15 avril 2023

El Perdido (1961) de Robert Aldrich

Titre original : « The Last Sunset »

El Perdido (The Last Sunset)Coupable de meurtre, Brendan O’Malley franchit la frontière mexicaine poursuivi par le shérif Dana Stribling. Il décide de rendre visite à une femme qu’il a aimée il y a seize ans, Belle. Son mari cherche des hommes pour conduire un troupeau jusqu’au Texas. O’Malley accepte…
El Perdido (The Last Sunset) est un western américain réalisé par Robert Aldrich, adapté du roman d’Howard Rigsby, Sundown at Crazy Horse, par Donald Trumbo. Ce dernier était toutefois trop accaparé par l’écriture d’Exodus pour Otto Preminger pour s’investir pleinement dans sa tâche. Pourtant, et malgré les mésententes de Robert Aldrich avec Kirk Douglas qui était également producteur (1), le résultat est remarquable. Cette confrontation entre deux hommes est un subtil mélange d’attraction et de répulsion et leurs rapports avec les deux femmes sont bien plus complexes qu’attendu (sans parler de la surprenante révélation qui mène à un final inattendu). Le film comporte certaines scènes d’action assez éblouissantes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Rock Hudson, Kirk Douglas, Dorothy Malone, Joseph Cotten, Carol Lynley, Neville Brand, Regis Toomey
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Remarque :
Les couleurs sont assez étranges, avec une prédominance des bruns et marrons clairs qui sied assez bien à l’histoire. Dans son livre sur Robert Aldrich (publié en 1985), Jean-Pierre Piton précise que seuls des contretypes du film ont circulé en France, donnant des différences de couleurs parfois dans la même scène. Est-ce pour cette raison ? J’en doute car le film a été restauré depuis cette date.

(1) Robert Aldrich a eu cette phrase à propos de Kirk Douglas : « Vous ne pouvez faire travailler un acteur qui est votre patron. » (entretiens Cahiers du Cinéma N°150-151)

El Perdido (The Last Sunset)Kirk Douglas et Dorothy Malone dans El Perdido (The Last Sunset) de Robert Aldrich.

El Perdido (The Last Sunset)Kirk Douglas et Rock Hudson dans El Perdido (The Last Sunset) de Robert Aldrich.

7 avril 2023

Sauve qui peut (1965) de John Boorman

Titre original : « Catch Us If You Can »
Titre U.S.A. : « Having a Wild Weekend »

Sauve qui peut (Catch Us If You Can)Dinah est une mannequin célèbre qui doit tourner une publicité télévisée pour de la viande à Londres. Peu motivée, elle décide de s’échapper avec Steve, un cascadeur. Ils s’enfuient alors à bord d’une Jaguar de la production. Le publicitaire fait passer cela pour un enlèvement et ils sont poursuivis dans toute l’Angleterre par ses hommes et la police…
Sauve qui peut (Catch Us If You Can) est un film britannique réalisé par John Boorman, son premier long métrage. Après le succès phénoménal de A Hard Day’s Night (1964) de Richard Lester avec les Beatles, il était tentant d’exploiter la veine avec un autre groupe. Et après les Beatles, le groupe le plus populaire du moment était le Dave Clark Five (et oui, ce n’était pas les Rolling Stones) qui venait de se hisser en numéro un des charts anglais avec Glad All Over et faisait un ravage aux Etats Unis. Le format du film est différent du film des Beatles : le groupe n’apparaît pas en tant que groupe musical, ce sont une équipe de cascadeurs et, en fait, seul Dave Clark (leader et batteur de Dave Clark Five) a un rôle important. En revanche, on retrouve le même esprit d’insouciance, d’anticonformisme et d’aspiration à une liberté. Même s’il apparaît moins brillant aujourd’hui, le film traduit pleinement l’esprit de son époque. A noter que Dave Clark ne joue pas très bien en tant qu’acteur (mais, après tout, ce n’est pas ce qu’on lui demande), il exprime peu et se contente d’être du genre ténébreux tout au long de l’histoire. Le film connut un grand succès et ouvrit les portes d’Hollywood à John Boorman.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Dave Clark, Barbara Ferris
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Sauve qui peut (Catch Us If You Can)Dave Clark et Barbara Ferris dans Sauve qui peut (Catch Us If You Can) de John Boorman.

