6 novembre 2011

Le baiser (1929) de Jacques Feyder

Titre original : « The Kiss »

The KissLe cœur brisé, Irene doit se résigner à ne plus voir l’homme qu’elle aime en secret car elle ne peut divorcer de son mari âgé, terriblement jaloux, avec qui elle est liée par un mariage sans amour. De plus, un très jeune fils des amis du couple est follement épris d’elle et brûle de se déclarer… The Kiss (Le baiser) est le dernier film muet de Greta Garbo. A l’âge de 24 ans, l’actrice était déjà une très grande star. Le réalisateur d’origine belge Jacques Feyder tourne ici son premier film à Hollywood. Greta Garbo montre une grande richesse dans son jeu ; elle est, comme toujours, très expressive mais c’est surtout l’étendue de la palette de sentiments qu’elle provoque chez le spectateur qui étonne le plus. Il suffit de voir comment elle est capable de passer en quelques secondes du bonheur à la tristesse la plus intense ou encore de modeler son jeu selon la personnalité de son partenaire :The Kiss face au jeune Lew Ayres, elle est beaucoup plus légère et frivole que face à Conrad Nagel, son amant plus âgé. Elle joue avec un naturel confondant, on est sous le charme. A noter que c’est le premier film où elle accomplit un acte violent. The Kiss est pour Lew Ayres, 20 ans, son premier rôle : il montre une belle présence à l’écran (1). Gros succès à l’époque, ce film nous montre à quel point Greta Garbo, « La divine », était bien l’une des plus grandes actrices du muet avant d’être une grande star du parlant. (film muet)
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Greta Garbo, Conrad Nagel, Lew Ayres, Anders Randolf
Voir la fiche du film et la filmographie de Jacques Feyder sur le site IMDB.

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Le baiser Remarques :
Jacques Feyder dirigera à nouveau Greta Garbo l’année suivante pour la version allemande du premier film parlant de Greta Garbo : Anna Christie. Il rentrera en France peu après, désillusionné d’Hollywood.

(1) Le deuxième grand rôle de Lew Ayres lui apportera une consécration encore plus grande : A l’ouest rien de nouveau (All Quiet on the Western Front) de Lewis Milestone (1930)

5 novembre 2011

En cas de malheur (1958) de Claude Autant-Lara

En cas de malheurUn grand avocat parisien accepte de défendre gratuitement une jeune femme âgée de vingt ans. Il réussit à la faire acquitter du hold-up qu’elle a commis et elle devient sa maitresse… En cas de malheur est adapté d’un roman de Georges Simenon qui fait se rencontrer deux êtres que tout oppose : l’un est un grand bourgeois, réfléchi, avec l’assurance que procure la réussite sociale, mais aussi empêtré dans les conventions de son milieu, l’autre est une jeune écervelée, libérée, frivole et délinquante. Le sujet était audacieux dans les années cinquante, il le paraît beaucoup moins aujourd’hui. Le film peut même sembler un peu ennuyeux, d’autant plus que si Gabin est parfait dans ce rôle qui lui va comme un gant, Brigitte Bardot montre ses limites en tant qu’actrice, tout comme Franco Interlenghi d’ailleurs. Claude Autant-Lara n’était peut-être pas très à l’aise pour diriger l’actrice, véritable petite bombe qui bousculait le cinéma français mais qui avait besoin d’être étroitement dirigée. En cas de malheur fut un grand succès populaire, sans doute un peu porté par le propos légèrement sulfureux (il y a même une scène très suggestive de ménage à trois).
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Brigitte Bardot, Edwige Feuillère, Franco Interlenghi, Nicole Berger
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Remarques :
On raconte que Brigitte Bardot déambulait ostensiblement au bras d’un technicien différent chaque jour pour faire enrager Autant-Lara qu’elle savait assez prude. Cette anecdote témoigne du fossé qui séparait l’actrice de son metteur en scène.

Remake :
En plein coeur de Pierre Jolivet (1998) avec Virginie Ledoyen reprenant le rôle de Brigitte Bardot, Gérard Lanvin celui de Gabin et Carole Bouquet celui d’Edwige Feuillère.

