9 janvier 2018

Nuits blanches sur la jetée (2014) de Paul Vecchiali

Nuits blanches sur la jetéeEn se promenant à la nuit tombée sur la jetée du port de Sainte-Maxime, un instituteur en année sabbatique fait la rencontre d’une jeune femme. Tous deux entament une discussion qu’ils vont poursuivre les jours suivants. Elle lui raconte attendre le retour de l’homme qu’elle aime… Nuits blanches sur la jetée est adapté du roman Les Nuits blanches de Fédor Dostoïevski, précédemment porté à l’écran par Visconti en 1957 et par Robert Bresson en 1971. Le format choisi par Paul Vecchiali est séduisant par son originalité : une mise en scène minimaliste, nocturne, avec deux acteurs et un lieu unique, la jetée. Il y a deux types de fond, assez opposés, en accord avec l’état d’esprit du moment : le Golfe de Saint-Tropez et ses lumières qui apparaissent comme des boules multicolores qui incitent à l’optimisme ou bien le mur austère de la jetée, plutôt du genre « no future ». Nuits blanches sur la jetée est un film dont on aimerait dire du bien mais, hélas, il peine à exprimer la richesse des sentiments de ses deux personnages et se révèle finalement assez confus. Les effets d’interprétation sont en outre appuyés. Pascal Cervo joue trop sur l’impénétrabilité pour exprimer le dilemme de son personnage qui, doté d’une piètre opinion de lui-même, est tiraillé entre son désir de s’interposer et ses propres peurs. De son côté, Astrid Adverbe tente de montrer la passion de son personnage par des changements très soudains. On en vient presque à oublier la beauté du texte.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Astrid Adverbe, Pascal Cervo
Voir la fiche du film et la filmographie de Paul Vecchiali sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Voir les livres sur Paul Vecchiali

Remarques :
* Le noir et blanc de la scène entre Pascal Cervo et Geneviève Montaigu n’était pas voulu. En réalité, la scène fut filmée en couleurs avec des rideaux rouges… à l’aide d’un Iphone. Mécontent du rendu des couleurs mais satisfait de l’interprétation, Paul Vecchiali a préféré la convertir en noir et blanc plutôt que la tourner de nouveau.
* Le vieux pêcheur de la scène qui ouvre le film est interprété par Paul Vecchiali lui-même.

Nuits blanches sur la jetée
Pascal Cervo et Astrid Adverbe dans Nuits blanches sur la jetée de Paul Vecchiali.

27 décembre 2017

My Sweet Pepper Land (2013) de Hiner Saleem

My Sweet Pepper LandHéros des combats pour l’indépendance, Baran accepte un poste de policier au commissariat d’un village isolé au nord du Kurdistan irakien, près de la frontière turque. Là, il fait la rencontre de Govend, une jeune femme qui est venu tenir le poste d’institutrice. Tous deux vont se heurter au chef mafieux local qui règne en maître sur la région…
Production franco-germano-kurde, My Sweet Pepper Land a été écrit et réalisé par le réalisateur kurde Hiner Saleem. Il y souligne l’archaïsme et la pesanteur d’un pays en pleine mutation. Le western américain a souvent traité cette période charnière où la loi de l’Etat doit s’imposer aux grands propriétaires locaux habitués à régner sur leur région. Hiner Saleem cultive cette analogie en donnant une grande importance aux chevaux, unique moyen de transport, et par divers détails tels les chapeaux. Mais le plus étonnant est la façon dont il parvient à instiller de l’humour dans cette histoire dure et tragique. Cet humour est parfois très noir comme dans la scène de pendaison lamentablement ratée qui ouvre le film. L’image est assez belle, le film a été tourné sur place en décors naturels. En dehors des quelques personnages principaux, tous les rôles sont tenus par des acteurs non professionnels. Hiner Saleem tient lui-même le rôle du photographe. S’il n’est pas sans maladresse, le film est particulièrement convaincant.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Korkmaz Arslan, Golshifteh Farahani
Voir la fiche du film et la filmographie de Hiner Saleem sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Voir les autres films de Hiner Saleem chroniqués sur ce blog…

My Sweet Pepper Land
Golshifteh Farahani dans My Sweet Pepper Land de Hiner Saleem.