Sauve qui peut (Catch Us If You Can)The Dave Clark Five et Barbara Ferris dans Sauve qui peut (Catch Us If You Can) de John Boorman.

19 mars 2023

Mouchette (1967) de Robert Bresson

MouchetteMouchette est une adolescente taciturne ; son père est un contrebandier alcoolique et sa mère est gravement malade. Un soir d’orage, alors qu’elle rentre de l’école, elle s’égare dans la forêt et accepte l’hospitalité d’un braconnier, Monsieur Arsène, le premier habitant du village à lui témoigner un peu de compassion…
Mouchette est un film français de Robert Bresson, sorti en 1967, adapté du roman de Georges Bernanos, Nouvelle histoire de Mouchette paru en 1937 (1). L’histoire est transposée à l’époque contemporaine. Le film dresse le portrait d’une adolescente qui, en quête d’un peu d’amour qui lui permettrait d’échapper à une pesante solitude et à la misère, va découvrir les vices des hommes. Comme toujours, Bresson fait jouer des comédiens non professionnels et sa mise en scène est réduite à l’essentiel, assez austère mais donnant au propos une indéniable puissance. Il atteint ainsi un rare niveau de réalisme.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Nadine Nortier, Jean-Claude Guilbert, Marie Cardinal
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(1) Robert Bresson avait déjà adapté un autre roman de Georges Bernanos : Journal d’un curé de campagne, en 1951.

MouchettePaul Hébert et Nadine Nortier dans Mouchette de Robert Bresson.

21 février 2023

Le Train (1964) de John Frankenheimer

Titre original : « The Train »

Le Train (The Train)En août 1944, un colonel allemand, grand amateur d’art, fait évacuer pour les envoyer en Allemagne des tableaux de maîtres de la galerie nationale du Jeu de paume et des œuvres dites « dégénérées » issues de spoliations en France. Des cheminots de la Résistance vont tout faire pour que le train de marchandises qui les transporte n’arrive pas à destination…
Le Train est un film américain de John Frankenheimer. Le scénario, signé Franklin Coen et Frank Davis, s’inspire d’un épisode réel de la Seconde Guerre mondiale, le déraillement en France du train dit « d’Aulnay » en août 1944 (1), et relie cet évènement au pillage organisé des œuvres d’art. Hormis le premier rôle tenu par Burt Lancaster, tous les personnages français sont joués par acteurs français (doublés en anglais). Destiné, nous dit-on en exergue, à mettre en valeur l’héroïsme des cheminots de la Résistance, le film n’a pas la force qu’il devrait avoir. L’ensemble paraît en effet un peu artificiel, il manque d’authenticité mais les scènes d’action et de suspense sont réussies.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Burt Lancaster, Paul Scofield, Jeanne Moreau, Suzanne Flon, Michel Simon, Wolfgang Preiss, Albert Rémy, Charles Millot
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Remarques :
• Bernard Farrel est crédité comme coréalisateur sur les copies (et les affiches) françaises. Exigé par la législation fiscale française, il n’était pas autorisé à mettre les pieds sur le plateau et son nom est totalement absent des copies américaines.
• Dans la VO, tous les personnages parlent anglais (même les allemands entre eux). La version doublée en français n’a pas ce défaut. Il n’est pas donc impossible que la V.F. paraisse plus authentique.
• Lors d’une journée de repos, Burt Lancaster se blessa à la jambe en jouant au golf. Afin qu’il puisse tourner les scènes restantes en claudiquant, il fut décidé de rajouter une scène où son personnage reçoit une balle dans la jambe !

(1) Le « train d’Aulnay » est un fait réel, mais il transportait principalement des meubles.
(2) Le Train est basé sur le livre, paru en 1961, Le front de l’art de Rose Valland, historienne de l’art au Musée du Jeu de Paume, qui raconte avec détails comment les œuvres d’art, qui avaient été pillées par les Allemands dans les musées et les collections privées dans toute la France, y furent triées pour être expédiés en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le Train (The Train)Albert Rémy, Charles Millot et Burt Lancaster dans Le Train (The Train) de John Frankenheimer.

