8 août 2014

Meurtre dans un jardin anglais (1982) de Peter Greenaway

Titre original : « The Draughtsman’s Contract »

Meurtre dans un jardin anglaisEn 1694, dans un manoir anglais où se retrouve la haute société, le dessinateur Mr Neville accepte, à la demande pressante de la maitresse de maison, de faire douze dessins des jardins de la propriété dont son mari est très fier. En contrepartie, il demande pouvoir profiter librement des faveurs de la dame… Meurtre dans un jardin anglais est le film par lequel toute l’originalité de Peter Greenaway a éclaté au début des années quatre vingt. « Raffiné » est certainement le mot qui caractérise le mieux ce film. Ici, l’intrigue, car intrigue il y a, est plus remarquable par son développement que par son dénouement ou son explication (partielle d’ailleurs). Tout le film prend la forme d’un jeu de l’esprit très proche de ceux dont raffolent ses personnages, avec son langage très policé et élégant, ses belles tournures et aussi ses piques mordantes. Costumes, éclairages (en plein jour ou à la bougie), décors, tout est parfait. C’est un vrai délice pour les yeux. Le rythme est remarquablement enlevé, soutenu par la musique entêtante de Michael Nyman. Meurtre dans un jardin anglais est un jeu raffiné qui flatte merveilleusement l’esprit.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Anthony Higgins, Janet Suzman, Anne-Louise Lambert, Hugh Fraser, Neil Cunningham
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Remarques :
* Peter Greenaway dit avoir été influencé par Le Caravage et La Tour pour l’image. Pour l’insolite du récit, il dit se placer dans la lignée du Vathek (roman gothique du XVIIIe écrit en français par l’anglais William Beckford) et cite également La Jalousie, le roman d’Alain Robbe-Grillet.
* La version initiale dirait plus de quatre heures. Peter Greenaway n’a pas exclu de sortir un jour cette version.
* Les dessins dans le film ont été faits par Peter Greenaway lui-même (rappelons qu’il était peintre avant d’être réalisateur). Dans les plans où le dessin se forme, ce sont ses propres mains qui sont à l’écran.
* La qualité de la réalisation est d’autant plus remarquable que le budget n’a été que modeste (300 000 livres). Le film a été tourné en Super 16 puis gonflé en 35.

21 juillet 2014

Un roi à New York (1957) de Charles Chaplin

Titre original : « A King in New York »

Un roi à New YorkFuyant son pays en révolution, le roi Shahdov se réfugie aux Etats Unis. Détroussé par son ancien premier ministre et donc sans argent, il se trouve contraint de faire des publicités… Un roi à New York est un film généralement peu estimé, du moins pas estimé à juste valeur. On le réduit trop souvent à un déversoir de rancoeurs. Certes, c’est le premier film fait par Chaplin en Europe après avoir été expulsé des Etats-Unis (1) et le cinéaste ne se prive pas de montrer les excès de cette paranoïa anticommuniste qui culminait alors, mais le film est aussi un regard sur la société qui l’entoure, l’omniprésence de la publicité, de la télévision, du culte de la jeunesse. Quelques gags parsèment le film ici et là comme toujours avec Chaplin. Les charges les plus virulentes, il les porte par la bouche d’un garçon de dix ans (assez avancé pour son âge quant à sa faculté de raisonnement !) qui est interprété par son propre fils, Michael Chaplin. Roberto Rossellini a dit qu’Un roi à New York était avant tout « le film d’un homme libre »(2).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Charles Chaplin, Oliver Johnston, Dawn Addams
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Remarque :
* Le film ne sortira aux Etats Unis que 15 ans plus tard, à partir de 1972, date de son retour en grâce. Il recevra un Oscar d’honneur (et l’étoile à son nom dans le Hollywood Walk of Fame, qui avait été retirée dans les années cinquante, sera replacée !)

(1) En septembre 1952, alors qu’il se rend avec sa famille en Angleterre, Chaplin apprend en pleine traversée qu’il ne sera pas autorisé à rentrer aux Etats Unis. On l’accuse d’être communiste.

