3 août 2013

L’école des facteurs (1947) de Jacques Tati

L'école des facteurs(Court métrage de 15 minutes) Pour pouvoir remettre le courrier à un avion de l’aéropostale, François le facteur doit impérativement réduire le temps de sa tournée. Après une rapide formation, il entame sa tournée, ne prenant plus guère le temps de s’arrêter (ou presque)… Tourné et diffusé en 1947, L’école des facteurs est le dernier des courts-métrages de Jacques Tati (1) et c’est celui qui servira de base à Jour de Fête. Il est intéressant d’ailleurs de les comparer car si pratiquement tous les gags de L’école des facteurs se retrouvent dans Jour de Fête, le résultat est fort différent. Entre les deux, Jacques Tati a perfectionné son art du mouvement et les gags dans le long métrage sont mieux enchaînés et plus rythmés. Même s’il ne marmonne pas encore (on comprend ici tout ce qu’il dit), le personnage du facteur est déjà bien en place avec sa silhouette inoubliable sur sa bicyclette. Les trouvailles de gags sont vraiment très nombreuses, il y a une remarquable inventivité dans l’humour de Jacques Tati.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jacques Tati, Paul Demange
Voir la fiche du film et la filmographie de Jacques Tati sur le site IMDB.

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(1) C’est le dernier des courts-métrages avant qu’il ne passe aux longs métrages car, pour être exact, il faut préciser Tati réalisera encore un autre court-métrage en 1967, Cours du soir, pendant le tournage de Playtime.

1 août 2013

La Pêche au trésor (1949) de David Miller

Titre original : « Love Happy »

La pêche au trésorPour aider une jeune troupe sans le sou qui répète un spectacle à Broadway, Harpo vole de la nourriture dans la réserve d’un grand magasin. Sans le savoir, il s’empare d’une boîte de sardines dans laquelle est caché le fameux collier de diamants des Romanoff. Il va avoir à ses trousses l’intrigante Madame Egelichi et ses sbires… Love Happy est le dernier film des Marx Brothers. En réalité, il est plus souvent évoqué pour la (très) courte apparition de la jeune Marilyn Monroe, l’une de ses toutes premières à l’écran (1). Les Marx Brothers étaient alors sur le point de séparer. L’idée de base du scénario vient de Harpo et fut ensuite développée par Ben Hecht. Harpo avait souvent été comparé à Chaplin pour sa faculté à générer un humour teinté de sentimentalité et il souhaitait poursuivre sa carrière dans cette voie de comique au grand coeur. Love Happy était donc prévu initialement pour mettre en valeur Harpo seul mais la production fut plus facile à mettre en place en écrivant Marx Brothers sur l’affiche. Chico a ainsi un rôle mineur (mais nous gratifie tout de même d’un superbe numéro de piano) et Groucho fait office de narrateur, un détective privé qui raconte l’affaire. Si certains gags sont très bons, l’ensemble est très nettement en deçà des films précédents des trois frères. La partie la plus inventive est probablement celle se déroulant sur les toits avec un jeu amusant avec de gigantesques publicités lumineuses (2).
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Harpo Marx, Chico Marx, Ilona Massey, Vera-Ellen, Groucho Marx, Marilyn Monroe, Raymond Burr
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Remarques :
* Groucho Marx a écrit dans ses mémoires qu’il considérait Une nuit à Casablanca (1946) comme étant son dernier film avec les Marx Brothers, montrant ainsi son mépris pour Love Happy.
* Détail révélateur : les trois frères n’apparaissent ensemble dans aucune des scènes du film (deux à la fois, oui, mais les trois réunis, non).
* C’est le seul film des Marx Brothers où Groucho porte une vraie moustache et non une moustache peinte.

(1) Marilyn, vêtue d’une affriolante robe de soirée, vient demander de l’aide au détective privé (Groucho) :
« Il y a des hommes qui me suivent. »
Groucho la regarde marcher et dit :
« Vraiment ? On se demande bien pourquoi ! »

(2) Cette scène est aussi étonnante pour ses « placements de produits », source de financement devenue hélas assez courante par la suite mais qui, à cette époque, était rarissime. Ces publicités témoignent sans doute des difficultés financières de la production.

