4 août 2014

Good Morning Babylon (1987) de Paolo Taviani et Vittorio Taviani

Titre original : Good Morning Babilonia

Good morning BabiloniaArtisans de génie spécialisés dans la restauration d’églises et de monuments, les deux frères Andrea et Nicola quittent leur Italie natale dans les années dix pour aller tenter leur chance en Amérique. Après une période difficile, ils réussissent finalement à se faire embaucher comme décorateurs par D.W. Griffith pour son nouveau film Intolérance… Les frères Taviani mêlent fiction et réalité dans cette fable qui aborde plusieurs thèmes assez différents : l’émigration vers le rêve américain, les pionniers du cinéma, la notion de créateur, l’importance des traditions et de la transmission du savoir-faire (et même du patriarcat), la mémoire, l’absurdité de la guerre. C’est sans doute beaucoup pour un seul film. Pour l’amateur de films muets, Good morning Babylon est assez fascinant par sa récréation de l’Hollywood des années dix et des toutes premières grandes productions. Charles Dance fait un Griffith très crédible. En revanche, le décor grandiose d’Intolérance (reconstitué avec des toiles peintes) n’a vraiment aucune ampleur (1). Pour le reste, Good morning Babylon sait faire preuve de lyrisme et la photographie est très belle.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Vincent Spano, Joaquim de Almeida, Greta Scacchi, Charles Dance
Voir la fiche du film et la filmographie de Paolo Taviani et Vittorio Taviani sur le site IMDB.

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Remarques :
* La façade sur laquelle travaillent les artisans au début du film est celle de la cathédrale de Pise, Place des Miracles.

* Cabiria, le film de Giovanni Pastrone que visionne Griffith, est sorti en 1914. Par ses décors grandioses, son authenticité, ses mouvements de camera (c’est le premier film avec des travelings), Cabiria a influencé Griffith et d’autres réalisateurs. Cabiria a connu un immense succès aux Etats-Unis.

(1) A la décharge des Frères Taviani, il faut reconnaitre que l’immense décor d’Intolérance était impossible à recréer. Aujourd’hui, on pourrait faire appel aux images de synthèse mais en 1987, ce n’est pas vraiment possible.

23 juillet 2014

Giordano Bruno (1973) de Giuliano Montaldo

Giordano BrunoLibre penseur, philosophe et scientifique, l’ancien frère dominicain Giordano Bruno a trouvé refuge à Venise. Il est dénoncé comme hérétique à l’Inquisition par son hôte en 1592 et emprisonné. Les autorités religieuses sont très divisées sur son cas… Acteur passé à la réalisation, Giuliano Montaldo est principalement connu pour son film Sacco et Vanzetti qu’il a tourné juste avant ce Giordano Bruno qui lui permet, une fois encore, de dénoncer l’intolérance d’Etat. On peut certainement lui reprocher de trop se concentrer sur les atermoiements de l’Eglise durant les huit années de son « procès » dont on connaît hélas l’issue. Il eut été peut-être intéressant de faire mieux connaitre les idées qu’il développait car, autant son apport en cosmologie est connu (c’est lui qui, à partir des travaux de Copernic, émit l’idée que la Terre tourne autour du soleil, que l’univers est infini et qu’il existe certainement d’autres systèmes planétaires), autant ses positions philosophiques le sont moins, ces dernières paraissant, il est vrai, assez foisonnantes et dans des domaines divers. Ses pensées n’apparaissent dans le film que par bribes, assez souvent déclamées, comme dans une sorte de transe. Désireux de faire un film militant contre l’obscurantisme, le propos de Montaldo était toutefois autre et son film reste instructif. Gian Maria Volonté montre une grande présence et donne beaucoup de corps à son personnage.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gian Maria Volonté, Hans Christian Blech, Mathieu Carrière, Renato Scarpa, Charlotte Rampling
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Remarques :
* La musique est signée Ennio Morricone.

