23 octobre 2018

Modesty Blaise (1966) de Joseph Losey

Modesty BlaiseLes services secrets britanniques font appel à l’aventurière Modesty Blaise pour s’assurer qu’une petite cargaison de diamants envoyée à un cheikh arabe ne sera pas volée en chemin. Pendant ce temps, le séduisant criminel français Gabriel peaufine ses plans pour s’emparer des diamants…
Modesty Blaise est au départ une bande dessinée créée en 1963 par l’anglais Peter O’Donnell. Le personnage peut être rapidement décrit comme une variante féminine de James Bond (dont la popularité explosait alors au cinéma). L’adaptation au cinéma prend de grandes libertés puisqu’elle se place nettement dans le registre de la comédie et de la satire. Pour être indulgent, on peut parler de démythification du personnage de héros. L’histoire est totalement farfelue, servant uniquement de prétexte à enchaîner des situations les plus inattendues qui soient. Le film est assez plaisant dans sa première moitié par ce mélange de nonsense et de pop’art. Il y a de belles trouvailles. Une fois l’effet de surprise émoussé, on finit hélas par s’ennuyer quelque peu et le film paraît alors bien long. Dick Bogarde campe son personnage d’élégant criminel avec sérieux ; Monica Vitti est une héroïne sexy pleine de ressources. Que tout cela soit signé Joseph Losey est finalement le plus étonnant, car le film est vraiment très léger, dans tous les sens du terme. Le film n’eut que peu de succès.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Monica Vitti, Terence Stamp, Dirk Bogarde, Harry Andrews, Clive Revill, Alexander Knox
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Modesty BlaiseMonica Vitti et Terence Stamp dans Modesty Blaise de Joseph Losey.

Modesty Blaise
Modesty BlaiseLa blonde Monica Vitti peut devenir brune d’un simple claquement de doigt dans Modesty Blaise de Joseph Losey.

26 août 2015

L’Avventura (1960) de Michelangelo Antonioni

L'AvventuraSur un petit yacht à moteur, un groupe de riches italiens se rendent sur l’île volcanique et déserte de Basiluzzo au nord de la Sicile. Parmi eux, Anna et son fiancé Sandro et son amie Claudia. Anna traverse une phase d’incertitude, elle n’est pas sûre de ses sentiments pour Sandro. Au moment de quitter l’île, le groupe découvre qu’Anna a disparu. Tout le monde se met à sa recherche. Elle demeure introuvable… Après cinq premiers longs métrages plus conventionnels, Antonioni signe son premier film marqué par un ton nouveau et l’empreinte d’un auteur : L’Avventura. Avec La Nuit et L’Eclisse qui suivront les années suivantes, le film marque un tournant dans la filmographie du cinéaste mais aussi dans le cinéma italien, voire dans le cinéma tout court. A l’époque, le film a perturbé car il bouscule certaines conventions sur le déroulement du récit : peu importe ce qui arrivé à Anna, le sujet de L’Avventura est plus ces petits errements qui font notre quotidien (1). Claudia va peu à peu, et non sans culpabilité, prendre la place d’Anna auprès de Sandro : un couple qui se forme, se perd, se reforme, se reperd… Antonioni déplace l’objet du cinéma depuis le récit vers une certaine esthétique de la sensation. Cette approche peut encore dérouter aujourd’hui : beaucoup lui reprochent une certaine lenteur. Personnellement, je ne lui en trouve aucune.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gabriele Ferzetti, Monica Vitti, Lea Massari
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L'Avventura
Gabriele Ferzetti et Monica Vitti dans L’Avventura de Michelangelo Antonioni

Remarques :
*Après un début de carrière au théâtre, Monica Vitti fait ici vraiment ses débuts au cinéma. L’actrice et son metteur en scène auront une relation qui durera 5 à 6 ans.
* Le tournage des séquences sur l’île a été quelque peu mouvementé : abandonnée par le producteur et par les techniciens en grève, la petite équipe réduite à sept personnes s’est retrouvée isolée sur l’île, se nourrissant de caroubes et de gâteaux moisis sous une pluie battante.

(1) Sur ce point, je ne peux que citer Mathias Sabourdin dans son excellent Dictionnaire du cinéma italien : « Personne mieux qu’Antonioni n’a su témoigner de notre rapport sensible au temps et à l’espace, à cette trame infinie d’objets, de paysages, d’évènements insignifiants, de gestes et de regards qui fait notre quotidien. » (Dictionnaire du cinéma italien, ed. Nouveau Monde 2014, p. 105).

