17 octobre 2014

Le bonheur est pour demain (1961) de Henri Fabiani

Le bonheur est pour demainJeune homme de 18 ans, Alain a quitté ses parents et erre sur les quais de Saint-Nazaire. Il va y rencontrer l’amitié et aussi l’amour… Le bonheur est pour demain est l’unique long métrage d’Henri Fabiani, réalisateur de nombreux courts métrages documentaires. C’est un film assez attachant qui nous permet de découvrir un tout jeune Jacques Higelin, fraîchement sorti du cours d’art dramatique, en garçon qui tâtonne, s’interroge, cherche sa place à la fois sentimentalement et socialement. Ces questionnements sur la recherche du bonheur et sur le rapport au travail donnent au film un étonnant caractère précurseur de Mai 68. L’ami protecteur est interprété par le musicien de jazz Henri Crolla, guitariste virtuose, qui se savait alors condamné (il est mort peu après la fin du tournage à l’âge de 40 ans). Il n’est sans doute pas un grand acteur mais montre beaucoup de chaleur humaine et respire la générosité. La scène où Higelin et lui jouent un morceau de guitare à quatre mains est un moment unique. Henri Crolla et Jacques Higelin L’histoire se déroule dans le milieu des ouvriers du chantier naval de Saint-Nazaire, dont Henri Fabiani a inséré des images réelles ; certains plans, notamment les plans de foule à l’entrée ou à la sortie, sont saisissants. La musique est signée Henri Crolla et Georges Delerue. Au final, Le bonheur est pour demain est vraiment une belle découverte.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jacques Higelin, Irène Chabrier, Henri Crolla, Jean Martinelli
Voir la fiche du film et la filmographie de Henri Fabiani sur le site IMDB.

Remarques :
* En 1953, Henri Fabiani fut, avec Alain Resnais, Georges Franju, Chris Marker, Jean Mitry, Alexandre Astruc (etc.), l’un des membres fondateurs du Groupe des Trente, une association de réalisateurs créée pour défendre le court métrage français et lui donner une meilleure place dans les cinémas.

* De façon étonnante, les acteurs ont prolongé leurs personnages dans la vraie vie : Jacques Higelin est devenu très ami avec Henri Crolla, il a vécu plusieurs mois chez lui et c’est sous son influence qu’il a développé un attrait pour la musique et la chanson. De plus, Jacques Higelin et Irène Chabrier sont tombés amoureux l’un de l’autre.

Le bonheur est pour demain* Jacques Higelin est parti faire son service militaire (en Allemagne et en Algérie) peu après le tournage. Sa correspondance avec Irène Chabrier sera publiée en 1987 sous le titre « Lettres d’amour d’un soldat de vingt ans ». Il a ensuite tourné dans plusieurs films dont Bébert et l’Omnibus d’Yves Robert (1963).

* Le film vient d’être restauré et réédité en DVD par Les Documents cinématographiques. Parmi les suppléments, j’ai trouvé l’interview d’Henri Fabiani passionnante. C’est un plaisir de l’écouter.

Homonyme :
Le bonheur est pour demain (And Now Tomorrow) d’Irving Pichel (1944) avec Alan Ladd et Loretta Young

13 octobre 2014

La machine à explorer le temps (1960) de George Pal

Titre original : « The Time Machine »

La machine à explorer le tempsLe 31 décembre 1899, un inventeur anglais fait la démonstration d’une machine qui permet de voyager dans le temps à trois de ses amis. Devant l’incrédulité de ces derniers, il décide d’expérimenter lui-même cette même machine et de partir vers le futur…
La machine à explorer le temps est l’un des plus beaux romans de H.G. Wells. C’est à la fois une belle fable de science-fiction et une réflexion sur la nature profonde de l’homme et sur l’ère industrielle. Le film de George Pal simplifie l’ensemble pour mettre en avant une histoire d’amour et gommer tous les aspects pessimistes du roman. Mais il y a tout de même de beaux restes : la mise en scène est soignée, les effets spéciaux utilisés lors des voyages dans le temps frappent l’imagination, le design de la machine est ravissant, des notes d’humour sont distillées ça et là. En revanche, on ne trouvera pas le pessimiste saut final dans l’ultra-futur et encore moins les parallèles que fait Wells avec la société de son temps. En fait, c’est tout le contenu ayant une certaine portée qui a été écarté, le pessimisme a laissé place à l’optimisme, une indéfectible foi en la nature humaine. Le film de George Pal est avant tout un divertissement.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rod Taylor, Alan Young, Yvette Mimieux
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Remake :
La machine à explorer le temps (The Time Machine) de Simon Wells (2002), nouvelle adaptation qui a simplifié encore davantage le propos pour en faire un film d’action.