24 juillet 2013

Jour de fête (1949) de Jacques Tati

Jour de fêtePour la fête du village de Follainville, des forains installent manège et attractions dont un petit cinéma qui projette un documentaire sur la poste en Amérique. Après l’avoir vu, François, le facteur, entreprend d’accomplir sa tournée « à l’américaine »…
Premier long métrage de Jacques Tati, Jour de fête a été tourné patiemment, avec un petit budget, avec les habitants du village de Sainte-Sévère-sur-Indre et une douzaine d’acteurs. C’est le film qui fit éclater au grand jour le génie comique de Tati. Très visuel, utilisant peu les paroles qui sont même parfois inaudibles, son humour se situe dans la droite ligne des grands du burlesque comme Keaton ou Chaplin. Le plus étonnant est la densité cet humour, il est même parfois sidérant de voir comment Jacques Tati arrive à tirer de multiples gags d’une seule et même situation. Son personnage de grand dégingandé ahuri est inénarrable. Jacques Tati oppose de façon amusante la ruralité et la modernité. Le film eut un grand succès dès sa sortie, il apporta une grande bouffée de bonne humeur et de fraîcheur. C’est encore le cas aujourd’hui où ressort restauré dans une version que la plupart d’entre nous n’avons jamais vue : la version originale de 1949 en noir et blanc.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jacques Tati, Guy Decomble, Paul Frankeur
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Remarques :
* Le personnage de François le facteur apparaît déjà dans le court métrage de 15 minutes L’Ecole des facteurs de Jacques Tati (1947) qui comportait déjà bon nombre des gags de Jour de fête.  Quelques scènes ont été reprises telles quelles (par exemple le slalom entre les vaches au début, toute la scène du sacristain, …) mais la plupart ont été tournés de nouveau pour être plus efficaces.
* Le film a été tourné à Sainte-Sévère-sur-Indre (Indre, 36), village que Tati connaissait bien puisqu’il y avait trouvé refuge pendant la guerre en 1943. Certaines scènes additionnelles ont été tournées à Charleval (Bouches-du-Rhône, 13).

Les versions :
– La version de 1949 en noir et blanc qui est restée longtemps invisible. C’est cette version qui ressort magnifiquement restaurée en ce 24 juillet 2013.
– La version de 1964, la plus répandue, qui comprend des scènes additionnelles tournées par Jacques Tati avec le personnage du jeune peintre. Quelques plans ont été coloriés au pochoir.
– La version en couleurs sortie en 1995. Jour de fête a en effet été tourné avec deux jeux de caméras, noir et blanc et couleurs. Le procédé français Thomsoncolor n’a hélas jamais été finalisé et la pellicule ne put être utilisée. En 1988, Sophie Tatischeff, la fille de Jacques Tati, montre la pellicule originale couleurs qu’elle a conservée à  Claude Ventura (producteur de l’émission Cinéma, Cinémas). Après une délicate récupération, Sophie Tatischeff effectue un montage identique à la version de 1949 avec toutefois quelques courtes séquences en moins (celles qui étaient reprises telles quelles de L’Ecole des facteurs).

Jour de fête

Jour de fête

Jour de fête

16 juillet 2013

La Rose du crime (1947) de Gregory Ratoff

Titre original : « Moss Rose »

La rose du crimeA Londres, à l’époque victorienne, Belle Adair est une jeune danseuse qui rêve de devenir « une dame ». Lorsque sa colocataire est retrouvée assassinée, elle recherche elle-même l’homme bien habillé qu’elle a vu sortir de la chambre mais ce n’est pas pour le livrer à la police… La Rose du crime est basé sur un roman de Joseph Shearing (1). L’adaptation est signée Niven Bush et le scénario montre une grande qualité dans la progression de l’intrigue. L’ensemble fonctionne donc parfaitement et l’atmosphère victorienne londonienne ajoute au mystère. Sur le plan de l’interprétation, on remarque surtout la belle prestation de Peggy Cummings, mélange de charme et fausse naïveté, un personnage finalement assez complexe. Face à elle, Victor Mature est certes un peu rigide comme souvent mais cela colle parfaitement à son personnage. On se laisse volontiers captiver par l’ensemble, tout au plus peut-on regretter que la mise en scène manque un peu de personnalité.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Peggy Cummins, Victor Mature, Ethel Barrymore, Vincent Price, Patricia Medina
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Remarque :
D’origine russe, Gregory Ratoff est certainement plus connu comme acteur que comme réalisateur mais il a tout de même dirigé trente films entre 1936 et 1960.