29 octobre 2014

Le Fantôme de la liberté (1974) de Luis Buñuel

Le fantôme de la libertéDes condamnés à mort qui crient « Vive les chaînes » au moment d’être fusillés (1)… dès la scène du générique, le ton est donné : la logique et les conventions vont être bien malmenées dans Le Fantôme de la liberté et Luis Buñuel et Jean-Claude Carrière sont ici allés encore plus loin que dans Le Charme discret de la bourgeoisie. La structure est inhabituelle : selon le principe des « cadavres exquis » des surréalistes, chacune des petites histoires qui composent le film est reliée à la suivante par un personnage ou une situation qui nous emmènent sur un thème totalement différent. Buñuel nous surprend sans arrêt, il retourne les usages, prend des directions inattendues. Il chamboule nos certitudes, nous faisant prendre parfois un énorme recul sur ce que nous voyons. On peut ainsi dire que le film a une dimension philosophique dans le sens où il nous fait voir de façon nouvelle des évènements ou des comportements les plus anodins, il bouscule ce que nous tenons pour acquis. L’humour, quant à lui, est toujours présent. Aujourd’hui comme il y a quarante ans, Le Fantôme de la liberté est un petit bijou.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Monica Vitti, Jean-Claude Brialy, Paul Frankeur, Michael Lonsdale, François Maistre, Michel Piccoli, Claude Piéplu, Jean Rochefort, Julien Bertheau, Marie-France Pisier, Adolfo Celi
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Remarques :
* La Voie lactée, Le Charme discret de la bourgeoisie et  Le fantôme de la liberté forment une trilogie surréaliste. Buñuel préfère le terme de triptyque, « comme au Moyen Âge » ajoute t-il. « Les même thèmes, quelquefois même les mêmes phrases se retrouvent dans les trois films. Ils parlent de la recherche de la vérité, qu’il faut fuir dès que l’on croit l’avoir trouvée, du rituel social implacable. Ils parlent de la recherche indispensable, du hasard, de la morale personnelle, du mystère qu’il faut respecter. » (Extrait de l’autobiographie de Luis Buñuel « Mon dernier soupir »)

* Cameo : Au tout début du film, Luis Buñuel est l’un des quatre fusillés : le moine portant une barbe. A sa gauche, l’homme avec un bandeau sur le front est son producteur Serge Silberman.

(1) Luis Buñuel précise dans son autobiographie que cette scène est authentique : par haine des idées libérales introduites par Napoléon, le peuple espagnol criait « Vive les chaînes » au retour des Bourbons.
A noter que ces exécutions sont le sujet du tableau de Goya Tres de Mayo dont une reproduction ouvre le film.

Le Fantôme de la liberté (1974) de Luis Buñuel
La maitresse de maison (Alix Mahieux) place les invités à table…
Les rituels de notre société sont malmenés : ici, on défèque tout en discutant et on s’absente discrètement quelques minutes pour aller manger dans la cuisine.
(avec Marie-France Pisier, Jean Rougerie, …)

20 novembre 2013

Le Désert rouge (1964) de Michelangelo Antonioni

Titre original : « Il deserto rosso »

Le désert rougeDans la région industrielle de Ravenne en Italie, Guiliana (Monica Vitti) tente de retrouver un équilibre après une tentative de suicide. Ne pouvant trouver de l’aide auprès de son mari, ingénieur industriel, elle se rapproche de l’un de ses amis Corrado sur le point de partir en Patagonie… Ecrit par Michelangelo Antonioni et Tonino Guerra, Le Désert rouge est le premier film en couleurs du cinéaste. C’est une réflexion sur l’Humain. Guiliana est totalement désemparée devant son impuissance à s’intégrer dans ce monde qui a trop vite évolué. Les machines sont triomphantes, elles semblent avoir pris le pas sur l’homme, elles éructent de grands jets de vapeur ou de fumées toxiques ; elles défigurent le paysage, rendent la terre inhumaine. Dans cet univers froid, les rapports entre les humains se distendent : une tentative de récréer une sociabilité sera vaine (scène de la cabane). Même les activités sexuelles perdent de leur attrait, elles n’apportent pas de réponses à nos questions existentielles. On retrouve donc ici ce thème de l’incommunicabilité commun à de nombreux films du cinéaste.  C’est seulement au pays des contes pour enfants que la Terre idéale existe encore : paradis perdu, paradis à reconquérir ou prospective de « l’après » ? C’est à nous de le dire. Sur la forme, Antonioni utilise largement les flous, les vapeurs ou la brume pour renforcer son propos (désarroi, déshumanisation), il introduit la couleur progressivement : désaturée au début du film, presque monochrome, l’image se teinte parfois par grandes zones pour appuyer sur un état psychologique particulier. Avec ses couleurs éclatantes, la grande scène du conte pour enfants tranche avec le reste du film dont les dominantes restent ternes. Dans cette Italie des années soixante alors en pleine ré-industrialisation, Le Désert rouge proposait une réflexion que l’on peut trouver toujours d’actualité aujourd’hui.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Monica Vitti, Richard Harris, Carlo Chionetti
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Remarque :
Dans Le Désert rouge, il y a un très beau plan qui résume presque tout le film à lui tout seul. C’est celui où le petit groupe part de la cabane (fuyant le bateau en quarantaine) et où Guiliana regarde le groupe. Tous sont écartés les uns des autres, immobiles et silencieux, comme figés, et la une brume s’insinue entre eux pour les faire presque disparaître. La scène est à la fois très belle et puissamment chargée de signification.