La machine à explorer le temps (The Time Machine)Rod Taylor dans La machine à explorer le temps (The Time Machine) de George Pal.

9 octobre 2014

La Vieille Dame indigne (1965) de René Allio

La vieille dame indigneA la mort de son mari, une octogénaire découvre les plaisirs simples de la vie au grand dam de ses enfants pour qui tout cela n’est que gaspillage…
La Vieille Dame indigne est adaptée d’une nouvelle de Bertold Brecht dont l’esprit est bien respecté. Cette vieille dame aura eu deux vies : une première longue et laborieuse, empreinte d’abnégation, et une seconde bien plus courte où elle a découvert avec émerveillement le monde qui l’entoure, l’amitié et les petits plaisirs. Le propos s’inscrit parfaitement en son temps, nous sommes là quelques années avant Mai 68, où flotte cette aspiration à mieux profiter de la vie et à l’émancipation des femmes. Le film doit une partie de son succès à son actrice principale. L’analogie entre le parcours de cette vieille dame et la carrière de l’actrice Sylvie n’a échappé à personne : à 82 ans, l’actrice accède enfin à un premier rôle après toute une vie à jouer des seconds rôles. Elle avait joué pour les plus grands, le plus souvent brillamment mais toujours dans l’ombre. Ce film la propulsera au rang de véritable star. La Vieille Dame indigne séduit par sa fraicheur et sa légèreté.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sylvie, Victor Lanoux, Malka Ribowska, François Maistre, Etienne Bierry, Jean Bouise
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Remarques :
La Vieille Dame indigne est le premier grand film de Victor Lanoux.
* L’actrice Malka Ribowska, qui interprète la serveuse, nouvelle amie de la vieille dame, était alors l’épouse de René Allio.

La Vieille Dame indigneMalka Ribowska et Sylvie dans La Vieille Dame indigne de René Allio.

4 octobre 2014

La ballade des sans-espoirs (1961) de John Cassavetes

Titre original : « Too Late Blues »

La ballade des sans-espoirsPianiste et compositeur de jazz, Ghost refuse les compromissions et préfère jouer dans les parcs ou les écoles plutôt que de devoir ne plus jouer ce qu’il aime. Dans une soirée, il rencontre une jeune chanteuse Jess, un peu perdue, ne sachant comment démarrer sa carrière… Après un premier film très personnel Shadows (1961), John Cassavetes a fait une incursion dans le système hollywoodien conventionnel avec deux réalisations. Too Late Blues est la première des deux (1). En total contraste avec Shadows, Cassavetes adopte une structure plus classique mais il parvient à conserver une belle authenticité et à rester très près de ses personnages. Le film est généralement très mal considéré mais il ne manque pourtant pas de qualité ni d’intérêt. Il illustre bien cette errance des artistes, cette difficulté à se situer et à s’affirmer face à un système et le trouble que cela engendre dans les relations personnelles, laissées de côté. C’est le crooner Bobby Darin qui en interprète le rôle principal qui visiblement n’est pas toujours à l’aise avec les méthodes de semi-improvisation de Cassavetes. La musique est interprétée par Benny Carter, Red Mitchell et Milt Bernhart.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bobby Darin, Stella Stevens, Everett Chambers
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(1) le second est A Child is Waiting (1963) pour le producteur Stanley Kramer. Ensuite, il faudra attendre 1968 avec Faces pour sa réalisation suivante, très personnelle celle-là.

La ballade des sans-espoirs (Too Late Blues)Stella Stevens et Bobby Darin dans La ballade des sans-espoirs (Too Late Blues) de John Cassavetes.

