15 juin 2017

Under the Skin (2013) de Jonathan Glazer

Under the SkinUn alien, ayant pris l’apparence d’une jeune femme très séduisante (Scarlett Johansson), sillonne les rues de Glasgow en Ecosse au volant d’un van. Elle cherche à attirer des hommes seuls pour les conduire dans une maison où ils sont comme « consommés » ou « assimilés »… Basé sur un roman de Michel Faber, néerlandais et écossais d’adoption, Under the Skin est un film pour le moins étonnant. Il ne ressemble à nul autre. L’anglais Jonathan Glazer a mis près de dix ans à le mettre sur pied. La base du scénario est assez classique, un thème récurrent dans la science-fiction : la découverte de la richesse du ressenti humain par un extraterrestre le pousse à vouloir devenir humain (thème que j’ai toujours trouvé un peu présomptueux, soit-dit en passant!) Mais, ce thème ne sert finalement que de trame. Si le film est envoûtant, c’est plus par sa forme et les belles trouvailles de Jonathan Glazer : il crée un contraste surprenant entre les scènes « humaines » au style de documentaire social avec des vues réelles, et les scènes « aliens » épurées à l’extrême, très stylisées. La rareté des paroles alliée à une musique très pleine, parfois à la limite de la dissonance, contribue à créer une atmosphère forte et étrange. L’hiver écossais est bien exploité par le réalisateur : le brouillard qui symbolise le passage d’un monde à l’autre pour l’héroïne, la forêt aux allures féériques qui symbolise sa difficulté à décrypter l’esprit humain. Tout cela est assez superbe. La médiatisation du fait que Scarlett Johansson a fait elle-même toutes les scènes de nu a contribué à donner au film une audience très large. Film étrange, unique, prégnant, Under the Skin pourra être diversement apprécié.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Scarlett Johansson
Voir la fiche du film et la filmographie de Jonathan Glazer sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Remarques :
* Jonathan Glazer fait un hommage à Kubrick dans la première scène et les motards sont un hommage à Cocteau : ces émissaires de l’intelligence alien, chargés des basses besognes et également de retrouver Scarlett pour la remettre dans le droit chemin, rappellent en effet les messagers de la Mort dans Orphée.
* Les hommes qui montent dans le van ne savaient pas qu’il s’agissait d’un film, ils n’ont été prévenus qu’après, à l’exception toutefois de l’homme au visage déformé, Adam Pearson atteint d’une maladie génétique, qui a été recruté.
* Le van était truffé de huit caméras, camouflées et tournant simultanément, de minuscules caméra CCD de la taille d’une GoPro mais pouvant être montée avec un (gros) objectif anamorphique super16.

Under the Skin
Scarlett Johansson dans Under the Skin de Jonathan Glazer.

Under the Skin
La « fabrication » de Scarlett Johansson ouvre le film…  un évident hommage à 2001, l’odyssée de l’espace. Jonathan Glazer rapproche visuellement l’infiniment grand, l’espace, et l’infiniment petit. Superbe.

6 mars 2017

Matrix (1999) de Wachowski Brothers

Titre original : « The Matrix »

MatrixUn jeune programmeur, hacker à ses heures sous le pseudonyme de Neo, est contacté via son ordinateur par de mystérieux correspondants. Ils lui font découvrir que le monde dans lequel il vit n’est qu’un monde virtuel où les êtres humains sont gardés sous contrôle… Film marquant de science-fiction, Matrix reprend l’un des thèmes majeurs de la littérature de science-fiction cyberpunk, à savoir celui d’un contrôle social par la création d’un simulacre du réel. L’idée est finalement proche de l’allégorie de la caverne de Platon et constitue un point de départ à de multiples développements philosophiques : notre rapport à la réalité, à la machine et à l’intelligence artificielle, la définition de la vérité, de la raison, de la liberté. C’est le propre de la meilleure science-fiction de pouvoir ainsi être une base de réflexion assez vertigineuse. L’apparence extérieure reste celle d’un film d’action avec des effets spéciaux très remarqués (le fameux « bullet time ») et des combats parfois un peu longuets mais l’ensemble est remarquablement bien dosé grâce à sa richesse de contenu. Les deux suites seront moins intéressantes avec un scénario alambiqué dont la principale fonction semble être de servir de prétexte à une surenchère d’effets spéciaux.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Keanu Reeves, Laurence Fishburne, Carrie-Anne Moss, Hugo Weaving, Joe Pantoliano, Marcus Chong
Voir la fiche du film et la filmographie de Wachowski Brothers sur le site IMDB.

