27 mars 2014

Grand méchant loup appelle (1964) de Ralph Nelson

Titre original : « Father Goose »

Grand méchant loup appelleEn 1942, alors que les japonais attaquent en Indonésie, un aventurier américain (Cary Grant) est placé de force sur une petite île isolée comme guetteur pour signaler les passages d’avions ennemis. Quelques jours plus tard, il recueille une institutrice et sept fillettes… Father Goose est une excellente comédie écrite par S.H. Barnett et adaptée par Peter Stone et Frank Tarloff, tous trois oscarisés pour ce film. C’est l’avant-dernier film tourné par Cary Grant qui, à 60 ans, joue toujours les bourreaux des coeurs. Mais surtout, il excelle toujours autant dans le registre de la comédie avec ses multiples expressions et sa forte présence. Contrairement à son habitude, son personnage est ici plutôt miteux, un peu alcoolique et mal rasé (1). C’est Leslie Caron qui doit ici lui tenir tête et elle y parvient parfaitement en composant un personnage délicieusement intransigeant. Le scénario se déroule joliment, avec de multiples situations (malgré la promiscuité des lieux) et des dialogues enlevés. Father Goose est une comédie réussie qui remporta un certain succès à son époque.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Cary Grant, Leslie Caron, Trevor Howard
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Remarques :
* Aucune des fillettes n’a vraiment fait de carrière d’actrice par la suite. Le plus souvent, ce fut leur seul film.
* Cary Grant a tellement apprécié travailler sur ce film qu’il est resté en contact avec les sept fillettes après qu’elles aient grandi et même après qu’elles se soient mariées.

(1) Après avoir dit au moment de la sortie du film que son personnage était tout le contraire de lui-même, Cary Grant dira plus tard qu’en réalité ce personnage était plus proche de son vrai moi…

26 mars 2014

Ocean’s Eleven (2001) de Steven Soderbergh

Ocean's ElevenA peine libéré sur parole, Danny Ocean prépare un coup très audacieux : cambrioler trois casinos de Las Vegas. Pour ce faire, il recrute avec son ami Rusty des spécialistes pour former une équipe de onze personnes… Ocean’s Eleven est le remake du film homonyme de Lewis Milestone (1960) qui réunissait plusieurs membres du fameux Rat Pack (1). Steven Soderbergh garde le même esprit en réunissant un plateau assez prestigieux d’acteurs « glamour ». Il signe un film très stylé, élégant, au rythme enlevé, avec une intrigue alambiquée juste ce qu’il faut pour en faire un divertissement plaisant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: George Clooney, Brad Pitt, Julia Roberts, Andy Garcia, Matt Damon
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Remarques :
* Dans une scène au début du match de boxe, on peut voir brièvement Angie Dickinson et Henry Silva qui était tous deux dans la version originale de 1960.
* Remake de :  L’inconnu de Las Vegas (Ocean’s Eleven) de Lewis Milestone (1960) avec Frank Sinatra, Dean Martin, Sammy Davis Jr, Joey Bishop, Peter Lawford, Angie Dickinson (tous membres du Rat Pack).

(1) Le Rat Pack était un groupe d’amis qui s’était formé au début des années cinquante autour de Humphrey Bogart, Frank Sinatra, Judy Garland, Lauren Bacall, Spencer Tracy, Katharine Hepburn etc. Ils se réunissaient souvent pour passer des soirées ensemble. Au moment du film de Lewis Milestone, en 1960, les figures les plus marquantes du Rat Pack étaient Sinatra et Dean Martin.

24 mars 2014

Gun Crazy (1950) de Joseph H. Lewis

Autre Titre  : « Deadly Is the Female »
Titre français : « Le Démon des armes »

