6 février 2024

Radio Metronom (2022) de Alexandru Belc

Titre original : « Metronom »

Radio Metronom (Metronom)Bucarest, 1972. Ana a 17 ans et rêve d’amour et de liberté. Elle est triste de devoir se séparer de son petit ami qui va partir en Allemagne. Un soir, elle rejoint ses amis à une petite fête où ils décident de faire passer une lettre à Metronom, l’émission musicale que Radio Free Europe diffuse clandestinement en Roumanie…
Radio Metronom est un film franco-roumain écrit et réalisé par Alexandru Belc. Son récit débute comme une chronique adolescente et bascule à mi-film en dénonciation de la dictature. Ceausescu avait en effet interdit la musique occidentale et sa police secrète avait tous pouvoirs. C’est cette partie qui est indéniablement la plus forte avec des dialogues bien écrits et des scènes très bien interprétées. Alexandre Belc est quarantenaire et donc n’a pas vécu cette période noire ; il a d’autant plus de mérite de nous rappeler ces heures sombres de l’histoire de son pays. Le film n’est pas sans défaut : le réalisateur recherche trop la perfection dans sa mise en scène, certaines scènes paraissent étirées. Il ne parvient qu’imparfaitement à mêler une histoire d’amour à un contenu historique fort mais son film mérite vraiment d’être découvert. Prix « Un certain regard » à Cannes 2022.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Mara Bugarin, Serban Lazarovici, Vlad Ivanov, Mihai Calin
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Remarque :
Metronom était une émission diffusée clandestinement par Radio Free Europe, animée par le journaliste et producteur de radio roumain en exil, Cornel Chiriac. Il fut assassiné à Munich en 1975.

Serban Lazarovici et Mara Bugarin dans Radio Metronom (Metronom) de Alexandru Belc.

18 octobre 2022

Les Cannibales (1970) de Liliana Cavani

Titre original : « I cannibali »

Les cannibales (I cannibali)Dans une société ultra-totalitaire, les cadavres des rebelles sont laissés dans les rues en exemple. La population a l’interdiction des les déplacer. Une jeune femme décide de braver l’interdit pour enterrer son frère. Pour ce faire, elle va recevoir l’aide d’un homme étrange, venu de la mer et parlant une langue inconnue…
Les Cannibales est le deuxième long métrage de fiction réalisé par l’italienne Liliana Cavani. Le film est inspiré de la tragédie Antigone de Sophocle. L’influence de Pasolini, qui avait donné sa propre version de Oedipe trois ans plus tôt, se ressent ici et là mais Les Cannibales est avant tout un film politique, un pamphlet contre les dictatures militaires. La toute première scène et le générique sont assez stupéfiants (surtout si l’on ne connait pas le thème à l’avance comme ce fut mon cas) et tout le premier tiers du film impressionne et montre une certaine force dans le message délivré. Hélas, il faut reconnaitre que l’histoire tourne ensuite en rond, sans développement majeur ; les quelques prolongements ou pistes explorées se révèlent décevantes. Les Cannibales aurait fait un excellent court ou même moyen métrage. Même s’il ne parvient pas à garder notre intérêt, c’est aujourd’hui une curiosité qui s’inscrit pleinement dans son époque. Musique de Ennio Morricone.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Britt Ekland, Pierre Clémenti, Tomas Milian, Delia Boccardo, Marino Masé
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Les cannibales (I cannibali)Les cannibales (I cannibali) de Liliana Cavani.
Les cannibales (I cannibali)Britt Ekland et Pierre Clémenti dans Les cannibales (I cannibali) de Liliana Cavani.