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Remarques :
* L’effet « Bullet Time » (qui consiste à faire tourner la caméra autour d’un personnage immobile ou au ralenti) a été utilisée en premier par Michel Gondry en 1995 dans un clip des Rolling Stones puis dans une publicité pour une grande marque de vodka. Au cinéma, la première utilisation est dans Lost In Space de Stephen Hopkins (1998). La technique utilise une batterie d’appareils photos disposés autour du personnage qui sont déclenchés soit en même temps (personnage immobile), soit avec un léger décalage temporel (personnage au ralenti). L’effet est un peu obsolète aujourd’hui où l’on préfère souvent tout recréer en 3D.

* A sa sortie, le film était signé par les Wachowski Brothers. Aujourd’hui, il faut dire  sisters  puisque Larry est devenu Lana (officiel en 2010) et Andy est devenu Lilly (en 2016) à la suite de changements d’identité de genre.

* Trilogie :
The Matrix (1999)
The Matrix Reloaded (2003)
The Matrix Revolutions (2003)

Matrix
Matrix
Carrie-Anne Moss et Keanu Reeves dans Matrix des Wachowski Brothers.

3 mars 2017

Inception (2010) de Christopher Nolan

InceptionDans un avenir proche, Cobb a développé la capacité de s’immiscer dans les rêves d’une personne afin d’extraire des informations cachées dans le subconscient. Une extension de cette technique appelée Inception permet même d’insuffler une idée dans l’esprit de la personne afin de modifier son comportement dans la vie réelle… Le rêve comme moyen de créer une seconde dimension à la réalité a déjà été exploité dans la littérature de science-fiction, mais l’originalité de Christopher Nolan est d’explorer l’idée de pouvoir influencer le comportement par ce biais. De plus, il multiplie avec une grande virtuosité l’emboitement de plusieurs couches oniriques. Cette sophistication narrative n’est pas sans rappeler son film Memento. Il est un peu dommage que tout ceci ne serve finalement qu’à faire un film d’action et que le fond de l’histoire ne soit finalement guère passionnant mais le film reste très prenant à regarder par son intensité et ses effets spectaculaires. Christopher Nolan s’est amusé à laisser la fin ouverte à interprétation. Inception a connu un très grand succès public et critique à sa sortie.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Leonardo DiCaprio, Joseph Gordon-Levitt, Ellen Page, Tom Hardy, Ken Watanabe, Marion Cotillard
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Inception
Paris se replie sur lui-même sous les yeux de Leonardo DiCaprio dans Inception de Christopher Nolan.

Inception
Rêve ou réalité ? Inception de Christopher Nolan.

24 avril 2016

Blow-Up (1966) de Michelangelo Antonioni

Titre original : « Blowup »

Blow Up24 heures de la vie d’un photographe en vogue, dans le Swinging London du milieu des années soixante. Il va faire une découverte étonnante dans ses clichés… Blow Up marque un tournant dans la carrière d’Antonioni : c’est son premier film non-italien, le personnage principal n’en est pas une femme et la psychologie des personnages n’est pas l’objet du film. Antonioni se penche sur le rapport entre un individu et la réalité, sur son rapport avec le monde. La réalité perçue par l’appareil photographique est différente de celle qu’a perçue le photographe, changeant totalement la nature d’une scène à laquelle il a assisté. Grâce à la possibilité d’agrandissement (Blow-Up en anglais), la photo dévoile de plus en plus de choses, jusqu’à un certain point toutefois : trop agrandie, la photo devient semblable à la peinture abstraite du voisin du photographe, elle nécessite une interprétation (1). Le grain photographique devient alors générateur d’énigme. Les frontières sujet/objet et fiction/réalité sont donc mouvantes ou même s’effacent. C’est aussi une mise en abyme de la machine cinématographique et c’est pour cette raison que le film d’Antonioni eut une influence sur de nombreux réalisateurs (2). Accessoirement ou presque, le film est un témoignage de l’atmosphère du Swinging London sur lequel Antonioni porte un regard assez fasciné.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Vanessa Redgrave, David Hemmings, Sarah Miles, Jane Birkin
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Remarques :
* Le groupe pop qui joue dans le club est The Yardbirds avec Jimmy Page et Jeff Beck. Jeff Beck est particulièrement déchainé, cassant sa guitare à la demande d’Antonioni qui était fasciné par ce que faisait Pete Townshend (des Who) sur scène.
* La musique est composée par Herbie Hancock.
* Le personnage du photographe est librement inspiré des photographes de mode David Bailey et Terence Donovan.
* L’appareil que David Hemmings utilise la plupart du temps est un Nikon F (reflex 35mm) qui bénéficia ainsi d’une belle publicité gratuite. Dans le studio, on le voit aussi utiliser un Hasselblad 500.