4 novembre 2011

The killer inside me (2010) de Michael Winterbottom

The Killer Inside MeDans le Texas des années cinquante, le jeune adjoint au sheriff Lou Ford est chargé d’expulser une prostituée qui vend ses charmes un peu en dehors de la ville. Il va l’utiliser pour assouvir une vieille vengeance… The Killer Inside Me est un film noir adapté d’un roman de Jim Thompson. Le climat créé par Michael Winterbottom est assez remarquable. Il repose beaucoup sur son acteur principal, Casey Affleck, qui porte tout le film sur ses épaules : son apparence extérieure, juvénile et avenante (et quelle voix !), contraste très fortement avec la noirceur de son intérieur, un être destructeur à l’extrême. La placidité du récit est interrompue par des soudaines montées de violence dans deux scènes rendues passablement dures par leur intensité et leur caractère cru. Malgré les justifications données par le réalisateur (1), on peut y voir une volonté de choquer ou une certaine complaisance. L’ensemble n’est pas moins très prenant. La fin est assez étonnante. A noter également un superbe générique de début, très graphique. The Killer Inside Me séduit par son personnage central fort et une atmosphère tout en contrastes.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Casey Affleck, Kate Hudson, Jessica Alba, Ned Beatty, Elias Koteas, Tom Bower, Simon Baker
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(1) Le réalisateur justifie sa démarche en disant qu’il est préférable de d’exacerber la violence pour provoquer un rejet plutôt que de la banaliser en l’édulcorant.

Précédente adaptation (que Michael Winterbottom dit ne pas avoir vue) :
The Killer Inside Me (Ordure de flic) de Burt Kennedy (1976) avec Stacy Keach.

3 novembre 2011

L’école des contribuables (1934) de René Guissart

L'école des contribuablesPour plaire à sa femme et jouer un mauvais tour à son beau-père, directeur des Contributions, un jeune homme oisif décide de travailler en créant une agence de conseils financiers : il propose à ses clients de réduire leur imposition… L’école des contribuables est au départ une pièce de théâtre de Georges Berr et Louis Verneuil. La trame exploite avec beaucoup d’humour le thème des impôts et des estimations arbitraires de richesse. C’est la qualité des dialogues qui donne à cette histoire tout son sel, très bien servis par le trio d’acteurs Armand Bernard, Pierre Larquey et Paul Pauley, acteurs que l’on a plutôt l’habitude de voir dans les seconds rôles. Armand Bernard est particulièrement remarquable car doté d’un physique assez particulier, grand efflanqué plein de désinvolture et de fausse naïveté. Le rythme est assez enlevé, on ne s’ennuie pas une seconde. L’école des contribuables reste très amusant encore aujourd’hui.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Armand Bernard, Pierre Larquey, Paul Pauley, Mireille Perrey
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Remarques :
* Georges Berr est également l’auteur de la pièce Le Million adaptée par René Clair en 1931.
* René Guissart a été chef-opérateur sur une soixantaine de films  (dont Ben-Hur de Fred Niblo) avant de passer à la réalisation.
* L’école des contribuables a été diffusée en pièce de théâtre à la télévision dans le cadre de l’émission Au théâtre ce soir dans les années soixante dix.

2 novembre 2011

La dame de tout le monde (1934) de Max Ophüls

Titre original : « La signora di tutti »

La dame de tout le mondeActrice célèbre, Gaby Doriot tente de se suicider. Pendant que les médecins tentent de la sauver, sa vie défile devant ses yeux : sans qu’elle l’ait cherché, les hommes tombent amoureux d’elle avec des conséquences néfastes pour eux… La dame de tout le monde est le seul film italien de Max Ophüls qui, fuyant le nazisme, est d’abord allé en Italie avant de s’établir en France. Cette histoire d’amour fou et de vie privée étalée au grand jour est bien en avance sur son temps, tout d’abord sur le plan de l’histoire en elle-même qui préfigure des films comme Vie Privée et aussi sur le plan de la forme, puisque Max Ophüls se montre très inventif dans la construction et dans ses plans, étonnants de modernité et d’audace. Isa Miranda est, elle aussi, assez étonnante, proche par son physique et son jeu de Marlène Dietrich tout en ayant quelques points communs avec Garbo. Elle donne une réelle dimension à son personnage tout en préservant son ingénuité. La dame de tout le monde est, assez injustement, l’un des films les moins connus de Max Ophüls.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Isa Miranda, Memo Benassi, Tatyana Pavlova, Friedrich Benfer
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1 novembre 2011