Gun Crazy: Le démon des armesDès son plus jeune âge, Barton a été attiré par les armes. Lorsqu’il va rencontrer la jeune Annie, elle aussi tireuse hors pair, sa vie va basculer et ils vont enchainer les holdups… Produit et mis sur pied par les King Brothers, Gun Crazy est basé sur une histoire de MacKinlay Kantor parue dans un quotidien et réécrite par Dalton Trumbo (1). Cette histoire préfigure des films comme Bonnie & Clyde (1967) d’Arthur Penn ou Badlands (1973) de Malick, fuite en avant d’un jeune couple qui se livre aux braquages pour assouvir ses rêves. Sur le plan de la forme, le film préfigure par certains aspects la Nouvelle Vague avec  ses décors naturels et notamment avec sa scène la plus célèbre, un hold-up filmé en un seul plan-séquence de presque 4 minutes depuis l’intérieur de la voiture du couple. C’est un plan très surprenant. On comprend que Truffaut et Godard se soient pris de passion pour ce film (2). Gun Crazy est un film très différent, assez à part dans le genre du film noir (3). C’est finalement surtout une histoire d’amour, celle d’un jeune couple qui aspire à s’établir et à mener une vie normale, un amour fou qui les aveugle et les précipite dans un trou sans fin. Le personnage de la jeune femme est assez fascinant par son mélange d’ingénuité et de dureté qui le rend assez inoubliable. Le film est très fortement connoté sexuellement même si la censure a été particulièrement vigilante. Sa carrière commerciale a été courte à l’époque mais il a acquis un tout autre statut par la suite : aujourd’hui, c’est souvent le premier titre qui vient à l’esprit pour citer un exemple de film de série B exceptionnel et remarquable.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Peggy Cummins, John Dall
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Remarques :
* Le film vient d’être réédité en DVD (1 Blue-ray + 1 normal) incorporé dans un superbe livre de 220 pages signé Eddie Muller qui relate toute la genèse du projet et la réalisation, une gestation assez mouvementée. Le livre est passionnant, fort bien documenté et on ne peut que saluer ce si bel ensemble (même si on peut regretter que le prix soit un peu élevé)… (Voir…) C’est une édition limitée, semble t-il.

Gun Crazy: Le démon des armes* A sa sortie, United Artists a affublé le film du titre ridicule Deadly Is the Female et habillé l’héroïne sur l’affiche d’une robe du soir noire (costume réglementaire de la femme fatale mais qui ne correspond absolument pas à son genre dans le film). Le film a retrouvé son titre original, Gun Crazy, par la suite.

(1) L’excellent scénariste Dalton Trumbo figure au générique sous un pseudonyme car, victime du maccarthysme, il était alors sur liste noire.

(2) En regardant Gun Crazy, Il est difficile de ne pas penser à A bout de Souffle ou à Pierrot le Fou que Godard tournera une décennie plus tard.

(3) Pour s’en convaincre, il suffit de le comparer à They Live by Night, que Nicholas Ray a tourné peu avant, qui met également en scène un couple de braqueurs : un très beau film mais beaucoup plus classique dans son traitement.

22 mars 2014

Sept ans de réflexion (1955) de Billy Wilder

Titre original : « The Seven Year Itch »

Sept ans de réflexionDans un New York en pleine canicule, Robert Sherman se retrouve seul après le départ de femme et enfant pour les vacances d’été. Il fait connaissance d’une jeune femme blonde qui occupe temporairement l’appartement au dessus du sien… Sept ans de réflexion est l’adaptation d’une pièce de George Axelrod qui avait connu un grand succès à Broadway. Cette plaisante comédie est un peu méprisée par les cinéphiles sous prétexte que tout son succès viendrait de cette image de Marilyn Monroe dont la robe blanche se soulève. Certes, l’exploitation commerciale de cette image par Hollywood relève plutôt du racolage (1) mais le film ne peut se réduire à cela. C’est une succession de saynètes amusantes qui exploitent le dilemme de cet homme « ordinaire » entre son conservatisme profond et un désir ponctuel. Sept ans de réflexion On le sait, Billy Wilder n’a pu mettre tout ce qu’il voulait y mettre : la censure a été implacable et a fait enlever toute connotation sexuelle et bien entendu tout passage à l’acte. L’humour est resté toutefois, peut-être en a-t-il d’ailleurs été décuplé car, finalement, peu importe où l’on met la limite, l’humour de ce genre de situation réside dans les atermoiements autour cette limite. Face à la sensualité débordante de Marilyn Monroe, cet homme au conservatisme rassurant perd pied totalement. Son imagination débordante permet en outre de multiplier habilement les scènes. Même si le film n’est pas du pur Billy Wilder, il reste très amusant et ne vieillit pas vraiment.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Marilyn Monroe, Tom Ewell, Evelyn Keyes, Sonny Tufts, Oskar Homolka
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Remarque :
* Tom Ewell connaissait bien le rôle puisqu’il le tenait sur les planches.

