3 mars 2015

Païsa (1946) de Roberto Rossellini

Titre original : « Paisà »

PaïsaSix sketches dans l’Italie en guerre entre l’été 1943 et le printemps 1945. 1) En Sicile, lors du débarquement de juillet 1943, une petite troupe de soldats américains se fait guider par une jeune fille qui sera accusée à tort. 2) A Naples, un gamin vole les chaussures d’un soldat américain. Lorsqu’il retrouve l’enfant, il entreprend de le ramener à ses parents mais découvre qu’il est orphelin et vit dans une misère la plus totale. 3) A Rome, une jeune fille devenue prostituée ramasse un soldat américain saoul et reconnait celui qu’elle avait accueilli six plus tôt et qui avait promis de venir la chercher. 4) A Florence, en pleine bataille pour la libération de la ville, une infirmière anglaise cherche à rejoindre le chef des partisans avec qui elle avait eu une aventure avant la guerre. 5) Dans l’Apennin du Nord, trois aumôniers militaires américains sont accueillis pour la nuit dans un couvent franciscain. Lorsque les moines réalisent que l’un est protestant et l’autre juif, ils décident de jeuner pour obtenir leur conversion. 6) Dans le delta du Pô, des partisans en petit nombre et quelques parachutistes alliés se battent désespérément contre les Allemands dans les marais… En suivant la progression des Alliés, du sud au nord, les six sketches de Païsa nous dressent un portrait de l’Italie se libérant du joug allemand, un portrait d’un réalisme presque documentaire et présentant la situation du peuple italien sous de nombreuses facettes. Tourné peu de temps après les évènements qu’il relate, au milieu du grouillement des rues encore emplies de soldats alliés et des décombres, Païsa est plus qu’un témoignage, c’est une réflexion sur l’avenir de son pays et des hommes qui le composent. Le plus étonnant, c’est le recul dont fait preuve Rossellini alors que ces évènements n’ont que quelques mois, que l’avenir est totalement incertain. La vision qu’il nous propose semble être à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. Rome, ville ouverte était une vision à l’échelle d’une ville, Paisa est à l’échelle d’un pays.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Maria Michi, Harriet Medin, William Tubbs
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Païsa (1946) de Roberto Rossellini

Remarques :
* Coscénariste et assistant sur le tournage de Païsa, Federico Fellini raconte : « Je crois avoir appris de Rossellini ­ un apprentissage jamais traduit en paroles, jamais exprimé, jamais transformé en programme ­ la possibilité de marcher en équilibre au milieu des conditions les plus hostiles, les plus opposées, et en même temps la capacité naturelle de tourner à son propre avantage ces adversités, de les transformer en un sentiment, en des valeurs émotionnelles, en un point de vue. »

* Rome, ville ouverte (1945), Paisa (1946) et Allemagne année zéro (1947) forment ce que l’on appelle « la trilogie néoréaliste de Rossellini ».

Païsa (1946) de Roberto Rossellini
Gar Moore et Maria Michi dans la troisième séquence de Païsa de Roberto Rossellini

24 février 2015

Rome, ville ouverte (1945) de Roberto Rossellini

Titre original : « Roma città aperta »

Rome, ville ouverteDans Rome occupée par les Allemands pendant l’hiver 1943-1944, la veuve Pina va se remarier avec Francesco, un jeune typographe qui travaille dans la clandestinité pour la Résistance. Il est en contact avec un de leurs chefs, communiste, et avec le curé du quartier qui leur fournit des faux papiers… Rome, ville ouverte est un film charnière dans l’histoire du cinéma : s’il n’est pas, à proprement parler, le premier film italien à s’inscrire dans le courant néoréaliste (1), il est celui qui a eu le plus grand impact sur son essor. En totale opposition aux films surfaits créés sous Mussolini, période dite des «Téléphones blancs» (2), le néoréalisme est plus proche de la réalité des spectateurs et emploie des acteurs non-professionnels (des « non-acteurs » comme le dira Rossellini, c’est-à-dire faire jouer un boulanger par un boulanger). Tourné peu après les évènements qu’il décrit, Rome, ville ouverte en exprime toute la réalité et le ressenti mais sa force profonde est certainement plus sur le plan de l’humanisme, par ces questionnements qu’il suscite sur la (re)définition d’un être humain.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Aldo Fabrizi, Anna Magnani, Marcello Pagliero
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Rome, ville ouverte
Anna Magnani dans Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini

Remarques :
* Basé en grande partie sur des faits réels, le scénario a été écrit principalement par Sergio Amidei et Roberto Rossellini, avec l’aide additionnelle de Federico Fellini et Alberto Consiglio.
* Rome a été déclarée « ville ouverte » en août 1943 après la destitution et l’arrestation de Mussolini. D’alliés, les allemands se sont alors transformés en occupants.
* Rossellini a tourné avec des moyens de fortune ce qui explique le manque de contraste de l’image.
* Rome, ville ouverte (1945), Paisa (1946) et Allemagne année zéro (1947) forment ce que l’on appelle « la trilogie néoréaliste sur la guerre de Rossellini ».

(1) Chronologiquement parlant, le premier film néoréaliste serait plutôt Les Amants diaboliques (Ossessione) de Luchino Visconti (1943).
(2) La période dite des « Téléphones blancs » (Telefoni bianchi) correspond à la brève période d’euphorie ambiante en Italie qui précédé la Seconde Guerre mondiale. Les films de cette époque mettaient souvent en scène des femmes riches dont les intrigues romantiques se déroulaient en partie au téléphone… Il y avait toujours au moins une scène où l’héroïne était au téléphone, toujours blanc, cette nouvelle couleur pour les téléphones étant alors synonyme de grand luxe.

19 novembre 2014

Das Boot (1981) de Wolfgang Petersen

Titre français : « Le Bateau »

Le bateauEn 1941 à La Rochelle, les équipages de sous-marins allemands fêtent bruyamment leur dernière nuit à terre pour tromper leur appréhension du combat. Le lendemain, ils embarquent en effet pour aller marauder dans l’Atlantique à la recherche de convois américains et anglais à attaquer. Ils y resteront plusieurs semaines…
Le film allemand Das Boot est certainement le film le plus intense qui ait été tourné sur les sous-marins de la Seconde Guerre mondiale. Nous restons enfermés avec l’équipage dans un submersible pendant presque toute la durée du film. Nous ressentons l’exigüité, le confinement et aussi l’attente, l’angoisse. Comme eux, nous ne voyons jamais l’ennemi lorsque le sous-marin est presque sans défense, à sa merci. Das Boot est également différent de ses homologues américains car il ne comporte aucune exaltation patriotique. D’ailleurs, l’équipage pourrait tout aussi bien être anglais qu’allemand. Le propos de Wolfgang Petersen est plutôt de montrer l’absurdité de la guerre. Das Boot connut un succès mérité, c’est un film assez unique.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jürgen Prochnow, Herbert Grönemeyer, Klaus Wennemann
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Remarques :
* Das Boot a bénéficié du plus gros budget jamais alloué à un film allemand : 15 millions de dollars (ce record a été dépassé depuis). L’essentiel du budget a été dépensé dans la construction de sous-marins, 2 grandeur nature et plusieurs modèles réduits pour les scènes en extérieur. L’un d’entre eux a été réutilisé pour le tournage des Aventuriers de l’Arche perdue de Spielberg.
* Das Boot est l’un des premiers films utilisant une sorte de Steadicam (une caméra portée stabilisée par des gyroscopes) notamment dans ces travelings au pas de course dans le long couloir du sous-marin.
* A cause du bruit des caméras résonnant dans le sous-marin, le film fut tourné en grande partie sans son.
* Le film fut parfois très critiqué en Allemagne car il montrait des soldats allemands de façon sympathique, ou du moins empathique. Il fut en revanche bien accueilli aux Etats-Unis.

