23 juin 2022

Les Noces rouges (1973) de Claude Chabrol

Les noces rougesPaul (Claude Piéplu), député-maire d’une petite ville du centre de la France, investit beaucoup de son temps dans les relations publiques. Sa femme, Lucienne (Stéphane Audran), a un amant, Pierre (Michel Piccoli), adjoint au maire, avec lequel elle a une relation passionnée…
Les Noces rouges est un film écrit et réalisé par Claude Chabrol. Il s’inspire d’un fait divers, l’affaire des amants diaboliques de Bourganeuf qui a secoué un bourg de la Creuse en 1970. Claude Chabrol y dresse une fois encore un portrait de la bourgeoisie de province avec ses travers et ses malversations. La sortie du film fut bloquée quelques mois par décision administrative. Officiellement, la raison invoquée était d’attendre le jugement en appel de l’affaire mais, en réalité, il s’agissait de ne pas troubler les élections législatives en ravivant le souvenir de scandales politiques et financiers (1). Mais ce n’est pas un film politique, le sujet principal est plutôt sur la passion interdite des deux amants et l’enfermement dans lequel ils sombrent passivement, sans réfléchir vraiment. Ils paraissent ainsi surtout victimes de leur bêtise et Claude Chabrol n’hésite pas à grossir le trait. Même si le jeu des acteurs peut sembler peu naturel à nos yeux d’aujourd’hui, notamment dans les scènes de passion, l’interprétation est  excellente (2). Le film a connu un beau succès à sa sortie, plusieurs critiques l’ayant déclaré comme étant (alors) le meilleur film de Claude Chabrol. Avec le recul, cette opinion paraît surprenante : il est facile de citer dans ses oeuvres précédentes des films bien supérieurs.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Stéphane Audran, Michel Piccoli, Claude Piéplu, Clotilde Joano
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(1) La présidence de Georges Pompidou a été marquée par divers scandales impliquant des hommes politiques dont celui de la Garantie Foncière.
(2) Claude Chabrol a dit de Claude Piéplu : « On ne lui a jamais donné un rôle aussi important au cinéma. » L’image de l’acteur était en effet alors très marquée par Les Shadocks, ce qui l’a trop souvent cantonné aux seconds rôles plutôt humoristiques.

Les noces rougesMichel Piccoli et Stéphane Audran dans Les Noces rouges de Claude Chabrol.

1 juin 2022

L’oncle Harry (1945) de Robert Siodmak

Titre original : « The Strange Affair of Uncle Harry »

L'oncle Harry (The Strange Affair of Uncle Harry)Harry Quincey, surnommé « Oncle Harry », vit avec ses deux sœurs, Lettie et Hester, dans leur maison du New Hampshire, dernier vestige d’une fortune familiale perdue lors de la Grande Dépression. Un jour, Deborah Brown arrive de New York pour travailler dans la même entreprise que Harry. Très vite, ils tombent amoureux. Extrêmement jalouse, Lettie va tout faire pour empêcher leur union…
The Strange Affair of Uncle Harry est un film américain de Robert Siodmak. Il s’agit de l’adaptation d’une pièce de Thomas Job montée à Broadway en 1942. Juste avant ses films noirs les plus célèbres (dont le fameux Les Tueurs en 1946), Robert Siodmak a réalisé coup sur coup deux films à suspense, de thèmes assez proches : The Suspect et cet Uncle Harry. L’histoire, qui met en scène un homme sous l’emprise de ses deux sœurs, n’est sans doute pas remarquable par son écriture ; elle l’est plutôt par son climat assez trouble et sa peinture sarcastique de la bourgeoisie provinciale. Georges Sanders fait une bonne prestation, même s’il est meilleur quand fait preuve de duplicité, ce qui n’est pas le cas ici. L’épilogue paraît plaqué… C’est effectivement le cas : Universal a imposé ce dénouement ridicule par crainte de la censure du Code Hays. Heureusement cette ultime séquence ne dure qu’une minute à peine et n’empêche donc pas d’apprécier le film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: George Sanders, Geraldine Fitzgerald, Ella Raines, Sara Allgood, Moyna MacGill
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Remarques :
* Furieuse de la fin imposée, la productrice Joan Harrison a claqué la porte d’Universal alors qu’elle devait encore deux films sous contrat. Siodmak n’a pu se permettre d’en faire autant.
* RKO et Republic avaient également manifesté leur intérêt d’adapter la pièce mais avaient renoncé par crainte de la censure.
* Epilogue initialement prévu : Harry, rongé par le remords, se laissait interner en hôpital psychiatrique.

