15 décembre 2023

Hercule à la conquête de l’Atlantide (1961) de Vittorio Cottafavi

Titre original : « Ercole alla conquista di Atlantide »

Hercule à la conquête de l'Atlantide (Ercole alla conquista di Atlantide)Le devin Tirésias révèle au roi de Thèbes, Androclès, que de terribles malheurs vont s’abattre sur la Grèce à cause d’un ennemi inconnu venu d’au-delà les mers. Hercule et Androclès s’embarquent sur une galère avec Hyllos et le nain Timotéo vers une destination inconnue, qui se révèle être l’Atlantide…
Hercule à la conquête de l’Atlantide est un péplum franco-italien réalisé par Vittorio Cottafavi. Dans la série des Hercule, il passe pour être l’un des plus réussis. Bien entendu, le film paraîtra kitsch à de nombreux spectateurs actuels mais l’ensemble est plaisant. Les situations sont nombreuses, le Technicolor est éclatant et les décors en carton-pâte font bien leur effet. De plus, l’humour et la dérision sont très présents. On se laisse volontiers happer par ces aventures spectaculaires, sans s’offusquer des petites lourdeurs de la mise en scène. Le demi-dieu de la mythologie grecque est interprété pour la première fois par le culturiste anglais Reg Park. À noter, une des premières apparitions de Gian Maria Volonté, dans un petit rôle.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Reg Park, Fay Spain, Ettore Manni, Luciano Marin, Laura Efrikian, Mario Valdemarin, Mimmo Palmara, Salvatore Furnari, Gian Maria Volontè
Voir la fiche du film et la filmographie de Vittorio Cottafavi sur le site IMDB.

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Reg Park dans Hercule à la conquête de l’Atlantide (Ercole alla conquista di Atlantide) de Vittorio Cottafavi.
Mimmo Palmara et Fay Spain (la reine Antinéa)
dans Hercule à la conquête de l’Atlantide (Ercole alla conquista di Atlantide) de Vittorio Cottafavi.
Gian Maria Volonté dans Hercule à la conquête de l’Atlantide (Ercole alla conquista di Atlantide) de Vittorio Cottafavi.

12 décembre 2023

Caprice à l’italienne (1968) de Mauro Bolognini, Mario Monicelli, Pier Paolo Pasolini, Steno, Pino Zac et Franco Rossi

Titre original : « Capriccio all’italiana »

Caprice à l'italienne (Capriccio all'italiana)Caprice à l’italienne est un film à sketches italien réalisé par Mario Monicelli, Pier Paolo Pasolini, Mauro Bolognini, Steno, Pino Zac et Franco Rossi. Hélas, le résultat n’est pas à la hauteur de ces signatures prestigieuses. Souvent, seule l’idée de départ est amusante. Très moyen, le sketch de Steno n’est sauvé que par les nombreux déguisements de Totò. Celui de Pino Zac/Franco Rossi est mauvais et un poil raciste. Insignifiant, celui de Monicelli est heureusement très court. Les plus intéressants sont les deux sketches signés Bolognini qui s’amuse avec des traits de caractères (mais ils sont tous deux passablement misogynes) et le sketch de Pasolini (« C’est quoi les nuages ? ») qui apparaît un peu hors-classe et d’une indéniable profondeur. Le cinéaste propose une réflexion sur la notion de spectacle : notre vie est un spectacle où nous sommes des marionnettes tirées par des ficelles invisibles, impuissants à comprendre les idéologies que ceux qui les tirent. La vraie vie intervient finalement par une révolte des spectateurs qui changent l’issue de la pièce. L’épilogue est joliment poétique. Le défaut de Pasolini est toutefois de ne pas être toujours facilement accessible (1). Ce court film de Pasolini est la dernière apparition de Totò à l’écran qui décèdera peu après le tournage.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Totò, Silvana Mangano, Ninetto Davoli, Laura Betti, Adriana Asti, Carlo Pisacane, Ira von Fürstenberg, Walter Chiari
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(1) Un exemple : Le générique de son sketch s’inscrit sur une reproduction des « Ménines », le tableau de Velasquez. Or, ce tableau a été analysé en profondeur par Michel Foucault deux ans plus tôt : tous les regards convergent vers le hors champ, vers le spectateur, c’est-à-dire dans le cas de Velasquez, vers le Roi et la Reine. Ainsi, ce n’est pas le spectacle de la cour qui est diégétisé mais celui de la vie dans laquelle nous ne serions que des pantins. (Explication donnée par Martine Boyer et Muriel Tinel dans leur ouvrage « Les films de Pier Paolo Pasolini », Dark Star 2002.)