Versions :
– Version cinéma de 1981 = 2 heures 29
– Série pour la télévision allemande en 1984 : 3 épisodes de 100 minutes (diffusés sur TF1 en 1985)
– Série pour la télévision en 1988 : 6 épisodes de 50 minutes
– Director’s cut en 1997 = 3 heures 29 (c’est cette version qui est ici commentée)
– Original Uncut version en 2004 : reprise de la série TV en un seul morceau de 4 heures 53 (= les 3 épisodes de 100 minutes sans les résumés des épisodes précédents).

Das Boot

6 septembre 2014

Le Temps de la colère (1956) de Richard Fleischer

Titre original : « Between Heaven and Hell »

Le temps de la colèreFils d’un riche planteur de coton du sud des Etats-Unis, le jeune Sam Gifford se retrouve en 1945 sur une île du Pacifique en proie à d’incessants combats contre les soldats japonais. Pour avoir frappé un officier lors d’une mission, il a été rétrogradé et envoyé dans un poste avancé dirigé par l’étrange capitaine Waco…
Between Heaven and Hell, titre bizarrement traduit Le Temps de la colère (1), est un film de guerre assez riche par les sujets qu’il aborde. Le thème principal est celui de l’inadaptabilité de l’homme à l’univers de la guerre ce qui en fait par essence un film antimilitariste. L’environnement de la guerre accentue les névroses. Le capitaine Waco (à noter que wacky ou wacko signifie en anglais argotique « cinglé ») est un véritable psychopathe qui peut donner libre cours à ses fantaisies. Toutefois, Richard Fleischer contrebalance cela avec un autre aspect, plus bénéfique celui-là, sur le comportement humain : la guerre abolit les différences de classe sociale, le jeune héritier qui traitait fort mal ses métayers mesure ici leur vraie valeur humaine et, pour la première fois de sa vie, il se fait des amis. Richard Fleischer étudie comment la guerre peut modifier ou révéler la nature humaine. La construction utilise habilement de grands flashbacks.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robert Wagner, Terry Moore, Broderick Crawford, Buddy Ebsen
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(1) Une fois de plus, il est manifeste que la personne qui a choisi Le Temps de la colère comme titre français n’avait pas vu le film auparavant ; il n’avait probablement lu que les deux premières lignes du synopsis…

Le Temps de la colère (Between Heaven and Hell)Robert Wagner et Terry Moore dans Le Temps de la colère (Between Heaven and Hell) de Richard Fleischer.

Le Temps de la colère (Between Heaven and Hell) Le Temps de la colère (Between Heaven and Hell) de Richard Fleischer.

29 juillet 2014

Le pont (1959) de Bernhard Wicki

Titre original : « Die Brücke »

Le pontEn 1945, dans une Allemagne proche de la capitulation, des jeunes garçons de 15-16 ans fréquentent l’école d’une petite ville. Alors qu’une certaine résignation s’est répandue dans la population, les adolescents sont toujours exaltés et espèrent être mobilisés pour aller, eux aussi, défendre leur patrie. Leur voeu va hélas être exaucé lorsque l’état-major décide de lancer toutes ses forces valides dans un dernier sursaut… Le pont est basé sur un roman de Manfred Gregor, le seul survivant des évènements racontés ici (1). C’est un film qui démontre l’absurdité de la guerre et, surtout, qui dénonce l’endoctrinement de la jeunesse. Tout d’abord, nous voyons évoluer ces adolescents dans leurs jeux, leur éveil à l’amour ; nous pouvons constater à quel point les exhortations à montrer sa valeur, son courage trouvaient là un terrain propice, les jeunes garçons ne pouvant s’empêcher d’idéaliser la guerre. Le jeu des acteurs est très naturel et donne une grande authenticité au film de Bernhard Wicki. La démonstration est terriblement efficace. Couvert de récompenses outre-Rhin, Le pont a été montré à toute une génération d’écoliers allemands.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Folker Bohnet, Fritz Wepper, Michael Hinz, Frank Glaubrecht
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Remarques :
* Le pont est l’un des premiers films allemands de l’Après-guerre à aborder directement la question de la guerre.

* Remake :
Die Brücke de Wolfgang Panzer (TV, 2008) qui semble généralement mal jugé par ceux qui l’ont vu car plus centré sur l’action.