Là-haut (2009) de Pete Docter et Bob Peterson

Titre original : « Up »

Là-hautUn septuagénaire accomplit son rêve d’enfant : s’envoler pour aller explorer les contrées sauvages d’Amérique du Sud… Sorti des studios Pixar, Là-haut a de bons côtés, de bonnes trouvailles qui émoustille notre imagination. L’histoire est volontairement très enfantine, fonctionnant avec des ressorts simples. L’envol puis le vol de la maison est la portion la plus réussie, le genre de séquence qui réveille notre âme d’enfant par l’émerveillement. Il y a aussi ponctuellement de très bons gags… mais que tout cela est formaté!
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: (voix) Edward Asner, Christopher Plummer, Jordan Nagai, Bob Peterson
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31 octobre 2011

Sommaire d’octobre 2011

Permission jusqu'à l'aubeBen-Hur: A tale of the ChristBenjamin ou Les mémoires d'un puceauMoonJack le magnifiqueLes amours de CarmenLe médaillonLes visiteurs du soir

Permission jusqu’à l’aube

(1955) de John Ford et Mervyn LeRoy

Ben-Hur: A tale of the Christ

(1925) de Fred Niblo

Benjamin
ou Les mémoires d’un puceau

(1968) de Michel Deville

Moon

(2009) de Duncan Jones

Jack le magnifique

(1979) de Peter Bogdanovich

Les amours de Carmen

(1948) de Charles Vidor

Le médaillon

(1946) de John Brahm

Les visiteurs du soir

(1942) de Marcel Carné

Black sundayL'opération diaboliqueYoyoCastle in the DesertThe invention of lyingUne fine moucheLa banquièreL'autre monde

Black sunday

(1977) de John Frankenheimer

L’opération diabolique

(1966) de John Frankenheimer

Yoyo

(1965) de Pierre Étaix

Castle in the Desert

(1942) de Harry Lachman

The invention of lying

(2009) de Ricky Gervais et Matthew Robinson

Une fine mouche

(1936) de Jack Conway

La banquière

(1980) de Francis Girod

L’autre monde

(2010) de Gilles Marchand

Darò un milioneDouble assassinat dans la rue MorgueAnnie du KlondikeDédée d'AnversLe cambrioleurBoulevard de la mortLes drakkarsFolie douce

Darò un milione

(1937) de Mario Camerini

Double assassinat dans la rue Morgue

(1932) de Robert Florey

Annie du Klondike

(1936) de Raoul Walsh

Dédée d’Anvers

(1948) de Yves Allégret

Le cambrioleur

(1957) de Paul Wendkos

Boulevard de la mort

(2007) de Quentin Tarantino

Les drakkars

(1964) de Jack Cardiff

Folie douce

(1941) de Jack Conway

Le père de mes enfants

Le père de mes enfants

(2009) de Mia Hansen-Løve

Nombre de billets : 25

31 octobre 2011

Permission jusqu’à l’aube (1955) de John Ford et Mervyn LeRoy

Titre original : « Mister Roberts »

Permission jusqu'à l'aubeSur un bâtiment de la marine américaine dédié au ravitaillement dans le Pacifique, le lieutenant Roberts, second du navire, se morfond de ne pas participer aux combats. Le capitaine, peu aimé de son équipage, fait en sorte que ses demandes de mutation soient refusées… Mister Roberts (Permission jusqu’à l’aube) était tout d’abord une pièce à succès à Broadway de la fin des années quarante. Henri Fonda reprend le rôle qu’il interprétait sur les planches bien qu’il avoue lui-même être un peu âgé pour son personnage (1). La direction est confiée à John Ford, afin d’assurer le succès. John Ford fait réécrire le scénario au grand dam de Fonda et rapidement les deux hommes s’opposent : le réalisateur frappe Henri Fonda qui se retrouve à terre ! Le tournage se poursuit néanmoins mais, suite à des problèmes de santé et d’excès d’alcool, John Ford doit arrêter. Mervyn LeRoy est appelé à la rescousse et (re-)tourne l’essentiel du film en revenant au plus près du scénario de la pièce. Mister Roberts est une comédie qui met en avant deux notions (qui devaient plaire à John Ford) : l’héroïsme ordinaire et le fait qu’un bon officier sait se faire aimer par ses hommes. Il y a quelques bonnes scènes, très amusantes, comme celle où Fonda/Powell/Lemmon concoctent un ersatz de whisky mais l’ensemble n’est pas aussi brillant hélas. Jack Lemmon se fera remarquer ici dans l’un de ses premiers films, William Powell est en revanche dans son dernier. Le film connut un grand succès.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Henry Fonda, James Cagney, William Powell, Jack Lemmon
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Remarques :
Joshua Logan, qui avait mis en scène la pièce à Broadway , a également tourné deux scènes.

