2 mars 2013

Je veux seulement que vous m’aimiez (1976) de Rainer Fassbinder

Titre original : « Ich will doch nur, daß ihr mich liebt »

Je veux seulement que vous m'aimiezEn prison, le jeune Peter raconte à une psychologue sa relation avec ses parents, son mariage et la vie avec sa femme à Munich… R.W. Fassbinder a réalisé Je veux seulement que vous m’aimiez pour la télévision allemande et c’est pourquoi il n’a pas été visible en France avant 2011. On y retrouve l’un des thèmes forts du cinéaste, les sentiments comme forme d’oppression. Son héros ne recherche qu’à être aimé, de ses parents surtout et aussi de sa femme ; l’amour et la reconnaissance sont les seules choses de valeur à ses yeux mais il vit dans une société où c’est l’argent qui régit les rapports. Cette recherche d’amour ne le mènera à rien sinon au pire. Au-delà de l’histoire de Peter, Fassbinder adresse aussi une critique à la société allemande, devenue froide et sans humanité. Comme toujours avec Fassbinder, le film est très travaillé dans sa forme, ses plans sont remarquablement construits, tout semble avoir une signification. Bien qu’il ait été fait pour la télévision, Je veux seulement que vous m’aimiez se montre au niveau de ses meilleurs films, le réalisateur ayant d’ailleurs toujours considéré ses téléfilms comme nullement inférieurs à sa production pour le cinéma.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Vitus Zeplichal, Elke Aberle, Alexander Allerson, Erni Mangold
Voir la fiche du film et la filmographie de Rainer Fassbinder sur le site IMDB.
Voir les autres films de Rainer Fassbinder chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Adaptation d’un livre de Klaus Antes et Christiane Erhardt : « Lebenslaenglich »

14 janvier 2013

Despair (1978) de Rainer Fassbinder

DespairA Berlin en 1930, un dandy d’origine russe dirige une petite entreprise de fabrication de chocolats. Il développe un dédoublement de la personnalité : il s’imagine par exemple assis dans un fauteuil se regardant faire l’amour à sa femme. Ce syndrome va l’entrainer à mettre sur pied une surprenante machination… En 1978, Fassbinder a surpris le monde du cinéma avec Despair : pour son 34e film, le réalisateur a accepté une production internationale, avec un budget conséquent et une tête d’affiche connue. Il tourne un film assez déroutant qui tranche avec ses films précédents. Le scénario de cette adaptation du roman La Méprise de Nabokov est signé Tom Stoppard, écrivain de théâtre anglais d’origine tchèque qui avait notamment écrit pour Losey. Le film déroute car il paraît alourdi par un symbolisme trop appuyé de symboles et une diction des acteurs presque pédante (1). Il reste assez nébuleux dans son développement. Sur le plan de la forme, c’est le jeu avec les vitres et les reflets qui est le plus réussi bien qu’il soit, lui aussi, souvent trop appuyé, semblant se transformer alors en course à la virtuosité. Les références à l’Histoire de l’Allemagne, toujours très fortes chez Fassbinder, sont ici réduites à de la pure figuration. Assez rapidement, on se désintéresse de cette lente glissade vers la folie. Despair est un film bien surprenant de la part de Fassbinder.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Dirk Bogarde, Andréa Ferréol, Klaus Löwitsch, Volker Spengler
Voir la fiche du film et la filmographie de Rainer Fassbinder sur le site IMDB.

Voir les autres films de Rainer Fassbinder chroniqués sur ce blog…

(1) A noter que le film a de plus été tourné en anglais et donc les accents sont assez marqués. Même Dirk Bogarde semble avoir un accent.

20 décembre 2012

La piel que habito (2011) de Pedro Almodóvar

La piel que habitoUne jeune femme est retenue prisonnière dans un grand manoir par un chirurgien qui expérimente sur elle une nouvelle peau transgénique… Pedro Almodovar, lui, expérimente dans le domaine du thriller fantastique à la frontière de l’horreur. Selon ses affinités, on peut trouver l’histoire de La piel que habito totalement extravagante ou cordialement déjantée. Almodovar parvient à installer un climat qui met très mal à l’aise, du moins lorsque l’on n’est pas attiré par les scènes de charcutage (finalement, on ne voit heureusement que très peu). Bien évidemment, on peut s’amuser à retrouver tous les sujets de prédilection du cinéaste dans un tout autre cadre, mais la volonté de déranger et de choquer est bien trop manifeste, la démarche manque de subtilité. Antonio Banderas semble absent.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Antonio Banderas, Elena Anaya, Marisa Paredes, Jan Cornet
Voir la fiche du film et la filmographie de Pedro Almodóvar sur le site IMDB.