My Sweet Pepper Land
Golshifteh Farahani et Korkmaz Arslan dans My Sweet Pepper Land de Hiner Saleem.

8 novembre 2017

J. Edgar (2011) de Clint Eastwood

J. EdgarJ. Edgar Hoover raconte à une jeune recrue chargée d’écrire sa biographie les quelque cinquante années qu’il a passées à la tête du FBI … Ce film d’Eastwood laisse un goût un peu bizarre. Hoover est un personnage guère recommandable, capable de toutes les bassesses pour poursuivre sa croisade obsessionnelle contre le crime et la « subversion bolchévique ». Avec ses dossiers secrets, il a fait chanter plusieurs générations d’hommes et femmes publiques, y compris plusieurs présidents (de Roosevelt à Nixon), ce qui explique sa longévité. Le regard que Clint Eastwood porte sur Hoover est aussi ambigu qu’inconsistant. Il est ambigu car le réalisateur, qui n’a jamais caché ses préférences politiques, décrit bien toutes les tares du personnage mais tend à les minimiser ou à les expliquer, et donc les justifier. Il est inconsistant car finalement il ne dit rien. L’art de Clint Eastwood est dire les choses tout en laissant quelques pistes pour pouvoir éventuellement y voir le contraire : par exemple, il nous montre une enquête rondement et intelligemment menée aboutissant à l’arrestation du kidnappeur du fils Lindbergh tout en introduisant une petite confusion dans les détails qui permet à certaines personnes attentives (ou à l’esprit mal tourné !) de comprendre que les preuves ont été fabriquées de toutes pièces. Ainsi, il coupe court à la critique et satisfait tout le monde. Finalement, il parvient à contourner tous les sujets qui fâchent et noie l’ensemble dans un torrent de sentimentalisme bon marché sur son homosexualité (présumée) à propos de laquelle il réussit à ne rien dire du tout (si ce n’est qu’il était homosexuel sans l’être vraiment) et sur sa mère castratrice qui en a fait un infirme social… Si le film est très ambigu sur le fond du fait de la fascination d’Eastwood pour son personnage, la forme est plus séduisante : extrêmement convaincant dans son personnage, Leonardo Di Caprio fait une superbe prestation et son maquillage de sexagénaire est extraordinaire. Le pauvre Armie Hammer n’a pas eu la même chance : vieilli, il semble affublé d’un masque mal ajusté qui aurait été prévu pour quelqu’un d’autre. Les critiques furent unanimement élogieuses…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Leonardo DiCaprio, Armie Hammer, Naomi Watts, Judi Dench
Voir la fiche du film et la filmographie de Clint Eastwood sur le site IMDB.

Voir les autres films de Clint Eastwood chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Clint Eastwood

J. Edgar
Leonardo DiCaprio et Armie Hammer dans J. Edgar de Clint Eastwood.

1 octobre 2017

Vampires en toute intimité (2014) de Jemaine Clement et Taika Waititi

Titre original : « What We Do in the Shadows »

Vampires en toute intimitéLa vie quotidienne n’est pas toujours facile pour quatre vampires en colocation dans une banlieue de Wellington…
Ecrit, joué et réalisé par les néo-zélandais Jemaine Clement et Taika Waititi, Vampires en toute intimité se présente comme un faux-documentaire sur la vie de tous les jours (ou plutôt : de toutes les nuits) d’un petit groupe de vampires aux tempéraments très différents. L’idée de départ est originale et amusante mais le véritable tour de force est de parvenir à tenir la longueur : de nouveaux personnages sont intelligemment introduits peu à peu et relancent bien notre intérêt. Il n’y a aucun excès de scènes d’épouvante ou sanguinolentes, l’humour jouant principalement sur le décalage et la dérision.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jemaine Clement, Taika Waititi, Jonny Brugh
Voir la fiche du film et la filmographie de Jemaine Clement et Taika Waititi sur le site IMDB.