* Une statue de bronze de Giordano Bruno (1548-1600) trône depuis le XIXe siècle sur les lieux où il fût brûlé vif, sur la grande place Campo dei Fiori à Rome.

* En 1908, Giovanni Pastrone a tourné un court film intitulé Giordano Bruno (Le Martyr de la libre-pensée). C’est d’ailleurs son premier film (il était alors âgé de 25 ans). Le film est aujourd’hui perdu.

14 juillet 2014

Larmes de joie (1960) de Mario Monicelli

Titre original : « Risate di gioia »

Larmes de joieUn soir de Nouvel An à Rome, une actrice de figuration se retrouve sans invitation. Accidentellement, elle tombe sur une de ses connaissances, acteur sur le retour, qui en est réduit à servir d’acolyte à un pickpocket… Larmes de joie est inspiré des Nouvelles romaines d’Alberto Moravia. Le film mélange le tragique et le comique : sous l’humour, présent dans presque toutes les scènes, Monicelli nous dépeint les difficultés de trois personnages qui se débattent pour mieux vivre dans cette Italie de la fin des années cinquante. L’une est une indéfectible optimiste qui espère toujours que la chance lui sourira un jour, le second vit de petites combines plutôt minables et le plus jeune des trois est depuis toujours dans la petite délinquance. Anna Magnani (en blonde) nous fait un grand numéro, elle est volubile, explosive, exubérante, et forme un superbe tandem avec Totò, ce grand comique qui donne à son personnage une belle épaisseur ; il est particulièrement touchant. Leurs joutes verbales sont hautes en couleur. Ben Gazzara est plus en retrait.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Anna Magnani, Totò, Ben Gazzara, Fred Clark
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Remarques :
* Le titre original est à double sens : la traduction littérale de Risate di gioia est « éclat de rire de joie » mais puisque Gioia est le prénom du personnage jouée par Anna Magnani, cela peut être tout aussi bien « le rire de Gioia » (qui ne passe pas inaperçu, soit-dit en passant…)

* C’est la première apparition du comédien-clown Mac Ronay (le conducteur du métro). Ce comique français, au physique à nul autre pareil, n’a hélas pas beaucoup tourné mais beaucoup le connaissent grâce à son rôle de porte-flingue dans Les Tontons flingueurs. Les italiens l’ont doté ici d’une voix très haut perchée.

* On notera le clin d’oeil à La Dolce Vita (l’américain ivre veut se baigner dans la fontaine de Trévi… « Foutu cinéma! » commente Anna Magnani). Le film de Fellini est sorti en février 1960 en Italie et a reçu la palme d’or à Cannes en mai ; Larmes de joie est sorti en octobre 1960.

8 juillet 2014

Mogli pericolose (1958) de Luigi Comencini

Traduction du titre : « Femmes dangereuses »

Femmes dangereusesQuatre couples passent un week-end à la campagne. Pendant que les maris sont partis à la chasse, les femmes parlent des hommes. La jeune Ornella n’est pas d’accord pour dire qu’ils sont tous volages : elle sait qu’elle peut faire confiance à son mari. Son amie Tosca lui propose de faire le pari qu’elle parviendra à le séduire. De retour à Rome, elle met son projet à exécution… Ecrit et réalisé par Luigi Comencini, Mogli pericolose est une comédie légère sur les rapports entre hommes et femmes à l’intérieur du couple et plus précisément sur les dangers de la jalousie excessive. Comme beaucoup des comédies italiennes de cette époque, Mogli pericolose dresse un portrait de la classe moyenne, celle qui sort triomphante de la reconstruction italienne, suffisamment aisée pour oublier tout problème matériel et se concentrer sur ses rapports humains. Le fond est un peu moins superficiel qu’il n’en a l’air même si l’étude n’est pas très profonde. Sans trop forcer le trait ni verser dans la caricature, Comencini utilise les quatre couples pour montrer quatre situations très différentes (confiance, déséquilibre, suspicion, conflit ouvert). L’humour est créé à partir des tensions, des drames qui se nouent. L’ensemble est très amusant, servi par un très bon plateau d’acteurs. On se demande pourquoi le film est si rare.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sylva Koscina, Renato Salvatori, Dorian Gray, Franco Fabrizi, Pupella Maggio, Mario Carotenuto
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Remarques :
* Mogli pericolose n’est jamais sorti en France. Il a été diffusé pour la première fois à la télévision au Cinéma de Minuit de Patrick Brion en mars 2014.