Ninetto Davoli et Totò dans le sketch de Pasolini de Caprice à l’italienne (Capriccio all’italiana)

Les sketches :
1) Il mostro della domenica (Le monstre du dimanche), réalisé par Steno.
Importuné par les hippies, un riche bourgeois les enlève pour leur raser le crâne.
2) Perchè? (Pourquoi ?), réalisé par Mauro Bolognini.
Dans un embouteillage, une femme pousse son mari à se faufiler entre les voitures.
3) Che cosa sono le nuvole? (C’est quoi les nuages ?) (22 min), réalisé par Pier Paolo Pasolini, assisté de Sergio Citti.
Des marionettes interprètent Othello avant que le public n’intervienne.
4) Viaggio di lavoro (Voyage d’affaires), réalisé par Pino Zac et Franco Rossi.
Lors d’une tournée en Afrique, la reine d’un pays européen se trompe de discours et fait l’éloge du pays ennemi.
5) La bambinaia (La nourrice), réalisé par Mario Monicelli.
Une gouvernante interdit aux enfants les bandes dessinées supposées violentes et leur raconte des contes de Perrault encore plus terrifiants.
6) La gelosa (La jalouse), réalisé par Mauro Bolognini.
Une femme montre une jalousie maladive et suit partout son mari.

3 décembre 2023

Il maestro di Vigevano (1963) de Elio Petri

Il maestro di VigevanoLe professeur Antonio Mombelli enseigne dans une école primaire de Vigevano. Sa femme Ana est profondément insatisfaite du modeste train de vie que son mari peut lui offrir. Antonio est fier d’appartenir à la classe intellectuelle : il considère comme une honte pour lui et sa famille que sa femme veuille travailler à l’usine pour compléter ses revenus et que son jeune fils, poussé par sa mère, travaille occasionnellement comme garçon de courses…
Il maestro di Vigevano, parfois francisé L’Instituteur de Vigevano, est un film italien réalisé par Elio Petri, son deuxième long métrage. Age et Scarpelli ont signé le scénario d’après un roman de Lucio Mastronardi. Cette histoire dresse le portrait d’un homme ordinaire qui fait excessivement attention à sa position sociale bien que très modeste. Il rejette l’esprit d’entreprise et ceux que sa femme considère comme « arrivés ». Il ne voit que de l’arrivisme autour de lui. Le récit est largement parsemé de touches d’humour, mais il s’agit d’un humour plutôt amer. Le personnage fait pitié à voir, obséquieux face à son directeur qui lui fait subir des humiliations farfelues. Assez sombre, ce mini-portrait de la société italienne fustige les conventions sociales et le désir de trop se soucier de sa position. Sans vraiment démériter, le film n’est pas remarquable dans la (courte) filmographie d’Elio Petri. Il est d’ailleurs très méconnu.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Claire Bloom, Vito De Taranto
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Alberto Sordi et Vito De Taranto dans Il maestro di Vigevano de Elio Petri.

20 septembre 2023

Devine qui vient dîner… (1967) de Stanley Kramer

Titre original : « Guess Who’s Coming to Dinner »