(1) Il faut noter que le racolage a commencé dès le tournage. La Fox avait en effet fait en sorte que la scène soit tournée dans les rues de New York avec un grand battage médiatique. Parmi la foule des badauds, Joe DiMaggio n’a guère apprécié voir ainsi sa femme ainsi exposée comme objet sexuel et être un sujet de moqueries du fait de son incapacité à se souvenir de son texte. Ils divorceront peu après. A noter que la scène étant finalement inexploitable à cause des bruits de la foule indisciplinée, elle fut tournée de nouveau, au calme en studio. On pourra aussi remarquer que la scène est plus sage dans le film (on ne voit pas Marilyn en entier) que sur les affiches commerciales. A la sortie du film, la Fox a fait une Marilyn de 15 mètres de haut (!) pour habiller la façade d’un cinéma new yorkais…

20 mars 2014

Hollywood Parade (1944) de A. Edward Sutherland

Titre original : « Follow the Boys »

Hollywood ParadeUn ex-comédien de vaudeville qui a percé à Hollywood (George Raft) organise des tournées avec des stars de cinéma pour soutenir les soldats américains en Europe et dans le Pacifique… Follow the Boys se présente comme un film d’effort de guerre, réunissant toutes les têtes d’affiche des studios Universal. Il y a bien une petite intrigue mais elle est simplette et sans grande importance. Le film se charge surtout de nous montrer un bon nombre de numéros de stars. Follow the Boys est ainsi une des toutes dernières apparitions de W.C. Fields à l’écran, il nous fait son célèbre numéro du billard, toujours aussi amusant mais on le sent fatigué. La séquence la plus marquante est certainement celle d’Orson Welles qui nous refait une partie de son show de magie, The Wonder Show, où il coupe à la scie Marlene Dietrich en deux, après divers petits tours rapides mais spectaculaires. Sur le plan musical, il y a un peu de tout. Le meilleur à mes yeux (et à mes oreilles) réside dans les deux passages avec les Andrews Sisters (c’est une occasion de voir leur étonnant jeu de scène) qui font un long medley puis plus tard Shoo-Shoo Baby et aussi dans les deux morceaux joués par Louis Jordan (Is You Is or Is You Ain’t Ma’ Baby suivi de Sweet Georgia Brown). Toujours en jazz, Charlie Spivak et son big band joue également quelques morceaux. Enfin, le numéro de danse endiablée de Donald O’Connor et Peggy Ryan est assez étonnant et on notera la présence, assez inattendue, d’Arthur Rubinstein. La mise en scène mêle des images réelles (surtout des plans de foule) à des plans reconstitués en studio. Le film n’a rien de remarquable sur le plan cinématographique, il a plutôt un intérêt historique.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: George Raft, Jeanette MacDonald, Orson Welles, Marlene Dietrich, Donald O’Connor, W.C. Fields
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Remarques :
* En l’absence d’Eddie Sutherland, John Rawlins a dirigé certains plans.
* Dans son livre d’entretiens avec Peter Bogdanovich (This is Orson Welles, ou Moi Orson Welles en français), Welles a des mots très durs sur ce film : « En fait d’effort de guerre, il s’agissait surtout d’un effort de Charlie Feldman pour faire de l’argent – et il en a gagné un bon paquet (…) C’est moralement répugnant. » (Note : Charlie Feldman est le producteur du film).
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19 mars 2014

Le Pèlerin (1923) de Charles Chaplin

Titre original : « The Pilgrim »

