18 avril 2013

Les caves du Majestic (1945) de Richard Pottier

Les caves du MajesticAu grand hôtel Majestic, le corps d’une riche cliente suédoise est retrouvé dans le vestiaire d’un membre du personnel travaillant au sous-sol dans les cuisines. Le commissaire Maigret et son adjoint Lucas enquêtent sur cette affaire bien mystérieuse… Durant l’Occupation, les adaptations des romans de Simenon furent assez nombreuses ; elles avaient l’avantage d’être bien tolérées et même encouragées par les forces d’occupation car assez neutres. Dans Les Caves du Majestic, c’est Albert Préjean qui incarne Maigret. C’est la troisième fois qu’il tient ce rôle (1). Bien qu’un peu jeune et élancé pour le personnage, il y est assez crédible, montrant une certaine personnalité et une bonne présence. L’intrigue, bien ficelée comme toujours avec Simenon, est servie par de bons dialogues et même une dose d’humour. Le dénouement peut sembler un peu précipité. La grande originalité de ces  Caves du Majestic est dans la présence d’un petit volet social : en plus de trouver le meurtrier, Maigret se met en tête de choisir qui sera le meilleur père pour un petit garçon. Le film étant tourné sous l’Occupation, mise en scène et réalisations restent assez simples.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Albert Préjean, Suzy Prim, Jacques Baumer, Denise Grey, Jean Marchat, Fernand Charpin
Voir la fiche du film et la filmographie de Richard Pottier sur le site IMDB.

Remarques :
* Les Caves du Majestic est  le dernier film produit par la Continental, société de production contrôlée par les allemands. Il ne sortira qu’en août 1945, donc après la Libération, distribué par la toute nouvelle Union Générale Cinématographique (U.G.C.)
* On remarquera l’importance de la nourriture dans le film. Pour la comprendre, il faut replacer le film dans son époque de rationnement : la nourriture était alors une préoccupation majeure. De plus, le scénariste Charles Spaak a écrit l’adaptation alors qu’il était emprisonné par les allemands.
* Le trajet de Charles Spaak et le tournage de Les Caves du Majestic sont racontés et mis en images dans l’excellent film de Bertrand Tavernier Laissez-passer (2002).

(1) Albert Préjean était déjà Maigret dans Picpus (1943) du même Richard Pottier et dans Cécile est morte (1944) de Maurice Tourneur. Les caves du Majestic est la troisième (et ultime) fois où il interprète le célèbre commissaire.

17 avril 2013

Les Nouveaux Messieurs (1929) de Jacques Feyder

Les nouveaux messieurs(Film muet) Une danseuse sans talent de l’Opéra se fait entretenir par un député qui la couvre de cadeaux. Elle fréquente également en secret un électricien de l’Opéra, qui est aussi responsable syndical. A la faveur d’un changement de gouvernement, ce dernier accède à un poste de ministre… Adaptation d’une pièce de Robert de Flers et Francis de Croisset, Les Nouveaux Messieurs est une comédie qui brocarde les moeurs politiques de son époque. Jacques Feyder ne ménage pas ses attaques contre la gauche : une fois parvenue au pouvoir, elle ne met pas en pratique ses idées (1) et le ministre préfère passer son temps avec sa maitresse plutôt qu’à recevoir ses administrés. Du fait d’une scène où un député imagine le Palais-Bourbon rempli de danseuses en tutu et aussi d’une courte bagarre, Les nouveaux messieursle film fut interdit plusieurs mois pour « atteinte à la dignité des parlementaires » (2). L’ensemble est sans doute un peu long (2 heures) et manque de rythme. En outre, Jacques Feyder abuse certainement des effets de surimpression. Les Nouveaux Messieurs reste une comédie plaisante et c’est un film assez étrange à regarder dans le climat actuel où la défiance envers la classe politique semble être plus forte que jamais.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Albert Préjean, Gaby Morlay, Henry Roussel
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Les nouveaux messieurs(1) L’historien Georges Sadoul rapporte, qu’à l’époque, l’extrême gauche fit bon accueil au film de Jacques Feyder car elle y voyait la preuve des trahisons qu’elle stigmatisait.