26 janvier 2022

The Spy Gone North (2018) de Yoon Jong-bin

Titre original : « Gongjak »

The Spy Gone North (Gongjak)Séoul, 1993. Un ancien officier est engagé par les services secrets sud-coréens sous le nom de code « Black Venus ». Chargé de collecter des informations sur le programme nucléaire en Corée du Nord, il infiltre un groupe de dignitaires de Pyongyang en se faisant passer pour un homme d’affaires et réussi progressivement à gagner la confiance du Parti…
The Spy Gone North est un film sud-coréen coécrit et réalisé par Yoon Jong-bin. Il relate l’histoire vraie de Park Chae-seo, ancien agent sud-coréen infiltré dans les installations nucléaires nord-coréennes. C’est donc un film d’espionnage mais du type espionnage politique ; il n’y a aucune scène d’action. L’atmosphère rappelle celle des romans de John Le Carré. On assiste au long travail d’infiltration, le récit décrit précisément comment l’agent a su susciter l’intérêt de cadres du Parti et même rencontrer plusieurs fois le dirigeant suprême de la Corée du Nord. Il met aussi en scène les tractations politiques secrètes entre les deux pays. Le scénario se déroule impeccablement avec toujours des nouveaux éléments qui maintiennent notre pleine attention. Accessoirement, le film permet de familiariser avec l’histoire de la Corée dont on ne connait souvent que les grandes lignes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Hwang Jung-min, Lee Sung-min, Cho Jin-woong, Ju Ji-Hoon
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The Spy Gone North (Gongjak)Hwang Jung-min dans The Spy Gone North (Gongjak) de Jong-bin Yoon.

The Spy Gone North (Gongjak)The Spy Gone North (Gongjak) de Jong-bin Yoon.

8 janvier 2022

La mort en ce jardin (1956) de Luis Buñuel

La Mort en ce jardinFuyant une révolte dans une cité minière de l’Amazonie, un groupe de six personnes, mené par Shark, un aventurier européen, s’enfonce dans la jungle. Face à une nature hostile, le groupe va vivre une expérience éprouvante et imprévisible…
Entre 1955 et 1956, dans sa période mexicaine, Luis Buñuel a réalisé deux films avec des acteurs français jouant dans leur langue. Le premier, Cela s’appelle l’aurore, fut tourné en Corse alors que le second, La mort en ce jardin, fut tourné au Mexique. Il s’agit de l’adaptation d’un roman homonyme de José-André Lacour qui fut proposé à Buñuel par un producteur français qui désirait un film similaire au Salaire de la peur de H.-G. Clouzot (1953). Bien entendu, il en fit tout autre chose. Le réalisateur raconte avoir eu toutes les peines du monde à écrire le scénario et invité Raymond Queneau à venir à sa rescousse au Mexique. L’ensemble n’est pas très remarquable mais comporte des scènes brillantes. Le thème global est la nature profonde de l’homme et surtout la frontière floue entre le bien et le mal, les personnages allant de l’un à l’autre, avec une petite touche anticléricale. Côté interprétation, le jeune Michel Piccoli est certainement le plus notable en missionnaire.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Simone Signoret, Charles Vanel, Georges Marchal, Michel Piccoli, Tito Junco, Michèle Girardon
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La Mort en ce jardinSimone Signoret et Georges Marchal dans La Mort en ce jardin de Luis Buñuel.

15 novembre 2021

Havana (1990) de Sydney Pollack

HavanaFin 1958, alors que le régime autoritaire de Batista vit ses derniers jours, le joueur de poker professionnel Jack Weil se rend à La Havane où il va régulièrement jouer de grosses parties. Sur le bateau, il fait la connaissance d’une jeune femme un peu mystérieuse qui se révèle être la femme d’un personnage connu lié aux forces révolutionnaires…
Havana est un film américain réalisé par Sydney Pollack. Le scénario avait initialement été écrit pour Paul Schrader en 1975. Il a été ensuite remanié plusieurs fois. L’histoire présente des similitudes avec celle de Casablanca, celle d’un aventurier dans une période troublée, forcé malgré lui à prendre part aus évènements par amour pour une femme. Cette histoire est à priori suffisamment étoffée pour former un récit riche et prenant mais, hélas, tout tombe à plat et rien ne semble fonctionner. Le principal problème vient sans doute de l’absence d’alchimie entre Lena Olin et Robert Redford. Sans être ennuyeux, le résultat est décevant. La reconstitution du Cuba de 1958 avec de multiples véhicules et nombre de figurants est pourtant minutieuse et efficace. Sydney Pollack dirige ici Robert Redford pour la septième et dernière fois. Doté d’un budget assez important, Havana fut un échec commercial.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robert Redford, Lena Olin, Alan Arkin, Tomas Milian, Raul Julia
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HavanaLena Olin et Robert Redford dans Havana de Sydney Pollack.