(1) Joseph Shearing est l’un des pseudonymes utilisés par Gabrielle Margaret Vere Long qui a beaucoup écrit sous le nom de Marjorie Bowen. Ses romans sont souvent des histoires où intervient le surnaturel ou les fantômes ou alors des romans policiers.

18 juin 2013

Madame Bovary (1949) de Vincente Minnelli

Madame BovaryAccusé d’avoir publié un roman immoral, Gustave Flaubert prend la défense de son personnage devant le tribunal et raconte l’histoire d’Emma Bovary… Pour cette adaptation littéraire, Vincente Minnelli refaçonne le personnage de Madame Bovary en accentuant son côté sentimental. Il doit aussi composer avec la censure qui est très méfiante envers cette histoire d’adultère. Pour cette raison, il doit renoncer à Lana Turner dont les précédents rôles ont été trop connotés sexuellement et opte pour la sage Jennifer Jones, actrice romantique par excellence qui saura attirer la sympathie de tous. Entre les mains de Minnelli, le roman de Gustave Flaubert devient ainsi le récit élégant d’une jeune femme victime de ses rêves d’adolescente. La scène du bal est à ce titre représentative : elle forme un éblouissant sommet à la fois pour le film et dans la vie de son héroïne. Il y a une très belle scène, très symbolique, où Emma se voit dans un miroir, entourée de prétendants. Minnelli joue d’ailleurs avec les miroirs tout au long de son récit, l’image qu’Emma se renvoie à elle-même.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jennifer Jones, James Mason, Van Heflin, Louis Jourdan, Alf Kjellin, Gene Lockhart
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Les adaptations du roman de Gustave Flaubert :
Madame Bovary par Jean Renoir (1933) avec Valentine Tessier
Madame Bovary par Gerhard Lamprecht (1937) avec Pola Negri
Madame Bovary par Vincente Minnelli (1949) avec Jennifer Jones
Madame Bovary par Claude Chabrol (1991) avec Isabelle Huppert

13 juin 2013

Riz amer (1949) de Giuseppe De Santis

Titre original : « Riso amaro »

Riz amerPour échapper à la police, un voleur de petite envergure demande à sa complice Francesca de se joindre à un convoi de « mondines », ces ouvrières saisonnières qui viennent chaque année dans les rizières de la plaine du Pô (1). Elle y fait la connaissance de Silvana… Riz amer est à la fois un film policier, un film d’amour et un film néoréaliste. C’est ce dernier aspect qui est de loin le plus réussi (et le plus novateur en 1949), le film nous faisant découvrir les dures conditions de travail des mondines ; Giuseppe De Santis nous gratifie de quelques superbes plans d’ensemble et de beaux mouvements de caméra. Avec la jeune Silvana, il nous montre aussi comment ces jeunes femmes pouvaient rêver d’une vie facile, abreuvées des images factices des fumetti (romans-photos populaires). Riz amer est un film de femmes (2), les deux personnages masculins sont fades, caricaturaux et sans intérêt. Les intrigues secondaires où ils jouent un rôle sont d’ailleurs bâclées. Riz amer
Doris Dowling montre une belle présence à l’écran mais c’est bien entendu la jeune Silvana Mangano (19 ans, Miss Rome 1946) en short et en cuissardes qui a beaucoup marqué les esprits. A ce titre, la démarche de De Santis fut souvent, et à juste titre, jugée plutôt ambigüe car, tout en critiquant la génération dévoreuse de fumetti, il joue avec l’érotisme pour s’attirer un large public. Riz amer fut un énorme succès. Le film paraît plutôt surestimé, encore aujourd’hui, mais il reste assez unique par le monde qu’il décrit.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Silvana Mangano, Doris Dowling, Vittorio Gassman, Raf Vallone
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Remarques :
* Riz amer fait partie des tous premiers films produits par Dino De Laurentiis (alors âgé d’à peine 30 ans). Il épousera Silvana Mangano à la fin du tournage.
* Actrice américaine, Doris Dowling est doublée par Andreina Pagnani.
* Plus surprenant : Silvana Mangano est également doublée (par Lydia Simoneschi).

