20 décembre 2013

Nightfall (1957) de Jacques Tourneur

NightfallJames Vanning entre dans un bar et y fait la rencontre de Marie Gardner mais, à la sortie, deux hommes le recherchent et le conduisent dans un lieu isolé pour le faire parler… Nightfall est adapté d’un roman policier de David Goodis. L’histoire, finalement assez simple, est très bien amenée car elle ne se dévoile que peu à peu. On peut faire le parallèle avec Out of the Past que Tourneur a réalisé presque dix ans plus tôt car le héros est lui aussi victime de son passé et la construction comporte plusieurs flashbacks. Aldo Ray n’est toutefois pas Robert Mitchum mais, si son interprétation est plus simple, elle est aussi plus naturelle et apporte une forte authenticité à l’ensemble. Le film est tourné en noir et blanc et, de manière assez inhabituelle pour un film noir, comporte de nombreuses scènes en extérieurs, dans la neige qui plus est. Certains plans sont assez remarquables, le plus beau étant indéniablement le face à face des deux malfrats par la fenêtre de la cabane, l’un des plus beaux exemples de « cadre dans le cadre » qui soient. Nightfall est un film certes peu spectaculaire mais joliment tourné, sans temps mort, assez prenant. Nightfall n’est jamais sorti dans les salles en France. Il est, assez injustement, l’un des films les moins connus de Jacques Tourneur.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Aldo Ray, Brian Keith, Anne Bancroft, James Gregory, Frank Albertson, Rudy Bond, Jocelyn Brando
Voir la fiche du film et la filmographie de Jacques Tourneur sur le site IMDB.

Voir les autres films de Jacques Tourneur chroniqués sur ce blog…

Voir l’analyse du film par François-Olivier Lefèvre sur le site DVD Classik

Remarques :
* Avant de tourner Pulp Fiction, Quentin Tarantino a montré Nightfall à Bruce Willis en lui recommandant de s’inspirer d’Aldo Ray pour interpréter son personnage.
* Les scènes dans la neige peuvent nous faire penser à Fargo. Les Frères Coen ont certainement vu Nightfall avant de tourner leur film.
* Jocelyn Brando (qui interprète la femme de l’enquêteur) est la sœur aînée de Marlon Bando.

19 décembre 2013

Totò le Moko (1949) de Carlo Ludovico Bragaglia

Totò le MokoA la mort de Pépé Le Moko, le caïd de la casbah d’Alger, sa bande lui cherche un successeur et découvre qu’il avait un parent éloigné à Naples. C’est en fait un musicien de rue qui accepte tout de même l’invitation de venir à Alger, croyant qu’il s’agit de diriger un orchestre… Totò le Moko est une parodie du film de Duvivier Pépé le Moko. Totò est un comique italien peu connu en France mais qui a été immensément populaire dans son pays, notamment avec la série des Totò à partir de 1948 qui se prolongea pendant toutes les années cinquante. Comique extravagant, il a un style bien à lui avec ses innombrables mimiques et excelle dans les parodies. Ici, il joue avec tous les codes du film de gangster et les tourne en dérision. Il faut le voir marcher en roulant des épaules comme un caïd. Bien que le départ soit différent, l’histoire de Totò le Moko suit d’assez près celle de Pépé le Moko, avec même des plans très proches et des lieux très similaires. Comme toujours avec les très grands comiques, le rôle du réalisateur est assez réduit, régler les éclairages, vérifier la composition des plans, parce qu’il n’y que Totò qui dirige Totò et il est de tous les plans. Le film n’est sorti en France qu’en 1981.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Totò, Carla Calò, Gianna Maria Canale
Voir la fiche du film et la filmographie de Carlo Ludovico Bragaglia sur le site IMDB.

Remarque :
Dans sa période la plus populaire, entre 1948 et 1967, Totò a joué dans une petite centaine de films, soit une moyenne de quatre à cinq films par an.

Original :
Pépé le Moko de Julien Duvivier (1937) avec Jean Gabin.