Remarques :
* Chaque personnage est directement inspiré d’un personnage de film :
Petyr est inspiré du Nosferatu de Murnau, Vladislav du Dracula de Coppola (joué par Gary Oldman), Deacon du Dracula de Tod Browning (joué par Bela Lugosi), Viago du vampire de Entretien avec un vampire de Neil Jordan (joué par Brad Pitt) et le jeune Nick d’un personnage de Twilight de Catherine Hardwicke (joué par Robert Pattinson).

* Le film est en bonne partie improvisé. Les auteurs/réalisateurs ont écrit un scénario de 150 pages qu’ils n’ont pas montré aux autres acteurs pour privilégier la spontanéité. Stu n’est pas un acteur, c’est un véritable informaticien qui s’appelle vraiment Stu.

Vampires en toute intimité

(de g. à d.) Jemaine Clement, Taika Waititi (debout), Ben Fransham, Jonny Brugh, Cori Gonzalez-Macuer, Stu Rutherford dans Vampires en toute intimité de Jemaine Clement et Taika Waititi.

19 août 2017

While We’re Young (2014) de Noah Baumbach

While We're YoungLes quarantenaires Cornelia et Josh sont mariés et heureux en ménage. Josh s’échine à terminer le montage d’un documentaire sur un sujet assez hermétique. Ils font la rencontre d’un couple qui leur ressemble, en plus jeune, plus libre, plus créatif… Ecrit et réalisé par Noah Baumbach, While We Are Young (= tant que nous sommes jeunes) est, on l’aura compris, une comédie existentielle sur la crainte de vieillir et le désir de retrouver les émotions de sa jeunesse. Peut-on la rapprocher des films de Woody Allen comme beaucoup de critiques l’ont fait ? Oui, dans le sens où nous sommes dans le milieu intellectuel newyorkais et où les dialogues sont parfois brillants mais le fond du propos reste bien banal, reposant sur des clichés. Le réalisateur y mêle des réflexions sur l’évolution des technologies et sur l’éthique de la création mais, là aussi, sans dépasser le stade des lieux communs. Son héros est en prise avec une figure paternelle forte dont il refuse l’aide. Noah Baumbach étant lui-même quarantenaire et fils d’un romancier et critique de cinéma, on peut supposer que le propos du film rejoint ses propres préoccupations. While We Are Young n’est pas vraiment ennuyeux mais il n’est pas intéressant pour autant…
Elle: 2 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Naomi Watts, Ben Stiller, Adam Driver, Amanda Seyfried
Voir la fiche du film et la filmographie de Noah Baumbach sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Voir les autres films de Noah Baumbach chroniqués sur ce blog…

While we are young
Amanda Seyfried, Adam Driver, Ben Stiller et Naomi Watts dans While We’re Young de Noah Baumbach.

13 août 2017

Une nouvelle année (2014) de Oksana Bychkova

Titre original : « Eshche odin god »

Une nouvelle annéeMoscou, hiver 2013. Jeune provincial déraciné, Igor fait le taxi de nuit, clandestinement. Il est marié à la pétillante Zhéna qui vient de trouver un emploi de graphiste dans un magazine en ligne. Igor se sent vite dépassé par cette nouvelle vie et le décalage entre eux grandit… Une nouvelle année est l’adaptation actualisée d’un roman du dramaturge Alexandre Volodine, l’un des disciples de Tchekhov. Il s’agit du cinquième long-métrage de la réalisatrice russe Oxana Bychkova, le premier à sortir en France. Ce couple est bien entendu une métaphore de la Russie contemporaine, tiraillée entre ses traditions et l’ouverture à la modernité. La réalisatrice procède par petites touches, nous fait suivre le couple dans certaines de leurs activités quotidiennes qui montrent leurs différences : quand elle essaie de lui faire acheter un blouson jaune, lui préfère un blouson classique noir qui « le fait ressembler à un vigile ». Certaines scènes paraissent vraiment très longues. Le dénouement est toutefois d’un bel optimisme.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Nadya Lumpova, Aleksey Filimonov, Natalya Tereshkova
Voir la fiche du film et la filmographie de Oksana Bychkova sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Remarque :
* Les deux acteurs principaux sont tombés amoureux l’un de l’autre pendant le tournage.