(2) Quand Les Nouveaux Messieurs sortit enfin sur les écrans français après quelques coupes assez minimes, Jacques Feyder n’était déjà plus en France. Il avait émigré à Hollywood où il commencera par tourner le très beau The Kiss, le dernier film muet de Greta Garbo.

8 avril 2013

Une vie (1958) de Alexandre Astruc

Une vieDans la seconde moitié du XIXe siècle, Jeanne vit avec ses parents dans une grande maison en Normandie. Elle fait la connaissance de Julien, revenu d’un long séjour à Paris, taciturne et un peu bourru. Elle l’épouse mais le bonheur qui suit ne sera que de courte durée… Adaptation de la première partie du roman de Guy de Maupassant Une vie, le film d’Alexandre Astruc ne parvient pas à en restituer toute la sensibilité. L’ensemble est très froid, le jeu des acteurs très rigide, la voix off ajoutant encore un degré à la distanciation. Le film peine à émouvoir. Il nous reste à profiter de la splendide photographie de Claude Renoir (neveu de Jean Renoir) avec une superbe utilisation de la couleur (Eastmancolor) qui restitue toute la beauté de Maria Schell et des paysages du nord-Cotentin.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Maria Schell, Christian Marquand, Pascale Petit
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5 avril 2013

Les Infidèles (2012) de Jean Dujardin & 7 réalisateurs

Les infidèlesSur une idée de départ de Jean Dujardin et Gilles Lellouche, Les Infidèles est composé d’une petite dizaine de sketches ayant tous pour personnages principaux deux quadras immatures et dragueurs. De façon surprenante pour une comédie, le ton général n’est pas si enjoué que cela, certaines histoires étant même assez déprimantes. Nous sommes donc loin des films à sketches italiens qui étaient, eux, si réjouissants. Les histoires sont assez prévisibles et manquent souvent d’originalité, le meilleur sketch, et le plus amusant, étant à mes yeux celui de la réunion des « Infidèles Anonymes » où Sandrine Kiberlain tente de mener une thérapie de groupe. L’ensemble donne l’impression d’avoir été écrit à la hâte. Le marketing d’un tel film est facile…
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Jean Dujardin, Gilles Lellouche, Sandrine Kiberlain, Alexandra Lamy, Manu Payet
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Les sketches :
Le Prologue réalisé par Fred Cavayé
Bernard réalisé par Alexandre Courtes
La Bonne Conscience réalisé par Michel Hazanavicius
Lolita réalisé par Éric Lartigau
Thibault réalisé par Alexandre Courtes
La Question réalisé par Emmanuelle Bercot
Simon réalisé par Alexandre Courtes
Les Infidèles Anonymes réalisé par Alexandre Courtes
Las Vegas réalisé par Jean Dujardin et Gilles Lellouche

1 avril 2013

L’Arnacoeur (2010) de Pascal Chaumeil

L'arnacoeurAlex est briseur de couples professionnel. Un de ses riches clients lui donne pour mission d’empêcher le mariage de sa fille qui a lieu dans une semaine… L’Arnacoeur est une comédie qui a rencontré un franc succès, tant auprès des critiques que du public. Il s’agit du premier film de Pascal Chaumeil. Le scénario est savamment dosé avec une pointe d’impertinence, une pointe de vulgarité et une bonne dose de charme. Le film repose sur un duo d’acteurs, chacun restant conforme à son image. Le meilleur est certainement à chercher du côté des seconds rôles où l’inventivité est bien plus grande. Il faut sans doute que le cinéma français soit capable de faire de tels films à recette (dans les deux sens du terme) mais on a le droit de trouver le résultat ennuyeux…
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Romain Duris, Vanessa Paradis, Julie Ferrier, François Damiens
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27 mars 2013

