter les Animals, Deroll Adams. Joan Baez est également de la partie (mais leurs relations étaient alors déjà quelque peu distendues). L’image est granuleuse à souhait, le son n’est pas le meilleur qui soit. Ce n’est probablement pas un film à conseiller  à une personne qui voudrait découvrir qui est Bob Dylan car il risque de se méprendre sur son attitude et la trouver condescendante. Ce documentaire est surtout intéressant par le fait que l’on voit comment Dylan, alors âgé de 23 ans, avait du mal avec son image, il avait pleinement conscience qu’il ne pouvait être tout ce que l’on attendait de lui. La discussion avec un fan qui se présente comme un étudiant en sciences (il s’agit de Terry Ellis, futur co-fondateur du label Chrysalis !) est à ce titre assez édifiante : il commence par lui poser la question « Quelle est votre philosophie de vie ? »… S’en suit une discussion assez surréaliste où Dylan élude et retourne presque la question, cherchant à analyser plutôt la philosophie du questionneur. On remarque aussi comment il s’attache à refuser toute étiquette, à commencer par celle de « chanteur folk ». Le film se termine avec quelques morceaux du concert au Royal Albert Hall et avec Dylan dans le taxi, stupéfait d’apprendre que plusieurs journaux l’avaient qualifié d’anarchiste, disant son fameux « Give the anarchist a cigarette ».
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bob Dylan
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Remarque :
* Cette tournée est la dernière où Dylan joua en solo à la guitare acoustique. Deux mois plus tard, au Newport Folk Festival 1965, il surprendra tout le monde en passant à l’électrique.

Dont look back
En pré-générique, Dylan égrène des cartons des paroles de Subterranean Homesick Blues, une scène devenue avec le temps l’un des clips les plus célèbres qui soient. A l’arrière-plan, à gauche, Allen Ginsberg discute avec Bob Neuwirth (ils ont tous deux participé à l’écriture des cartons).
Bob Dylan dans Dont Look Back de D.A. Pennebaker

31 décembre 2015

Human (2015) de Yann Arthus-Bertrand

HumanAvec Human, Yann Arthus-Bertrand nous propose une approche de la notion d’humanité. Il fait parler une impressionnante série de personnes de toutes les nations, de toutes les langues pour provoquer en nous une réflexion sur quelques sujets fondamentaux, les composantes essentielles de l’humain: l’amour pour les autres, la guerre, l’identité sexuelle, la répartition des richesses, … C’est assez court pour chacun, parfois c’est un récit, parfois ce ne sont que des réflexions mais c’est toujours suffisamment intense pour que notre intérêt reste contant tout au long du film. Yann Arthus-Bertrand a opté pour un cadrage serré, toujours le même, un gros plan sur le visage, superbement éclairé qui met encore plus en valeur la diversité de l’humain, isolé de son environnement, un visage qui nous regarde. Ces mini-interviews sont entrecoupées d’images aériennes assez époustouflantes, des paysages étonnants que l’homme arpente ou travaille (dans l’esprit de son film précédent Home), mais aussi sur des rassemblements humains, des images dont on se demande à chaque fois où il a bien pu trouver cela ! La musique, signée Armand Amar, est elle aussi très belle. Doté d’une indéniable portée philosophique, Human est un de ces films qui poussent à la réflexion. Et en plus, c’est très beau visuellement.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs:
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Remarques :
* 2020 portraits à travers le monde dans 63 langues différentes, près de 2500 heures de rushes (dont plus de 500 heures d’images aériennes) ont servi de base à la réalisation du projet.
* Version cinéma = 3h 10 – Version TV = 2h 11
Plusieurs autres téléfilms sont liés au film : Sur les traces de Human (composé de trois films de 52 minutes), Les histoires de Human (80 minutes), L’aventure Human (making-of de 52 minutes) et La musique de Human (plongée dans les coulisses de la bande originale de 52 minutes). Désireux de conquérir tous les supports, le film s’est vu décomposé en trois volets d’une heure trente chacun pour sa diffusion sur YouTube et Google Play, disponible dans six langues différentes.

Human
L’une des images stupéfiantes de Human de Yann Arthus-Bertrand (il s’agit d’une gigantesque piscine à vagues en Chine, certainement lors d’une canicule…)
Human
L’un des visages des portraits/interviews de Human de Yann Arthus-Bertrand.