Une nouvelle année
Aleksey Filimonov et Nadya Lumpova dans Une nouvelle année de Oksana Bychkova.

19 juillet 2017

Alabama Monroe (2012) de Felix van Groeningen

Titre original : « The Broken Circle Breakdown »

Alabama MonroeDidier joue du banjo dans un groupe de Bluegrass et vénère l’Amérique. Avec Elise, qui tient un salon de tatouages, ils vivent une relation fusionnelle. On découvre que leur fille Maybelle, âgée de sept ans, est atteinte d’un grave cancer… Alabama Monroe est l’adaptation d’une pièce de théâtre écrite par Johan Heldenbergh et Mieke Dobbels, The Broken Circle Breakdown featuring the Cover-Ups of Alabama, qui a connu un énorme succès en Belgique flamande et aux Pays-Bas. Johan Heldenbergh reprend son rôle à l’écran. C’est à la fois une histoire assez dure sur la maladie et qui fustige les réticences d’origine religieuse sur la recherche médicale (1), et une mise en avant de la musique Bluegrass où les morceaux sont intégrés aux évènements et en  sont partie prenante. L’alliance du Bluegrass avec le drame n’est pas totalement incongru (même si les frères Coen avaient plutôt fait l’inverse dans O’Brother). Le réalisateur belge Felix van Groeningen a choisi de déstructurer son récit ; il va hélas beaucoup trop loin dans cette voie, entremêlant passé et même futur au présent, passant allègrement et sans prévenir d’une période à l’autre, ce qui finit par être inutilement perturbant. Belles interprétations de Johan Heldenbergh et de Veerle Baetens, tatouée des pieds à la tête…
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Johan Heldenbergh, Veerle Baetens
Voir la fiche du film et la filmographie de Felix van Groeningen sur le site IMDB.

Remarques :
* Le titre original du film fait référence à un morceau emblématique du bluegrass, Will the Circle Be Unbroken, qui est à la base un hymne religieux et qui est chanté par le groupe au début du film. C’est en quelque sorte un retournement du titre (et par ailleurs, en plus de sa signification de « chute », beaucoup de titres d’instrumentaux finissent par breakdown.
* Formé à l’occasion, le groupe de bluegrass The Broken Circle Breakdown Bluegrass Band connaît depuis la sortie du film un énorme succès en Belgique. Les ventes de la musique originale du film ont battu tous les records en ce pays.

(1) En 2006, sur des motivations religieuses, George Bush a mis son veto sur les crédits à la recherche médicale sur les cellules souches embryonnaires votés par le Sénat américain. Ce veto a été levé par Obama en 2009.

Alabama Monroe
Veerle Baetens et Johan Heldenbergh dans Alabama Monroe de Felix van Groeningen.

Alabama Monroe
Veerle Baetens et Nell Cattrysse dans Alabama Monroe de Felix van Groeningen.

Alabama Monroe
Johan Heldenbergh et Veerle Baetens dans Alabama Monroe de Felix van Groeningen.

23 juin 2017

Une merveilleuse histoire du temps (2014) de James Marsh

Titre original : « The Theory of Everything »