Samson (1936) de Maurice Tourneur

SamsonJacques Brachart est un financier qui a bâti sa fortune seul en utilisant des méthodes expéditives et parfois brutales. Il cherche à gagner une certaine respectabilité en demandant en mariage la fille d’une famille de nobles. Etant sans le sou, la famille pousse la jeune femme à accepter… Samson est la seconde adaptation d’une pièce d’Henri Bernstein. Dans cette histoire, tous les personnages sont détestables : à la férocité du financier répond la suffisance et le mépris des aristocrates. Ce pourrait être un portrait acide montrant le rôle de l’argent mais l’histoire mêle maladroitement une dimension sentimentale et perd toute sa force. Le passage qui donne au film son titre manque singulièrement d’intensité. Harry Baur fait une bonne interprétation avec, comme toujours, une belle présence et Maurice Tourneur nous gratifie de quelques scènes tourbillonnantes fort bien maitrisées mais c’est la faiblesse du scénario qui pénalise Samson.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Harry Baur, Gaby Morlay, André Luguet, Suzy Prim
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Précédente adaptation de la pièce  :
Samson d’Edgar Lewis (USA, 1915) avec William Farnum et Maude Gilbert (film perdu).

26 mars 2013

La Banque Nemo (1934) de Marguerite Viel

La banque NemoVendeur de journaux, Gustave Labrèche se fait embaucher comme commis à la banque Nemo. A force d’intrigues et d’escroqueries, il parvient à devenir fondé de pouvoir de la banque… La Banque Nemo est sorti à une époque troublée par l’Affaire Stavisky. Le film est toutefois adapté d’une pièce de théâtre de Louis Verneuil qui était jouée deux ans avant l’affaire. Le film eut des soucis avec la censure, principalement à cause de la scène du conseil des ministres qui montre très crument comment les politiques préfèrent étouffer une affaire lorsqu’elle pourrait les éclabousser. Cette scène fut purement et simplement coupée à la sortie du film. Elle est pourtant l’un des plus remarquables du film. Acteur de théâtre de boulevard très connu à l’époque, Victor Boucher reprend le rôle qu’il tenait sur les planches, comme plusieurs des seconds rôles d’ailleurs. L’ensemble manque quelque peu de brillance et de panache mais il y a de bonnes répliques. On notera que Marguerite Viel est l’une des rares réalisatrices des années trente (1). Sa mise en scène est, il faut bien l’avouer, un peu terne. La Banque Nemo est un film assez rare car il fut rapidement retiré des circuits.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Victor Boucher, Mona Goya, Charles Fallot
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(1) Marguerite Viel a réalisé trois longs métrages :
La Jungle d’une grande ville (1930), film franco-tchécoslovaque co-réalisé avec Leo Marten
Occupe-toi d’Amélie (1932) co-réalisé avec Richard Weisbach
La Banque Nemo (1934) qu’elle a réalisé seule.
Les réalisatrices françaises dans les années trente sont très rares. Outre Marguerite Viel, on peut citer Marie Epstein (la soeur de Jean Epstein), Solange Térac (ou Solange Bussi). Les réalisatrices de documentaires ne sont guère plus nombreuses : Lucie Derain, Claudine Lenoir, Lucette Gaudard.

25 mars 2013

Ces messieurs de la Santé (1934) de Pierre Colombier

Ces messieurs de la santéLe banquier Tafard s’évade de prison et se fait engager comme veilleur de nuit dans un magasin de corsets tenu par Mme Génissier et son fils. Rapidement, il prend en main les affaires… Ces messieurs de la santé est sorti deux ou trois mois seulement après l’Affaire Stavisky dont il s’inspire partiellement. Ce scandale financier est toutefois ici mis en scène bien plus légèrement que ne le fera Alain Resnais quarante ans plus tard. Le ton général est celui d’une comédie et c’est Raimu qui tient le rôle du banquier avec toute sa verve et sa gestualité. Il en fait beaucoup, sans doute un peu trop parfois mais quand Raimu cabotine, c’est toujours un grand plaisir. Les dialogues sont excellents et permettent à l’acteur de belles envolées. Sur le fond, le propos certes fustige l’affairisme des « faiseurs d’argent » mais aussi, et même surtout, montre bien que cet affairisme n’existe que par la cupidité de tout un chacun. Le film est un délice. Raimu est un acteur vraiment unique.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Raimu, Lucien Baroux, Pauline Carton, Edwige Feuillère
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Remarque :
Ces messieurs de la santé est adapté d’une pièce de Paul Armont et Léopold Marchand.