L'oncle Harry (The Strange Affair of Uncle Harry)Geraldine Fitzgerald et George Sanders
dans L’oncle Harry (The Strange Affair of Uncle Harry) de Robert Siodmak.

22 mars 2022

Meurtre à l’italienne (1959) de Pietro Germi

Titre original : « Un maledetto imbroglio »

Meurtre à l'italienne (Un maledetto imbroglio)Un vol de bijoux a été commis dans un immeuble bourgeois de Rome. Le commissaire Ingravallo porte d’abord ses soupçons sur le fiancé d’Assuntina, la domestique de Liliana Banducci, qui vit dans l’appartement d’en face. Mais l’affaire se révèle plus complexe que prévu quand, quelques jours plus tard, on retrouve Liliana Banducci assassinée…
Meurtre à l’italienne est un film italien réalisé par Pietro Germi. Il est adapté du roman connu en français sous les deux titres L’Affreuse Embrouille de via Merulana ou L’Affreux Pastis de la rue des Merles (Quer pasticciaccio brutto de via Merulana) de Carlo Emilio Gadda, paru en 1957. Il s’agit d’une enquête policière où le réalisateur Pietro Germi s’est octroyé le rôle principal, un inspecteur plutôt désagréable et aigri qui se targue de savoir lire les personnalités, accoutumé qu’il est aux travers de l’âme humaine. Comme le titre original l’indique, l’intrigue est particulièrement embrouillée. Trop de points semblent incohérents. Il ne nous reste alors qu’à profiter des petites touches de peinture sociale, de la bourgeoisie romaine aux milieux populaires. L’ensemble se regarde sans réel déplaisir mais sans enthousiasme non plus. Il manque probablement d’éléments un tant soit peu attractifs (personnages ou situations). Claudia Cardinale, ici dans l’un des ses premiers films, n’a qu’un petit rôle. Meurtre à l’italienne est incontestablement un film mineur dans la filmographie de Pietro Germi.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Pietro Germi, Claudia Cardinale, Franco Fabrizi, Cristina Gaioni, Claudio Gora, Eleonora Rossi Drago
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Remarque :
* L’immeuble est situé Piazza Farnese, en face du Palais Farnèse qui abrite l’ambassade de France à Rome.

Meurtre à l'italienne (Un maledetto imbroglio)Pietro Germi, Claudia Cardinale et Eleonora Rossi Drago dans Meurtre à l’italienne (Un maledetto imbroglio) de Pietro Germi.

13 janvier 2022

Madame Bovary (1991) de Claude Chabrol

Madame Bovary1837. Au cours d’une visite chez l’un de ses patients, Charles Bovary, médecin de campagne normand, s’éprend d’Emma, fille du riche fermier Rouault. Deux mois plus tard, ce dernier, qui sait le docteur veuf et désireux de refaire sa vie, lui offre la main de sa fille. Emma, qui rêvait d’une vie exaltante, découvre alors la morne existence des épouses de notables…
Madame Bovary est un film français de Claude Chabrol sorti en 1991, adapté du roman homonyme de Gustave Flaubert publié en 1857. Claude Chabrol a toujours entretenu une relation étroite avec le roman qu’il a découvert adolescent : « Emma me poursuit depuis l’âge de treize ans. Avec elle, j’ai découvert l’amour et réussi mes examens. » Il en fait une adaptation très fidèle, ne se permet aucun écart comme s’il jugeait tout changement inopportun. Il insère même des extraits du texte de Flaubert lus en voix-off par François Périer. Hélas, le résultat paraît froid, académique et sans passion. Très rapidement, l’ennui s’installe et nous regardons la suite de façon distraite. Les acteurs ne sont pas en cause car tous les rôles sont très bien tenus.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Isabelle Huppert, Jean-François Balmer, Christophe Malavoy, Jean Yanne, Lucas Belvaux
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Madame BovaryJean-François Balmer et Isabelle Huppert dans Madame Bovary de Claude Chabrol.

