11 février 2016

Honkytonk Man (1982) de Clint Eastwood

Honkytonk ManPendant la Grande Dépression, le chanteur de country Red Stovall reçoit une lettre l’invitant à auditionner au célèbre Grand Ole Opry à Nashville. Gravement malade, atteint de tuberculose, il convainc la mère de son jeune neveu de le laisser l’accompagner dans ce périple… Honkytonk Man est adapté d’un roman de Clancy Carlile, très librement basé sur le personnage du chanteur de country Jimmie Rodgers (1897-1933). Le film a beaucoup surpris à sa sortie car Clint Eastwood, alors largement considéré comme un acteur/réalisateur plutôt réactionnaire, y montrait une sensibilité inattendue. Son intérêt pour les personnalités marginales prend ici une forme bien plus humaine que dans ses films précédents. Il s’applique en outre à faire une reconstitution précise et la photographie est assez belle. Il partage la vedette avec son fils Kyle (qui a ensuite eut une carrière plutôt de musicien de jazz que d’acteur) et a tenu à interpréter lui-même les chansons, ce qui est certes honorable mais enlève à la crédibilité de l’ensemble car sa voix manque tout de même de présence. Le propos est profondément ancré dans la civilisation américaine, la marginalité chère à Eastwood se nourrit comme toujours de profondes racines, et il parsème son récit d’éléments en ce sens (comme cette évocation nostalgique du Land Run). Bien qu’assez inégal dans son déroulement, même un peu ennuyeux par moments, le film est bien entendu beaucoup mieux considéré aujourd’hui qu’à sa sortie.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Clint Eastwood, Kyle Eastwood, John McIntire
Voir la fiche du film et la filmographie de Clint Eastwood sur le site IMDB.

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Remarques :
* Lors de la courte scène dans le studio de radio à Tulsa (le meilleur passage, musicalement parlant), Bob Wills (le pape du western-swing) est interprété par Johnny Gimble et parmi les musiciens (les Texas Playboy), on reconnaît Merle Travis, Gordon Terry, Tommy Allsup et le chanteur est Ray Price.
Lors de l’audition au Grand Ole Opry, le chanteur qui précède Clint Eastwood est Porter Wagoner, ceux qui suivent sont Shelly West et David Frizzell. Enfin, le guitariste-chanteur qui prend le relais de Clint Eastwood lors de l’enregistrement du disque à la toute fin est Marty Robbins qui devait décéder quelques semaines plus tard, avant même la sortie du film.

* La course évoquée par le grand-père de Whit est le Land Run de 1889 où plus de 8 000 km2 (soit l’équivalent de 1 à 2 départements français) dans le Territoire de l’Oklahoma, ancien Territoire indien, ont été ouverts à la colonisation. Près de 100 000 colons se sont alignés sur la frontière et un clairon de l’armée à donné le signal de départ d’une course folle. Les villes d’Oklahoma City (aujourd’hui 600 00 habitants) et de Norman (100 000) se sont ainsi créées en une seule journée.
(Cet épisode majeur de la Conquête de l’Ouest a souvent été recréé au cinéma : liste sur IMDB… )

Honkytonk Man
Clint Eastwood et Kyle Eastwood dans Honkytonk Man de Clint Eastwood.

18 novembre 2015

New York, New York (1977) de Martin Scorsese

New York, New York1945. Le jour de la reddition du Japon, un saxophoniste aborde avec insistance une jeune chanteuse qui finit par céder partiellement à ses avances. C’est le début d’une histoire d’amour impossible, marquée par la carrière musicale de chacun des deux… Martin Scorsese renoue avec la grande tradition des comédies musicales des années quarante et cinquante. La reconstitution des clubs du début de l’ère du jazz bebop est assez splendide, tous sont assez différents. Scorsese rend hommage à Vincente Minnelli et fait marcher Liza Minnelli sur les traces de sa mère Judy Garland, tournant dans les mêmes studios, sur les mêmes scènes. Nul doute que cela devait être émouvant pour l’actrice. De son côté, De Niro va très loin pour donner vie à son personnage, l’acteur ayant même appris à jouer du saxophone pour le rôle. Les références sont nombreuses, des plus évidentes (le magnifique ballet final Happy Endings rappelle bien entendu celui de Band Wagon de Minnelli et le ballet lui-même est truffé de références) à celles qui le sont moins (comme cette chanson de Maurice Chevalier qui est une référence à une scène hilarante Monkey Business des Marx Brothers). L’histoire en elle-même n’est hélas pas très passionnante, le personnage joué par De Niro étant assez détestable, et de ce fait, le film paraît un peu long (2h30, mais il durait 4h30 dans le premier montage !) Les morceaux musicaux et les ballets sont heureusement là. La chanson-titre est devenue plus célèbre que le film lui-même.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Liza Minnelli, Robert De Niro, Lionel Stander
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New York New York
Robert De Niro et Liza Minnelli dans New York, New York de Martin Scorsese

New York New York

Remarque :
* Dans la très belle scène (sans musique) des danseurs anonymes du métro (vue de haut par De Niro), la danseuse est Liza Minnelli affublée d’une perruque (à noter que cette scène est certainement un hommage à On the Town de Stanley Donen).