(1) A noter que cette particularité n’a pas disparu avec la photo numérique, bien au contraire : on ne peut agrandir une photo au-delà de la résolution du capteur (sauf dans les films hollywoodiens…)
(2) La filiation la plus évidente est celle de Conversation secrète de Coppola (1974) qui est au son ce que Blow-up est à l’image, et également Blow Out de Brian De Palma (1981) qui développe le thème en intrigue policière.

Blow-Up
David Hemmings dans Blow Up de Michelangelo Antonioni.

Blow up
David Hemmings agrandit et osculte ses clichés dans Blow Up de Michelangelo Antonioni.

14 juillet 2015

The Truman Show (1998) de Peter Weir

The Truman ShowTruman Burbank est un vendeur d’assurances dans une petite ville calme située sur une île. Il mène une vie tranquille mais il a parfois la sensation d’être observé… Même si c’est probablement plus difficile aujourd’hui qu’à sa sortie, regarder The Truman Show sans rien savoir du fond de l’histoire est une expérience unique car Peter Weir ne dévoile que peu à peu ses cartes et la surprise est de taille. Donc, si vous avez l’intention de voir le film et ne connaissez pas le fond du propos, arrêtez la lecture la lecture de commentaire ici et ne lisez rien d’autre (car une seule phrase suffit pour le déflorer)………. Heureusement, The Truman Show garde tout son intérêt quand on en connaît déjà le thème. Le scénario d’Andrew Niccol est particulièrement brillant et le déroulement d’une perfection rare. Le film est souvent présenté comme une critique de la télé-réalité et du pouvoir de l’image. Il l’est, bien entendu, mais ce n’est pas l’essentiel car le propos va beaucoup plus loin que cela. Version moderne du mythe de la caverne de Platon, il explore les concepts philosophiques de réalité et d’existence : ce que nous percevons comme étant la réalité est-elle la même pour tous ? La réalité existe-t-elle en dehors de la conscience que nous en avons ? Quelle relation entre réalité et perception ? La réalité n’est-elle qu’une illusion ? Les personnes que nous rencontrons partagent-elles « notre réalité » lorsqu’elles sont hors de notre champ de perception ? Etc. Dans le cas de Truman, répondre à ces questions nous emmène très loin ! Et en prime, le film aborde la notion de constitution d’une existence, la relation entre sécurité et emprisonnement (on peut penser à Huxley) et même la notion de Dieu (le réalisateur). Beaucoup de réflexions en gestation… Mais The Truman Show peut se regarder aussi s’apprécier plus directement : parfaitement réalisé, il présente un bel équilibre, il nous amuse et nous intrigue. S’écartant quelque peu de son image foldingue, Jim Carrey fait une très belle prestation.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jim Carrey, Laura Linney, Noah Emmerich, Natascha McElhone, Ed Harris
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The Truman Show
Jim Carrey dans The Truman Show de Peter Weir (photo publicitaire).
La devise sur la double arche « Unus pro omnibus, omnes pro uno » est celle du show, traduction en latin du « Un pour tous, tous pour un » des Trois Mousquetaires.

The Truman Show
La ville de Seaheaven Island dans The Truman Show de Peter Weir (en réalité, c’est la ville de Seaside en Floride : voir la maison de Truman dans Google Street)

Remarques :
* Le musicien que l’on voit jouer en direct au clavier dans le studio n’est autre que Philip Glass.
* Les scènes face au miroir ont été improvisées par Jim Carrey.
* Andrew Niccol s’est certainement inspiré de la littérature de science-fiction qui a exploré le thème des réalités-illusion. Citons par exemple Le Temps désarticulé (1959) de Philip K. Dick mais aussi Simulacres (1964) toujours de Dick ou encore Simulacon 3 (1964) de Daniel F. Galouye (livre qui a inspiré Matrix, film qui a en commun avec The Truman Show l’exploration du concept de réalité).