Une merveilleuse histoire du tempsEn 1963 à Cambridge, le jeune Stephen est un étudiant brillant en cosmologie qui cherche encore son sujet de thèse. Ce sera « le temps ». Il tombe amoureux d’une étudiante en art avant de découvrir qu’il est atteint de la maladie de Charcot. On ne lui donne tout au plus que deux ans à vivre… S’il est une personne qui mérite amplement d’avoir un biopic sur son parcours, c’est bien Stephen Hawkins dont le parcours est exemplaire. Que ce soit dans le domaine de la physique ou dans sa vie personnelle, il symbolise à merveille les vertus du « think outside the box » et de la ténacité : par une approche originale, il est le premier physicien à avoir laissé entrevoir la possibilité d’un rapprochement entre la relativité générale et la mécanique quantique (la fameuse « théorie du tout », d’où le titre original du film) et il a persisté à vouloir vivre malgré les sombres pronostics et les difficultés dues à son handicap. Bien entendu, le film insiste beaucoup plus sur sa maladie que sur ses travaux et on y retrouve les codes et travers du genre (ces films montrent toujours les 5% d’inspiration mais jamais les 95% de transpiration), mais il s’agit heureusement d’un film anglais… le même film fait par Hollywood aurait certainement été terrifiant ! Eddie Redmayne est à la fois saisissant et touchant. Une merveilleuse histoire du temps est un beau film qui rend un juste hommage à ce scientifique hors du commun.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Eddie Redmayne, Felicity Jones
Voir la fiche du film et la filmographie de James Marsh sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Remarques :
* Le film est basé sur l’autobiographie de Jane Hawkins.
* Stephen Hawkins a aujourd’hui 75 ans. Il a récemment réaffirmé son intention d’aller dans l’espace avec Virgin Galactic (sa place est réservée).
* Pour en savoir plus sur les travaux de Stephen Hawkins : une vidéo de Science étonnante (excellente chaîne YouTube sur la physique de David Louapre).

The theory of everything
Maxine Peake, Eddie Redmayne et Felicity Jones dans Une merveilleuse histoire du temps de James Marsh.

Stephen Howkins
A gauche, le mariage de Stephen Hawkins en 1965, à droite la scène reconstituée dans Une merveilleuse histoire du temps de James Marsh.

15 juin 2017

Under the Skin (2013) de Jonathan Glazer

Under the SkinUn alien, ayant pris l’apparence d’une jeune femme très séduisante (Scarlett Johansson), sillonne les rues de Glasgow en Ecosse au volant d’un van. Elle cherche à attirer des hommes seuls pour les conduire dans une maison où ils sont comme « consommés » ou « assimilés »… Basé sur un roman de Michel Faber, néerlandais et écossais d’adoption, Under the Skin est un film pour le moins étonnant. Il ne ressemble à nul autre. L’anglais Jonathan Glazer a mis près de dix ans à le mettre sur pied. La base du scénario est assez classique, un thème récurrent dans la science-fiction : la découverte de la richesse du ressenti humain par un extraterrestre le pousse à vouloir devenir humain (thème que j’ai toujours trouvé un peu présomptueux, soit-dit en passant!) Mais, ce thème ne sert finalement que de trame. Si le film est envoûtant, c’est plus par sa forme et les belles trouvailles de Jonathan Glazer : il crée un contraste surprenant entre les scènes « humaines » au style de documentaire social avec des vues réelles, et les scènes « aliens » épurées à l’extrême, très stylisées. La rareté des paroles alliée à une musique très pleine, parfois à la limite de la dissonance, contribue à créer une atmosphère forte et étrange. L’hiver écossais est bien exploité par le réalisateur : le brouillard qui symbolise le passage d’un monde à l’autre pour l’héroïne, la forêt aux allures féériques qui symbolise sa difficulté à décrypter l’esprit humain. Tout cela est assez superbe. La médiatisation du fait que Scarlett Johansson a fait elle-même toutes les scènes de nu a contribué à donner au film une audience très large. Film étrange, unique, prégnant, Under the Skin pourra être diversement apprécié.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Scarlett Johansson
Voir la fiche du film et la filmographie de Jonathan Glazer sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Remarques :
* Jonathan Glazer fait un hommage à Kubrick dans la première scène et les motards sont un hommage à Cocteau : ces émissaires de l’intelligence alien, chargés des basses besognes et également de retrouver Scarlett pour la remettre dans le droit chemin, rappellent en effet les messagers de la Mort dans Orphée.
* Les hommes qui montent dans le van ne savaient pas qu’il s’agissait d’un film, ils n’ont été prévenus qu’après, à l’exception toutefois de l’homme au visage déformé, Adam Pearson atteint d’une maladie génétique, qui a été recruté.
* Le van était truffé de huit caméras, camouflées et tournant simultanément, de minuscules caméra CCD de la taille d’une GoPro mais pouvant être montée avec un (gros) objectif anamorphique super16.