18 décembre 2013

Journal d’un curé de campagne (1951) de Robert Bresson

Journal d'un curé de campagneUn jeune prêtre vient d’être nommé vient dans un petit village du nord de la France. Il tient un journal où il consigne ses sentiments. La population l’accueille assez mal. A peine sorti de l’enfance dont il gardé un certain idéalisme intransigeant et handicapé par une mauvaise santé, il ne parvient pas à s’imposer… Journal d’un curé de campagne est adapté très fidèlement du roman de Georges Bernanos. Selon André Bazin, Robert Bresson a ouvert, avec ce film, un nouveau stade de l’adaptation littéraire au cinéma. Le déroulement du récit repose sur ce journal dont son auteur nous récite les phrases au fur et à mesure qu’il les écrit. Avec cette trame linéaire, Bresson apporte un caractère éminemment littéraire à son film accentué par le dépouillement du récit, épuré, spiritualisé. Son jeune héros tente de comprendre le comportement des humains sans parvenir à s’extirper de son tragique destin spirituel. Intransigeant dans son ascétisme mais avide de vie, il reste pour nous en partie un mystère.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Claude Laydu, Nicole Maurey
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17 décembre 2013

Captive (2012) de Brillante Mendoza

CaptiveSur l’île de Palawan aux Philippines, un commando armé du groupe Abu Sayyaf kidnappe une vingtaine de touristes avec, parmi eux, une française (Isabelle Huppert), travailleuse bénévole dans une ONG… Captive s’inspire de faits réels, une prise d’otage qui a eu lieu en 2001. Brillante Mendoza s’est attaché à mettre en scène ces évènements de la façon la plus réaliste possible, à tel point que nous sommes parfois proche du documentaire. Le point de vue qu’il nous fait partager est celui des otages mais pas seulement. Il parvient à bien rendre le désarroi d’être balloté par des évènements dont on ne comprend pas toute la logique et à restituer l’extrême confusion des scènes de combats, filmés caméra à l’épaule avec un montage chaotique. Le récit suit le déroulement réel avec cette interminable fuite dans la jungle où les rapports de force finissent par évoluer sans toutefois se modifier profondément. Avec le temps (le périple dura plus d’un an) peut apparaitre une certaine compassion qui va, de façon assez subtile, rapprocher dans une certaine mesure les otages de leurs geôliers. Le fameux syndrome de Stockholm. Mendoza s’attache finalement plus à décrire ces rapports humains sans chercher à adopter une ligne politique tranchée et son film, Captive, possède une force indéniable.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Isabelle Huppert, Rustica Carpio, Maria Isabel Lopez, Raymond Bagatsing, Ronnie Lazaro
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Voir la fiche du film sur AlloCiné.

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16 décembre 2013

Le Garde du corps (1961) de Akira Kurosawa

Titre original : « Yôjinbô »

Le garde du corpsUn rônin (samouraï sans maitre) arrive dans un village où deux clans s’affrontent durement pour des questions de pouvoir et d’argent. Il compte tirer profit de cette lutte en vendant ses services au plus offrant… Le Garde du corps a été écrit par Kurosawa lui-même avec l’aide de Ryûzô Kikushima. Archétype des films de sabre (chanbara), le film est assez remarquable avec une belle opposition entre les scènes d’action, toujours très brèves, et la force de l’esprit. La mise en scène de cette rivalité entre deux clans est également très picturale, Kurosawa jouant sur les attentes, les oppositions par des plans très travaillés ; ce style de scénarisation de l’affrontement a largement inspiré les westerns italiens, on peut même parler de plagiat pour Sergio Leone (1). Le Garde du corps met en relief les travers de l’âme humaine, en premier lieu la cupidité et la bassesse. Le héros est loin d’être parfait ce qui permet à Kurosawa d’éviter de tomber de tomber dans une certaine simplification et donne une indéniable profondeur à l’ensemble.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Toshirô Mifune, Tatsuya Nakadai, Yôko Tsukasa, Isuzu Yamada, Daisuke Katô, Seizaburô Kawazu, Takashi Shimura, Eijirô Tôno
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Remarque :
* La musique est assez surprenante. Kurosawa a dit à Masaru Sato qu’il était totalement libre d’écrire la musique qu’il désirait tant que ce n’était pas la musique habituelle des films historiques de samouraï. Masaru Sato s’est inspiré de la musique d’Henry Mancini qu’il admire tout particulièrement. Le résultat est… étonnant.

Remakes :
Pour une poignée de dollars (1964) de Sergio Leone
Django de Sergio Corbucci (1966) avec Franco Nero
Dernier recours (Last man standing) de Walter Hill (1996) avec Bruce Willis
Inferno de John G. Avildsen (1999) avec Jean-Claude Van Damme
Bonne chance Slevin (Lucky number Slevin) de Paul McGuigan (2006)  avec  Josh Hartnett et Bruce Willis
Sukiyaki Western Django de Takashi Miike (2007).