2 novembre 2014

La Blonde et moi (1956) de Frank Tashlin

Titre original : « The Girl Can’t Help It »

La blonde et moiTom Miller, un impresario sur le retour, est contacté par un ex-caïd des machines de jeux qui lui demande de faire de sa nouvelle protégée une vedette du show-biz… Fort de succès de Sept ans de réflexion, la Fox décide de reprendre l’idée de mettre l’acteur Tom Ewell face une à bombe sexuelle. Cette fois, ce sera Jayne Mansfield dont la carrière avait besoin d’être lancée. Le scénario est très réduit, heureusement relevé par une bonne dose d’humour. Mais ce n’est pas pour ses gags que le film a acquis avec le temps une belle notoriété : désirant profiter du succès fulgurant du rock’n’roll juste naissant (tout en s’en moquant un peu, semble t-il), les producteurs ont décidé d’en faire aussi (et même surtout) un film musical. C’est ainsi que l’on peut voir notamment Gene Vincent, Little Richard, Eddie Cochran, Fats Domino ou encore Les Platters jouer leur morceau emblématique, ce qui rend The Girl Can’t Help It vraiment unique, lui conférant même un caractère de document historique.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Tom Ewell, Jayne Mansfield, Edmond O’Brien, Henry Jones
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Remarques :
* Il faut aussi mentionner la présence de Julie London qui apparaît ici, certes dans un style différent, interprétant son célèbre Cry Me a River. Rappelons qu’elle a été la première à chanter ce morceau composé par son camarade d’école Arthur Hamilton. Il est ensuite devenu rapidement un standard du jazz.
* Paul McCartney a raconté que John Lennon et lui avaient mis des moustaches pour aller voir le film, car ils étaient sous la limite d’âge, et que le film les avaient beaucoup marqués, musicalement parlant.
* Certaines rumeurs ont mentionné la présence de Bill Haley mais ce n’est pas le cas : le chanteur en costume rouge qui lui ressemble un peu est en réalité Eddie Fontaine.

Morceaux :
« The Girl Can’t Help It » – Little Richard
« Tempo’s Tempo » – Nino Tempo
« My Idea of Love » – Johnny Olenn
« I Ain’t Gonna Cry No More » – Johnny Olenn
« Ready Teddy » – Little Richard
« She’s Got It » – Little Richard
« Cool It Baby » – Eddie Fontaine
« Cinnamon Sinner » – Teddy Randazzo and the Three Chuckles
« Spread the Word » – Abbey Lincoln
« Cry Me a River » – Julie London
« Be-Bop-A-Lula » – Gene Vincent and His Blue Caps
« Twenty Flight Rock » – Eddie Cochran
« Rock Around the Rockpile » – Edmond O’Brien; Ray Anthony and his Orchestra
« Rockin’ Is Our Business » – The Treniers
« Big Band Boogie » – Ray Anthony and his Orchestra
« Blue Monday » – Fats Domino
« You’ll Never, Never Know » – The Platters
« Ev’ry Time (It Happens) » – Eileen Wilson (lip-synched by Jayne Mansfield)
« Giddy Up a Ding Dong » – Freddy Bell & The Bell-Boys

The Girl Can't Help it

17 octobre 2014

Le bonheur est pour demain (1961) de Henri Fabiani

Le bonheur est pour demainJeune homme de 18 ans, Alain a quitté ses parents et erre sur les quais de Saint-Nazaire. Il va y rencontrer l’amitié et aussi l’amour… Le bonheur est pour demain est l’unique long métrage d’Henri Fabiani, réalisateur de nombreux courts métrages documentaires. C’est un film assez attachant qui nous permet de découvrir un tout jeune Jacques Higelin, fraîchement sorti du cours d’art dramatique, en garçon qui tâtonne, s’interroge, cherche sa place à la fois sentimentalement et socialement. Ces questionnements sur la recherche du bonheur et sur le rapport au travail donnent au film un étonnant caractère précurseur de Mai 68. L’ami protecteur est interprété par le musicien de jazz Henri Crolla, guitariste virtuose, qui se savait alors condamné (il est mort peu après la fin du tournage à l’âge de 40 ans). Il n’est sans doute pas un grand acteur mais montre beaucoup de chaleur humaine et respire la générosité. La scène où Higelin et lui jouent un morceau de guitare à quatre mains est un moment unique. Henri Crolla et Jacques Higelin L’histoire se déroule dans le milieu des ouvriers du chantier naval de Saint-Nazaire, dont Henri Fabiani a inséré des images réelles ; certains plans, notamment les plans de foule à l’entrée ou à la sortie, sont saisissants. La musique est signée Henri Crolla et Georges Delerue. Au final, Le bonheur est pour demain est vraiment une belle découverte.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jacques Higelin, Irène Chabrier, Henri Crolla, Jean Martinelli
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Remarques :
* En 1953, Henri Fabiani fut, avec Alain Resnais, Georges Franju, Chris Marker, Jean Mitry, Alexandre Astruc (etc.), l’un des membres fondateurs du Groupe des Trente, une association de réalisateurs créée pour défendre le court métrage français et lui donner une meilleure place dans les cinémas.