Autres films sur l’Affaire Stavisky :
Stolen Holiday de Michael Curtiz (1937) avec Kay Francis et Claude Rains
Stavisky d’Alain Resnais (1974) avec Jean-Paul Belmondo.

20 mars 2013

Les Gaîtés de l’escadron (1932) de Maurice Tourneur

Les gaîtés de l'escadronNous sommes en 1885, dans la caserne de l’escadron du 51e régiment de chasseurs à cheval. L’adjudant Flick tente de faire régner la discipline tandis que le capitaine Hurluret est bien plus bienveillant envers ses soldats… Maurice Tourneur reprend la pièce de Georges Courteline et Édouard Norès qu’il avait adaptée vingt ans plus tôt au début de sa carrière de cinéaste. Il s’agit d’une satire de la vie militaire, de ses aberrations et de ses illogismes. Comme la pièce, tout le film se déroule dans la caserne (à l’exception d’une scène dans un cabaret) et aucune histoire sentimentale ne vient se greffer sur cette caricature. Bien entendu, ce style d’humour amuse beaucoup moins aujourd’hui, l’armée n’ayant plus la même place dans notre société qu’il y a un siècle, mais le film reste remarquable pour sa distribution : si Raimu était déjà un acteur fort célèbre, Fernandel et Gabin n’étaient alors qu’au début de leur carrière et tous deux campent avec une certaine assurance des personnages hauts en couleur. Les Gaîtés de l’escadron est donc un film à voir avec un certain recul, son humour était dans les années trente bien plus corrosif et subversif qu’il ne paraît aujourd’hui. Le film a été fort bien restauré, certaines scènes sont en couleurs elles proviennent de fragments d’une copie coloriée au pochoir.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Raimu, Jean Gabin, Fernandel, René Donnio, Charles Camus
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Précédente version :
Les Gaîtés de l’escadron de Joseph Faivre et Maurice Tourneur (1913) avec Edmond Duquesne, Henry Roussel et Henri Gouget (film perdu).

17 mars 2013

Un chien andalou (1929) de Luis Buñuel

Un chien andalouCe court métrage muet de 20 minutes, premier film de Luis Buñuel, est unique dans l’histoire du cinéma. Alors âgé de 28 ans, Buñuel en a écrit le scénario avec son ami Salvador Dali et l’a tourné avec très peu de moyens, en empruntant de l’argent à sa mère. Un chien andalou est fortement influencé par les surréalistes et c’est grâce à eux que le film sera vu très largement, plus précisément grâce à Man Ray et Aragon. En écrivant Un chien andalou, Buñuel et Dali se sont affranchis de toute règle narrative et ont même évité le sens direct pour se concentrer sur la création instinctive d’images fortes, qui perturbent et qui interpellent. Il ne faut pas pour autant le voir comme dénué de sens : le film est l’expression de la révolte d’une génération qui veut bousculer l’ordre établi et aspire à une certaine pureté des sentiments. Les images prennent alors un sens : l’homme qui peine à traîner son passé, les insectes dans le corps, etc. La force du film est telle qu’il est toujours aussi dérangeant aujourd’hui qu’un siècle auparavant : non seulement par certaines de ses images (l’oeil tranché par une lame de rasoir reste l’une des scènes les plus difficiles à supporter de toute l’histoire du cinéma) mais aussi par sa liberté totale, par sa forme qui s’écarte de toutes les règles et par la puissance des images ainsi créées.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Simone Mareuil, Pierre Batcheff
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Remarque :
Dans son autobiographie, Mon dernier soupir, Luis Buñuel raconte ainsi l’écriture d’Un chien andalou : « Le scénario fut écrit en moins d’une semaine selon une règle très simple adoptée d’un commun accord : n’accepter aucune idée, aucune image qui pût donner lieu à une explication rationnelle, psychologique ou culturelle. Ouvrir les portes à l’irrationnel. N’accueillir que les images qui nous frappaient, sans chercher à savoir pourquoi. »