* A propos de l’humour, Comencini précise :
« Une chose est certaine: pour faire un film comique, il faut inventer des histoires vraiment tragiques. (…) Le rire est une manifestation de la méchanceté humaine. Charlot a toujours fait rire seulement avec ses malheurs. Quand finalement les choses s’arrangent pour lui, sur l’écran apparaît le mot « fin ». Beaucoup plus modestement, Mogli pericolose se propose de faire rire en montrant les dangers et les désastres qui plus ou moins pointent le bout du nez dans toutes nos maisons. Dans le film, ces dangers et ces désastres ne pointent pas le bout du nez, ils débordent avec toute leur force, leur insistance aveugle et persistante, et ils font rire. » (interview publié dans Tempo du 25/11/58 cité dans le livre de Jean A. Gili sur Comencini).
C’est une citation très intéressante même si l’on peut penser que Comencini oublie de prendre en compte le recul qu’offre le cinéma et sa fonction de miroir. C’est en tous cas, un beau sujet de réflexion…

29 juin 2014

Ce merveilleux automne (1969) de Mauro Bolognini

Titre original : « Un bellissimo novembre »

Ce merveilleux automneComme chaque année en novembre, la famille sicilienne du jeune Nino se retrouve dans la villa de l’oncle. Les hypocrisies, les non-dits et la lourdeur des relations entre les différents membres étouffent Nino. Il n’a d’yeux que pour sa tante Cettina, qui offre un mélange de sensualité et de spontanéité qui l’attire comme un aimant… Ce merveilleux automne est l’adaptation d’un roman d’Ercole Patti. Il met en scène une famille de grands propriétaires siciliens dans un état de presque dégénérescence. Repliés sur eux-mêmes, se trompant les uns les autres, se mariant entre eux, les membres de cette famille apparaissent entièrement sclérosés aux yeux de Nino. L’amour qu’il ne peut porter ouvertement à sa mère, il le reporte sur sa tante, la seule adulte qui soit pleine de vie. Bolognini décrit parfaitement cette famille avec son tissu complexe de relations basées sur la fausseté. Il est assez incompréhensible que Ce merveilleux automne ne soit pas mieux considéré car il offre une peinture sociale juste et assez incisive et présente une belle intensité. Il est en outre comme illuminé par la sensualité de Gina Lollobrigida.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gina Lollobrigida, Gabriele Ferzetti, André Lawrence, Paolo Turco
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Remarques :
* Pratique courante à cette époque en Italie : tous les acteurs sont post-synchronisés, la plupart sont même doublés à commencer par Gina Lollobrigida dont on ne reconnait pas la voix. Pire encore : la même actrice (Rita Savagnone) a doublé Gina Lollobrigida et Danielle Godet (qui joue la mère de Nino). Donc quand elles se parlent, c’est exactement la même voix qui répond, ce qui transforme presque le dialogue en monologue!

* Comme l’a rappelé avec honnêteté Patrick Brion (grand admirateur de l’oeuvre de Bolognini) dans sa présentation lors de la diffusion au Cinéma de Minuit, le réalisateur a déclaré ne pas être vraiment satisfait de Ce merveilleux automne, estimant n’avoir pas su donner une forte intensité à la relation entre le jeune garçon et sa tante. A mon humble avis, le cinéaste a vraiment tort de penser cela car l’intensité est bien là.