(1) Dans la réalité, il n’y a eu que trois adolescents placés pour défendre Le pont. L’un d’entre eux, jugeant ce combat inutile et absurde, a déserté le soir même. Le lendemain, il a constaté que ses camarades étaient morts et qu’ils n’avaient, bien entendu, pas réussi à empêcher les américains de passer. C’est pour dénoncer l’endoctrinement de la jeunesse qu’il a décidé d’écrire (sous un pseudonyme) un roman, en étoffant l’histoire.

28 mai 2014

Lettres d’Iwo Jima (2006) de Clint Eastwood

Titre original : « Letters from Iwo Jima »

Lettres d'Iwo JimaClint Eastwood a tourné Lettres d’Iwo Jima juste après La Mémoire des nos pères. Au lieu d’être vécue depuis le camp américain, la terrible bataille de l’île d’Iwo Jima de février 1945 est vue cette fois depuis le camp japonais. Les deux films sont très différents et Lettres d’Iwo Jima est sans aucun doute le plus remarquable des deux. Le cinéma montre rarement le camp des vaincus mais Eastwood va beaucoup loin en centrant son film sur l’humain. Le scénario est basé sur des lettres écrites par les soldats et principalement une copieuse correspondance (écrite mais non envoyée) du général Kuribayashi. La mise en scène de Clint Eastwood est plutôt sobre, d’une rare perfection, précise et génératrice d’émotion. Lettres d’Iwo Jima est un film bouleversant qui dénonce la folie guerrière. Rarement, l’absurdité de la guerre n’a été démontrée de façon si éclatante. Il n’est peut-être pas exagéré d’affirmer que c’est le plus beau film sur la Seconde Guerre mondiale et sur la guerre en général. Eastwood l’a tourné uniquement avec des acteurs japonais s’exprimant dans leur langue.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Ken Watanabe, Kazunari Ninomiya, Tsuyoshi Ihara, Ryô Kase, Shidô Nakamura, Hiroshi Watanabe
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26 avril 2014

Les Hommes de la mer (1940) de John Ford

Titre original : « The Long Voyage Home »

Les hommes de la merAprès une escale aux Antilles, le cargo Glencairn embarque une cargaison d’explosifs pour leur faire traverser l’Atlantique jusqu’en Angleterre alors en guerre… Les Hommes de la mer est adapté de quatre pièces d’Eugene O’Neill (1) mises presque bout à bout dans un même récit par Dudley Nichols. Assez curieusement pour un film traitant des marins, Les Hommes de la mer se déroule entièrement dans des lieux clos et resserrés, le plus souvent de nuit, avec une atmosphère assez lourde (les amateurs de grands espaces seront donc certainement déçus). Ce n’est pas en effet la mer qui intéresse John Ford mais plutôt la fatalité qu’elle génère pour ces marins qui sont condamnés à errer de vieux rafiots rouillés en vieux rafiots rouillés. On retrouve donc ici ce thème de l’errance que l’on retrouve dans beaucoup des films de John Ford, l’absence ou la perte de port d’attache. Le propos est assez sombre, presque cruel. Ce sentiment est renforcé par la photographie très contrastée et superbe de Gregg Toland qui a utilisé des éclairages très puissants. Dans certains plans, l’utilisation de l’ombre et de la lumière est époustouflante. Les Hommes de la mer ne fait pas partie des films les plus cités de John Ford. Il n’a rien d’un film spectaculaire, il est d’une perception indéniablement moins immédiate que celui qui l’a précédé Les Raisins de la Colère et avec lequel il a nombreux points communs.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: John Wayne, Thomas Mitchell, Ian Hunter, Barry Fitzgerald, Ward Bond
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Remarques :
* Le film est précédé d’un court texte qui résume parfaitement le propos : « Avec leurs haines et leurs appétits, les hommes changent la face de la terre. Ils ne peuvent changer la mer. Les gens de mer ne changent jamais. Ils vivent dans un monde à part, solitaires, passent d’un vieux rafiot rouillé à un autre aussi délabré. »

* John interprète un marin suédois. Pour restituer un accent assez authentique, il a pris des cours avec la (très belle) actrice danoise Osa Massen.