(1) Lorsque le film Pour une poignée de dollars de Sergio Leone est sorti, la Toho a intenté un procès aux producteurs qui avaient passé sous silence le fait que ce soit une reprise de Yôjinbô. Le pillage étant manifeste, la Toho gagna facilement son procès.

15 décembre 2013

Le Manoir hanté (1920) d’Hal Roach et Alfred J. Goulding

Titre original : « Haunted Spooks »

Le manoir hanté(Muet 25 min) Une jeune fille sans le sou hérite d’un grand domaine à la condition qu’elle y vive pendant au moins un an avec son mari. Elle n’est pas mariée. Au même moment, The Boy (Harold Lloyd) est désespéré à la suite d’un chagrin d’amour… Dans une première moitié du film, nous suivons les péripéties d’Harold Lloyd dans sa tentative d’épouser une jeune fille riche et oisive qui, au final, se désintéressera de lui. Il tente de prendre de vitesse un autre prétendant et il y a beaucoup de belles trouvailles d’humour ; les tentatives de suicide sont assez savoureuses. Le manoir hantéMais, c’est la seconde moitié qui est restée la plus célèbre, celle où Harold Lloyd et Mildred Davis se retrouvent dans une grande demeure prétendument hantée, ce qui est l’occasion de placer de très nombreux gags dont le célèbre gag des cheveux qui se dressent sur la tête. A noter que c’est pendant le tournage de Haunted Spooks qu’Harold Lloyd eut son grave accident à la main (1). Il y eut donc une interruption de cinq mois pendant le tournage sans que cela soit vraiment décelable à l’écran.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Harold Lloyd, Mildred Davis, Wallace Howe
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Le manoir hantéRemarques :
* On peut comparer Haunted Spooks avec The Haunted House de Buster Keaton (1921) qui est lui est postérieur d’un an environ.
* Comme c’est hélas souvent le cas à cette époque, on peut déceler une pointe de racisme dans quelques gags. Les domestiques à peau noire sont représentées comme étant des personnes très peureuses et prêtes à croire n’importe quoi.

(1) En août 1919, alors qu’il est en plein tournage de la grande scène du trajet automobile de Haunted Spooks, Harold Lloyd se rend à une séance photo pour un journal. L’une des poses qu’il doit prendre est d’allumer négligemment une cigarette avec la mèche allumée d’une bombe qu’il tient à la main. Du fait d’une incompréhensible erreur d’accessoire, il se retrouva avec une vraie bombe dans la main. L’explosion fut terrible, le blessant au visage et lui arrachant le pouce et l’index de la main droite. Pendant tout le restant de sa carrière, Harold Lloyd utilisera une prothèse très bien faite, cachée par un gant couleur chair, pour que cela ne se remarque pas à l’écran et il utilisera beaucoup sa main gauche. Toutes les prouesses acrobatiques qu’il fit par la suite paraissent d’autant plus extraordinaires quand on sait qu’il n’avait plus que trois doigts valides à la main droite.

14 décembre 2013

Capitaine sans loi (1952) de Clarence Brown

Titre original : « Plymouth Adventure »

Capitaine sans loiEn septembre 1620, le Mayflower quitte le port de Plymouth en Angleterre emportant une centaines de pèlerins vers le Nouveau Monde. Le navire est commandé par le capitaine Christopher Jones… Capitaine sans loi relate de façon très romancée l’expédition Pilgrim fathers ou « Pères pèlerins » sur le Mayflower qui allaient fonder la colonie de New Plymouth dans l’actuel Massachusetts (1). Le scénario est basé sur un roman d’Ernest Gebler. Spencer Tracy est particulièrement convaincant dans son rôle de capitaine au coeur dur et Gene Tierney incarne parfaitement toute la fragilité de son personnage (2). C’est un film, certes sans grand éclat, mais très bien mis en scène et réalisé avec des scènes de belle ampleur.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Spencer Tracy, Gene Tierney, Van Johnson, Leo Genn, Dawn Addams, Lloyd Bridges
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Voir les autres films de Clarence Brown chroniqués sur ce blog…

(1) Ce n’étaient pas les premiers colons mais ce sont eux qui, les premiers, s’établirent de façon autonome. Ils rédigèrent et signèrent un pacte contenant un certain nombre de lois. Ils sont ainsi souvent considérés comme les pères fondateurs des futurs États-Unis d’Amérique.