Le pélerin(Muet, 40 mn) Un évadé de prison (Charlie Chaplin) réussit à prendre les habits d’un pasteur et à monter dans un train. Sur le trajet, dans une gare du Texas, les habitants d’une petite ville le prennent pour leur nouveau pasteur qui devait arriver ce jour-là. Il doit conduire un office… Le Pèlerin est le dernier court métrage de Chaplin : il ne fera ensuite que des longs métrages. Le Pèlerin même plutôt un moyen métrage car, démarré pour être un « 2 bobines » (env. 20 mn), le projet a enflé pour devenir un « 4 bobines » (40 mn) ce qui permet à Chaplin de ne plus devoir de film à la First National, Le pélerin il est dorénavant libre (1). Le film mélange le comique avec une peinture sociale de la bigote petite bourgeoisie d’une ville moyenne. Cela fera bien entendu grincer quelques dents et Chaplin sera accusé d’avoir voulu ridiculiser un homme d’église ; le film ne sera pas ou peu distribué dans certains comtés. Le Pèlerin est loin d’être un « grand Chaplin », on ne retrouve pas ici le perfectionnisme dont il fait si souvent preuve, on peut même sentir une certaine précipitation ; il comporte néanmoins de bons passages et le portrait de ce prisonnier évadé est empreint d’humanité.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Edna Purviance, Charles Chaplin
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Remarques :
* En 1959, Chaplin a refait légèrement le montage de The Pilgrim et ajouté la chanson «Bound for Texas» qu’il a lui-même écrite dans le style des cowboy songs. Elle est chantée par l’anglais Matt Monroe.  Le film était inclus dans The Chaplin Revue qui comprenait en outre deux autres courts métrages First National : A Dog’s Life et Shoulder Arms. C’est cette version que l’on voit généralement aujourd’hui.

* On peut rapprocher ce film de The Adventurer, le dernier court métrage pour la Mutual, où Chaplin interprétait déjà un prisonnier évadé. Le film était nettement plus orienté slapstick mais comportait déjà un petit aspect social car le prisonnier se retrouvait immergé dans un univers de riches bourgeois. En comparant les deux films, on peut percevoir l’évolution de Chaplin sur cette période.

* L’acteur qui interprète l’ancien compagnon de cellule est le réalisateur et scénariste Charles Reisner. A noter que le sale gosse est joué par son fils, Dean Reisner, qui sera plus tard, lui aussi, scénariste.

(1) Rappelons que Chaplin est, avec Mary Pickford, Douglas Fairbanks et David W. Griffith, l’un des quatre fondateurs d’United Artists qui distribuera bien évidemment ses films suivants.

18 mars 2014

Géant (1956) de George Stevens

Titre original : « Giant »

GéantBick Benedict (Rock Hudson), propriétaire d’un immense ranch texan, se rend au Maryland pour y acheter un cheval. Il revient avec un cheval… et une femme, Leslie, la fille de l’éleveur (Elizabeth Taylor). Arrivée sur place, elle fait la connaissance de la soeur de Bick et de Jett Rink, (James Dean) un jeune employé très réservé… Adapté d’un roman-fleuve d’Edna Ferber, Géant est entré dans l’histoire du cinéma comme étant l’ultime film tourné par James Dean (1). On peut supposer que, sans cela, il serait rapidement tombé dans l’oubli tant cette grande fresque qui veut marcher dans les traces d’Autant en emporte le vent est lourde et sans attrait. GéantL’histoire est statique et linéaire, sans profondeur, un méli-mélo de conservatisme et de bons sentiments ; la réalisation de George Stevens est plate, la musique épouvantable. Rock Hudson est, comme toujours, un monolithe… tout en contraste avec un James Dean au jeu incontrôlable et incontrôlé, qui marmonne ses textes et surjoue son personnage le plus souvent. C’est Elizabeth Taylor, avec son jeu lisse, qui est finalement la plus convaincante. Les 3h20 du film paraissent bien longues… Le film connut un très grand succès, surtout aux Etats-Unis, et le film a gardé une partie de son immense aura jusqu’à aujourd’hui.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Elizabeth Taylor, Rock Hudson, James Dean, Carroll Baker, Dennis Hopper
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Remarques :
Edward Hopper - House by the railroad, 1925* La grande demeure des Benedict est directement inspirée de la toile d’Edward Hopper La Maison près de la voie ferrée (House by the railroad, 1925). Cette toile inspirera également Hitchcock pour la maison de Psychose (Psycho) et Terrence Malick pour Les Moissons du ciel.
* On peut rapprocher Géant de Ecrit sur du vent de Douglas Sirk (1956) dont l’histoire se déroule dans le même monde (et où l’on trouve… Rock Hudson).
* Détail amusant : Carroll Baker, qui joue la fille d’Elizabeth Taylor, est dans la vraie vie plus âgée qu’elle. A noter que Carroll Baker est, comme James Dean, issue de l’Actors Studio.