(2) Phrase citée par Noël Simsolo dans son texte « Chaplin et ses images » inclus dans le livre « Chaplin aujourd’hui » sous la direction de Joël Magny (Cahiers du cinéma, 2003).

7 juin 2014

Huit heures de sursis (1947) de Carol Reed

Titre original : « Odd Man Out »

Huit heures de sursisEn Irlande du Nord, peu après la guerre, un petit groupe membre d’une organisation politique s’apprête à commettre un hold-up dans une usine. A sa tête, Johnny McQueen, fraîchement évadé de prison, veut effectuer ce dernier coup avant de renoncer à la violence. Mais le hold-up tourne mal… Odd Man Out est un film britannique adapté d’un roman de F.L. Green (Frederick Laurence Green). Le propos n’est pas tant politique sur une situation précise, il est plus généralement sur l’engagement et surtout le désengagement. Le héros de cette histoire est las d’un certain type de combat pour la cause et désire ne plus avoir à constamment se cacher et fuir. Les évènements vont pourtant le placer dans la position d’un homme traqué et blessé pendant huit heures pendant lesquelles il va avoir une nouvelle vision de son parcours. Le personnage de Kathleen est quant à lui assez complexe, mélange d’amour et de (très) forte détermination comme en témoigne la fin, assez puissante. Une grande partie du film se déroule après la tombée de la nuit et Carol Reed soigne à l’extrême ses éclairages, jouant parfois très fortement avec les contrastes entre l’ombre et la lumière. Sur ce plan, le film préfigure ce qu’il fera peu après sur Le Troisième Homme et il parvient parfaitement à créer une atmosphère, parfois presque irréelle, dans laquelle la peinture qu’il fait de quelques marginaux (le clochard, le peintre, le médecin qui n’a pu finir ses études) prend une indéniable dimension.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: James Mason, Robert Newton, Cyril Cusack, Kathleen Ryan, Dan O’Herlihy
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Remarques :
* Bien que le nom ne soit jamais clairement cité, il ne fait nul doute que « l’organisation » dont font partie ces hommes est le Sinn Fein, ancêtre de l’IRA.
* En anglais, l’expression « odd man out » désigne une personne assez différente des autres dans un groupe. Sa traduction littérale pourrait être : « celui qui sort du lot ».

12 avril 2014

La Blonde et le shérif (1958) de Raoul Walsh

Titre original : « The Sheriff of Fractured Jaw »

La blonde et le shérifJonathan Tibbs, digne héritier d’un important magasin d’armes anglais sur le déclin, décide d’aller dans l’Ouest américain pour trouver des acheteurs à ses fusils. Il arrive dans la petite bourgade de Fractured Jaw où deux bandes s’entredéchirent… Dans la vaste filmographie de Raoul Walsh, La blonde et le shérif (The Sheriff of Fractured Jaw) est certainement l’un des films les plus étranges. C’est aussi l’un des westerns les plus curieux. Le registre est clairement celui de l’humour : c’est le décalage entre le flegme britannique et la rustrerie des américains qui en est le moteur principal. Cela donne des situations assez amusantes où le très british Tibbs va déconcerter tout le monde et parviendra ainsi à trouver une issue à des situations inextricables. Raoul Wash tourne en dérision tous les grands poncifs du western, nous avons même droit à l’inévitable partie de poker (qu’il gagne en se faisant conseiller par un chien !) Kenneth More fait un bel abattage, toujours parfaitement dans son personnage. En regardant Jayne Mansfield, on mesure à quel point la Fox désirait alors créer un clone de Marilyn. Hélas, si ses qualités plastiques ne passent pas inaperçues, l’actrice ne parvient pas à aller au-delà, comme Marilyn savait si bien le faire en donnant une profondeur à ses rôles. Au final, La blonde et le shérif est une variante assez farfelue sur le thème du western, franchement surprenante de la part de Raoul Walsh.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Kenneth More, Jayne Mansfield, Henry Hull, Bruce Cabot
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Remarques :
* The Sheriff of Fractured Jaw a été tourné entièrement en Europe, en Angleterre mais aussi en Espagne.
* Pour ses chansons, Jayne Mansfield est doublée par Connie Francis.