(1) Les quatre pièces d’Eugene O’Neill à la base du scénario de Les Hommes de la mer :
Début du film : The Moon of the Caribees
La mort de Yank : Bound East for Cardiff
Smitty soupçonné de trahison : In the Zone
Fin du film : The Long Voyage Home
Ces quatre pièces ont été écrites et jouées aux alentours de 1916, leur action se situaient donc pendant la Première Guerre mondiale. C’est Dudley Nichols qui les a transposées dans cette Seconde guerre mondiale naissante. A noter que les quatre pièces avaient déjà été réunies sur scène en 1937 pour former One Act Plays of the Sea (Pièces en un acte sur la mer).

27 mars 2014

Grand méchant loup appelle (1964) de Ralph Nelson

Titre original : « Father Goose »

Grand méchant loup appelleEn 1942, alors que les japonais attaquent en Indonésie, un aventurier américain (Cary Grant) est placé de force sur une petite île isolée comme guetteur pour signaler les passages d’avions ennemis. Quelques jours plus tard, il recueille une institutrice et sept fillettes… Father Goose est une excellente comédie écrite par S.H. Barnett et adaptée par Peter Stone et Frank Tarloff, tous trois oscarisés pour ce film. C’est l’avant-dernier film tourné par Cary Grant qui, à 60 ans, joue toujours les bourreaux des coeurs. Mais surtout, il excelle toujours autant dans le registre de la comédie avec ses multiples expressions et sa forte présence. Contrairement à son habitude, son personnage est ici plutôt miteux, un peu alcoolique et mal rasé (1). C’est Leslie Caron qui doit ici lui tenir tête et elle y parvient parfaitement en composant un personnage délicieusement intransigeant. Le scénario se déroule joliment, avec de multiples situations (malgré la promiscuité des lieux) et des dialogues enlevés. Father Goose est une comédie réussie qui remporta un certain succès à son époque.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Cary Grant, Leslie Caron, Trevor Howard
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Remarques :
* Aucune des fillettes n’a vraiment fait de carrière d’actrice par la suite. Le plus souvent, ce fut leur seul film.
* Cary Grant a tellement apprécié travailler sur ce film qu’il est resté en contact avec les sept fillettes après qu’elles aient grandi et même après qu’elles se soient mariées.

(1) Après avoir dit au moment de la sortie du film que son personnage était tout le contraire de lui-même, Cary Grant dira plus tard qu’en réalité ce personnage était plus proche de son vrai moi…

7 janvier 2014

Mémoires de nos pères (2006) de Clint Eastwood

Titre original : « Flags of Our Fathers »

Mémoires de nos pèresMémoires de nos pères nous raconte l’histoire des hommes présents sur une photographie devenue iconique, celle de six soldats dressant le premier drapeau américain sur sol japonais, le 23 février 1945 sur l’île d’Iwo Jima. Il s’agit de l’adaptation d’un roman de James Bardley, lui-même fils de l’un des Marines de la photographie. Le film nous parle avant tout des hommes et peut se lire sur plusieurs niveaux : il y a d’abord les événements eux-mêmes lors de l’une des batailles les plus sanglantes de la Seconde Guerre mondiale, ensuite la façon dont les trois soldats survivants ont été ensuite utilisés pour la plus grande campagne de War Bonds (collecte de fonds) et enfin les traumatismes que laissent ces événements chez les survivants. Le film de Clint Eastwood a ainsi une portée plus large qu’attendu ; il n’a rien d’un film patriotique classique. Certes il rend hommage (comment pourrait-il en être autrement) mais aussi il nous questionne sur la guerre, les marques qu’elle laisse et la façon dont elle hante les survivants par cette culpabilité d’en être sorti vivant alors que tant d’autres auraient mérité de survivre. En outre, le film aborde la question de la discrimination envers les amérindiens. Mémoires de nos pères a été suivi par Lettres d’Iwo Jiwa, sorti la même année, dans lequel Clint Eastwood nous montre les mêmes évènements vécus depuis le camp japonais.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ryan Phillippe, Jesse Bradford, Adam Beach, Jamie Bell, Paul Walker
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Remarques :
* La célèbre photographie a été prise par de Joe Rosenthal, alors photographe de l’Associated Press.
* A sa sortie, Mémoires de nos pères fut l’objet d’une polémique sur le fait que Clint Eastwood aurait pris le parti d’ignorer le rôle des soldats afro-américains dans la bataille d’Iwo Jima. Il est vrai, qu’assez étrangement, on ne voit aucun soldat de couleur.
* L’histoire du soldat amérindien Ira Hayes et de sa dépression est racontée dans la chanson écrite en 1964 par Peter LaFarge The Ballad of Ira Hayes et reprise par Johnny Cash et aussi par Bob Dylan (chutes de l’album Self Portrait), et en France par Hugues Aufray.