(1) C’est John Ford qui a imposé Henri Fonda aux producteurs qui préféraient avoir Marlon Brando.

26 octobre 2011

Ben-Hur: A tale of the Christ (1925) de Fred Niblo

Ben-Hur: A Tale of the ChristBen-Hur: A Tale of the Christ est la deuxième des trois adaptations du roman de Lew Wallace. Ben-Hur raconte l’extraordinaire épopée d’un jeune juif au premier siècle de notre ère. A la même époque, Jésus fait naître un grand espoir parmi le peuple opprimé brutalement par les Romains… La toute jeune M.G.M. prenait un risque important avec cette coûteuse superproduction. Le tournage fut difficile : commencé en Italie (troublée à l’époque par la montée de Mussolini) sous la direction de Charles Brabin, il fut repris en main par Fred Niblo et fini à Hollywood. Le film est porté par un grand souffle épique avec deux grandes scènes d’anthologie : la bataille navale (qui est d’ailleurs bien plus réussie que dans la version de 1959, c’est même l’une des meilleures batailles filmées de toute l’histoire du cinéma) Ben-Hur: A Tale of the Christ et bien entendu la course de chars, sauvage et poignante. Toutes les scènes de foule sont impressionnantes, mais d’autres scènes sont très fortes, tel ce face à face entre Ben-Hur et Messala avant la course. Quelques scènes sont en couleurs, un procédé expérimental à deux couches (vert et rouge, pas de bleu) qui demandait un très fort éclairage. Grand film commercial, Ben-Hur: A Tale of the Christ fut un grand succès, l’un des plus importants de la décennie. Cette version muette est supérieure en bien des points à la version parlante de 1959.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Ramon Novarro, Francis X. Bushman, May McAvoy, Betty Bronson, Claire McDowell, Kathleen Key
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Remarques :
Ben-Hur: A Tale of the Christ * La bataille navale fut tournée en Italie par B. Reeves Eason. Lorsque les vents rabattirent la fumée de l’incendie d’un bateau sur un autre, les figurants pris de panique sautèrent tous dans l’eau (la scène a d’ailleurs été gardée pour le film). Or, beaucoup de figurants avaient menti sur le fait de savoir nager. La catastrophe fut évitée de justesse…

* La M.G.M. a choisi de ne jamais montrer le Christ pour lui donner une présence plus spirituelle que charnelle. Nous voyons son bras, mais pas son corps. Dans la (courte) scène de la cène, un personnage s’est assis juste devant la table pour nous bloquer la vue !

Ben-Hur: A Tale of the Christ* Pour la course de chars, la MGM a utilisé 42 caméras, postées à des endroits différents. La course a été terrible : aucune mort de cascadeurs, heureusement, mais plusieurs chevaux sont morts (notamment dans le violent accident dans le virage). Tout Hollywood s’est porté volontaire pour faire de la figuration dans cette scène, la liste est impressionnante : John Barrymore, Lionel Barrymore, Clarence Brown, Gary Cooper, Joan Crawford, Marion Davies, Douglas Fairbanks, George Fitzmaurice, Clark Gable, Janet Gaynor, John Gilbert, Dorothy Gish, Lillian Gish, Samuel Goldwyn (!!), Sid Grauman (oui le Grauman du Grauman Theater Ben-Hur: A Tale of the Christqui avait acheté fort cher une exclusivité de diffusion), Rupert Julian, Harold Lloyd, Carole Lombard, Myrna Loy, Colleen Moore, Mary Pickford, Fay Wray… pour ne citer que les plus connus. A part Myrna Loy qui joue une esclave visible dans une tribune, il est impossible de repérer des visages connus parmi tout ce monde. Clark Gable serait un garde romain (d’autres sources parlent d’un personnage dans la foule).