2 avril 2014

Le Bal des vampires (1967) de Roman Polanski

Titre original : « The Fearless Vampire Killers »
Autre titre : « Dance of the Vampires »

Le bal des vampiresLe vieux professeur Abronsius, expert en chauve-souris, arrive dans un petit village enneigé de Transylvanie avec son assistant. Ils espèrent récolter des preuves de l’existence des vampires. Ils font halte dans l’auberge où ils vont être le témoin d’évènements surprenants… Après le sérieux Répulsion, Roman Polanski nous avait déjà montré son humour (noir) dans Cul-de-sac mais cette fois il va beaucoup plus loin avec Le Bal des vampires. Il n’y a en effet absolument rien de sérieux ici et le fait d’utiliser tous les codes du genre pour les tourner en dérision a quelque peu irrité les amateurs de films de vampires à l’époque. Il faut dire que Polanski ne respecte rien : qu’un vampire soit homosexuel, passe encore, mais qu’un vampire ne craigne pas un crucifix montré devant lui sous prétexte qu’il est juif, là cela ne va plus du tout ! Le bal des vampiresIl mâtine sa parodie d’un humour multi-facettes, certaines scènes sont même dans la grande veine de l’humour slapstick du cinéma muet. Petit délice, Le Bal des vampires reste hilarant même lorsqu’on le connait très bien pour l’avoir vu à de nombreuses reprises. La prestation de l’acteur irlandais Jack MacGowran est incroyable, absolument désopilant d’un bout à l’autre en vieux scientifique farfelu, avec son allure d’Albert Einstein d’‘opérette. Face à lui, le jeu de Roman Polanski est plus sage, presque timide. Pour un peu, on en oublierait de faire attention à belle photographie et aux décors assez remarquables.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jack MacGowran, Roman Polanski, Alfie Bass, Sharon Tate, Ferdy Mayne
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Remarques :
* A sa sortie, le titre complet américain était : « The Fearless Vampire Killers or: Pardon Me, But Your Teeth Are in My Neck » (= Les intrépides chasseurs de vampires ou : Pardonnez moi mais je crois que vous avez planté vos dents dans mon cou.)
* C’est sur ce film que Roman Polanski a rencontré Sharon Tate qu’il épousera peu après.
* Le Bal des vampires est surtout une parodie des films de la Hammer, compagnie de production britannique spécialisée dans les films d’horreur.
* A sa sortie aux Etats Unis, le producteur Martin Ransohoff a coupé 16 minutes de film, rajouté une courte séquence de dessin animé avant le générique pour bien montrer qu’il s’agissait d’une comédie, refait le doublage de certains acteurs et rajouté au titre « Pardon me, but… »

Le Bal des vampires (The Fearless Vampire Killers)Roman Polanski et Jack MacGowran dans Le Bal des vampires (The Fearless Vampire Killers) de Roman Polanski.

1 avril 2014

Mariage à l’anglaise (2013) de Dan Mazer

Titre original : « I Give It a Year »

Mariage à l'anglaiseJosh et Nat viennent de se marier et nagent dans le bonheur. Pourtant, personne dans leur entourage ne croit que cela durera. Arriveront-ils à passer leur première année de mariage, celle que l’on dit la plus délicate ? … L’anglais Dan Mazer, connu pour avoir travaillé sur Borat avec Sacha Baron Cohen, a écrit ce Mariage à l’anglaise, une comédie pour laquelle il dit s’être beaucoup inspiré de sa propre vie. Son intention est de bousculer les stéréotypes des comédies romantiques. Il y parvient indéniablement même si on peut lui reprocher d’alimenter son non-conformisme avec un humour parfois un peu trash. Il ne sombre jamais dans la facilité toutefois. Pour les rôles principaux, il bénéficie de la vitalité d’un bon quatuor de comédiens et ses seconds rôles sont assez croustillants. Mariage à l’anglaise n’a pas l’air d’être apprécié. Est-ce parce qu’il bouscule trop les codes ? Qu’il ne comporte aucun personnage auquel s’identifier ? En tous cas, pour l’apprécier, il est nécessaire de ne pas s’attendre à une comédie romantique classique…
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rose Byrne, Rafe Spall, Simon Baker, Stephen Merchant, Anna Faris
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Remarque :
Paul McCartney et Jane Asher* La mère de Nat est jouée par Jane Asher, actrice qui fut la petite amie et la muse de Paul McCartney dans les années soixante. Beaucoup de chansons furent composées pour elle, la plus souvent citée avec certitude étant « Here, There And Everywhere » (l’une des plus belles déclarations d’amour qui soient…)
But to love her is to need her everywhere
Knowing that love is to share 
Each one believing that love never dies
Watching her eyes and hoping I’m always there
I will be there and everywhere
Here, there and everywhere