Homonyme :
Le Train de Pierre Granier-Deferre (1973) avec Jean-Louis Trintignant et Romy Schneider

19 février 2023

Billy Budd (1962) de Peter Ustinov

Billy BuddEn 1797, sur le navire militaire britannique L’Avenger, le second du capitaine Vere enrôle de force un gabier de vingt ans, nommé Billy Budd, dont la beauté ne laisse pas indifférent les officiers du bateau. Billy découvre la violence et la tyrannie du maître d’équipage, Claggart…
Billy Budd est un film britannique de Peter Ustinov. Au départ, Billy Budd est un roman d’Herman Melville ; il fut adapté en pièce à Broadway en 1951 et c’est cette pièce que Peter Ustinov porte ici à l’écran. L’histoire est assez fidèle au roman qui peut prêter à de multiples interprétations du fait de sa dimension christique et de son homosexualité sous-jacente. Pour sa deuxième apparition dans un long métrage, le jeune Terence Stamp de 23 ans crève l’écran. Son visage est d’une grande beauté dans l’œil de la caméra de Robert Kasker (directeur de la photographie australien oscarisé en 1951 pour Le Troisième Homme). Face à lui, Robert Ryan personnifie la cruauté. Son accent américain est un peu marqué et détone sur ce vaisseau très britannique. Au moins, cela ajoute à son étrangeté. L’ensemble est doté d’une indéniable force sous la direction classique mais adaptée du capitaine Peter Ustinov.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Robert Ryan, Terence Stamp, Peter Ustinov, Melvyn Douglas, Paul Rogers, John Neville, David McCallum
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Billy BuddTerence Stamp et Robert Ryan dans Billy Budd de Peter Ustinov.

8 février 2023

Mademoiselle Ogin (1962) de Kinuyo Tanaka

Titre original : « Ogin-sama »

Mademoiselle Ogin (Ogin-sama)À la fin du XVIe siècle, alors que le Christianisme venu d’Occident est proscrit, Ogin, la fille du célèbre maître de thé Rikyu, tombe amoureuse du samouraï Ukon Takayama, qui est chrétien. Le guerrier refuse ses avances, préférant se consacrer à sa foi, et Ogin prend pour époux un homme qu’elle n’aime pas. Mais quelques années plus tard, Ukon revient et lui avoue son amour. Ogin veut reprendre sa liberté mais le redoutable Hideyoshi, qui règne sur le pays, a entamé des persécutions anti-chrétiennes…
Mademoiselle Ogin est un film japonais réalisé par Kinuyo Tanaka, sa sixième et ultime réalisation. Le scénario est l’œuvre de Masashige Narusawa, d’après un roman de Tōkō Kon paru en 1956. Comme pour ses réalisations précédentes, Kinuyo Tanaka s’empare du sujet pour en faire un récit de femme vue par une femme. Le mélodrame est certes un peu appuyé, une histoire d’un amour fou et destructeur, mais le film enchante par la qualité de sa réalisation et la beauté de ses images en couleurs. Certains cadrages sont absolument superbes. Kinuyo Tanaka a cette fois profité d’un budget important qu’elle utilise à merveille. Elle dirige Ineko Arima, actrice qui a joué avec les plus grands (Naruse, Ozu, Kobayashi,…) Les raisons pour lesquelles Kinuyo Tanaka n’a pas continué à réaliser ne semblent pas connues avec certitude. C’est un grand dommage car il ne fait nul doute qu’elle aurait continué à signer de grands films.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ineko Arima, Tatsuya Nakadai, Ganjirô Nakamura, Mieko Takamine, Osamu Takizawa, Kôji Nanbara
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Mademoiselle Ogin (Ogin-sama)Mieko Takamine et Ineko Arima dans Mademoiselle Ogin (Ogin-sama) de Kinuyo Tanaka.

Mademoiselle Ogin (Ogin-sama)Ineko Arima et Hisaya Itô dans Mademoiselle Ogin (Ogin-sama) de Kinuyo Tanaka.

7 février 2023

La Nuit des femmes (1961) de Kinuyo Tanaka

Titre original : « Onna bakari no yoru »