Devine qui vient dîner... (Guess Who's Coming to Dinner)Joanna, une jeune femme de 23 ans, se rend à San Francisco pour présenter son futur époux, le docteur John Prentice à ses parents. Sous-directeur de l’Organisation mondiale de la santé, brillant médecin et professeur de médecine âgé de 37 ans, Prentice a tout du gendre idéal à ceci près qu’il est noir…
Devine qui vient dîner… est un film américain produit et réalisé par Stanley Kramer. Le scénario est l’œuvre de William Rose. C’est l’un des premiers films à évoquer le thème du mariage interracial aux États-Unis, avec en particulier le premier baiser interracial du cinéma d’Hollywood. Il fait partie de ce petit cercle de films qui ont eu un impact important sur notre société, y compris sur les personnes qui n’ont pas vu le film. Pour le grand public, il est LE film anti-raciste par excellence (les cinéphiles pourront citer des dizaines d’autres films anti-racistes mais le grand public ne les connaitra pas).
Le film a les défauts du cinéma hollywoodien : le personnage du gendre est vraiment trop parfait, impossible de lui trouver un seul défaut et, surtout, il y a une lourdeur permanente (qui culmine avec le speech final de Spencer Tracy). Tout se passe dans quelques pièces de la maison parentale, l’ensemble ressemble à une adaptation théâtrale. Stanley Kramer avait déjà abordé le racisme dans La Chaîne (1958) où il avait osé placer Sidney Poitier en tête d’affiche. Dix ans plus tard, il enfonce le clou et choisit intelligemment de ne pas placer l’histoire dans un milieu réactionnaire (l’ensemble aurait été plus anodin) : les parents de Joanna ont en effet des convictions libérales très affirmées, ils ont élevé leur fille dans le refus du racisme et sont donc bien embarrassés de désirer instinctivement empêcher ce mariage.
Le succès fut considérable, le plus grand succès de toute l’histoire de la Columbia. De façon inattendue, les critiques les plus sévères vinrent des milieux progressistes, et ce, depuis sa sortie jusqu’à maintenant ; outre les reproches de lourdeur, le film est ainsi accusé, entre autres, d’avoir créé de nouveaux stéréotypes. Et le plus souvent, le film fut seulement méprisé par certains critiques.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Spencer Tracy, Sidney Poitier, Katharine Hepburn, Katharine Houghton, Cecil Kellaway, Beah Richards, Alexandra Hay
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Remarque :
• Katharine Houghton est la nièce de Katharine Hepburn.
• Spencer Tracy est mort 17 jours après la fin du tournage. En raison de la maladie de Spencer Tracy, le travail se faisait toujours dans la matinée. Quand Katharine Hepburn jugeait qu’il était trop fatigué, le tournage cessait. Katharine Hepburn a déclaré n’avoir jamais vu le film au complet, car revoir Spencer Tracy tellement malade aurait été trop douloureux pour elle (rappelons que les deux acteurs ont vécu ensemble pendant des dizaines d’années).

Sidney Poitier et Katharine Houghton dans Devine qui vient dîner… (Guess Who’s Coming to Dinner) de Stanley Kramer.
Spencer Tracy et Katharine Hepburn dans Devine qui vient dîner… (Guess Who’s Coming to Dinner) de Stanley Kramer.
Spencer Tracy et Sidney Poitier dans Devine qui vient dîner… (Guess Who’s Coming to Dinner) de Stanley Kramer.

17 septembre 2023

Un homme comme tant d’autres (1964) de Michael Roemer

Titre original : « Nothing But a Man »

Un homme comme tant d'autres (Nothing But a Man)Duff Anderson travaille dans à la construction de voies de chemin de fer en Alabama, gagnant un bon salaire et menant une vie itinérante avec ses collègues noirs. Il fait la connaissance de Josie, jolie et distinguée institutrice, fille du prédicateur local. Elle est attirée par Duff en grande partie parce qu’il se montre prêt à résister et à défier les conventions sociales qui oppriment les Noirs, plutôt que de simplement accepter le statu quo afin de s’entendre avec les Blancs, comme son père l’a fait…
Nothing But a Man est un film américain co-écrit et réalisé par Michael Roemer. Ce cinéaste peu connu est d’origine juive allemande et ce sont les persécutions subies par sa famille dans l’Allemagne nazie qui l’ont poussé à réaliser son premier long métrage sur la condition des noirs américains. Nothing But a Man est d’une qualité étonnante car il décrit de l’intérieur la vie d’un noir et les discriminations. Il n’y a pas de grandes scènes spectaculaires, le ton paraît juste, l’approche du réalisateur est presque documentaire pour nous faire partager la vie de son personnage principal. Il n’y a aucun angélisme, le propos n’est pas manichéen, son héros n’est pas parfait mais c’est avant tout un homme, comme tant d’autres effectivement. Le film fut remarqué à la Mostra de Venise où il remporta un prix mais est tombé dans l’oubli par la suite.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ivan Dixon, Abbey Lincoln, Julius Harris, Gloria Foster
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Abbey Lincoln et Ivan Dixon dans Un homme comme tant d’autres (Nothing But a Man) de Michael Roemer.