17 novembre 2013

Noblesse oblige (1949) de Robert Hamer

Titre original : « Kind Hearts and Coronets »

Noblesse obligeEn 1868, la veille de son exécution, Louis Mazzani, duc d’Ascoyne, écrit ses mémoires. Sa mère ayant été reniée par sa famille de haute noblesse après avoir épousé un chanteur italien, Louis a juré de se venger et de tuer tous les membres de la famille situés avant lui dans la ligne de descendance directe… 65 ans après sa sortie, Noblesse oblige reste insurpassé dans le genre de l’humour anglais, une sorte de mètre-étalon de l’humour noir qui a fait, plus que tous les autres, la renommée des studios anglais Ealing. Prenant appui sur un roman de Roy Horniman, Robert Hamer et John Dighton ont écrit une comédie mêlant ironie, immoralité et cynisme dans un écrin formé par une narration empreinte de retenue et de distinction. Ils ont su trouver un ton très original, éminemment britannique. Les dialogues sont brillants et savoureux. Mais le succès de Noblesse oblige est également dû à une autre trouvaille qui fit sa renommée : faire jouer huit rôles différents (dont une femme) par Alec Guinness, Noblesse oblige une petite prouesse que l’acteur accomplit avec panache et, bien entendu, humour. Car l’humour est toujours présent, pas celui qui nous fait rire aux éclats mais un humour pince-sans-rire et subtil, tout en retenue : les délices de l’humour anglais à son meilleur. Insensible au temps, Noblesse oblige est une petite merveille, un film qui mérite bien sa réputation.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Dennis Price, Valerie Hobson, Joan Greenwood, Alec Guinness
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Remarques :
* Pour passer la censure, la version américaine a dix secondes supplémentaires à la fin montrant une personne découvrant le manuscrit (ce qui est pourtant implicite dans la version originale). En outre, des dialogues furent coupés pour préserver les bonnes mœurs… Au total, la version américaine est plus courte de 6 minutes.

Noblesse oblige* Le titre est dérivé d’un vers d’Alfred Tennyson devenu proverbe anglais, « Kind hearts are more than coronets », qui signifie « un coeur bon vaut mieux que des lettres de noblesse.» (Poème Lady Clara Vere de Vere, ca. 1833, où l’auteur s’en prend assez durement à une jeune femme qui joue de sa noble lignée pour séduire.)
Extrait :
Howe’er it be, it seems to me,
‘Tis only noble to be good.
Kind hearts are more than coronets,
And simple faith than Norman blood.
Lire le poème en entier

* La phrase faisant le titre français, Noblesse oblige, est prononcée en français dans la version originale anglaise, au tout début dans le dialogue entre le directeur de la prison et le bourreau.

Noblesse oblige* Parmi tous les films des studios Ealing, Noblesse oblige est celui dont l’humour est le plus noir. A ce propos, il faut noter que si le film a fait en grande partie la réputation des studios Ealing, son dirigeant Michael Balcon n’était guère enthousiaste sur le projet, persuadé que cette forme d’humour ne fonctionnerait pas auprès du public.