21 septembre 2014

Billy le menteur (1963) de John Schlesinger

Titre original : « Billy Liar »

Billy le menteurEmployé dans une entreprise de pompes funèbres, Billy vit toujours chez ses parents. Pour s’évader de sa morne existence, il s’invente un monde imaginaire, déforme la réalité, raconte qu’il va partir à Londres pour travailler comme scénariste pour l’humoriste Danny Boon (1)
Adaptation d’un roman de Keith Waterhouse déjà porté au théâtre, Billy le menteur nous offre le portrait assez attachant d’un jeune anglais assez désillusionné par le monde qui l’attend. Il est le reflet de cette jeunesse du début des années soixante qui aspirait à autre chose que la vie étriquée donnée en modèle par leurs parents. C’est un portrait sans complaisance toutefois car Billy est loin d’être parfait : s’il présente un mélange de naïveté et d’idéalisme, Billy est hélas incapable de s’engager vraiment pour faire aboutir ses projets et esquive tout par le mensonge. Il n’a pas l’audace de franchir le pas. L’humour est constant, par petites touches et l’interprétation de Tom Courtenay donne un certain charme à l’ensemble.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Tom Courtenay, Helen Fraser, Julie Christie
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Remarque :
* Billy le menteur est le premier film de Julie Christie avec John Schlesinger, celui qui va vraiment lancer sa carrière.

(1) Aucun lien bien entendu avec l’acteur et humoriste français Dany Boon qui n’était d’ailleurs pas encore né…

Billy le menteur (Billy Liar)Tom Courtenay et Julie Christie dans Billy le menteur (Billy Liar) de John Schlesinger.

15 septembre 2014

Les Oiseaux (1963) de Alfred Hitchcock

Titre original : « The Birds »

Les oiseauxEnfant gâtée habituée à avoir tout ce qu’elle veut, Melanie Daniels décide de jouer un tour à Mitch Brenner qu’elle a rencontré la veille dans un magasin d’animaux. Elle se rend à Bodega Bay au nord de San Francisco où il passe le week-end en apportant deux lovebirds (1)Les Oiseaux est l’un des films les plus connus et les plus commentés d’Alfred Hitchcock. C’est celui où il a été le plus loin dans la création de la peur. Tout l’art est d’avoir utilisé des créatures très ordinaires, habituellement considérées comme inoffensives, pour créer cette terreur. Et l’absence d’explication finale (2) semble venir nous dire « je vous ai bien fait peur, mais tout cela était pour rire ». Le succès de Psychose a donné à Hitchcock la possibilité d’une production importante. Le cinéaste a ainsi pu être aussi perfectionniste qu’il le souhaitait, utilisant des trucages sophistiqués et allant jusqu’à martyriser sa nouvelle actrice préférée, Tippi Hedren, qui dût subir, plusieurs jours durant, des attaques de mouettes lancées sur elle (pour la scène du grenier). La construction, le déroulement du scénario et la mise en scène de l’attente (car le spectateur sait que les oiseaux vont attaquer) montrent l’expertise du « maître du suspense ». Le montage a été largement étudié depuis, l’une des scènes les plus remarquables sur ce plan est celle des oiseaux qui viennent se poser derrière Tippi Hedren à l’extérieur de l’école. Le côté spectaculaire du film nous ferait presque oublier la trame psychologique avec des rapports mère-fils dominés par la crainte de l’abandon qu’Hitchcock distille habilement pour renforcer encore la tension. Le film connut un très grand succès.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tippi Hedren, Rod Taylor, Suzanne Pleshette, Jessica Tandy
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Remarques :
* L’idée de départ d’utiliser des oiseaux mécaniques a finalement été abandonnée car elle ne donnait pas de bons résultats. Les coûteux automates ont toutefois été utilisés dans quelques plans, notamment dans quelques scènes avec les enfants.