* De façon étonnante, les acteurs ont prolongé leurs personnages dans la vraie vie : Jacques Higelin est devenu très ami avec Henri Crolla, il a vécu plusieurs mois chez lui et c’est sous son influence qu’il a développé un attrait pour la musique et la chanson. De plus, Jacques Higelin et Irène Chabrier sont tombés amoureux l’un de l’autre.

Le bonheur est pour demain* Jacques Higelin est parti faire son service militaire (en Allemagne et en Algérie) peu après le tournage. Sa correspondance avec Irène Chabrier sera publiée en 1987 sous le titre « Lettres d’amour d’un soldat de vingt ans ». Il a ensuite tourné dans plusieurs films dont Bébert et l’Omnibus d’Yves Robert (1963).

* Le film vient d’être restauré et réédité en DVD par Les Documents cinématographiques. Parmi les suppléments, j’ai trouvé l’interview d’Henri Fabiani passionnante. C’est un plaisir de l’écouter.

Homonyme :
Le bonheur est pour demain (And Now Tomorrow) d’Irving Pichel (1944) avec Alan Ladd et Loretta Young

14 octobre 2014

Jeune et innocent (1937) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Young and Innocent »
Autre titre (USA) : « The Girl was Young »

Jeune et innocentUne actrice est retrouvée morte étranglée sur la plage. Entraperçu quittant les lieux du crime, un jeune homme est accusé à tort. Il se rend compte rapidement qu’il ne peut compter que sur lui-même pour prouver son innocence… Jeune et innocent fait partie des meilleurs films de la période anglaise d’Alfred Hitchcock. Le thème est celui du faux coupable. Toutefois, ce n’est pas tant l’intrigue en elle-même qui fait la qualité du film mais la façon dont le cinéaste capte toute notre attention. Hitchcock maitrise alors de mieux en mieux ce mélange de légèreté apparente et de tension qui va le caractériser. Il sait placer le suspense dans les scènes les plus anodines, par exemple dans une fête d’enfants.
Il a également de belles trouvailles comme ce long travelling devenu l’un des plus célèbres du cinéma : Jeune et innocent la caméra surplombe la salle de danse du Grand Hotel et, partant de très loin, effectue un long travelling avant par-dessus des danseurs pour aller cadrer les yeux du batteur de l’orchestre situé au fond de la salle (et livrer au spectateur un indice que les personnages principaux ignorent, renforçant ainsi le suspense). Indéniablement réussi, Jeune et innocent est un beau divertissement.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Nova Pilbeam, Derrick De Marney, Edward Rigby
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Remarque :
* Cameo : Alfred Hitchcock apparaît assez longuement à l’extérieur du tribunal avec un petit appareil photo à la main.

Jeune et innocent (Young and Innocent)Nova Pilbeam et Derrick De Marney dans Jeune et innocent (Young and Innocent) de Alfred Hitchcock.

4 octobre 2014

La ballade des sans-espoirs (1961) de John Cassavetes

Titre original : « Too Late Blues »

La ballade des sans-espoirsPianiste et compositeur de jazz, Ghost refuse les compromissions et préfère jouer dans les parcs ou les écoles plutôt que de devoir ne plus jouer ce qu’il aime. Dans une soirée, il rencontre une jeune chanteuse Jess, un peu perdue, ne sachant comment démarrer sa carrière… Après un premier film très personnel Shadows (1961), John Cassavetes a fait une incursion dans le système hollywoodien conventionnel avec deux réalisations. Too Late Blues est la première des deux (1). En total contraste avec Shadows, Cassavetes adopte une structure plus classique mais il parvient à conserver une belle authenticité et à rester très près de ses personnages. Le film est généralement très mal considéré mais il ne manque pourtant pas de qualité ni d’intérêt. Il illustre bien cette errance des artistes, cette difficulté à se situer et à s’affirmer face à un système et le trouble que cela engendre dans les relations personnelles, laissées de côté. C’est le crooner Bobby Darin qui en interprète le rôle principal qui visiblement n’est pas toujours à l’aise avec les méthodes de semi-improvisation de Cassavetes. La musique est interprétée par Benny Carter, Red Mitchell et Milt Bernhart.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bobby Darin, Stella Stevens, Everett Chambers
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(1) le second est A Child is Waiting (1963) pour le producteur Stanley Kramer. Ensuite, il faudra attendre 1968 avec Faces pour sa réalisation suivante, très personnelle celle-là.

La ballade des sans-espoirs (Too Late Blues)Stella Stevens et Bobby Darin dans La ballade des sans-espoirs (Too Late Blues) de John Cassavetes.