Voir les autres films de Pedro Almodóvar chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Le film est adapté du roman de Thierry Jonquet Mygale.
* La piel que habito peut se traduire par « la peau dans laquelle je vis ».

19 décembre 2012

Niki et Flo (2003) de Lucian Pintilie

Titre original : « Niki Ardelean, colonel în rezerva »

Niki et FloNiki et Flo sont voisins, leurs enfants se sont mariés ensemble mais tout les sépare : Niki est un colonel à la retraite qui regrette le passé et Flo est un matérialiste moderne, donneur de leçons… L’humour noir de Lucian Pintilié est bien présent dans Niki et Flo où le réalisateur s’amuse à retourner les situations : c’est le libéral fêtard qui se révèle être un tortionnaire moral, l’ancien colonel étant sa victime. Pintilié charge beaucoup ses personnages et force le trait, le film forme un ensemble assez long dont il est difficile de voir la finalité.
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Victor Rebengiuc, Razvan Vasilescu
Voir la fiche du film et la filmographie de Lucian Pintilie sur le site IMDB.

Voir les autres films de Lucian Pintilie chroniqués sur ce blog…

21 novembre 2012

La loi du désir (1987) de Pedro Almodóvar

Titre original : « La ley del deseo »

La loi du désirPablo est un cinéaste en vogue qui ne cache pas son homosexualité. Il a de nombreuses aventures sans vouloir s’attacher vraiment. Il écrit le scénario de son prochain film pour sa sœur Tina, une femme plutôt exubérante… La loi du désir étant produit par la compagnie de production qu’il a montée avec son frère, Pedro Almodovar bénéficie vraiment pour la première fois d’une grande liberté pour écrire et tourner son film. Ainsi, on y trouve déjà beaucoup de thèmes chers au cinéaste qui n’hésite pas à briser les derniers tabous de l’Espagne postfranquiste. Sous une légèreté qui n’est qu’apparente, c’est un film assez riche, à plusieurs facettes. Bien entendu, le plus visible est cette mise en avant d’une sexualité très libre, d’une homosexualité assumée et de la transsexualité. Mais il y a aussi cette analyse de l’importance du désir, la passion qui peut nous porter trop loin, ce désir qui ici transforme un film d’étude de caractères en un film policier. Et enfin, il y a une certaine réflexion sur le rapport du metteur en scène à la vie, Almodovar mettant certainement dans son personnage un certaine part de lui-même, ce metteur en scène qui cherche parfois à écrire sa propre vie comme l’un de ses scénarios. Souvent drôle, parfois exubérant et pas toujours de très bon goût, La loi du désir est un film empreint d’un désir de liberté, d’un cinéma sans entrave ; il préfigure plusieurs des films ultérieurs du cinéaste.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Eusebio Poncela, Carmen Maura, Antonio Banderas
Voir la fiche du film et la filmographie de Pedro Almodóvar sur le site IMDB.

Voir les autres films de Pedro Almodóvar chroniqués sur ce blog…

17 octobre 2012

La fleur de mon secret (1995) de Pedro Almodóvar

Titre original : « La flor de mi secreto »

La fleur de mon secretAuteur de romans roses à succès sous un pseudonyme, Leo est en crise depuis que son mari, un officier de l’armée, s’éloigne d’elle… La première scène de La fleur de mon secret donne le ton : nous baignons dans le faux-semblant, le mensonge. Chaque personnage a quelque chose à cacher et, en même temps, peine à exprimer ses désirs, ses buts. La mise en scène d’Almodovar est assez brillante avec une large utilisation des couleurs vives. Les images sont fragmentées par des reflets, des vitres, des miroirs. L’humour ou le saugrenu survient au moment où on l’attend le moins. Tout cela ne l’empêche d’avoir un regard très aiguisé et de brosser tous ces portraits de femmes avec beaucoup de justesse, sans provocation. La mère de Leo est impirée de la mère du réalisateur. La fleur de mon secret fait partie des films les moins connus d’Almodovar. Assez injustement.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Marisa Paredes, Juan Echanove, Carme Elias, Rossy de Palma
Voir la fiche du film et la filmographie de Pedro Almodóvar sur le site IMDB.