22 juin 2014

La Plus Belle Soirée de ma vie (1972) de Ettore Scola

Titre original : « La più bella serata della mia vita »

La plus belle soirée de ma vieEn déplacement en Suisse, l’italien Alfredo Rossi tombe en panne sur une route isolée et trouve refuge dans un château proche. Le maître des lieux est un comte, magistrat à la retraite qui lui explique qu’avec trois de ses amis, ils occupent leurs soirées à refaire des procès célèbres ou encore à simuler un procès de leurs invités. Et effectivement, lors du dîner, Alfredo se retrouve insidieusement soumis à une série de questions… Basé sur la pièce La Panne du suisse Friedrich Dürrenmatt, La Plus Belle Soirée de ma vie est une fable plaisante qui mêle humour noir et satire sociale avec une petite pointe de fantastique. Ettore Scola joue avec les stéréotypes pour faire une critique assez mordante de l’italien arriviste, hâbleur et dragueur. Le plateau réunit cinq monstres sacrés : face à Alberto Sordi, il place un quatuor de quatre grands acteurs français (hélas doublés). On suit avec délectation la façon dont Sordi passe du statut d’invité à celui d’accusé par une rhétorique assez brillante et quelques déductions audacieuses. Notre propre regard sur lui évolue et change du tout au tout. La Plus Belle Soirée de ma vie est une amusante comédie qui reste injustement méconnue.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Michel Simon, Charles Vanel, Pierre Brasseur, Claude Dauphin, Janet Agren
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Voir le livre de Claude Dauphin sur le tournage …

Remarques :
* Le film n’est sorti en France qu’en 1979 car Ettore Scola voulait que Sordi se double lui-même en français. La version vue ici était en italien.

* La Plus Belle Soirée de ma vie est le dernier film de Pierre Brasseur et l’avant-avant-dernier de Michel Simon. Pierre Brasseur est mort pendant le tournage ce qui obligea à raccourcir le film et à utiliser une doublure dans quelques scènes. Une scène finale devait montrer Simonetta rapportant le sac de l’italien au comte ; elle ne fut pas tournée (ceci dit, la mort de Pierre Brasseur n’est sans doute pas l’unique raison de la suppression de cette fin… car cette scène changerait totalement la « morale » de cette fable, la rabaissant vraiment, et si Scola y avait vraiment tenu, il aurait pu facilement la tourner en l’adaptant).

* Le film a été tourné au château médiéval de Tures (Haut-Adige, Italie du Nord).

20 juin 2014

Voyage en Italie (1954) de Roberto Rossellini

Titre original : « Viaggio in Italia »

Voyage en ItalieUn couple de bourgeois anglais, Katherine et Alexander, arrivent à Naples pour régler une histoire d’héritage. Ils sont mariés depuis huit ans mais ce voyage les place seuls, face à face, pour la première fois. Ils constatent qu’ils n’ont que peu de choses à se dire et peu d’intérêts communs… L’idée de départ de Rossellini était de porter à l’écran Duo, le roman de Colette. Quand il découvrit que les droits n’étaient pas disponibles, il décida d’écrire lui-même une histoire sur le même thème. Voyage en Italie fut assez critiqué à sa sortie, beaucoup reprochant au réalisateur de tourner le dos au néoréalisme qu’il avait lui-même initié dix ans auparavant (1). C’est certainement réducteur car Rossellini va plus loin : il crée la symbiose entre le réalisme et l’intimiste. Ce couple bourgeois, dont on suppose qu’il donnait toutes les apparences d’un couple uni dans la bonne société londonienne, va être amené vers une véritable introspection au contact d’un monde où tout leur est étranger (autant au niveau de la nationalité, que du milieu social, du mode de vie, de la philosophie de vie). Chacun va tenter à sa façon une prise de contact avec ce monde nouveau mais ne trouver que plus de frustrations. Il faudra une immersion plus grande et que les ultimes défenses tombent pour qu’ils puissent franchir une nouvelle étape. L’art de Rossellini est de bâtir un film d’une grande portée, offrant même plusieurs niveaux de lecture, à partir d’une succession de petits riens, sans grand développement de scénario. Cette apparente simplicité pourra dérouter mais elle force l’admiration car Voyage en Italie est étonnant par sa profondeur ; cela explique certainement pourquoi il fait partie de ces films qui restent ancrés dans nos esprits.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Ingrid Bergman, George Sanders
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Remarques :
* La version originale est en anglais. La version doublée en italien passe pour être épouvantable.