3 juillet 2015

Berlin, la cité des millions (1925) de Adolf Trotz

Titre original : Die Stadt der Millionen

Die Stadt der Millionen(Film muet) Ce documentaire optimiste sur la ville de Berlin a été tourné à une époque où l’Allemagne se redressait : la page de l’Après-guerre marqué par la crise et l’hyperinflation était tournée et le moment était venu de retrouver une certaine joie de vivre. Berlin est ainsi montrée comme une ville foisonnante, riche de sa diversité autant économique que culturelle où la course effrénée des automobiles marque l’entrée de la ville dans la modernité. Le film met en avant les vertus du travail mais aussi celles des loisirs. La réalisation est soignée avec de beaux effets (fractionnement d’écran, surimpression). Hormis toutes les scènes « actuelles », le film illustre plusieurs moments d’Histoire par de petites mises en scènes en costumes et montre même une brève vision du Berlin de l’an 2000, Metropolis avant l’heure. Dans le domaine du cinéma, on y voit brièvement les studios de l’UFA et la façade d’un grand cinéma projetant Le Dernier des hommes de Murnau (1924). Berlin, la cité des millions est un documentaire à la fois intéressant et d’une indéniable valeur historique. Deux ans plus tard, Walter Ruttmann réalisera un autre documentaire sur Berlin, plus connu celui-là : Berlin, symphonie d’une grande ville (1927).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs:
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Berlin, la cité des millions
Images extraites de Die Stadt der Millionen de Adolf Trotz (1925)

Berlin, la cité des millions

7 avril 2015

La Maison de la Radio (2013) de Nicolas Philibert

La Maison de la radioLa Maison de la radio n’est pas un documentaire classique. Il peut donc dérouter car il ne dresse pas un portrait de cette grande maison, ni n’en dévoile vraiment les coulisses, ni n’apporte d’éléments pour comprendre (par exemple) les crises qu’elle traverse comme c’est le cas au moment où ces lignes sont écrites. Nicolas Philibert, dont Etre et avoir est resté dans tous les esprits, nous propose ici un collage plus sonore que visuel, avec des fragments grappillés ici et là et dont la seule structure semble être de suivre le fil d’une journée. Dans la veine du cinéma direct, il s’est totalement immergé avec une caméra légère, ne pratique aucune intervention sur le milieu, le tout avec une totale absence de commentaires ou d’indications. Son approche du documentaire est ainsi très originale et personnelle, ce qui lui permet de relever le défi de faire des images sur un media purement sonore. Cette déambulation n’est pas dénuée d’humour et se regarde (et s’écoute) avec plaisir.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs:
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Nicolas Philibert
Nicolas Philibert et sa caméra –  La Maison de la Radio

4 février 2015

Amator (1979) de Krzysztof Kieslowski

AmatorUn employé achète une caméra pour filmer sa fille qui vient de naître. Quand son patron apprend cela, il lui demande de filmer un évènement de son entreprise. C’est le début d’une passion… L’Amateur (parfois titré Le Profane) fait partie des premiers longs métrages du polonais Krzysztof Kieslowski qui livre un peu de lui-même dans ce récit. Comme il a pu l’être lui-même, son héros est gagné par une passion dévorante du cinéma qui phagocyte peu à peu sa vie personnelle et lui donne un regard nouveau sur le monde qui l’entoure. Il apprivoise son langage, le cadrage, le montage. Il va aussi découvrir son pouvoir, sa fonction au sein d’une société, la force du documentaire, sa portée politique, avec comme inévitable corollaire (du moins en pays communiste comme l’était la Pologne), la censure. L’Amateur est ainsi une belle réflexion sur le rôle du cinéma, sur l’implication de l’artiste dans son art et ses interrogations, tout cela presque sans en avoir l’air car Kieslowski reste très près de son personnage.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jerzy Stuhr, Malgorzata Zabkowska, Stefan Czyzewski
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Remarque :
* Le réalisateur Krzysztof Zanussi (l’un des grands représentants de la Nouvelle Vague polonaise et par ailleurs ami dans la vraie vie de Kieslowski) interprète lui-même son propre rôle.

Amator de Krzysztof Kieslowski
Jerzy Stuhr est le cinéaste amateur dans le film L’Amateur de Kieslowski. Il utilise ici une caméra 8mm Quartz 2 de fabrication russe. Derrière lui se tient Malgorzata Zabkowska.