La Nuit des femmes (Onna bakari no yoru)À la fin des années 1950 au Japon, les lois anti-prostitution entrainent la fermeture des maisons closes. Des centres de réinsertion pour anciennes prostituées sont créés. La jeune Kuniko est particulièrement motivée pour retrouver une nouvelle place dans la société japonaise. Avec l’aide de la responsable du centre, elle déniche un emploi dans une épicerie à Tokyo…
La Nuit des femmes est un film japonais réalisé par Kinuyo Tanaka. Le scénario est signé Sumie Tanaka (pas de relation familiale), il est basé sur un roman de Masako Yana. Après une grosse production en couleurs (La Princesse errante), la réalisatrice se lance dans un projet plus modeste en moyens où elle nous parle de nouveau de femmes vues par des femmes. L’histoire met en relief les difficultés de réinsertion de ces anciennes prostituées : si certaines n’en ont aucune envie, d’autres désirent repartir sur de nouvelles bases mais le passé revient toujours en force. Kinuyo Tanaka a toutefois tenu à donner une fin positive à son récit, ce n’était pas le cas dans le roman. Le récit met en avant les rapports des femmes entre elles, il n’y a que peu d’hommes. La réalisatrice a choisi une actrice très peu connue pour le rôle principal, Chisako Hara. Elle fait une belle prestation : elle exprime à la fois de la fragilité et une grande détermination. Le film possède une indéniable force. Certains analystes ont rapproché La Nuit des femmes des films de la Nouvelle Vague japonaise, tel Contes cruels de la jeunesse de Nagisa Ôshima par sa façon d’aborder les personnages.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Chisako Hara, Akemi Kita, Kyôko Kagawa, Chikage Awashima, Yôsuke Natsuki
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La Nuit des femmes (Onna bakari no yoru)Chisako Hara dans La Nuit des femmes (Onna bakari no yoru) de Kinuyo Tanaka.

La Nuit des femmes (Onna bakari no yoru)Yôsuke Natsuki et Chisako Hara dans La Nuit des femmes (Onna bakari no yoru) de Kinuyo Tanaka.

6 février 2023

La Princesse errante (1960) de Kinuyo Tanaka

Titre original : « Ruten no ôhi »

La Princesse errante (Ruten no ôhi)Tokyo, 1937. Ryūkō est une jeune fille insouciante d’origine noble qui se rêve en artiste peintre et vit auprès de ses parents et de sa grand-mère. Elle accepte d’épouser le frère de l’empereur de Maundchourie. Ce mariage est destiné à renforcer les relations entre les deux nations et introduire le sang japonais dans la famille impériale mandchoue…
La Princesse errante est un film japonais réalisé par Kinuyo Tanaka, son quatrième long métrage, son premier en couleurs. Il s’agit de l’adaptation de la biographie homonyme de Hiro Saga, publiée quelques mois plus tôt. Cette princesse a connu un destin peu commun, mouvementé et tragique. La société de production Daiei a voulu ouvertement en faire un film pour les femmes et fait par des femmes : la présentation du film à l’époque en témoigne. Le budget fut assez important. La mise en place est assez longue, s’attardant sur les protocoles des familles impériales. La suite est plus tragique, lorsque survient la guerre, avec la difficile position mandchoue dans un conflit qui déchire le pays. Pour le premier rôle, Kinuyo Tanaka a choisi Machiko Kyô, l’actrice qui l’a remplacée comme égérie de Mizoguchi. L’actrice est de tous les plans ou presque, elle fait une très belle prestation.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Machiko Kyô, Eiji Funakoshi, Chieko Higashiyama, Kuniko Miyake, Mitsuko Mito, Chishû Ryû, Tatsuya Ishiguro
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Remarque :
• La fin est un peu abrupte car l’histoire était encore en cours : en 1961, soit un an après la sortie du film, le couple fut enfin réuni grâce à la permission du Premier ministre chinois et s’installe à Pékin. Hiro Saga y vivra jusqu’à sa mort en 1987, à l’âge de 73 ans. Son mari lui survivra quelques années. Leur deuxième fille (totalement absente du film), née en 1940 deux ans après l’aînée, est toujours en vie.

La Princesse errante (Ruten no ôhi)Machiko Kyô dans La Princesse errante (Ruten no ôhi) de Kinuyo Tanaka.