* Voyage en Italie est le troisième des cinq longs métrages de Rossellini avec Ingrid Bergman qui, rappelons-le, étaient alors mari et femme. Ces cinq films sont : Stromboli (1950), Europe 51 (1951), Voyage en Italie (1954),  La Peur (1954), Jeanne au bûcher (1954).

* Ingrid Bergman raconte dans son autobiographie à quel point George Sanders était dérouté par les méthodes de travail peu rigoureuses de Rossellini. Son désarroi était donc proche de celui de son personnage. Il était si mal à l’aise qu’il téléphonait très régulièrement à son psy à Los Angeles. Ingrid Bergman, elle, faisait confiance à son mari mais avoue tout de même s’être posée des questions lorsqu’ils ont commencé par aligner les tournages des scènes de musée sans avoir d’idée sur le contenu du reste du scénario (que Rossellini continuait d’écrire au fur et à mesure). (Ingrid Bergman Ma Vie, Fayard 1980).

(1) André Bazin a défendu le film dans une polémique restée célèbre avec Guido Aristarco (critique italien très à gauche, dirigeant-fondateur de la revue Cinema Nuovo).

1 juin 2014

Toto misère et noblesse (1954) de Mario Mattoli

Titre original : « Miseria e nobiltà »

Toto misère et noblesseA la fin XIXe siècle à Naples, deux familles vivent dans le même appartement. Ils n’ont rien mangé depuis trois jours. Un jeune marquis amoureux d’une danseuse leur demande de passer pour ses parents lors d’une visite au père de la belle. Ils acceptent avec empressement à la perspective de faire un bon repas… Adapté d’une pièce de théâtre du napolitain Eduardo Scarpetta, Toto misère et noblesse est réalisé par le napolitain Mario Mattoli et joué par le napolitain Totò, grand comique qui était alors immensément populaire en Italie. Toto misère et noblesse Inutile de dire qu’il tient une grande place dans le film mais il est bien secondé par Enzo Turco et par les seconds rôles, tous très bien tenus. L’humour joue sur la volonté de garder une certaine dignité dans la misère et sur la façon dont ils se prennent au jeu d’être des nobles. Sophia Loren n’a qu’un petit rôle, l’actrice n’était pas encore connue et tournait abondamment. Très amusant, le film connut un grand succès en Italie.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Totò, Enzo Turco, Sophia Loren
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Autres adaptations :
* La pièce Miseria e nobiltà avait déjà été adaptée par Corrado D’Errico en 1940 avec Vincenzo Scarpetta, le fils de l’auteur Eduardo Scarpetta, dans le rôle de Pasquale. Le film semble perdu.
* La pièce sera également adaptée par le français Marcel Bluwal pour l’ORTF en 1958 avec Rosy Varte, Jacques Fabbri… et un jeune garçon de 11 ans du nom de Patrick Maurin dans le rôle du petit Pepeniello, jeune acteur qui prendra plus tard le nom de Patrick Dewaere.