(1) James Dean s’est tué (accident automobile) quelques jours seulement après la fin du tournage (septembre 1955). Le film est sorti un an après sa mort, en octobre 1956.

17 mars 2014

Ma soeur est capricieuse (1942) de Alexander Hall

Titre original : « My Sister Eileen »

Ma soeur est capricieuseRuth et Eileen quitte leur Ohio natal pour aller tenter leurs chances à New York. Ruth a bien la tête sur les épaules et sait ce qu’elle veut : devenir écrivain. Eileen est plus jolie et plus naïve, elle attire les hommes ; elle aspire à devenir actrice. Elles échouent dans un appartement en sous-sol à Greenwich Village… Au départ, Ruth McKenney avait écrit pour un quotidien une série d’histoires semi-autobiographiques qui étaient devenues un livre puis une pièce jouée avec succès à Broadway, My Sister Eileen. Le film est l’adaptation fidèle de la pièce, les deux étant produit par la même personne, Max Gordon. Cette origine explique pourquoi l’essentiel de l’action se déroule dans un seul et même lieu, l’appartement des deux soeurs, ce qui donne une petite impression de manque d’ampleur à cette comédie screwball. On y voit toutefois défiler un nombre impressionnant de personnages hauts en couleur et plus inattendus les uns que les autres. Ce côté loufoque est l’attrait majeur de cette comédie qui se déroule à un rythme assez endiablé. My Sister Eileen sera reprise en comédie musicale quelque dix ans plus tard, d’abord à Broadway puis en film dirigé par Richard Quine qui a ici un petit rôle (l’homme du drugstore).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rosalind Russell, Brian Aherne, Janet Blair, George Tobias, Grant Mitchell
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Remarques :
* Dans la vraie vie, Eileen McKenney, la soeur de Ruth McKenney, n’a pas fait une grande carrière en tant qu’actrice mais a fini par épouser Nathanael West, fils d’un riche entrepreneur newyorkais qui a écrit quelques scénarios pour Hollywood (il a également écrit le roman The Day of the Locust qui sera adapté en 1975 par John Schlesinger). Ils se sont tués tous les deux en décembre 1940, quelques mois après leur mariage, dans un accident automobile. Ils devaient assister quatre jours plus tard à la première de My Sister Eileen à Broadway.
* Lorsque le film est sorti sur les écrans, la pièce était toujours jouée à Broadway, ce qui est plutôt inhabituel.
* Lors du gag final, ce sont les Trois Stooges que l’on voit apparaitre, trio comique qui était alors extrêmement populaire.

Remake :
Ma soeur est du tonnerre (My Sister Eileen) de Richard Quine (1955), une comédie musicale avec Janet Leigh et Jack Lemmon.

16 mars 2014

Jour de paye (1922) de Charles Chaplin

Titre original : « Pay Day »

Jour de paye(Muet, 21 mn) Alors que son premier long métrage The Kid est déjà un très grand succès, Chaplin doit encore par contrat trois courts métrages à la First National. Ce seront des courts métrages dans l’esprit de ceux de la Mutual, c’est-à-dire un humour typé slapstick avec tout de même une légère connotation sociale. Ce Jour de paye est l’un des trois. Il est en deux parties. Dans la première, Chaplin est ouvrier d’un petit chantier de construction. Plusieurs scènes sont ici assez remarquables, notamment celles où il joue avec le monte-charge et celle où il montre une étonnante dextérité pour attraper à la volée des briques qui sont lui sont lancées. La seconde partie est plus classique : après avoir dépensé sa paye dans bar, il s’efforce de renter chez lui passablement éméché.  Jour de paye Chaplin reprend ici le personnage de l’homme ivre, personnage qu’il connait bien puisque c’est celui qu’il interprétait sur scène à Londres dix ans auparavant et qu’il a repris de nombreuses fois. Il arrive toutefois toujours à trouver de nouveaux développements de gag. Globalement, on peut déceler un certain désenchantement derrière l’humour : la vie de cet ouvrier est loin d’être attrayante. Il doit beaucoup encaisser… Jour de paye a la réputation d’être le meilleur court métrage de Chaplin (1) ce qui, personnellement, me semble loin d’être le cas mais il reste très plaisant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Charles Chaplin, Phyllis Allen, Mack Swain, Edna Purviance
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Remarque :
* Notons que lorsque Jour de paye sort sur les écrans, la Prohibition est déjà en place depuis deux ans.