(1) Le riz est cultivé dans la plaine du Pô depuis plusieurs siècles. Les mondines (de l’italien monda : désherbage) sont les travailleuses saisonnières qui venaient au printemps planter les jeunes plants et enlever les mauvaises herbes, toute l’opération se déroulant alors que le champ est inondé afin de protéger les jeunes pousses des écarts de température. Les mondines devaient donc travailler avec de l’eau jusqu’aux cuisses, le dos courbé toute la journée, c’est-à-dire dans des conditions très dures.

(2) Que Riz amer soit un film de femmes est particulièrement net dans la scène finale où les hommes se retrouvent condamnés à l’impuissance ; ce sont les deux femmes qui vont déterminer l’issue.

10 juin 2013

Goupi Mains rouges (1943) de Jacques Becker

Goupi mains rougesAppelé par sa famille, un parisien rejoint la ferme familiale du clan des Goupi. Le jour même de son arrivée, Goupi Tisane, une vieille fille autoritaire qui régentait la famille, est retrouvée assassinée… Tourné pendant l’Occupation, Goupi Mains rouges est l’adaptation d’un roman de Pierre Very. Contrairement à la propagande pétainiste de l’époque qui glorifiait le monde paysan nourricier, ce portrait d’une famille rurale qui forme un clan opaque et règle elle-même ses affaires n’est nullement édulcoré : la cupidité est ici le principal moteur des comportements. Méfiance et médisance sont omniprésentes. Goupi Mains rouges est le deuxième film de Jacques Becker qui montre ici une grande maitrise dans la mise en scène, il insuffle beaucoup de vie dans cette histoire au point que l’intrigue policière passe un peu au second plan. Fernand Ledoux est parfait, comme bien souvent, mais le personnage le plus remarquablement interprété est celui de Goupi Tonkin par Robert Le Vigan. Le film eut beaucoup de succès à l’époque grâce à sa qualité bien entendu mais aussi parce qu’il permettait à une population urbaine, lassée de voir certains paysans s’enrichir au marché noir, de prendre en quelque sorte une revanche. Goupi Mains rouges fait partie des films les plus remarquables tournés sous l’Occupation.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Fernand Ledoux, Georges Rollin, Robert Le Vigan
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7 juin 2013

Arènes sanglantes (1941) de Rouben Mamoulian

Titre original : « Blood and Sand »

Arènes sanglantesDepuis son plus jeune âge, Juan Gallardo rêve d’être un grand torero comme son père et d’épouser la jeune Carmen. Il y parvient mais alors qu’il est au somment de la gloire, il fait connaissance de la belle Dona Sol… Basée sur une livre de Vicente Blasco Ibáñez, cette histoire avait déjà été portée à l’écran au temps du muet par Fred Niblo avec Rudolph Valentino. Si la version de Rouben Mamoulian lui est plutôt supérieure, ce n’est pas tant grâce au scénario, qui reste assez faible et sans surprise aucune, mais plutôt par sa distribution et surtout sa superbe photographie. Tournant pour la première fois en couleurs, Mamoulian a soigné ses images, construisant certains plans comme des tableaux en s’inspirant de peintres tels que Goya, Velasquez ou El Greco. Il utilise également la couleur (des robes) pour souligner l’antagonisme entre les deux femmes. Rita Hayworth, qui n’est à l’époque pas encore très connue (1), montre déjà de belles aptitudes pour interpréter les femmes dévoreuses d’hommes avec une forte présence à l’écran. On notera que Mamoulian ne se prive pas de souligner les aspects sanguinaires des corridas.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Tyrone Power, Linda Darnell, Rita Hayworth, Alla Nazimova, Anthony Quinn, John Carradine
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Remarque :
Alla Nazimova, qui interprète ici la mère du matador, fut une très grande star du muet. Elle a notamment tourné avec Valentino (mais pas dans la première version d’Arènes sanglantes).