(2) A noter que dans la réalité, Dorothy Bradford est réellement tombée par dessus bord sans que l’on ne connaisse les circonstances précises de cet accident.

13 décembre 2013

Le crime ne paie pas (1962) de Gérard Oury

Le crime ne paie pasInspiré d’une bande dessinée publiée chaque jour dans le journal France Soir, Le crime ne paie pas est composé de quatre sketches se déroulant à des périodes différentes. Le point le plus original dans sa construction est que l’un des protagonistes de la quatrième histoire va voir les trois premières au cinéma… une variation amusante du concept du « film dans le film ». La première histoire est certainement la moins intéressante. La deuxième l’est déjà un peu plus, notamment grâce aux dialogues d’Henri Jeanson. Mais c’est avec les deux dernières que le film est plus remarquable car elles s’appuient sur un scénario joliment tourné où il est bien difficile de deviner ce qui va arriver. La liste des talents ayant participé à l’écriture et des acteurs au tournage est assez impressionnante et tous les rôles, grands et petits, sont parfaitement tenus. Le petit rôle amusant tenu par Louis de Funès aurait décidé Gérard Oury à se tourner vers la comédie et d’en faire son acteur fétiche… pour le meilleur mais aussi pour le pire.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Danielle Darrieux, Edwige Feuillère, Annie Girardot, Michèle Morgan, Pierre Brasseur, Philippe Noiret, Jean Servais, Richard Todd, Louis de Funès
Voir la fiche du film et la filmographie de Gérard Oury sur le site IMDB.

Le crime ne paie pas est inspiré d’une bande dessinée de Paul Gordeaux.
Le scénario est écrit par Jean-Charles Tacchella et Gérard Oury.
Musique de Georges Delerue.
— 1er crime : « Le Masque » à Venise en 1457
Adaptation et dialogues de Jean Aurenche et Pierre Bost
d’après les chroniques italiennes de Stendhal.
— 2e crime : « L’Affaire Hughes » à Paris en 1885
Adaptation de René Wheeler et dialogues d’Henri Jeanson
— 3e crime : « L’Affaire Feynarou » en 1913
Adaptation de Boileau & Narcejac, dialogues de Jacques Sigurd
— 4e crime : « L’Homme de l’avenue » à Paris en 1960
Adaptation et dialogues de Frédéric Dard.

12 décembre 2013

In Another Country (2012) de Hong Sang-soo

Titre original : « Da-reun na-ra-e-seo »

In Another CountryCoincée dans une station balnéaire coréenne presque vide hors-saison, une jeune femme écrit trois histoires mettant en scène le personnage d’une femme française qui vient seule y passer quelques jours… Ecrit et réalisé par Hong Sang-soo, tourné avec une équipe réduite dans une atmosphère presque intimiste, In Another Country est un film assez original, qui peut dérouter certes mais qui ne manque pas d’attrait. Sa simplicité (apparente) et la proximité avec les personnages le rendent assez séduisant. Sa construction le rend même assez remarquable car, dans ces trois variations, une femme bien différente (à chaque fois interprétée par Isabelle Huppert) rencontre les même personnes, se rend dans les mêmes lieux. En plus, Hong Sang-soo introduit quelques fausses pistes, de faux départs, variation dans les variations. Le point commun entre ces trois femmes est d’être un peu une âme flottante, en transition. Hong Sang-soo s’attache principalement à décrire les relations qui se nouent entre les personnes, dans un contexte éphémère. C’est en ce sens que la comparaison avec Rohmer a parfois été évoquée. In Another Country ne manque donc pas d’attrait.
Elle: 5 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Isabelle Huppert, Yu Jun-Sang, Yu-mi Jeong
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11 décembre 2013

Les Misérables (1934) de Raymond Bernard

Partie 1 : « Une tempête sous un crâne » (1h50)
Partie 2 : « Les Thénardier » (1h25)
Partie 3 : « Liberté, liberté chérie… » (1h26)