24 août 2023

Les Poings dans les poches (1965) de Marco Bellocchio

Titre original : « I pugni in tasca »

Les poings dans les poches (I pugni in tasca)Souffrant d’épilepsie, le jeune Alessandro s’est, petit à petit, enfermé dans son monde. Perdu dans l’admiration qu’il a pour son frère Augusto, qui rêve de départ, et l’amour coupable qu’il voue à sa sœur Giulia, Alessandro, entre crises d’épilepsie et débilité congénitale, tente de détruire l’oppression familiale…
Les Poings dans les poches est un film italien écrit et réalisé par Marco Bellocchio. Les films du réalisateur sont très souvent des portraits de rebelles assortis d’une critique sociale et politique. Son premier long métrage ne fait pas exception, bien au contraire il préfigure indéniablement ses films ultérieurs et montre une maturité formelle étonnante. Marco Bellocchio met en scène avec grande intensité les pulsions de mort de l’adolescence et attaque l’institution familiale. Son adolescent cherche des justifications à ses faiblesses en les attribuant aux autres et en se réfugiant dans sa différence , dans sa « folie ». Lou Castel campe son personnage de façon remarquable, le rendant assez inoubliable. L’ensemble est bien dosé, sans excès, le réalisateur a su insuffler une certaine tendresse et une touche de poésie. Très belle photographie en noir et blanc malgré un tout petit budget C’est un film un peu dérangeant mais d’une puissance rare, et toujours intacte.
Elle: 3 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Lou Castel, Paola Pitagora, Marino Masé, Liliana Gerace, Jeannie McNeil
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Les poings dans les poches (I pugni in tasca)Paola Pitagora et Lou Castel dans Les poings dans les poches (I pugni in tasca) de Marco Bellocchio.

19 août 2023

Le Dernier Face à face (1967) de Sergio Sollima

Titre original : « Faccia a faccia »
Autre titre français : « Il était une fois en Arizona »

Le Dernier Face à face (Faccia a faccia)Atteint de tuberculose, Brad Fletcher, un enseignant de la Nouvelle-Angleterre, quitte son travail pour aller s’établir au  Texas. Là, il est pris en otage par un hors-la-loi blessé, Solomon Bennet dit Beauregard. Fletcher l’aide à se soigner et tente de lui inculquer quelques principes moraux. Fasciné et intrigué par cette vie de hors-la-loi, il décide de rejoindre la « horde sauvage » de Bennet…
Le Dernier Face à face ou Il était une fois en Arizona (bien que l’histoire se déroule au Texas !) est un western spaghetti coécrit et réalisé par Sergio Sollima. Le cinéaste italien est surtout connu pour avoir réalisé trois westerns ; celui-ci est le deuxième, suivant Colorado (1966) et précédant Saludos hombre (1968). Avec Leone et Corbucci, Sergio Sollima fait partie des « trois Sergio du western italien ». Le film utilise beaucoup de clichés, se montre souvent basique et le montage paraît très brouillon. Si le film retient l’attention, c’est principalement du fait de son scénario que le réalisateur a écrit avec Sergio Donati, scénariste qui a travaillé également pour Leone. Ils ont créé une situation originale pour mettre face à face un professeur, qui a une forte éthique et insiste sur l’importance du libre choix entre le bien et le mal, et un bandit rustre qui ne croit qu’en la force mais est impressionné par l’intelligence du professeur. Cette situation peut paraître classique mais c’est son évolution qui réserve des surprises. Gian Maria Volontè, ici à la fin de sa période western, montre une belle présence et donne de l’étoffe à son personnage. William Berger a également beaucoup de présence. Le film n’est pas parfait, loin de là, mais constitue une belle curiosité.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gian Maria Volontè, Tomas Milian, William Berger, Jolanda Modio
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Remarque :
• Le personnage de Charlie Siringo travaillant pour l’Agence Pinkerton a réellement existé.
• Tomas Milian et William Berger sont doublés dans la version italienne.
• Les relations entre Gian Maria Volontè (membre du Parti Communiste italien) et Tomas Milian (cubain qui a fui son pays à l’accession de Fidel Castro au pouvoir) ont été houleuses sur le tournage.
• Une version réduite à 93 minutes a longtemps été la seule visible. La version complète de 112 minutes est maintenant rétablie (dans la version vue ici, les scènes récupérées sont facilement identifiables car la police des sous-titres est différente).