8 septembre 2021

La Servante écarlate (1990) de Volker Schlöndorff

Titre original : « The Handmaid’s Tale »

La Servante écarlate (The Handmaid's Tale)États-Unis, fin du XXe siècle. Un mouvement totalitaire dirige le pays et la pollution et les accidents nucléaires ont rendu la plupart des femmes stériles. Les femmes encore fécondes sont placées comme reproductrices auprès des chefs de la nation, les « Commandants ». Kate, qui voulait s’enfuir, est enlevée à sa famille pour servir de reproductrice au Commandant Fred…
Avant d’être décliné en série TV en 2017, le roman dystopique écrit par l’écrivaine canadienne Margaret Atwood avait été porté à l’écran en 1990 par Volker Schlöndorff. Le premier scénario d’adaptation a été écrit par Harold Pinter qui a ensuite déclaré forfait et, peu satisfait du résultat final, a (vainement) tenté de faire retirer son nom du générique. Il faut bien avouer que cette adaptation est bien décevante et ne laisse guère entrevoir les qualités du roman initial. L’ensemble évoque une mauvaise copie de 1984 et la représentation du régime totalitaire ressemble à un pesant catalogue de poncifs. Le budget a visiblement été limité, les véhicules peints à la hâte en noir mat font pitié. La finalité du récit n’est pas évidente, la sensualité paraît avoir été privilégiée.  Il ne semble pas que Volker Schlöndorff se soit vraiment emparé du sujet. Hormis Faye Dunaway et Robert Duvall cantonnés aux seconds rôles, l’interprétation est bien fade : Natasha Richardson (fille de Vanessa Redgrave) manque de présence et ne génère aucune émotion. Le meilleur serait à chercher du côté de la musique, signée Ryūichi Sakamoto.
Elle:
Lui : 1 étoiles

Acteurs: Natasha Richardson, Faye Dunaway, Aidan Quinn, Elizabeth McGovern, Victoria Tennant, Robert Duvall
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La Servante écarlate (The Handmaid's Tale)Faye Dunaway et Natasha Richardson dans La Servante écarlate (The Handmaid’s Tale) de Volker Schlöndorff.

14 janvier 2021

Transit (2018) de Christian Petzold

TransitDe nos jours, dans une France sous régime dictatorial venu d’outre-Rhin, l’allemand Georg rejoint Marseille pour fuir le fascisme. Il espère pouvoir s’embarquer pour le Mexique. Il prend l’identité d’un écrivain qui vient de se suicider afin de profiter de son visa…
Transit est le sixième long métrage de l’allemand Christian Petzold. Il s’agit de la seconde adaptation du roman homonyme qu’Anna Seghers a écrit en 1941 (paru en 1944) en s’inspirant de son propre parcours au début de la guerre. Le réalisateur a fait le pari audacieux de replacer le récit à l’époque actuelle sans changer les attitudes et les rapports entre les personnes ; ainsi, les policiers français actuels se comportent comme les soldats allemands pendant la guerre. Il est bon d’être averti de cela car, sinon, le début est très déroutant. Le but de cette translation est d’éviter le format du film historique pur et de faire en sorte que le propos entre en résonance avec notre monde d’aujourd’hui, notamment sur le plan de la condition de réfugié. Le réalisateur utilise une voix-off à la troisième personne qui donne une coloration très littéraire (dans le bon sens du terme) à l’ensemble. Franz Rogowski met beaucoup de force dans son interprétation, l’acteur allemand (qui ressemble étrangement à Joaquin Phoenix) montre là un réel talent.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Franz Rogowski, Paula Beer, Godehard Giese, Matthias Brandt
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TransitPaula Beer et Franz Rogowski dans Transit de Christian Petzold.

Précédente adaptation :
Transit de René Allio (1991) avec Sebastian Koch.