Les misérablesAprès 19 ans de bagne pour avoir volé une miche de pain, le forçat Jean Valjean est libéré et part de Toulon pour rejoindre Pontarlier. Arrivé dans la ville de Digne, toutes les portes se referment devant lui et seul Monseigneur Myriel accepte de l’héberger pour la nuit… Le grand roman humaniste de Victor Hugo a été porté de multiples fois à l’écran mais les adaptations vraiment remarquables se comptent sur les doigts d’une main. L’ampleur du roman et le nombre de personnages rend en effet l’entreprise délicate. Les Misérables de François Bernard est assez souvent considérée comme étant la meilleure. Avec celle d’Henri Frescourt (muet, 1925), c’est aussi la plus complète et la plus fidèle. Elle a bénéficié d’un budget très important ce qui témoigne de la vitalité du cinéma français des années trente. Raymond Bernard a su trouver le ton juste, évitant de se laisser emporter par le souffle de l’oeuvre. Il ne tombe jamais dans l’excès ou dans la grandiloquence. Il a su aussi parfaitement choisir ses comédiens et les faire jouer avec mesure. Harry Baur est monumental dans le rôle de Jean Valjean mais sans éclipser les autres personnages ; tous les rôles sont remarquablement tenus. Les décors sont nombreux et soignés, la photographie est assez belle, très contrastée mais, sur le plan de la forme, ce qui surprend le plus est l’utilisation fréquente des cadrages obliques.Les misérablesLes misérables On peut certainement y voir là une certaine influence des expressionnistes allemands mais cela dénote aussi d’une belle inventivité et même d’une certaine audace. Dans le même ordre d’idées, les scènes de barricades en « caméra à l’épaule » (1) sont assez étonnantes. Les Misérables de Raymond Bernard est une très belle adaptation qui sait restituer l’ampleur et la force du roman de Victor Hugo.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Harry Baur, Charles Vanel, Charles Dullin, Émile Genevois, Orane Demazis, Florelle, Josseline Gaël, Marguerite Moreno
Voir la fiche du film et la filmographie de Raymond Bernard sur le site IMDB.

Remarques :
* Comme le dit très justement Jacques Lourcelles : « L’adaptation des Misérables de Raymond Bernard est un film d’honnête homme et d’humaniste. Il ne vise jamais plus haut que ce qu’il peut atteindre et atteint dès lors presque toujours son but. »
* A lire sur le site de la Cinémathèque, le compte-rendu de la première au Marignan par Max Mate dans le numéro de février 1934 de Ciné-Magazine (c’est à la page 14, soit la page 9 du PDF). Pathé-Natan avait organisé un dîner de presse de 1000 couverts avec trois orchestres!
Les misérables* Le film fut très longtemps exploité en deux parties ( 1 « Jean Valjean » et 2 « Cosette ») pour une durée totale de 3h20 au lieu des 4h40 initiales.
* La révolte populaire décrite par Victor Hugo est l’insurrection républicaine de 1832, tentative de renversement de la Monarchie de Juillet. Les obsèques sont celles du Général Lamarque, grande figure du parti républicain. Le roi Louis-Philippe n’abdiquera que 16 ans plus tard lors de la Révolution de 1848.
* Le personnage de Marius est, selon les propres dires de l’écrivain, inspiré de la vie de Victor Hugo lui-même.
* Principaux passages du livre absents de cette adaptation :
1. La bataille de Waterloo.
2. Les années où Jean Valjean et Cosette vivent au couvent du Petit Picpus.
3. L’évasion de prison de Thénardier et ses nouvelles tentatives d’assassinat et autres fourberies.

Les grandes adaptations du roman de Victor Hugo :
Les Misérables d’Albert Capellani (1912), en 2 films pour une durée totale de 2h20
Les Misérables d’Henri Frescourt (1925) en quatre parties (muet, 8h30)
Les Misérables de Raymond Bernard (1934) en trois parties (4h40)
Les Misérables (I Miserabili) de Riccardo Freda (Italie, 1948) en deux parties (3h10), sorti en France en version raccourcie en 1952 sous le titre L’évadé du bagne (1h50).

Autres adaptations (liste incomplète) :
Les Misérables de Richard Boleslawski (USA, 1935) avec Fredric March
Les Misérables (La Vie de Jean Valjean) de Lewis Milestone (USA, 1952) avec Michael Rennie
Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois (1958) avec Jean Gabin et Bernard Blier
Les Misérables de Glenn Jordan (UK TV, 1978) avec Richard Jordan et Anthony Perkins
Les Misérables de Robert Hossein (1982) avec Lino Ventura et Michel Bouquet
Les Misérables de Claude Lelouch (1995) avec Jean-Paul Belmondo
Les Misérables de Bille August (USA, 1998) avec Liam Neeson et Uma Thurman
Les Misérables de Tom Hooper (USA, 2012) avec Hugh Jackman et Rusell Crowe

(1) Vu le poids des caméras, il était bien entendu impossible de mettre une caméra sur son épaule à cette époque…