Amator de Krzysztof Kieslowski
Vers la fin du film, la seconde caméra qu’il utilise est la légendaire Krasnogorsk K3, caméra 16mm à visée reflex de fabrication russe avec zoom Meteor (une caméra que Kieslowski a lui-même utilisée à ses débuts… mais pas pour L’Amateur qui est tourné en 35mm).
En savoir plus sur cette caméra

2 février 2015

Moana (1926) de Robert Flaherty

MoanaLe succès mondial de Nanook of the North permit à Robert Flaherty et à sa femme Frances d’aller passer deux années entières dans l’archipel des Samoa en plein Pacifique. Grâce à la petite fille du chef Seumanutafa, qui fut ami intime de Robert Louis Stevenson, ils vont pouvoir partager l’existence des Polynésiens qui vivent là en pleine harmonie avec la nature, à l’écart de toute civilisation moderne. Après le grand nord de Nanouk, ces îles prennent l’apparence d’un véritable paradis terrestre avec ses scènes de cueillette, de pêche et de chasse. Moana nous en montre tous les aspects, ce qui est très intéressant. Toute la fin du film est consacrée au rite de passage d’un jeune samoan au statut d’Homme, partie qui il faut bien l’avouer paraît un peu longue, même si le caractère ethnologique de la démarche des époux Flaherty y est très nette (1). Roman Moana Le montage est travaillé, assez remarquable, et le cinéaste utilise parfaitement les gros plans pour nous placer près des corps. Contrairement à son prédécesseur, Moana n’eut pas les faveurs du public. L’une des explications que l’on peut avancer pour expliquer cet insuccès est l’absence de danger apparent ou de tension. Moana de Robert Flaherty est néanmoins un très beau film que nous pouvons voir aujourd’hui dans une version restaurée et (fort bien) sonorisée en 1980 par Monica Flaherty, sa fille, qui a accompagné le tournage… âgée de trois ans. C’est l’un des films fondateurs du genre documentaire.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs:
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(1) Il semblerait que ce rite était tombé en désuétude et qu’il n’ait été ravivé que pour le film.

Moana de Robert Flaherty

1 février 2015

Nanouk l’Esquimau (1922) de Robert Flaherty

Titre original : « Nanook of the North »

Nanouk l'Esquimau(Film muet) Nanouk l’Esquimau fait partie des films fondateurs de l’art cinématographique : si Robert Flaherty n’a pas « inventé » le documentaire, il lui a certainement donné ses titres de noblesse. Plusieurs tentatives précédentes ratées lui ont permis d’affiner sa démarche : avec ce film, il désire éviter tout folklore ou exotisme pour nous montrer cette famille d’Inuits comme des êtres humains, avec leurs aspirations et leur culture. Une approche très ethnologique donc. Pour atteindre son but, Flaherty n’hésite pas à recréer les situations où Nanouk et sa famille jouent leur propre rôle avec beaucoup de naturel (seule une scène, celle du gramophone, laisse transpirer une certaine artificialité). Il filme des kilomètres de pellicule, qu’il développe sur place et montre à ses « acteurs ». Au montage, il n’en gardera qu’un dixième environ. Même un siècle plus tard, le résultat est assez passionnant, nous laissant souvent ébahis face à l’ingéniosité déployée par l’homme pour survivre dans un environnement si hostile. Nous sommes également assez émerveillé par la vision de cette nature inviolée avec laquelle l’homme paraît être en communion. La construction de l’igloo d’un soir, la chasse au morse, la chasse au phoque et son dépeçage immédiat et même le réveil de toute la famille sont des scènes étonnantes. Flaherty prend le temps de bien expliquer la raison de chaque comportement. Le succès de Nanouk l’Esquimau fut très important et son influence sur l’émergence d’un certain style documentaire fut considérable.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs:
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Remarques :
* La méthode de Flaherty peut être opposée à celle de Dziga Vertov (le cinéma-oeil) pour qui la personne filmée devait ignorer la présence de la caméra.

* Pour les scènes à l’intérieur de l’igloo et avoir suffisamment de recul pour placer sa caméra, Flaherty proposa à Nanouk de construire « le plus grand igloo jamais construit ». Ils mirent plusieurs jours à y parvenir après de nombreux écroulements.

* Le succès du film fut tel que les chocolats glacés, récemment apparus (l’inventeur américain avait déposé son brevet sous le nom d’eskimo-pie quelques mois avant la sortie du film), furent appelés des nanouks en Allemagne, URSS et Europe centrale. En France, Gervais avait déposé la marque Esquimau. Le film accompagna leur rapide popularité.

* Le film a été financé par le fourreur français Revillon (ce qui explique certainement la présence de cette longue scène au début du film où Nanouk apporte ses peaux à vendre à la ville).

* Nanouk n’a rien su de sa popularité mondiale car il est mort de faim peu après le tournage, lors d’une de ses longues expéditions de chasse en forêt, avant même la sortie du film.