Principales adaptations cinématographiques du roman de Flaubert :
Madame Bovary, version française de Jean Renoir (1933) avec Valentine Tessier
Madame Bovary, version allemande de Gerhard Lamprecht (1937) avec Pola Negri
Madame Bovary, version américaine de Vincente Minnelli (1949) avec Jennifer Jones
Sauve et protège, version russe d’Alexandre Sokourov (1989) avec Cécile Zervudacki
Madame Bovary, version française de Claude Chabrol (1991) avec Isabelle Huppert
Val Abraham, version portugaise de Manoel de Oliveira (1993) avec Leonor Silveira
Madame Bovary, version américaine de Sophie Barthes (2014) avec Mia Wasikowska

13 juillet 2020

Le Jardin des Finzi-Contini (1970) de Vittorio De Sica

Titre original : « Il giardino dei Finzi Contini »

Le Jardin des Finzi-Contini (Il giardino dei Finzi Contini)Au cours de l’été 1938, alors que l’idéologie fasciste imprègne insidieusement les moeurs italiennes, la jeunesse dorée juive de Ferrare, qui s’est vu interdire l’accès aux courts de tennis, est invitée à jouer sur le terrain de tennis du domaine des Finzi-Contini. Ceux-ci ont toujours vécu à l’écart mais Micòl, leur fille, rencontrait parfois le jeune Giorgio depuis leur enfance. Ce dernier cherche à déclarer son amour…
Tout le monde s’accorde à dire que la fin de l’œuvre de Vittorio De Sica est plutôt décevante mais que Le Jardin des Finzi-Contini, adapté du roman homonyme de Giorgio Bassani, y brille tel un joyau. C’est un film extraordinairement plein et riche. C’est le récit d’un amour tourmenté entre une jeune fille de la très haute bourgeoisie et un garçon de la bourgeoisie moyenne aisée : alors qu’il ne veut aimer personne d’autre, elle l’attire pour mieux le repousser ensuite, ne sachant que faire de cet amour. Au départ simple contexte, l’Histoire s’impose de plus en plus tragiquement dans le récit, le parti fasciste voulant montrer à l’Allemagne d’Hitler que l’Italie pratique la même politique antisémite. Esthétiquement, le film est très élégant avec ses éclairages diffus et de subtils mouvements de caméra. Dominique Sanda, magnétique, d’une grande beauté juvénile, joue avec une grande retenue tout en donnant de l’intensité à son personnage.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Lino Capolicchio, Dominique Sanda, Fabio Testi, Romolo Valli, Helmut Berger
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Le Jardin des Finzi-Contini (Il giardino dei Finzi Contini)Dominique Sanda et Lino Capolicchio dans Le Jardin des Finzi-Contini (Il giardino dei Finzi Contini) de Vittorio De Sica.

5 mai 2020

L’Héritage (1976) de Mauro Bolognini

Titre original : « L’eredità Ferramonti »

L'héritage (L'eredità Ferramonti)Rome, années 1880. Gregorio Ferramonti qui a fait fortune dans la boulangerie, méprise et rejette ses trois enfants qu’il accuse de ne pas l’aimer et de n’en vouloir qu’à son argent. Pippo, le plus jeune, est un faible qui se lance sans succès dans un négoce de quincaillerie. Il acquiert son fonds de commerce des époux Carelli, dont il épouse la fille, Irene…
L’Héritage est adapté d’un court roman d’un écrivain toscan peu connu, Gaetano Carlo Chelli. Dans cette histoire de conflit familial aggravé, l’attrait de l’argent fait naitre les pires machiavélismes. C’est aussi un portrait de l’Italie de la fin du XIXe siècle : le père représente la génération qui s’est enrichie par un dur labeur, ses enfants espèrent faire fortune avec moins d’efforts, mais tous seront balayés par une bourgeoisie moderne qui va savoir allier pouvoir politique et économie pour prendre les rênes de la société (c’est le sens de l’épilogue un peu surprenant). La photographie du grand Ennio Guarneri est hélas marquée par des effets de diffusion qui rendent les extérieurs un peu artificiels (et qui datent nettement le film dans les années 70). L’interprétation est dominée par la prestation de Dominique Sanda qui incarne admirablement cette femme machiavélique et sûre de ses charmes (Prix d’interprétation au festival de Cannes 1976). L’Héritage est un film assez puissant, il mérite de figurer parmi les meilleurs de Mauro Bolognini.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Anthony Quinn, Fabio Testi, Dominique Sanda, Gigi Proietti, Adriana Asti, Paolo Bonacelli
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L'héritage (L'eredità Ferramonti)Anthony Quinn et Dominique Sanda dans L’Héritage (L’eredità Ferramonti) de Mauro Bolognini.