(1) Cette réputation doit certainement beaucoup au fait que Chaplin ait un jour déclaré que Jour de paye était son court-métrage favori…

15 mars 2014

Péché mortel (1945) de John M. Stahl

Titre original : « Leave Her to Heaven »

Péché mortelUn écrivain fait la rencontre d’une jeune fille de bonne famille dans un train. Elle est fascinée par son visage car l’homme ressemble à son père décédé il y a peu de temps. A leur arrivée, ils s’aperçoivent qu’ils se rendent chez la même personne dans un ranch du Nouveau Mexique. L’attraction réciproque ne fait que grandir et aboutit rapidement à un mariage… Comme le montrent clairement l’affiche et le générique, Leave Her to Heaven est tiré d’un best-seller signé Ben Ames Williams. La Fox en a confié la réalisation à John Stahl, grand spécialiste du mélodrame. Mais, et c’est bien là que réside tout son attrait, Leave Her to Heaven est bien plus qu’un mélodrame puisque, à mesure que l’histoire avance, nous basculons dans le film noir. Très rarement, la symbiose de ces deux genres, mélodrame et film noir, n’a été si réussie. L’histoire est à rapprocher de la vogue des thèmes psychanalytiques à cette époque mais le monumental complexe d’Oedipe non résolu qui en est ici le noeud est toutefois inséré avec une certaine discrétion. L’image, signée Leon Shamroy (1), est absolument superbe avec un Technicolor de toute beauté (des rouges éclatants, une teinte générale brun doré et de belles nuances de bleus, les verts étant judicieusement en retrait). Gene Tierney - Péché mortel Et il y a Gene Tierney… belle et sublime, dont la douceur naturelle rend la noirceur de ses desseins encore plus terrifiante. Elle fait une très belle interprétation de ce personnage complexe sous une façade parfaitement lissée et maitrisée. Face à elle, Cornel Wilde peut paraître un peu fade mais cela correspond à son personnage et la toute jeune (20 ans) Jeanne Crain, alors étoile montante de la Fox, a également un rôle tout en retenue. De nombreuses scènes restent gravées dans nos mémoires : les cendres, la barque et surtout l’escalier… Bien qu’il reste peu connu (pas assez du moins), Leave Her to Heaven est un film vraiment remarquable.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Gene Tierney, Cornel Wilde, Jeanne Crain, Vincent Price, Darryl Hickman
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Remarques :
Péché mortel * La fameuse scène de l’escalier a bien failli être coupée par la Censure mais elle a pu être sauvée in extremis.
* Le titre Leave Her to Heaven est tiré d’une phrase d’Hamlet de Shakespeare : le fantôme du père d’Hamlet lui enjoint de ne rien tenter contre sa mère mais de laisser le Ciel se charger de la punir (ce que les distributeurs français ont exprimé bien maladroitement en traduisant par Péché mortel…)
* Dans son autobiographie, Gene Tierney décrit le tournage comme ayant été assez difficile. Le lieu de tournage au bord du lac (Bass Lake en Californie) était difficilement accessible par la route. Le tournage de la scène de la barque eut lieu en novembre et l’eau était glacée : on lui donnait de petites rasades de whisky entre les prises pour réactiver sa circulation sanguine (d’ailleurs, d’après IMDB, le jeune Darryl Hickman aurait été atteint de pneumonie en tournant la scène).

(1) Le directeur de la photographie Leon Shamroy a été oscarisé pour ce film.