27 mai 2014

Mafioso (1962) de Alberto Lattuada

MafiosoAntonio, qui vit et travaille à Milan dans le nord de l’Italie, se fait une fête de profiter de ses vacances pour montrer à sa femme son village natal de Sicile et ses parents. Il y revoit tous ses anciens amis et aussi le respecté Don Vincenzo… Tourné en 1962, en plein âge d’or du cinéma italien, Mafioso est un film assez étonnant par son mélange de peinture sociale et d’intrigue policière. Le scénario est l’oeuvre de quatre scénaristes, dont le fameux tandem Agenore Incrocci / Furio Scarpelli et Marco Ferreri. Le film dresse un portrait haut en couleur de la Sicile, proche de la satire sociale, oscillant entre humour (exubérance des rapports humains, pittoresque qui confine parfois au ridicule) et un certain réalisme (nous sommes en effet loin de la révolution industrielle qui fait la richesse du nord de l’Italie). La bienveillance montre ses limites quand il s’agit de montrer la rigidité des règles sociales et surtout la main mise de la Mafia : la façon dont elle parvient à faire exécuter ses basses besognes par n’importe qui est particulièrement bien en relief, ce qui fait de Mafioso l’un des premiers films à montrer, de l’intérieur, le fonctionnement de cette organisation criminelle. Ce mélange de comédie et de tragique, si caractéristique au cinéma italien, trouve ici l’un de ses plus belles illustrations. La réalisation d’Alberto Lattuada est assez simple, le plus souvent en plan large. Le film doit beaucoup à Alberto Sordi, présent dans pratiquement toutes les scènes ; il excelle dans les différents registres.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Norma Bengell, Gabriella Conti, Ugo Attanasio
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9 avril 2014

Le Voleur de bicyclette (1948) de Vittorio De Sica

Titre original : « Ladri di biciclette »

Le voleur de bicycletteDans le Rome de l’Après-guerre, un chômeur trouve du travail comme colleur d’affiches pour la Mairie. Il se fait voler sa bicyclette qui est vitale pour lui pour garder cet emploi. Avec son fils, il se met en quête pour retrouver le voleur… Le Voleur de bicyclette est l’un des films les plus emblématiques du néo-réalisme italien. L’histoire est tirée d’un roman de Luigi Bartolini. L’Oscar honorifique de son film précédent, Sciuscia, avait attiré sur lui l’attention d’Hollywood mais pourtant Vittorio De Sica a préféré refuser l’offre de David O. Selznick de faire de son nouveau film une grosse production avec Cary Grant en vedette pour finalement le tourner avec un budget très réduit et des acteurs non professionnels (1). Le film reste l’un des témoignages les plus authentiques de l’état de l’Italie au lendemain de la guerre avec ses millions de chômeurs, nous montrant, de l’intérieur, la grande pauvreté de cette Italie qui était entièrement à reconstruire, avec la tentation des fausses croyances. Le voleur de bicyclette Le propos n’est pas misérabiliste pour autant, il est même assez positif avec cette entraide si importante et surtout par son image de fin, l’une des plus belles fins de toute l’histoire du cinéma, une image toute simple mais si forte d’un petit garçon qui prend la main de son père qui vient d’essuyer l’opprobre de la foule. Toute la force du film est d’avoir un contenu particulièrement riche alors qu’il semble ne montrer que la vie réelle dans son apparente banalité, et qui plus est, sur un laps de temps très court, l’essentiel de l’histoire se déroulant sur une journée. C’est en cela que Le Voleur de bicyclette reste encore aujourd’hui si unique.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Lamberto Maggiorani, Enzo Staiola
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Remarques :
* Sergio Leone a été assistant de Vittorio De Sica sur ce film. En outre, il apparait brièvement à l’écran : c’est l’un les prêtres qui entourent le père et son fils pendant l’averse.
* Le titre original en italien se traduit par *Les* Voleurs de bicyclette, la nuance étant d’importance. Le voleur de bicyclette pourrait n’être qu’un banal film policier (c’est probablement ce qu’ont voulu laisser croire les distributeurs français en optant pour le singulier), Les Voleurs de bicyclette élargit le propos à la société : chaque niveau social aurait-il son voleur de bicyclette ?

(1) L’acteur principal Lamberto Maggiorani était un ouvrier au chômage avant de tourner le film et le redeviendra hélas, une fois le tournage achevé.