Voir les autres films de Pedro Almodóvar chroniqués sur ce blog…

19 septembre 2012

Les Larmes amères de Petra von Kant (1972) de Rainer Werner Fassbinder

Titre original : « Die bitteren Tränen der Petra von Kant »

Les larmes amères de Petra von KantRécemment divorcée, la styliste en vogue Petra von Kant vit et travaille dans son appartement avec une assistante qui lui est entièrement dévouée. Une amie lui présente Karin. Impressionnée par sa beauté, elle lui propose de l’aider à devenir mannequin… Les larmes amères de Petra von Kant est le premier film de Fassbinder à avoir été distribué en France (1). C’est son treizième film, l’adaptation d’une pièce de théâtre qu’il a lui-même écrite et qu’il met en scène sans chercher à en masquer les origines. C’est un film vraiment étonnant venu d’un réalisateur âgé de 27 ans. D’abord par son contenu car les dialogues sont d’une rare profondeur, il suffit de voir avec quelle acuité Petra raconte à Karin l’épanouissement et le déclin de son ancien mariage ou l’évolution de leurs rapports au sein du couple. Il y a aussi une réflexion sur l’amour fou et la dépendance, sur l’admiration et la soumission, sur la possession et le manque. Fassbinder aurait puisé son inspiration dans sa propre vie, ayant lui aussi vécu une séparation douloureuse. Le film est aussi étonnant par la maitrise de la mise en scène, filmé sobrement dans un seul lieu avec quelques mouvements de camera très amples qui tournent autour des actrices comme pour nous en approcher. La structure du récit, quatre actes séparés par de grandes ellipses, met en relief l’évolution de la relation entre Petra et Karin. Le décor est un mélange de kitsch et de classicisme(2) qui, avec les toilettes excentriques, apportent une touche de surréalisme et affirme le caractère atemporel du propos, propre aux grandes tragédies. Seule la fin est un peu faible. Les larmes amères de Petra von Kant est un film intense et riche qui porte l’empreinte du cinéaste.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Margit Carstensen, Hanna Schygulla, Irm Hermann
Voir la fiche du film et la filmographie de Rainer Fassbinder sur le site IMDB.

Voir les autres films de Rainer Werner Fassbinder chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Le titre (en anglais : The Bitter Tears of Petra Von Kant) est un hommage à Frank Capra The Bitter Tea of General Yen (1933)

(1) Les larmes amères de Petra von Kant (1972) est sorti en avril 1974 en France, deux ans après sa sortie en Allemagne. Il a été suivi deux mois plus tard par Tous les autres s’appellent Ali (1974) et quelques mois plus tard par Le marchand des quatre saisons (1971). C’est dans cet ordre que le public français a découvert Fassbinder.
(2) Le tableau dont une reproduction occupe tout un mur de la chambre de Petra von Kant est Midas et Bacchus de Poussin.

11 août 2012

Le marchand des quatre saisons (1971) de Rainer Werner Fassbinder

Titre original : « Händler der vier Jahreszeiten »