Les trois adaptations du roman de Vicente Blasco Ibáñez :
Arènes sanglantes (Blood and Sand) de Fred Niblo (1922) avec Rudolph Valentino
Arènes sanglantes (Blood and Sand) de Rouben Mamoulian (1941) avec Tyrone Power
L’indomptée (Sangre y arena) de Javier Elorrieta (1989) avec Sharon Stone

28 mai 2013

Les Raisins de la colère (1940) de John Ford

Titre original : « The Grapes of Wrath »

Les Raisins de la colèreLorsque Tom Joad rentre chez lui après quatre années d’absence, il trouve la situation bien changée. Après plusieurs récoltes ravagées par les tempêtes de poussière et expulsés sans scrupule par les propriétaires, les fermiers d’Oklahoma quittent leurs terres, attirés par les promesses de travail abondant en Californie… L’adaptation du grand roman de John Steinbeck, Les Raisins de la colère, était au départ un projet de Daryl Zanuck qui en confia la réalisation à John Ford. Touché par cette histoire, le réalisateur y a vu une analogie avec la grande famine de l’Irlande de ses ancêtres. Il la filme avec un grand réalisme, presque documentaire, et une grande honnêteté qui font des Raisins de la colère un film humaniste de grande envergure. C’est sans aucun doute l’un des plus beaux rôles d’Henri Fonda, le plus beau d’après lui, l’acteur contribuant à donner une nature christique à son personnage. Certes, le propos de Steinbeck a été édulcoré, dépolitisé, amoindri mais il reste suffisamment fort, une ode poignante à la dignité humaine.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Henry Fonda, Jane Darwell, John Carradine, Charley Grapewin
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Remarques :
Grappes d'amertume * L’adaptation a été écrite par Nunnally Johnson.
* Le livre de John Steinbeck et le film de John Ford ont été édités en Belgique sous le titre Grappes d’amertume.
* Les Raisins de la colère comporte deux fins et les copies en circulation montrent l’une ou l’autre. John Ford avait terminé son film avec le départ de Tom après sa superbe profession de foi. A la demande de Daryl Zanuck, il fut ajouté une autre scène (de 4 minutes environ) où l’on voit la famille Joad quitter le camp pour un bon travail de plusieurs semaines et Ma Joad dit à son mari : « Nous durerons toujours car nous sommes le peuple. On ne peut nous effacer. »
* Pour juger du caractère réaliste du film, on peut le rapprocher des travaux des grands photographes qui ont travaillé pour la F.S.A. (Farm Security Administration) à la fin des années trente : Walker Evans et Dorothea Lange sont les plus connus, à juste titre d’ailleurs, mais il y a aussi Russell Lee, Arthur Rothstein, Ben Shahn et John Vachon.

8 mai 2013

Passez muscade (1941) de Edward F. Cline

Titre original : « Never Give a Sucker an Even Break »

Never Give a Sucker an Even BreakFields est scénariste aux Esoteric Studios et tente de placer un scénario auprès d’un metteur en scène en lui racontant l’histoire : il s’agit d’un homme qui part au Mexique vendre des fausses noix de muscades en bois à une colonie d’immigrés russes… Never Give a Sucker an Even Break est à proprement parler le dernier film de W.C. Fields et ce n’est pas le plus sage ! Le fait de mettre une histoire dans l’histoire permet de s’affranchir de toute vraisemblance : les situations et évènements peuvent être totalement farfelus puisqu’ils proviennent de l’imagination d’un scénariste tout aussi farfelu. C’est in-racontable. W.C. Fields est en belle forme et nous abreuve de ces formules hilarantes dont il a le secret (1). Tout irait pour le mieux s’il n’avait pour co-star Gloria Jean, une chanteuse soprano de 15 ans alors populaire en tant que jeune prodige, dont le personnage ne sert strictement à rien si ce n’est qu’à lui permettre de pousser de pénibles vocalises et chansons à intervalles réguliers. Les scénaristes ont eu toutefois le bon goût de lui donner très peu de dialogues. Le film se termine par une course poursuite échevelée, tout aussi délirante que le reste du film.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: W.C. Fields, Gloria Jean, Margaret Dumont, Franklin Pangborn
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Remarques :
* Dans la scène où W.C. Fields se rend dans un soda-shop pour commander un milk-shake, il se tourne vers la caméra pour dire : « Normalement, je devais aller dans un bar mais les censeurs ont coupé la scène. » Il disait la vérité !
* Aux Etats-Unis, l’expression « wooden nutmeg » (= noix de muscade en bois) désigne toute forme de fraude. Le terme vient d’une légende qui voudrait que certains commerçants peu scrupuleux du Connecticut vendaient des noix de muscade en bois. Cela a même valu au Connecticut son surnom de « Nutmeg State ».

(1) Exemple : En parlant d’une de ses ex-femmes : « Elle m’a poussé à boire, c’est la seule chose pour laquelle je lui suis redevable. »