* Alec Guinness n’a pas été engagé pour jouer tous les rôles (était-ce pour un seul rôle, deux ou quatre ? Les témoignages divergent…) C’est lui-même qui a insisté pour les jouer tous. L’effet sur le succès du film n’avait pas été vraiment anticipé comme en témoigne l’affiche originale ci-dessus qui met en avant les deux éléments féminins. Ce n’est que plus tard que les affiches furent refaites pour montrer les huit personnages d’Alec Guinness (voir exemple ci-contre).

* Noblesse oblige est à la 6e position dans l’excellente liste des 100 meilleurs films britanniques du British Film Institute (B.F.I.) (liste établie en 1999).

20 septembre 2013

La Vie privée de Sherlock Holmes (1970) de Billy Wilder

Titre original : « The Private Life of Sherlock Holmes »

La vie privée de Sherlock HolmesCinquante ans après la mort du Docteur Watson, certains de ses documents restés secrets sont dévoilés. Ils promettent de nous faire connaitre la vraie nature de Sherlock Holmes. Nous les suivons dans deux aventures… Face à l’échec commercial de ses deux derniers films (1) et au puritanisme de la critique américaine, Billy Wilder décide de tourner son film suivant en Europe. Avec La Vie privée de Sherlock Holmes, il s’attaque à un mythe très britannique. Toutefois, en grand amateur des écrits de Conan Doyle, il retourne le mythe de Sherlock Holmes mais ne le détruit pas. Certes, le détective est devenu prisonnier de son image publique par la popularité des récits du Docteur Watson, certes il est trop souvent dominé par les évènements, mais le personnage est suffisamment humain et humaniste pour rester attachant. Largement amputé par les studios (sur les quatre aventures, seules deux seront conservées dans la version commercialisée), le film n’en est pas moins remarquable, d’une mise en scène parfaite de simplicité et d’une réalisation sans faille. L’humour est toujours présent, souvent en petites touches, parfois plus truculent (comme cette scène où Watson se retrouve à danser avec des danseurs russes au lieu de danseuses !) Les parties coupées semblent hélas être perdues à jamais. On se prend à rêver qu’elles puissent être un jour retrouvées afin de voir, enfin, la version complète de La Vie privée de Sherlock Holmes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Robert Stephens, Colin Blakely, Geneviève Page, Christopher Lee
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Remarques :
* La première aventure coupée prenait place dans un bateau qui ramenait Holmes et Watson d’Istanbul où ils avaient enquêté dans un harem. Fatigué, Holmes laissait Watson résoudre le cas de la mort étrange de jeunes mariés à sa place, Watson endossant l’habit de Holmes.
* La seconde aventure coupée concernait le cas étrange d’un chinois retrouvé mort dans une pièce où tous les meubles étaient cloués au plafond. Cette affaire était en réalité montée de toutes pièces par Watson pour tenter d’éloigner son ami de la drogue.
* Une scène coupée importante expliquait pourquoi Holmes était si mal à l’aise avec les femmes. Pendant dans la partie écossaise, un flashback nous montrait comment le jeune étudiant Holmes avait été écoeuré de voir que la fille dont il était secrètement amoureux avait accepté d’être l’enjeu d’une tombola.

(1) Embrasse-moi idiot (Kiss Me Stupid, 1964) et La grande combine (The Fortune Cookie, 1966)

6 septembre 2013

Le Narcisse noir (1947) de Michael Powell et Emeric Pressburger

Titre original : « Black Narcissus »