Le marchand des quatre saisonsDe retour de la Légion étrangère, Hans devient marchand ambulant de fruits et légumes avec sa femme. Se sentant rejeté, il est d’humeur de plus en plus sombre… Le marchand des quatre saisons est le premier succès commercial de Fassbinder ; il fut très bien accueilli en Allemagne aussi bien par le public que par la critique. Inspiré entre autres par les mélodrames de Douglas Sirk, le réalisateur signe ici un film sur le manque d’amour et de considération. La scène d’introduction donne le ton : « Ce sont les meilleurs qui s’en vont, il n’y a que les gens comme toi pour revenir », dit la mère d’Hans à son retour. C’est aussi un film qui questionne sur la société bourgeoise des années cinquante et soixante, une société sans amour et sans bonheur, et aussi sur la réussite allemande, une société où les femmes ont une grande importance, ce sont elles qui sont garantes de l’ordre moral. Hans Hirschmüller fait une belle prestation en ours en quête d’amour, dont les désirs et aspirations restent inassouvis. Le film n’est pas sans maladresse dans sa forme mais Fassbinder montre déjà une indéniable maitrise. Il compense la faiblesse des moyens par une belle densité du contenu. Malgré son style assez simple, Le marchand des quatre saisons est en effet un film très riche.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Hans Hirschmüller, Irm Hermann, Hanna Schygulla
Voir la fiche du film et la filmographie de Rainer Fassbinder sur le site IMDB.

Voir les autres films de Rainer Werner Fassbinder chroniqués sur ce blog…

29 juillet 2012

Melancholia (2011) de Lars von Trier

MelancholiaAlors qu’une gigantesque planète menace la Terre, Justine se marie sans entrain et tente de montrer bonne figure lors de la réception compassée organisée dans la somptueuse demeure de sa sœur… Le prologue de Mélancholia, montrant la Terre se pulvériser contre la planète géante, ne laisse aucun espoir. Ce prologue esthétisant est très beau avec une utilisation originale des ralentis et une atmosphère irréelle puissante. La scène du grand choc est superbe. Ensuite, hélas, nous devons supporter pendant une bonne heure une réception de mariage passablement insupportable (où l’on se dit que l’apocalypse aurait pu avoir le bon goût d’arriver avant la réception plutôt qu’après). La réception révèlera de grandes tensions entre les membres de la famille, ce qui nous rappelle Festen à ceci près que le propos est ici étonnamment vide. Mis à part deux ou trois personnages très typés et symboliquement chargés (le beau-frère = rationalité et matérialisme, le patron = cynisme), les autres sont assez inconsistants. Ce vide est encore plus apparent dans la seconde partie où Charlotte Gainsbourg n’exprime quasiment qu’un seul sentiment en boucle. Mis à part les habituels désagréments de la caméra à l’épaule et du montage stressé, l’image est très belle, avec des éclairages très travaillés. Toujours très près de ses personnages, Lars von Trier multiplie les plans sur le visage Kisten Dunst dont la beauté crée un fort contraste avec son tourment intérieur : la fin du monde, elle (Justine) la souhaite, tout porte d’ailleurs à penser que le film ne se déroule que dans sa tête… Joli mais ennuyeux.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland, Charlotte Rampling, John Hurt, Stellan Skarsgård, Udo Kier
Voir la fiche du film et la filmographie de Lars von Trier sur le site IMDB.

Voir les autres films de Lars von Trier chroniqués sur ce blog…

Melancholia

8 juillet 2012

Soul Kitchen (2009) de Fatih Akin

Soul KitchenAllemand d’origine grecque, Zinos Kazantsakis est propriétaire d’un petit restaurant appelé Soul Kitchen, dans une zone industrielle à Hambourg. C’est un ancien hangar qu’il a reconverti de ses propres mains. Le départ de sa petite amie pour la Chine et sa rencontre avec un cuisinier brillant mais un peu fantasque vont changer beaucoup de choses… Soul Kitchen n’est pas le troisième film de la trilogie commencée avec Head-on et De l’autre côté. C’est un film que Fatih Akin qualifie lui-même de « plus léger ». Il en a écrit le scénario avec son ami Adam Bousdoukos qui tient le rôle principal. Nous sommes dans l’univers de la débrouille mais aussi de l’amitié, de la complicité et des aventures qui peuvent se transformer en réussite humaine. Fatih Akin crée l’humour en jouant avec les obstacles et les revers. Même si le film pêche par quelques longueurs en son milieu, il se dégage de Soul Kitchen une chaleur qui rend le film attachant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Adam Bousdoukos, Moritz Bleibtreu, Birol Ünel, Anna Bederke
Voir la fiche du film et la filmographie de Fatih Akin sur le site IMDB.

Voir les autres films de Fatih Akin chroniqués sur ce blog…