* La bande-annonce est un petit joyau d’humour hitchcockien : le cinéaste nous fait un petit cours d’ornithologie avant de s’asseoir à table devant un poulet rôti :
Voir la bande-annonce complète (anglais non sous-titré), incomplète (anglais sous-titré)…

* Les Oiseaux est basé sur une nouvelle de Daphné du Maurier qu’Hitchcock dit avoir lue… « dans un de ces recueils intitulés Alfred Hitchcock Presents » ! Cette nouvelle se basait sur un fait divers survenu à La Jolla (Californie) : une nuée d’oiseaux était entré dans une maison par la cheminée et avait en partie dévasté l’intérieur de la pièce.

* Caméo d’Alfred Hitchcock : alors que Tippi Hedren entre dans l’animalerie au début du film, il est un client qui sort du magasin avec plusieurs caniches blancs en laisse.

(1) Lovebirds = « inséparables » en français, ce sont de petits perroquets africains qui vivent en couple.

(2) Certaines interprétations ont toutefois été avancées. Pour Jean Douchet, par exemple, Melanie « commet l’irréparable : prendre l’homme comme sujet d’expérience. En portant les love birds chez Mitch Brenner, elle imagine et monte une pure mise en scène. De sa barque, elle guette, toute excitée, la réaction de cet homme qui lui est presque inconnu. Par ce crime occulte, elle déclenche immédiatement le drame : la première attaque d’oiseaux. » (Hitchcock, éditions Cahiers du Cinéma)

Les Oiseaux (The Birds)Les Oiseaux (The Birds) de Alfred Hitchcock.

Les Oiseaux (The Birds)Rod Taylor et Tippi Hedren dans Les Oiseaux (The Birds) de Alfred Hitchcock.

9 septembre 2014

Il était une fois dans l’Ouest (1968) de Sergio Leone

Titre original : « C’era una volta il West »

Il était une fois dans l'OuestAlors que la construction du chemin de fer progresse à travers le désert, un fermier et sa famille est assassiné. Au même moment arrive un mystérieux solitaire… Il était une fois dans l’Ouest est le plus connu des « westerns-spaghetti ». Développé à partir d’une idée de Sergio Leone et Bernardo Bertolucci, l’histoire assez simple reprend deux des thèmes majeurs du western : la revanche et la mutation de l’Ouest vers la modernité (symbolisée ici par l’arrivée du chemin de fer). Mais c’est bien entendu sa forme qui rend le film si unique : les longs plans, la lenteur extrême des gestes, les visages impénétrables, l’utilisation des sons et de la musique d’Ennio Morricone, etc. Sergio Leone esthétise, il amplifie à la limite de la caricature, et réussit à créer un véritable envoûtement. C’est avant tout un spectacle qu’il crée : le western-opéra. Les emprunts et clins d’oeil sont innombrables. De façon audacieuse, Henri Fonda est ici à contre-emploi dans un rôle de méchant. Le film est couramment tenu aujourd’hui en très haute estime (il en est d’ailleurs de même pour toute l’oeuvre de Sergio Leone), estime que l’on peut trouver un peu excessive.
Elle: 2 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Claudia Cardinale, Henry Fonda, Jason Robards, Charles Bronson
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Remarques :
* Il était une fois dans l’Ouest n’eut aucun succès à sa sortie aux Etats-Unis. La version diffusée avait, il est vrai, été largement coupée au point de rendre le film parfois incompréhensible. Les américains ont dû attendre près de 15 ans avoir de voir une version plus complète. A noter que, dans son autobiographie, Henri Fonda a une interprétation différente de ce flop : selon lui, le public américain ne pouvait accepter de le voir tuer de sang froid un enfant.

* Bien qu’en format très large (2.35 :1), Sergio Leone n’a pas utilisé de lentille anamorphique (sinon les très gros plans apparaitraient déformés). Il utilise une fois de plus la technique du Techniscope qui consiste à placer deux images l’une au dessus de l’autre dans l’emplacement d’une seule image sur un film classique 35mm. L’avantage, en dehors des économies de pellicule, est de pouvoir utiliser les objectifs sphériques habituels. Le premier film en Techniscope serait La Princesse du Nil de Victor Tourjansky (1960).