Le narcisse noirUne religieuse est envoyée par sa mère supérieure dans une région perdue de l’Himalaya pour y fonder une école et un dispensaire. Elle est accompagnée de quatre nonnes… Le Narcisse noir est adapté d’un roman de Rumer Godden, anglaise qui a grandi en Inde et également auteur du roman Le Fleuve que Jean Renoir adaptera peu après. C’est une histoire assez étrange qui met en scène de façon originale les différences de cultures. Michael Powell en fait un film à la fois assez fort et aussi très beau grâce aux matte paintings  de Walter Percy Day(1) magnifiés par le Technicolor et la photographie de Jack Cardiff. Ce dernier et le directeur artistique Alfred Junge furent tous deux oscarisés pour leur travail. En plus des questionnements et interrogations des nonnes sur leur foi, l’histoire peut être vue comme une métaphore de la fin de la domination anglaise en Inde (2). Le Narcisse noir n’est certes pas un film parfait, notamment sur le plan du déroulement du scénario et du rythme, mais il fait montre d’une belle intensité dans certaines scènes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Deborah Kerr, Kathleen Byron, Sabu, David Farrar, Jean Simmons
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Remarques :
Le narcisse noir* Le film a été tourné en studio avec des décors en toiles peintes et dans un parc exotique du sud de l’Angleterre (Leonardslee Gerdens, Horsham, West Sussex).
* Michael Powell écrit dans ses mémoires : « Black Narcissus est le film le plus érotique que je n’ait jamais tourné. Tout est suggéré, mais l’érotisme est présent dans chacun des plans du début à la fin. »
* Michael Powell y évoque également l’importance de la musique, notamment pour la scène débutant avec le petit Joseph apportant le thé jusqu’à la chute à la cloche (env. 86′ à 91′). Pour ces cinq minutes, tout fut minuté, la musique étant écrite avant de tourner. Il est vrai que l’utilisation parfaite de la musique donne beaucoup de force à cette scène. De plus, Kathleen Byron y est absolument exceptionnelle : lorsqu’elle ouvre la porte, il y a une intensité phénoménale qui se dégage de son regard.
* Dans la version américaine, la censure a imposé de couper toutes les scènes de flashbacks (scènes en Irlande où Sister Cladagh est amoureuse avant d’entrer au couvent).

(1) Lire le premier commentaire ci-dessous pour une explication et une belle illustration de la technique du matte painting.
(2)Le film a été tourné au moment où l’Inde était en plein processus d’indépendance. On pourra cependant noter que le roman de Rumer Gordon avait été écrit dix ans auparavant en 1938. Il était donc assez prophétique.

16 août 2013

The Deep Blue Sea (2011) de Terence Davies

The Deep Blue SeaA Londres, dans les années cinquante, Hester est mariée à un homme beaucoup plus âgé qu’elle, un haut magistrat britannique. C’est un mariage sans amour qui l’étouffe. Elle tombe amoureuse d’un jeune aviateur qui revient de la guerre… The Deep Blue Sea est l’adaptation d’une pièce du dramaturge anglais Terence Rattigan qui avait déjà été portée à l’écran sous le même titre en 1955. L’histoire est celle d’une femme qui cherche à construire sa vie en se libérant du carcan dans lequel elle est enfermée : toute son enfance, elle a été étouffée par un père pasteur et son mariage est aussi terne qu’oppressant. Terence Davies traite ce drame sentimental en créant une forte atmosphère, dans le Londres morne de l’Après-guerre où la joie de vivre n’avait pas encore de place. La photographie est très belle. Les trois rôles principaux sont remarquablement bien tenus. La construction est quelque peu embrouillée par les flashbacks. Le rythme est lent mais c’est surtout le peu de profondeur des personnages qui nous laisse avec une impression de manque. The Deep Blue Sea est un beau film mais on aurait aimé qu’il soit plus prenant.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rachel Weisz, Simon Russell Beale, Tom Hiddleston
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Remarques :
* Le titre vient d’une expression anglaise : Vers la fin du film, Hester dit à sa logeuse qu’elle était « between the devil and the deep blue sea », une expression qui traduit un grand dilemme, l’expression française la plus proche étant « devoir choisir entre la peste et le choléra ». L’expression vient du monde des marins, pour lesquels se donner au diable ou se faire engloutir par les eaux profondes étaient deux sorts aussi peu enviables l’un que l’autre.
* Le film est sorti en 2011 pour coïncider avec le centenaire de la naissance de Terence Rattigan.
* Législation sur le suicide : En Grande-Bretagne, le suicide a été un crime puni par la Loi jusqu’en 1961 (jusqu’en 1993 en Irlande). En France, le suicide a été décriminalisé en 1810.

Précédente version :
The Deep Blue Sea d’Anatole Litvak (1955) avec Vivien Leigh et Kenneth More.