* Un documentaire de 65 minutes Saumialuk, le grand gaucher (c’est le surnom de Flaherty donné par les Esquimaux qui le voyaient toujours tourner la manivelle de la main gauche) a été réalisé en 1987 par Sébastien Régnier et Claude Massot qui sont partis sur les traces de Flaherty plus de soixante ans après.

Nanouk l'Esquimau (1922) de Robert J. Flaherty
Nanouk l’Esquimau

Nanouk l'Esquimau (1922) de Robert J. Flaherty
Nyla, la femme de Nanouk, et leur plus jeune fils.

24 juillet 2014

L’Or des mers (1932) de Jean Epstein

L'or des mersSur la petit île de Hoedic, proche de Belle-Île en Bretagne, vivent une centaine de familles de pêcheurs, le plus souvent dans la misère quand la pêche ne donne pas. Très pauvre et méprisé par tous, Quoirrec vit là avec sa fille Soizig. Un jour, on le voit trouver sur le rivage une boîte qu’il cache soigneusement. Les habitants sont tous persuadés qu’il a trouvé un trésor et deviennent très affables. L’un d’eux demande à son fils Rémy de séduire Soizig… Tourné fin 1931, donc dans les premières années du parlant, L’Or des mers utilise le procédé Synchro-Ciné : le film est tourné sans le son qui est rajouté ensuite en studio avec une post-synchronisation des acteurs (assez peu de films ont utilisé ce procédé qui était conçu au départ pour mettre des chansons en images). Il n’y a que peu de dialogues, heureusement car le procédé est loin d’être convaincant. Jean Epstein est allé filmer sur place, en plein hiver, utilisant les habitants de l’île comme acteurs. Son film est à mi-chemin entre le documentaire, le drame et l’analyse sociale. Le film est cependant plus remarquable par sa forme : l’image est très travaillée, avec de très beaux gros plans éclairés par des lumières diffuses. Si le film a pu être comparé aux films de Murnau, notamment par Henri Langlois (1), Jean Epstein ne montre pas la même maitrise et la même perfection.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs:
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Remarques :
* Jean Epstein a réalisé plusieurs films sur les îles bretonnes et notamment :
Finis Terrae (1929) sur l’île d’Ouessant
Mor Vran (1931) sur l’île de Sein
L’Or des mers (1932) sur l’île de Hoedic
Le Tempestaire (1947) sur Belle-Île.
« Jean Epstein, cinéaste des îles » est le titre d’un livre de Vincent Guigeno.

* L’île d’Hoedic fait 2,5 kilomètres de longueur sur 800 mètres de large. En 1931, à l’époque du tournage, l’île comptait 415 habitants. A noter que le recteur de l’île, l’abbé Jégo, joue son propre rôle. De nos jours, l’île d’Hoedic est peuplée de 120 habitants permanents. L’été, la population de l’île peut atteindre 3000 personnes. C’est une île sans voiture.

(1) « L’or des mers n’est pas un drame, c’est une tragédie de Murnau. » Henri Langlois.

30 décembre 2013

Sugar Man (2012) de Malik Bendjelloul

Titre original : « Searching for Sugar Man »

Sugar ManSearching for Sugar Man raconte une histoire incroyable. Ce documentaire du suédois Malik Bendjelloul nous fait suivre l’enquête de deux fans sud-africains pour retrouver la trace du chanteur américain Sixto Rodriguez (d’un style proche de Bob Dylan) dont les deux seuls disques furent extrêmement populaires en Afrique du Sud dans les années soixante dix, en pleine époque de la lutte contre l’Apartheid. Le chanteur ignorait tout de ce succès et personne n’avait d’information sur lui. Le documentaire a été tourné avec très peu de moyens, le réalisateur utilisant même son Iphone pour tourner les scènes « vintage ». Bien monté, le film nous étonne sans arrêt, parvenant à créer un véritable mythe. Alors qu’il avait tout pour être confidentiel, Searching for Sugar Man a connu un certain succès après avoir été primé à Sundance.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs:
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Remarques :
* Les deux disques de Sixto Rodriguez furent réédités en 2008 mais ce n’est qu’après la sortie du documentaire qu’ils commencèrent à se vendre très bien. Ils le méritent d’ailleurs. Depuis, le chanteur donne de nombreux concerts partout dans le monde.
* Le film oublie de dire que Sixto Rodriguez connut également un grand succès en Australie, succès qui n’était pas inconnu du chanteur puisque qu’il y fit deux grandes tournées en 1979 et 1981. Il est vrai que dire cela casse le mythe… C’est le seul reproche, somme toute assez mineur, que l’on puisse faire à ce documentaire.

> Lire l’article : La vie après Sugar Man sur Rolling Stone…