Le Dernier Face à face (Faccia a faccia)Tomas Milian et Gian Maria Volontè dans Le Dernier Face à face (Faccia a faccia) de Sergio Sollima.

7 août 2023

Les Chiffres (1966) de Wojciech Has

Titre original : « Szyfry »
Autre titre français Parfois utilisé : « Les Codes »

Les chiffres (Szyfry)Après avoir reçu une lettre de son fils, Tadeusz, qui vit en France depuis vingt ans, décide de rendre visite à sa famille en Pologne. Le père et le fils sont maintenant très distants, la femme de Tadeusz est en clinique. Lui, il veut comprendre ce qui est arrivé à son second fils. Est-il vraiment mort pendant la guerre ?
Les chiffres (titre à comprendre dans le sens « langage chiffré ») est un film écrit et réalisé par Wojciech J. Has. Il traite de la question de la mémoire collective polonaise sur la Seconde Guerre mondiale. Le personnage principal, qui a coupé tous liens avec son pays pendant la guerre, cherche à obtenir des informations sur les circonstances de la mort de son fils cadet mais n’obtient pas de réponses franches, y compris de sa propre famille. Les explications données lui paraissent cacher quelque chose, comme s’il s’agissait d’un langage codé. La question soulevée par ce récit est  donc l’attitude de la population durant l’Occupation, une question qui a été évitée en Pologne pendant les vingt ans qui ont suivi, escamotée au profit des faits de combat. A cette histoire, Wojciech Has ajoute un deuxième niveau, qui mériterait tout autant d’être qualifié de « langage codé » : le cinéaste insère des plans oniriques dont le sens profond ne saute pas immédiatement aux yeux (j’avoue avoir eu besoin d’aide pour comprendre, voir le lien ci-dessous). En fait, il aborde par ces séquences le thème de l’occultation faite par les régimes socialistes de la Shoah, le discours officiel étant axé sur la lutte et la souffrance du peuple en tant qu’ensemble unique. Les autorités polonaises de l’époque ont bien perçu le caractère subversif du film puisqu’il fut écarté des circuits de distributions. Les chiffres est un film très riche, son principal défaut est certainement un manque d’accessibilité. Sur le plan cinématographique, c’est une fois de plus remarquable et la façon dont Wojciech Has exprime les rapports empreints de distance entre le père et son fils est admirable.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jan Kreczmar, Zbigniew Cybulski, Ignacy Gogolewski, Irena Horecka, Janusz Klosinski
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Remarques :
* Film vu sur le site de la Cinémathèque polonaise (sous-titres polonais ou anglais seulement).
* Pour appréhender toute la richesse de Szyfry (… et tout comprendre), voir la remarquable analyse du film par Anne Guérin-Castell qui a consacré un site à Wojciech Has.

Les chiffres (Szyfry)Jan Kreczmar et Zbigniew Cybulski dans Les chiffres (Szyfry) de Wojciech Has.

6 août 2023

Adieu jeunesse (1961) de Wojciech Has

Titre original : « Rozstanie »

Adieu jeunesse (Rozstanie)Magdalena, actrice et femme libre, revient dans sa ville natale après de nombreuses années pour les funérailles de son grand-père. Dans le train, elle rencontre un homme bien plus jeune qu’elle. Sur place, elle découvre que la maison de son grand-père va être préemptée par la ville…
Adieu jeunesse (Rozstanie) est un film polonais réalisé par Wojciech J. Has. Le scénario est l’œuvre de Jadwiga Zylinska, une écrivaine polonaise qui avait écrit une nouvelle du même nom. Wojciech Has aurait conçu le film comme une comédie sentimentale ; il y règne surtout un fort sentiment de mélancolie. En revenant dans sa ville natale, cette femme s’y sent étrangère. Elle a acquis une maturité et un modernisme que toutes ses anciennes connaissances n’ont pas ; elle a tourné la page du passé, les autres non. Seul un jeune homme, audacieux et curieux, lui paraît différent ; elle apprécie sa compagnie tout en sachant que cette relation restera sans lendemain. Adieu jeunesse est un film assez étrange car l’histoire ne comporte pas de temps fort et semble n’aboutir sur rien. L’image est belle mais l’ensemble nous laisse sur un sentiment de légère vacuité.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Lidia Wysocka, Wladyslaw Kowalski, Gustaw Holoubek, Irena Netto, Adam Pawlikowski
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Adieu jeunesse (Rozstanie)Wladyslaw Kowalski et Lidia Wysocka dans Adieu jeunesse (Rozstanie) de Wojciech Has.