3 janvier 2021

Lettre à Franco (2019) de Alejandro Amenábar

Titre original : « Mientras dure la guerra »

Lettre à Franco (Mientras dure la guerra)Salamanque, été 1936. Lorsqu’éclate l’insurrection de la junte militaire, le prestigieux écrivain, philosophe et recteur de l’Université Miguel de Unamuno s’exprime en faveur du coup d’État. Il pense qu’il ramènera l’ordre dans un pays dirigé par des socialistes et des communistes. Mais peu à peu, l’insurrection devient la guerre civile espagnole, et la république tend à être supprimée…
L’espagnol Alejandro Amenábar évoque l’une des pages les plus sombres de l’histoire de son pays et, pour ce faire, il choisit de nous faire suivre le cheminement de la pensée de Miguel de Unamuno face à la montée de Franco. En ce sens, il met en relief les difficultés de certains intellectuels à déceler l’arrivée de l’autoritarisme et leurs difficultés à prendre position. Le cinéaste veut aussi faire un parallèle avec la résurgence actuelle de mouvements fascistes (1). Le portrait de Franco est assez inhabituel : il nous montre un homme qui avance timidement, prudemment, anxieux à l’idée de faire un faux pas qui le mettrait en mauvaise posture. Nous sommes loin de l’image classique du dictateur, son arrivée au pouvoir se fait finalement de façon presque sournoise. Le film a donc le mérite de nous apprendre beaucoup sur cette période de l’Histoire mais hélas le résultat ne convainc pas vraiment. Et, bizarrement, il est difficile de pointer exactement quels sont les défauts qui le rendent quelque peu ennuyeux.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Karra Elejalde, Eduard Fernández, Santi Prego, Nathalie Poza, Luis Bermejo
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(1) Le titre original signifie « Tant que durera la guerre ». Comme expliqué dans le film, cette expression était incluse dans le document signé par les généraux mais Franco est parvenu à la faire disparaître avant la publication de ce document qui lui donnait tous les pouvoirs. Le réalisateur a choisi ce titre pour s’adresser aux spectateurs européens d’aujourd’hui, pour affirmer que l’état de guerre est permanent : « le film parle autant du présent que passé ».

Lettre à Franco (Mientras dure la guerra)Karra Elejalde dans Lettre à Franco (Mientras dure la guerra) de Alejandro Amenábar.

20 août 2019

A Brighter Summer Day (1991) de Edward Yang

Titre original : « Gu ling jie shao nian sha ren shi jian »

A Brighter Summer DayDans les années 60, à Taïwan, le jeune adolescent Xiao Si’r, dont les parents ont fui le régime communiste chinois, fréquente une école dite « du soir », moins prestigieuse que l’école « de jour » où son père aimerait l’inscrire. Deux gangs s’y affrontent en permanence mais l’adolescent s’efforce de rester à l’écart de leurs querelles…
A Brighter Summer Day (le titre original signifie « L’affaire du jeune meurtrier de la rue Guling » alors que le titre international fait référence aux paroles de la chanson Are You Lonesome Tonight ? popularisée par Elvis Presley et reprise dans le film) est basé sur un fait divers qui eut lieu dans le collège d’Edward Yang quand il avait 13 ans. Le réalisateur lui donne de l’ampleur en le reliant à la situation politique de Taïwan à cette époque (1). Le film aborde plusieurs thèmes tournant autour de l’adolescence et de la déstabilisation créée par le déracinement. Le récit se concentre d’abord sur la tension entre les deux gangs, qui symbolisent les deux catégories de la population de Taïwan (2). L’histoire prend ensuite un tour plus politique tout en se concentrant sur la famille de Xiao Si’r. Elle prend aussi un tour plus désespéré. Le film de près de 4 heures paraît vraiment très long, notamment dans sa première moitié. Les personnages ne sont pas toujours faciles à reconnaître, pour nous occidentaux, et il y a plus de cent rôles parlants. Il faut donc rester concentré. L’image est très belle, avec des cadrages travaillés et une utilisation fréquente du hors-cadre. Le film est ressorti en 2018 et a été très bien accueilli par la critique et de nombreux spectateurs semblent très enthousiastes, plus que je ne l’ai été en tous cas…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Chang Chen, Lisa Yang
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(1) Taïwan est alors dans cette période que l’on appelle la « Terreur blanche ». Le gouvernement contrôlé par le Kuomintang (parti nationaliste chinois) a établi la loi martiale qui resta en place de 1949 à 1987 (ce qui explique l’omniprésence des militaires dans le film).
(2) Le gang des Garçons du Petit Parc représente la population du continent venue sur l’île pour fuir le communisme à partir de 1949. Le gang des 217 représente la population qui habitait l’île auparavant.