29 janvier 2023

Ma nuit chez Maud (1969) de Eric Rohmer

Ma nuit chez MaudClermont-Ferrand, quelques jours avant Noël. Un jeune ingénieur, récemment revenu de l’étranger, remarque à la messe une jeune femme blonde et décide qu’elle sera sa femme. Il retrouve ensuite par hasard un ancien ami qui l’invite à un dîner le soir de Noël chez une amie divorcée, Maud…
Ma nuit chez Maud est un film français écrit et réalisé par Éric Rohmer. C’est le troisième des Six contes moraux du réalisateur (bien qu’il ait été réalisé après le quatrième, La Collectionneuse) et sans nul doute le plus profond des six, le plus philosophique. On y parle de l’existence de Dieu et du pari de Pascal (1), de probabilités mathématiques, de l’amour. L’art de Rohmer est de rendre cela très naturel et assez attrayant. Il nous fait suivre les discussions de trois personnages aux convictions très fortes : il y a l’ingénieur croyant (Jean-Louis Trintignant), rigoriste, janséniste malgré lui, enfermé dans des principes tristes qu’il énonce joliment, le professeur de philosophie marxiste qui cultive ses illusions sources d’espoir (Antoine Vitez) et la femme libre (Marie-Christine Barrault) auprès de laquelle l’ingénieur va perdre de sa raideur le temps d’une nuit. Leurs discussions sont passionnantes à suivre et prêtent délicieusement à réflexion. Certains seront tentés d’y voir un éloge du mariage et de la famille mais, une fois de plus, Rohmer ne fait pencher la balance dans aucun sens, il nous place en observateur (même si on peut s’amuser de la pirouette finale). L’interprétation est aussi excellente que le sujet.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean-Louis Trintignant, Françoise Fabian, Marie-Christine Barrault, Antoine Vitez
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(1) Ces dialogues au sujet de Pascal sont directement inspirés de l’émission L’Entretien sur Pascal (1965), un dialogue entre Brice Parain, auteur d’essais de philosophie, et le père dominicain et mathématicien Dominique Dubarle. L’émission était réalisée par Rohmer pour la télévision. (Visible sur Gallica).

Ma nuit chez MaudAntoine Vitez, Françoise Fabian et Jean-Louis Trintignant dans Ma nuit chez Maud de Éric Rohmer.

Ma nuit chez MaudFrançoise Fabian et Antoine Vitez dans Ma nuit chez Maud de Éric Rohmer.

Ma nuit chez MaudFrançoise Fabian et Jean-Louis Trintignant dans Ma nuit chez Maud de Éric Rohmer.

Six Contes moraux d’Eric Rohmer :
1963 : La Boulangère de Monceau
1963 : La Carrière de Suzanne
1967 : La Collectionneuse
1969 : Ma nuit chez Maud
1970 : Le Genou de Claire
1972 : L’Amour l’après-midi

7 janvier 2023

La Boulangère de Monceau (1963) de Eric Rohmer

La Boulangère de MonceauA Paris, dans le quartier du parc Monceau, un étudiant en droit prépare ses examens tout en fréquentant les cafés avec un camarade. Il croise fréquemment une jeune femme blonde qui lui plaît mais n’ose cependant pas l’aborder. Un jour pourtant, il engage la conversation et croit dès lors la rencontre bien engagée…
La Boulangère de Monceau est un court métrage français de 22 minutes écrit et réalisé par Éric Rohmer. C’est le premier de ses Six Contes moraux : il sera suivi de cinq longs métrages sur presque dix ans. Il comporte déjà le canevas commun aux six films, ainsi défini par Rohmer : « Tandis que le narrateur est à la recherche d’une femme, il en rencontre une autre qui accapare son attention jusqu’au moment où il retrouve la première. » Il faut ajouter que l’autre femme est toujours contraire aux principes du personnage. Ainsi, le jeune étudiant considère que la jeune boulangère n’est pas de son monde, il n’a que du mépris pour elle et fait preuve d’un cynisme odieux. Le cinéaste montre sans porter de jugement : on peut aussi bien imaginer qu’il s’identifie au personnage principal ou alors qu’il le condamne. Même s’il manque de complexité du fait de son format court, La Boulangère de Monceau préfigure entièrement la série des Contes moraux.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Barbet Schroeder, Claudine Soubrier, Michèle Girardon
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Remarque :
* Le rôle principal est tenu par le futur réalisateur Barbet Schroeder, la voix-off du narrateur est celle du jeune Bertrand Tavernier (difficile à reconnaitre).

La Boulangère de MonceauBarbet Schroeder et Claudine Soubrier dans La Boulangère de Monceau de Éric Rohmer.

Six Contes moraux d’Eric Rohmer :
1963 : La Boulangère de Monceau
1963 : La Carrière de Suzanne
1967 : La Collectionneuse
1969 : Ma nuit chez Maud
1970 : Le Genou de Claire
1972 : L’Amour l’après-midi