21 mars 2020

Ma Loute (2016) de Bruno Dumont

Ma LouteAndré Van Peteghem arrive avec sa femme et ses enfants dans leur villa en baie de la Slack, sur la Côte d’Opale. Ils sont bientôt rejoints par sa sœur et son mari, qui est également le cousin d’André. Plusieurs disparitions ont eu lieu, un inspecteur ventripotent enquête. Dans les dunes vit une famille de pêcheurs, également passeurs : ils portent les personnes qui veulent traverser un petit bras de mer…
Après quelques films très remarqués dans un genre plutôt rude, Bruno Dumont avait surpris en optant pour le comique avec la série P’tit Quinquin pour Arte. Il poursuit dans cette veine avec Ma Loute, un film burlesque et outrancier, franchement surréaliste dans l’esprit. Bruno Dumont force le trait et même n’hésite pas à aller franchir allègrement les limites du bon goût (quelques scènes sont vraiment gore). Certains acteurs sont non professionnels mais ce sont les formidables prestations de Fabrice Luchini et de Juliette Binoche en grands bourgeois exaltés et tarabiscotés qui portent le burlesque à des sommets. Les seconds rôles ne sont pas en reste, avec notamment cet improbable inspecteur qui semble sorti d’une bande dessinée. Le film aurait sans doute gagné à être un peu plus court mais n’en est pas moins assez unique en son genre. Il pourra toutefois être diversement apprécié…
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Fabrice Luchini, Juliette Binoche, Valeria Bruni Tedeschi, Jean-Luc Vincent, Brandon Lavieville, Didier Després
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Remarque :
* La (très surprenante) demeure des Van Peteghem est le Typhonium de Wissant (Pas-de-Calais), une villa de style art-nouveau et néo-égyptien ptolémaïque. Elle tient son nom de petits temples égyptiens trouvés à Denderah et à Edfou lors de la campagne d’Égypte.

Ma LouteFabrice Luchini, Juliette Binoche, Valeria Bruni Tedeschi et Jean-Luc Vincent dans Ma Loute de Bruno Dumont.

10 octobre 2019

Le Corps de mon ennemi (1976) de Henri Verneuil

Le Corps de mon ennemiAprès avoir passé sept années derrière les barreaux, François Leclercq revient dans sa ville du nord de la France pour trouver les véritables coupables du crime dont il a été accusé. Il était amoureux de la fille d’un baron du textile…
Le Corps de mon ennemi est l’adaptation d’un roman de Félicien Marceau qui a participé à l’écriture. Le plus original dans le film d’Henri Verneuil est sa construction : le récit fait intervenir de très nombreux flashbacks en fonction des personnages qu’il rencontre au présent. Les morceaux de son histoire se recollent ainsi peu à peu, de façon un peu laborieuse, il faut bien l’avouer. La faiblesse du film est dans l’histoire en elle-même qui n’évolue guère et cette peinture de la bourgeoisie qui se voulait acerbe est finalement bien fade. Certaines scènes sont néanmoins savoureuses, telles celles du repas mondain ou du travesti. Les dialogues de Michel Audiard n’ont rien de remarquable. Malgré un beau plateau d’acteurs et la solide réalisation d’Henri Verneuil, le film peine à se montrer intéressant.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jean-Paul Belmondo, Bernard Blier, Marie-France Pisier, Daniel Ivernel, François Perrot, Nicole Garcia
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Remarques :
* Pour éviter le délicat problème de rajeunir Jean-Paul Belmondo dans les flashbacks, Henri Verneuil fait dire à son personnage : « Dans ce bric-à-brac de la mémoire, chaque fois que l’on essaie de se souvenir du jeune homme que l’on était, on se revoit avec la tête de l’homme d’aujourd’hui. » Cette pirouette (un peu grossière) permet à Jean-Paul Belmondo d’être physiquement le même dans toutes les scènes.

Le Corps de mon ennemiMarie-France Pisier et Jean-Paul Belmondo dans Le Corps de mon ennemi de Henri Verneuil.

1 septembre 2019

Les Héritières (2018) de Marcelo Martinessi

Titre original : « Las herederas »

Les héritièresÀ Asuncion au Paraguay, Chela, une femme presque septuagénaire issue d’une famille riche, a vécu avec Chiquita pendant plus de trente ans. Ruinée, elle est obligée de vendre meubles, tableaux et argenterie qu’elle a reçus en héritage. Par ailleurs, Chiquita, accusée de fraude, doit aller en prison. Chela se retrouve seule…
Les héritières a été écrit et réalisé par le paraguayen Marcelo Martinessi qui signe là son premier long métrage. Il s’agit d’un film très mélancolique qui met en lumière le crépuscule d’une vie bourgeoise qui s’étiole doucement. Marcelo Martinessi n’affiche toutefois aucune nostalgie, il semble plutôt vouloir se placer en observateur. De la réalité du pays, nous ne verrons rien : Chela et les personnes qu’elle rencontre semblent presque vivre en marge de la société (impression probablement renforcée par l’âge des personnages). Hormis l’arbitraire des arrestations, le réalisateur ne fait que peu d’allusions à la politique de son pays et il faut lire certaines de ses déclarations pour mieux la comprendre (1). Le film est assez lent mais émouvant. Tourné avec peu de moyens, le film a bénéficié d’une distribution internationale. Le cinéma paraguayen est plutôt rare. Ne serait-ce que pour cette raison, le film est intéressant à voir.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ana Brun, Margarita Irun, Ana Ivanova, Nilda Gonzalez
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Remarques :
* Certaines phrases semblent dites dans une autre langue que l’espagnol. C’est bien le cas. En fait, au Paraguay, il existe deux langues officielles : le guarani et l’espagnol.