 

A Brighter Summer DayLisa Yang et Chang Chen dans A Brighter Summer Day de Edward Yang.

29 avril 2019

Danton (1983) de Andrzej Wajda

DantonParis, printemps de l’An II (1794). De retour à Paris après quelques mois d’absence, Danton cherche à mettre un terme à la Terreur en défiant Robespierre et le Comité de Salut Public. Ce dernier ordonne son arrestation et organise un simulacre de procès avant le conduire, avec une dizaine de ses soutiens, à l’échafaud.
C’est le gouvernement français, alors sous la présidence de François Mitterrand, qui a passé commande à Wajda d’un film pour célébrer la Révolution française. Le résultat a mis ses commanditaires mal à l’aise et a suscité la polémique. Le réalisateur polonais a en effet choisi une période particulièrement sombre de l’Histoire de France qui lui permettait de faire allusion au présent de son pays : la lutte de Danton contre Robespierre devient ainsi une allégorie de celle du syndicaliste Wałęsa contre le général Jaruzelski (1). Dans les deux cas, passé et présent, chacune des parties en présence s’est réclamé du « peuple ». Et c’est toujours au nom du « peuple » qu’est installé un régime autoritaire et despotique. Dans son film, Wajda montre Danton et Robespierre dépassés par l’Histoire, qu’ils ont pourtant contribué à créer ; ils ont perdu prise sur les évènements et seront emportés par eux (2). Ainsi, au lieu de fournir une apologie benoîte de la Révolution, le cinéaste polonais a un propos d’une portée plus générale et (hélas) plus actuelle, un propos qui mérite mieux qu’une simple lecture sous l’angle idéologique. Depardieu semble l’acteur idéal pour interpréter un Danton bon vivant et particulièrement habile dans l’éloquence. Robespierre est interprété par le polonais Wojciech Pszoniak dont le jeu plus classique est rendu encore plus rigide par le doublage, ce qui accentue encore l’opposition entre les deux hommes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gérard Depardieu, Wojciech Pszoniak, Patrice Chéreau, Boguslaw Linda
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Danton
Gérard Depardieu est Danton dans Danton de Andrzej Wajda.

Remarques :
* Le scénario est adapté d’une pièce de la dramaturge polonaise Stanisława Przybyszewska, rédigée entre 1925 et 1929. Cette pièce était assez flatteuse pour Robespierre. Wajda et Jean-Claude Carrière l’ont réécrite pour donner à Danton l’image d’un idéaliste tout en conservant une certaine indulgence pour Robespierre qui est présenté comme un être tourmenté. En revanche, le Comité de Salut de Public n’est pas épargné, ses membres sont prompts à faire tomber les têtes pour des motivations vagues ou même douteuses.

(1) Sous la pression des soviétiques, le général Jaruzelski décide dans la nuit du 12 au 13 décembre 1981 d’arrêter les principaux dirigeants de Solidarnösc, dont Lech Wałęsa, et d’interdire le syndicat ; les militaires prennent également possession de la télévision.
(2) La phrase de Danton passant devant la maison de Robespierre « Robespierre, tu me suis ! Ta maison sera rasée ! On y sèmera du sel ! » est historique (et rappelons que Robespierre sera guillotiné trois mois plus tard).

Danton
Wojciech Pszoniak est Robespierre dans Danton de Andrzej Wajda.

Homonyme :
Danton (1921) de l’allemand Dimitri Buchowetzki avec Emil Jannings, Werner Krauss