Under the Skin
Scarlett Johansson dans Under the Skin de Jonathan Glazer.

Under the Skin
La « fabrication » de Scarlett Johansson ouvre le film…  un évident hommage à 2001, l’odyssée de l’espace. Jonathan Glazer rapproche visuellement l’infiniment grand, l’espace, et l’infiniment petit. Superbe.

16 mai 2017

Les Nouveaux Sauvages (2014) de Damián Szifron

Titre original : « Relatos salvajes »

Les nouveaux sauvagesCoproduit par les frères Almodóvar, ce film argentin renoue brillamment avec la tradition des films à sketches. Il n’est pas sans rappeler Les Monstres de Dino Risi. Les six histoires qui composent Les Nouveaux Sauvages mettent en relief les travers de la société et de la nature humaine. La colère, le désir de vengeance, la corruption, l’abus de pouvoir sont la cause de situations qui dégénèrent en drames et c’est d’autant plus frappant que le point de départ n’a parfois qu’une importance très relative. Sur ce plan, le sketch de l’ingénieur Bombita est l’un des plus savoureux car on le voir partir en guerre et détruire sa vie pour finalement peu de choses. Cinq des six sketches sont ainsi basés sur des réactions (très) excessives, sur des personnages qui « pètent les plombs ». La forme est tout autant enthousiasmante : Damián Szifron, qui a écrit lui-même le scénario, en maitrise parfaitement le déroulement et l’image est vraiment très belle, surtout dans la composition des plans. Le film fut un immense succès en Argentine et ailleurs, il fut même nominé aux Oscars. Les Nouveaux Sauvages est un film savoureux.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: María Marull, Leonardo Sbaraglia, Ricardo Darín, Oscar Martínez, Erica Rivas
Voir la fiche du film et la filmographie de Damián Szifron sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Les Nouveaux Sauvages
María Marull dans le sketch « Pasternak » de Les Nouveaux Sauvages de Damián Szifron.
>> Dans un avion, les passagers réalisent qu’ils ont un étrange point commun…

Les Nouveaux Sauvages
Julieta Zylberberg et Rita Cortese dans le sketch « Les Rats » de Les Nouveaux Sauvages de Damián Szifron.
>> La serveuse d’un restaurant reconnait un mafieux qui a détruit sa famille. La cuisinière propose une solution plutôt radicale…

Les Nouveaux Sauvages
Water Donado et Leonardo Sbaraglia dans le sketch « La Route de l’enfer » de Les Nouveaux Sauvages de Damián Szifron.
>> Sur la route, des petits incidents peuvent dégénérer… vraiment.

Les Nouveaux Sauvages
Ricardo Darín (au centre) dans le sketch « Bombita » de Les Nouveaux Sauvages de Damián Szifron.
>> Un ingénieur ne supporte pas que sa voiture ait été mise en fourrière…

Les Nouveaux Sauvages
Osmar Núñez, Diego Velazquez et Oscar Martínez dans le sketch « La Proposition » de Les Nouveaux Sauvages de Damián Szifron.
>> Le fils d’un bourgeois aisé a renversé une femme enceinte. Pour protéger sa famille, le père va proposer un arrangement très particulier…

Les Nouveaux Sauvages
Erica Rivas dans le sketch « Jusqu’à ce que la mort nous sépare » de Les Nouveaux Sauvages de Damián Szifron.
>> Quand la jalousie s’invite à un mariage, le résultat peut être passablement explosif…

Les Nouveaux Sauvages
Superbe plan : Erica Rivas et Marcelo Pozzi dans le sketch « Jusqu’à ce que la mort nous sépare » de Les Nouveaux Sauvages de Damián Szifron.