3 septembre 2018

Le Grand Saut (1994) de Joel Coen et Ethan Coen

Titre original : « The Hudsucker Proxy »

Le Grand sautLe magnat Waring Hudsucker s’est jeté du 44e étage de son building. Il n’a pas d’héritier. Les parts de son florissant empire industriel vont se trouver en vente au grand dam des membres du conseil qui ne peuvent les acheter vu le niveau élevé de l’action. Le vice président pense avoir trouvé la parade : mettre un idiot à la tête de l’entreprise afin que les cours chutent…
Grâce à leur Palme d’or au Festival de Cannes 1991 pour Barton Fink, les frères Coen ont pu bénéficier d’un budget important pour tourner Le Grand Saut. C’est leur premier film pour un grand studio hollywoodien. Le thème de base est assez classique dans le cinéma américain (on est très proche de Frank Capra) mais le traitement qu’en font les deux frères est assez original puisqu’ils vont très loin dans le loufoque tout en gardant un pied dans la réalité. Cela semble partir de façon incontrôlée par moments, notamment dans la partie au sous-sol qui évoque vraiment Brazil, mais l’ensemble est parfaitement maitrisé. Les personnages secondaires sont très travaillés et réussis. L’humour est constant, de nombreuses scènes sont jubilatoires. Le Grand saut n’est que rarement cité quand on mentionne les films des frères Coen. On se demande bien pourquoi…
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tim Robbins, Jennifer Jason Leigh, Paul Newman, Charles Durning
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The Hudsucker proxy
Jennifer Jason Leigh et Tim Robbins dans Le Grand saut de Joel Coen et Ethan Coen.

Le Grand Saut
Paul Newman dans Le Grand saut de Joel Coen et Ethan Coen.

9 mai 2018

Si j’étais le patron (1934) de Richard Pottier

Si j'étais le patronOuvrier dans une usine automobile, Henri Janvier a inventé chez lui un silencieux révolutionnaire. Il a ainsi réussi là où l’ingénieur de son usine échoue depuis des années. Son intention est de montrer son invention à la direction mais ce n’est pas si facile…
Si j’étais le patron est le premier long métrage de Richard Pottier, alors âgé de 28 ans. C’est aussi l’un des premiers scénarios de Jacques Prévert pour le cinéma, co-signant ici avec André Cerf et René Pujol. Il s’agit d’une comédie légère se déroulant dans le monde du travail, mettant en vedette « le sens commun », un thème que l’on retrouve beaucoup dans les comédies américaines de la même époque. L’ensemble est un peu inégal : de nombreuses scènes sont parfaitement écrites et se révèlent assez jubilatoires mais la grande scène de la fête et de la soulographie qui suit paraît bien longue. La réalisation de Richard Pottier est classique mais sans faille et l’interprétation est excellente, avec des seconds rôles vraiment savoureux. Un beau début pour un réalisateur qui sera en suite quelque peu inégal.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Fernand Gravey, Max Dearly, Mireille Balin, Charles Dechamps, Palau, Pierre Larquey
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Si J'étais le patron
Mireille Balin et Fernand Gravey dans Si j’étais le patron de Richard Pottier.

Si j'étais le patron
Georges Vitray et Max Dearly dans Si j’étais le patron de Richard Pottier.

11 septembre 2017

Mademoiselle et son bébé (1939) de Garson Kanin

Titre original : « Bachelor Mother »

Mademoiselle et son bébéPolly Parish, vendeuse en fin de contrat dans un grand magasin de jouets, est prise par erreur pour la mère d’un bébé que l’on vient d’abandonner à la porte d’un orphelinat. Le fils de son patron accepte de la garder pour qu’elle puisse élever son enfant… Garson Kanin est plus réputé pour ses talents de scénaristes que de réalisateur mais ce n’est pas lui qui a écrit le scénario de Bachelor Mother. Il s’agit du remake d’un film austro-hongrois de 1935 et le scénario se révèle être une petite merveille car il nous emmène jamais là où on croit aller. Démarrant presque comme un drame social, il devient rapidement une comédie savoureuse qui nous surprend constamment. Il y a des trouvailles vraiment remarquables. Ginger Rogers, qui bizarrement n’aimait guère le scénario et a tout fait pour se retirer, est parfaite dans ce rôle de femme intelligente et moderne, « attirante sans être traitée comme un objet sexuel, romantique sans jamais symboliser la pureté fragile » (1). L’humour est bien dosé, l’ensemble est parfaitement équilibré même si la réalisation n’est pas franchement remarquable. L’important succès du film à sa sortie eut un impact non négligeable sur la carrière Garson Kanin et de Ginger Rogers. Bachelor Mother est à classer parmi les meilleures comédies screwball.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ginger Rogers, David Niven, Charles Coburn, Frank Albertson
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Voir les livres écrits par Garson Kanin… (son livre sur Hollywood, où il nous raconte sa collaboration avec Sam Goldwyn, est des plus intéressants)

(1) Cette très juste description du personnage est de Richard Corliss (rapportée par Tavernier et Corsodon dans 50 ans de cinéma américain)

Remake de :
Kleine Mutti (Petite Maman) de Henry Koster (1935) avec Franciska Gaal sur un scénario écrit par l’allemand Felix Jackson.
Remake :
Bundle of Joy (Le Bébé de Mademoiselle) de Norman Taurog (1956) avec Debbie Reynolds et Eddie Fisher.

Bachelor Mother
David Niven et Ginger Rogers dans Mademoiselle et son bébé de Garson Kanin.

Bachelor Mother
David Niven et Ginger Rogers dans Mademoiselle et son bébé de Garson Kanin.