Les héritièresAna Brun et Ana Ivanova dans Les héritières de Marcelo Martinessi.

(1) « Le coup d’État le plus récent (2012) a montré qu’il y a toujours eu une sorte de complicité entre notre petite- bourgeoisie et les régimes autoritaires. Et je ne parle pas seulement des personnages forts qui ont façonné leur époque à coups de bottes et de fusils jusqu’à la fin des années 80. Les nouveaux leaders « démocratiques », qui partagent désormais les bénéfices de la corruption et du trafic de drogue, ont eux aussi besoin de cette complicité pour inspirer les mêmes peurs et maintenir les mêmes silences. Personnellement, je m’intéresse à la vie quotidienne en dehors de ces zones de pouvoir, même au sein de la classe dirigeante. Il n’était pas pertinent de placer Les héritières à un moment précis de notre histoire politique puisque la sensation de vivre dans une prison géante reste la même. Aussi, ce film est fait essentiellement sur ce sentiment d’enfermement. » Marcelo Martinessi (Extrait du dossier de presse repris du site Allociné)

Marcelo Martinessi a été directeur exécutif de la première chaîne de télévision publique du Paraguay jusqu’au coup d’État de juin 2012. Capturant le traumatisme de son pays au cours de ce chaos politique, il a écrit et réalisé ‘La Voz Perdida’ et remporté le prix du meilleur court métrage au Festival de Venise en 2016. (Extrait du dossier de presse repris du site Allociné)

Précision : En juin 2012, Fernando Lugo, le premier président de gauche du Paraguay, a été destitué par un vote du Sénat. Cette destitution est qualifiée de « coup d’état » par de nombreuses voix (lire un article sur Le Monde).

Homonyme :
Les héritières (Örökség, 1980) de la hongroise Márta Mészáros avec Isabelle Huppert.

24 août 2019

Violette Nozière (1978) de Claude Chabrol

Violette NozièreParis début des années 1930. Pour échapper au mode de vie étriqué de ses parents, Violette Nozière mène une vie secrète basée sur des mensonges, fréquentant les milieux étudiants du quartier latin et recourant occasionnellement à la prostitution…
Basé sur un livre de Jean-Marie Fitère publié en 1975, le film nous retrace une partie de l’histoire réelle de Violette Nozière, cette jeune fille parricide qui défraya la chronique en 1933-34. L’affaire fit grand bruit, une moitié de la France se rangeant du côté de la jeune fille, l’autre moitié étant farouchement contre ; les surréalistes prirent ouvertement sa défense « contre l’ordre bourgeois ». Claude Chabrol se place en héritier de cette tradition, lui qui a toujours fait de la bourgeoisie sa cible favorite. Il se concentre sur la personnalité de la jeune femme. Tout le film est construit sur des flashbacks, enquête et procès sont repoussés à la fin. L’ensemble est hélas un peu confus, parfois ennuyeux même. Le plus étonnant dans ce film est finalement de voir comment Isabelle Huppert s’est emparé du personnage, lui donnant du corps et une forte présence. L’actrice de 23 ans fait une performance remarquable qui fut justement saluée par un prix à Cannes.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Isabelle Huppert, Stéphane Audran, Jean Carmet, Jean-François Garreaud
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Remarque :
* Le choix des comédiens n’est pas innocent et Claude Chabrol l’a lui-même reconnu : s’il ne prend pas ouvertement parti sur la question de savoir si oui ou non le père de Violette avait abusé d’elle, le cinéaste a choisi les deux acteurs du film Dupont Lajoie (1975), où Jean Carmet violait Isabelle Huppert. Ainsi, le public de l’époque pouvait inconsciemment considérer le père comme étant coupable.

 

Violette NozièreIsabelle Huppert dans Violette Nozière de Claude Chabrol.

Violette NozièreIsabelle Huppert et Stéphane Audran dans Violette Nozière de Claude Chabrol.