15 juin 2019

Jaguar (1955-1967) de Jean Rouch

JaguarTrois jeunes nigériens décident de quitter leur village de brousse durant la saison sèche pour se rendre temporairement en Gold Coast (qui deviendra le Ghana en 1957) dans l’espoir d’y faire fortune. Arrivés là-bas, ils se séparent. L’un travaille au port d’Accra, l’autre devient un Jaguar ( = « jeune homme galant à la tête bien peignée que tout le monde regarde ») exerçant divers petits métiers et tous deux finissent par rejoindre le troisième qui vend diverses choses sur le marché de Kumassi. Ils s’associent pour fonder l’échoppe « Petit à petit, l’oiseau fait son bonnet » avant de rentrer dans leur village…
Alors qu’il est chargé de recherches au CNRS au début des années cinquante, Jean Rouch tourne d’abord des documentaires de format conventionnel avant de tenter une expérience nouvelle avec ce Jaguar. Il propose à trois jeunes nigériens d’inventer une histoire qu’il filmera en décors naturels avec une petite caméra portable, le son étant ajouté par la suite. Jean Rouch se situe ainsi directement dans la ligne initiée par Robert Flaherty avec son Nanouk l’esquimau. La partie voyage est finalement assez courte, plus de la moitié du film prend place dans les villes d’arrivée. Jean Rouch intervient très peu en voix-off, tout le reste est commenté par les trois nigériens eux-mêmes, ils décrivent ce qu’ils sont en train de faire comme s’ils le revivaient. Leurs commentaires sont hauts en couleur (ce sont de véritables moulins à paroles…) et donnent un caractère très décontracté à l’ensemble : le résultat est coloré et sympathique. Sur le fond, Jaguar offre un témoignage sur les mutations de la société africaine. Tourné en 1955, le film n’est sorti qu’en 1967.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Damouré Zika, Lam Ibrahim Dia, Illo Gaoudel
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Rouch sur le site IMDB.

Voir les autres films de Jean Rouch chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Jean Rouch

Remarques :
* Pour en savoir plus sur les difficultés à sortir le film, voir une étude sur le site 1895 (Revue de l’association française de recherche sur l’histoire du cinéma)

* Le film Petit à petit de Jean Rouch peut être vu comme une suite à Jaguar. Le troisième volet devait s’intituler Grand à grand mais n’a pas vu le jour.

Jaguar
(à gauche) Damouré Zika, Illo Gaoudel et Lam Ibrahim Dia dans Jaguar de Jean Rouch.
(à droite) Damouré Zika est un « jaguar » dans Jaguar de Jean Rouch.

 

Ne pas confondre avec :
Le Jaguar de Francis Veber (1996) avec Jean Reno et Patrick Bruel (!)

5 mars 2019

Makala (2017) de Emmanuel Gras

MakalaUn jeune congolais se rend dans la brousse au pied d’un arbre monumental. Armé d’une simple hache, il entreprend de l’abattre. Ce n’est que le début de la tâche qu’il s’est assignée afin de pouvoir acheter des tôles ondulées pour renforcer son toit…
Réalisé par le français Emmanuel Gras, Makala est un documentaire scénarisé qui a de quoi frapper nos esprits occidentaux : on ressent un véritable choc de civilisations à sa vision, de ceux qui nous « recadrent ». Le cœur du film est centré sur le périlleux trajet du jeune homme, chargé de façon inimaginable, pour se rendre à la ville vendre sa production. Mais c’est là que le film d’Emmanuel Gras montre ses limites : il crée un suspense très fort autour de cette phase la plus spectaculaire alors qu’il a éclipsé toutes les semaines (mois?) de travail fastidieux qui précèdent. Certes, le réalisateur se situe dans la lignée de l’ethnofiction chère à Jean Rouch mais il pousse la scénarisation peut-être un peu loin. D’autre part, l’absence de tout commentaire rend certaines scènes un peu obscures. Cela ne signifie pas que son film manque d’intérêt, ne serait-ce que par les multiples questions qu’il suscite. Il a d’ailleurs reçu le Grand prix de la semaine de la critique au Festival de Cannes 2017.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Kabwita Kasongo
Voir la fiche du film et la filmographie de Emmanuel Gras sur le site IMDB.
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Makala
Kabwita Kasongo dans Makala de Emmanuel Gras.

3 octobre 2018

Cocorico Monsieur Poulet (1977) de Jean Rouch

Cocorico Monsieur PouletAu Niger, Lam, possesseur d’une 2 CV camionnette nommée « Patience », et son apprenti Tallou, veulent aller acheter des poulets dans les villages de la brousse pour les revendre à Niamey. Damouré, un opportuniste, se joint à eux pour le voyage, en espérant faire des affaires juteuses…
Cocorico Monsieur Poulet est écrit et réalisé par Dalarou, pseudonyme pour le trio Damouré Zika, Lam Ibrahim Dia (tous deux également interprètes) et Jean Rouch. Contrairement aux autres films de ce dernier, il ne s’agit pas à proprement parler d’un film ethnologique mais d’un conte humoristique mettant en scène certains aspects des modes de vie et croyances en ce milieu des années soixante dix en Afrique. Les trois personnages principaux montrent notamment un très grand flegme face aux diverses complications et incidents. La traversée du fleuve Niger (à trois reprises) est l’un des sommets burlesques du récit. On pourrait seulement regretter que cette histoire puisse générer, dans l’esprit du spectateur amusé, une vision un peu simpliste des africains et même encourager d’éventuels sentiments colonialistes. Mais peut-être est-ce aller trop loin pour ce film conçu comme une joyeuseté en roue libre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Damouré Zika, Lam Ibrahim Dia, Tallou Mouzourane
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Rouch sur le site IMDB.

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Lire une présentation très enthousiaste sur DVDClassiks

Cocorico monsieur Poulet
Héroïne du film : la 2 CV de Cocorico Monsieur Poulet de Jean Rouch, Damouré Zika et Lam Ibrahim Dia.