Autre film sur la bataille d’Iwo Jima :
Iwo Jima (Sands of Iwo Jima) d’Allan Dwan (1949) avec John Wayne.

3 juillet 2013

La Ciociara (1960) de Vittorio De Sica

Titre français parfois utilisé : « La Paysanne aux pieds nus »

La ciociaraEn 1943, une jeune veuve fuit les bombardements de Rome pour retourner dans son village natal, dans les montagnes du Latium. Elle espère ainsi mettre sa fille à l’abri en attendant que la guerre finisse enfin…
Adapté d’un roman d’Alberto Moravia (1957), La Ciociara marque le retour au pays de Sophia Loren après quelques années à Hollywood. Agée de 26 ans à peine, elle personnifie de façon magistrale l’idéal de la mère italienne, opiniâtre et généreuse. L’actrice s’impose non seulement par sa beauté souveraine mais aussi et surtout par son jeu, étonnamment riche et puissant. Les autres personnages sont inexistants et c’est là sans doute un peu le défaut du film. De Sica a eu beau lui opposer un jeune acteur français très prometteur, Jean-Paul Belmondo, pour interpréter le jeune intellectuel pacifiste qu’elle rencontre ; rien n’y fait, on ne voit qu’elle. Vittorio De Sica, qui a été l’une des grandes figures du néoréalisme, fait évoluer son style pour se rapprocher du mélodrame à l’américaine mais sans excès toutefois, il parvient à conserver un bonne part d’authenticité et de naturel. La Ciociara fut un immense succès et reçut de nombreux prix.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sophia Loren, Jean-Paul Belmondo, Eleonora Brown
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La Ciociara

Remarques :
* Le projet d’adapter le livre de Moravia avait été envisagé dès 1957 à Hollywood pour être dirigé par Cukor avec Anna Magnani dans le rôle de la mère et Sophia Loren dans le rôle de la fille. Anna Magnani craignant d’être éclipsée, le projet ne se fit pas.
* Signification du titre : La Ciociara = « la femme de Ciociarie », Ciociara (Ciociarie en français) désignant dans le langage populaire une région du centre de l’Italie dans le Latium, au sud-est de Rome.
* Sophia Loren reçut un Oscar pour La Ciociara, le premier Oscar attribué à un acteur s’exprimant dans une autre langue que l’anglais. Le film reçut la Palme d’Or à Cannes en 1961 et Sophia Loren le prix de la meilleure actrice.
* La scène dans l’église est hélas basée sur des faits réels. Entre avril et juin 1944, les Goumiers marocains du corps expéditionnaire français se sont rendus coupables de crimes de guerre dans les environs de Monte Cassino, c’est-à-dire la Ciociarie : un rapport récent estime que plus de 2 000 femmes ainsi que 600 hommes auraient ainsi été victimes de viol et de violences. Le chiffre est certes discuté mais la réalité ces exactions est certaine. Il faut toutefois souligner que ces viols n’étaient pas le fait uniquement des soldats d’origine africaine : ceux commis par les G.I. sont également très nombreux et les estimations du nombre de viols commis par les soldats russes en Allemagne sont ahurissantes.

La Ciociara

Remake :
La Ciociara de Dino Risi (TV, 1989) avec Sophia Loren dans le même rôle.