Mademoiselle et son bébé
Charles Coburn, Ginger Rogers et David Niven dans Mademoiselle et son bébé de Garson Kanin.

3 janvier 2013

Le retour de l’enfant prodigue (1976) de Youssef Chahine

Titre original : « Awdat al ibn al dal »
Autre titre français : « Le retour du fils prodigue »

Le retour de l'enfant prodigueDans un village égyptien vit une grande famille. Le fils aîné fait tourner un pressoir où il emploie une partie du village alors que le fils cadet est parti depuis douze ans au Caire à la conquête de nouveaux horizons. Tout le monde, sauf son frère, le voit comme un « Mehdi » par qui le bonheur arrive et espère donc son retour… Ecrit par Youssef Chahine et le poète caricaturiste Salah Jahine, Le retour de l’enfant prodigue est un film assez difficile à cerner. Que ce soit sur le fond ou sur la forme, il offre de multiples facettes, souvent contradictoires, qui obscurcissent quelque les peu les intentions de Chahine. Le propos n’est de ce fait pas très clair. S’agirait-il d’une simple bouffonnerie ? Après tout, le générique de début est un clown qui se grime et la dernière image deux clowns dansant. La présence des parties musicales et de ballets assez saugrenus irait également dans ce sens. La seule chose certaine est que le film brocarde les croyances, les mythes, en premier celui du fils prodigue qui se révèle ici n’être en aucun point à la hauteur de son image.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Mahmoud El-Meliguy, Hoda Soltan, Shukry Sarhan
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12 décembre 2012

Où sont les rêves de jeunesse? (1932) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Seishun no yume imaizuko »

Où sont les rêves de jeunesse?(Film muet) Tetsuo est un étudiant qui mène une vie plutôt insouciante et assez peu studieuse. Il a trois amis avec lesquels il est très lié et n’est pas insensible aux charmes de la fille du boulanger. Quand son père meurt soudainement, il se retrouve propulsé à la tête de son entreprise. Il embauche ses anciens amis… Où sont les rêves de jeunesse? démarre sur un ton de comédie burlesque avec toutes les scènes de vie estudiantine et aussi la façon dont le père et le fils éconduisent une fiancée proposée par l’oncle. Ensuite, le film change de registre et vient mettre l’amitié des quatre compères à l’épreuve des réalités économiques. L’amitié peut-elle être la plus forte ? Compromissions, soumission et résignation sont-elles évitables ? En ce sens, le propos du film est assez proche de celui de Chœur de Tokyo mais la question est abordée ici sous un angle différent. Ozu réussit à mettre une certaine force dans son film comme dans cette scène où Shigeko et Tetsuo ont une explication, une scène vraiment bouleversante. Ozu introduit aussi une certaine violence lorsque Tetsuo frappe longuement son ami pour le forcer à relever la tête. Le réalisateur place déjà sa caméra assez bas.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ureo Egawa, Kinuyo Tanaka, Tatsuo Saitô, Chishû Ryû
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Remarque :
Une fois de plus, Ozu place des affiches de films américains dans ses décors : dans la boulangerie/café, on remarque Hell’s Angels d’Howard Hughes (1930) et Billy the Kid de King Vidor (1930) mais il y en a quatre autres. Dans la chambre de Shigeko, c’est un poster de Million Dollar Legs (Folies olympiques) d’Edward F. Cline (1932) avec W.C. Fields et il y en a un second.
Où sont les rêves de jeunesse? Où sont les rêves de jeunesse?Où sont les rêves de jeunesse? Chishû Ryû

Où sont les rêves de jeunesse?Où sont les rêves de jeunesse? Poster = ??Où sont les rêves de jeunesse?

6 décembre 2012

Gosses de Tokyo (1932) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Otona no miru ehon – Umarete wa mita keredo »
Autre titre français : « Et pourtant nous sommes nés »

Gosses de Tokyo (Film muet) Un employé s’est installé avec sa famille dans la banlieue de Tokyo, dans le but d’habiter près de son patron. Ses deux garçons ont du mal à s’intégrer avec les autres enfants du quartier qui forment une petite bande… Alors que l’on pourrait penser qu’il s’agit d’un film traitant de la délinquance juvénile, Gosses de Tokyo est plutôt une comédie qui met en scène le monde des enfants et la confrontation avec le monde des adultes. Ozu (alors âgé de 29 ans) montre déjà la qualité de son regard sur la société japonaise. Les adultes ont des rapports qui reposent sur une certaine duplicité qui est absente du monde des enfants, plus naïf et pur. Ozu parvient remarquablement à faire jouer les enfants avec beaucoup d’humour et de postures amusantes tout en restant dans un registre très naturel qui insuffle une certaine fraîcheur à l’ensemble. Plutôt affranchi de ses influences américaines, Ozu fait montre ici d’un style déjà très personnel qui préfigure celui qu’il développera : caméra assez basse, plans vides de transition, beaucoup de plans fixes, et l’on retrouve certains de ses objets fétiches, les trains qui passent, le linge qui sèche. Très original pour son époque, Gosses de Tokyo est un film vraiment remarquable de la première partie de la filmographie d’Ozu.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Tatsuo Saitô, Tomio Aoki, Mitsuko Yoshikawa, Hideo Sugawara
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Remarques :
* Le sous-titre du film est « Un livre d’images pour adultes ». Le film montre en effet le monde des adultes tel que vu par un regard d’enfant.

* Chishû Ryû a déjà un petit rôle : c’est l’un des deux projectionnistes.

* Sur le thème de la confrontation du monde des enfants à celui des adultes, Ozu tournera quelque 25 années plus tard Bonjour (1959).