4 août 2023

La Rue chaude (1962) de Edward Dmytryk

Titre original : « Walk on the Wild Side »

La Rue chaude (Walk on the Wild Side)En 1930, Dove quitte son Texas natal pour se rendre à La Nouvelle-Orléans, dans l’espoir de retrouver Hallie, son amour perdu. En chemin, il rencontre Kitty, une jeune fille en errance…
Walk on the Wild Side (on peut oublier le titre français, inutilement racoleur) est un film de Edward Dmytryk, adaptation d’un roman de Nelson Algren, paru en 1956 (à noter que ce même roman a aussi inspiré à Lou Reed sa célèbre chanson). Le propos du roman est d’observer que les personnes qui ont souffert, ou qui s’engagent sur un mauvais chemin, peuvent développer un humanisme plus important que ceux qui n’ont jamais souffert. C’est un roman assez âpre qui a été ici édulcoré par John Fante et Edmund Morris avec l’aide de Ben Hecht. L’histoire débute comme un road-movie pour se focaliser ensuite sur des scènes d’intérieur, proches d’un film noir. Le film fut très critiqué pour l’introduction d’un sentimentalisme qui était absent du roman. L’histoire possède néanmoins une force qui n’est hélas pas entièrement retranscrite à l’écran, elle repose sur quatre personnages féminins très différents. Le producteur Charles K. Feldman a réuni un beau plateau d’acteurs : Anne Baxter, Barbara Stanwyck, la jeune Jane Fonda (sa deuxième apparition à l’écran) et sa petite amie du moment, la française Capucine. L’interprétation de Barbara Stanwyck est probablement la plus remarquable car elle parvient à exprimer avec grande subtilité la nature des liens qui la lient à son employée Hollie. Face à elle, Capucine semble avoir un jeu inapproprié mais cela correspond à son personnage, suggérant qu’elle n’est pas à sa place. Seul le choix de Laurence Harvey paraît discutable car il est bien terne. Le film fut méprisé à sa sortie et après, alors qu’il ne manque pas d’intérêt, loin de là.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Laurence Harvey, Capucine, Jane Fonda, Anne Baxter, Barbara Stanwyck, Joanna Moore, Richard Rust
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La Rue chaude (Walk on the Wild Side)Jane Fonda et Laurence Harvey dans La Rue chaude (Walk on the Wild Side) de Edward Dmytryk.

La Rue chaude (Walk on the Wild Side)Capucine et Barbara Stanwyck dans La Rue chaude (Walk on the Wild Side) de Edward Dmytryk.

Remarque :
• Nelson Algren est également l’auteur de L’Homme au bras d’or adapté au cinéma par Otto Preminger en 1955.
• Détail amusant : Bien que le film soit censé se dérouler en 1930, le producteur Charles K. Feldman a imposé que sa petite amie Capucine (qui fut mannequin avant d’être actrice) porte des tenues modernes créées par Pierre Cardin.
• Blake Edwards aurait été recruté par le producteur pour retourner certaines scènes.

• Le générique de début (et de fin) est l’un des plus remarquables qui soit. Il est à la fois simple mais fascinant : un chat noir, filmé au raz du sol, déambule de sa démarche féline dans un environnement que l’on devine urbain et pauvre avant de s’en prendre à un autre chat. Il est l’œuvre de Saul Bass, ce créateur de génie de génériques. Le parcours de ce chat symbolise celui des personnages du film. Le chat fut repris pour figurer sur l’affiche alors qu’il n’est qu’à peine présent dans l’histoire. (Et, accessoirement, je viens enfin de comprendre le logo de la société française Wild Side qui, fort logiquement, a édité un coffret de ce film).

La Rue chaude (Walk on the Wild Side)Le générique de La Rue chaude (Walk on the Wild Side) de Edward Dmytryk est l’oeuvre de Saul Bass