* Le tournage mouvementé de Ben-Hur est raconté dans l’excellent livre de Kevin Brownlow sur le cinéma muet : La Parade est passée…

* Les trois versions de Ben-Hur :
Ben-Hur de Sidney Olcott (1907) avec Herman Rottger et William S. Hart
Ben-Hur: A Tale of the Christ de Fred Niblo (1925) avec Ramon Navarro
Ben-Hur de William Wyler (1959) avec Charlton Heston

25 octobre 2011

Benjamin ou Les mémoires d’un puceau (1968) de Michel Deville

Benjamin ou Les mémoires d'un puceauA dix-sept ans, Benjamin, orphelin élevé à l’écart du monde, ignore tout des choses de la vie. Son précepteur le conduit chez sa tante, la comtesse de Valandry, dans l’espoir qu’elle le prenne sous sa protection. Benjamin va y découvrir l’amour… Benjamin ou Les mémoires d’un puceau est le fruit de la collaboration brillante entre Michel Deville et sa femme Nina Companéez qui a écrit le scénario. L’atmosphère de libertinage du XVIIIe siècle est joliment recréée, avec ses futilités, ses jeux du mensonge et de la vérité. La reconstitution est toutefois moderne, par les dialogues d’abord et aussi par une certaine simplification (1). Benjamin ou Les mémoires d'un puceau Le tableau est certes idyllique : toutes les femmes, jusqu’à la moindre soubrette, rivalisent de beauté et tout se déroule joyeusement, même si le jeu peut parfois devenir cruel. L’image de Ghislain Cloquet est de toute beauté, le film formant des sortes de tableaux vivants qui s’étourdissent de mouvement. Michel Deville a trouvé un équilibre subtil, évitant toute lourdeur ou à l’inverse tout excès de légèreté. C’est un enchantement. Le film est également servi par une distribution brillante. A noter que Pierre Clémenti sort ici de ses rôles de mauvais garçons Benjamin ou Les mémoires d'un puceaupour montrer beaucoup de candeur et d’innocence.  Benjamin ou Les mémoires d’un puceau est sorti à la fin des années soixante, une époque où ce marivaudage pouvait trouver certains échos. Le film paraît plus en décalage avec l’époque actuelle, ce qui peut certainement occasionner des réactions négatives. Pour l’apprécier, il faut prendre le film pour ce qu’il est avant tout : un divertissement élégant pour le plaisir des sens.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Michèle Morgan, Michel Piccoli, Pierre Clémenti, Catherine Deneuve, Jacques Dufilho, Francine Bergé, Catherine Rouvel, Odile Versois, Tania Torrens
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(1) Propos de Michel Deville juste avant la sortie du film : « Le XVIIIe est une époque que nous aimons bien, Nina Companeez et moi. Cela dit, ce XVIIIe siècle est, dans Benjamin, très stylisé. Les costumes sont débarrassés de toute dentelle superflue et les femmes ne portent pas de perruques blanches. Jamais nous n’avons essayé non plus de faire, par exemple, des reconstitutions de tableaux célèbres. Nos extérieurs, d’ailleurs, sont  beaucoup plus clairs et ensoleillés que les tableaux de Watteau ou de Fragonard. Là, nous sommes plus près, je crois, et à dessein, du XIXe. C’est à dire, le romantisme. Presque, déjà, l’impressionnisme… »
(…)
« Je voulais qu’en extérieurs mes seconds plans soient margés par la lumière, comme gommés par elle, et qu’en intérieurs ils soient gommés aussi, mais là par leur absence de lumière, de couleurs.  Et puis, toujours dans un but de simplification, à chaque personnage a été attribuée une couleur différente, couleur que le personnage conserve d’un bout à l’autre du film, même s’il change plusieurs fois de robe ou de costume. Ainsi, Michèle Morgan est toujours en bleu turquoise, Catherine Deneuve en blanc, etc. Couleurs que l’on retrouve d’ailleurs dans les décors où les personnages évoluent le plus souvent : la chambre de M. Morgan est bleue, etc. »
(Entretien avec Michel Deville, propos recueillis par Gérard Langlois, Cinéma 68 n°122)