* Une version Director’s Cut est sortie dans un DVD italien. Elle totalise 170 mn au lieu des 158 de la version internationale. Si on exclut le générique, ce sont 11 mn qui sont ajoutées, essentiellement des allongements de scènes déjà très longues. (Voir les différences)

Il était une fois dans l'Ouest (C'era una volta il West)Charles Bronson dans Il était une fois dans l’Ouest (C’era una volta il West) de Sergio Leone.

Il était une fois dans l'Ouest (C'era una volta il West)Henry Fonda dans Il était une fois dans l’Ouest (C’era una volta il West) de Sergio Leone.

8 septembre 2014

Les Amitiés particulières (1964) de Jean Delannoy

Les amitiés particulièresDans la France des années 1920, Georges de Sarre, âgé de 14 ans, entre dans un pensionnat catholique tenu avec grande fermeté par des Frères jésuites. Il est attiré par le jeune Alexandre, plus jeune que lui, et les deux enfants développent une relation qui va au-delà de l’amitié…
Le roman de Roger Peyrefitte, Les Amitiés particulières, qui fit scandale à sa sortie en 1943, avait tout de suite intéressé Jean Delannoy  mais le cinéaste dût attendre 1963 pour avoir enfin les moyens de l’adapter. Le sujet ne doit plus choquer grand monde aujourd’hui : l’amitié entre ces deux enfants, qui prend la forme d’un amour platonique (billets doux et quelques petits baisers furtifs), est traitée avec beaucoup de tact et de délicatesse par Jean Delannoy et le scénariste Jean Aurenche. En revanche, le jeu des acteurs reste très figé, en total contraste avec l’émoi sentimental de ces adolescents ; il rend le film un peu ennuyeux, hélas.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Francis Lacombrade, Didier Haudepin, Louis Seigner, Michel Bouquet
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Remarques :
* La productrice Christine Gouze-Rénal n’avait accepté de produire Les Amitiés particulières qu’à la condition expresse que le scénario soit accepté par la commission de pré-censure. Cet accord fut obtenu avec même les félicitations de la commission pour le tact avec lequel ce sujet délicat était traité. La polémique commença toutefois avant même la sortie du film notamment avec un article de François Mauriac, scandalisé, dans Le Figaro Littéraire ce qui lui valut une réponse restée célèbre de Roger Peyrefitte dans la revue Arts (avril et mai 1964). Sous la pression de l’Office catholique du film, le film fut, à sa sortie, interdit au moins de 18 ans, interdiction qui sera levée quelques années plus tard. Il semble que ce qui gênait l’Eglise n’était pas tant la peinture de l’amitié si particulière entre deux adolescents mais plutôt par la démonstration de la totale mainmise des jésuites sur l’éducation des enfants et leur incapacité à empêcher le pire.

* Si Les Amitiés particulières est l’unique prestation de Francis Lacombrade, Didier Haudepin aura une carrière cinématographique bien remplie : IMDB le crédite de 42 films en tant qu’acteur, 3 films en tant que réalisateur, 8 films en tant que producteur. A noter qu’il est le frère aîné de Sabine Haudepin.

Les Amitiés particulièresDidier Haudepin et Francis Lacombrade dans Les Amitiés particulières de Jean Delannoy.

7 septembre 2014

Les Anges sauvages (1966) de Roger Corman

Titre original : « The Wild Angels »

Les anges sauvagesA Los Angeles, Heavenly Blues (Peter Fonda) est le chef d’un gang de motards qui se nomment les Wild Angels. Ils partent en virée pour retrouver une de leurs motos volées. Une poursuite s’engage avec la police et un des leurs est gravement blessé…
Maitre de la série B, Roger Corman aborde ici le thème des mauvais garçons et des bandes à motos de style Hells Angels. Il nous les montre de façon brute, sans les caricaturer ni les juger, avec leur colifichets nazis et leurs aspirations confuses. Ils recherchent essentiellement une sensation de liberté et refusent toutes les règles ce qui leur permet de donner libre cours à une violence assez sauvage. Roger Corman réussit bien la première moitié de son film mais sombre ensuite dans de longues scènes de beuveries sans intérêt. On remarque la présence de Nancy Sinatra, juste à l’époque de la sortie du futur tube planétaire These Boots Are Made for Walkin’. Mais c’est bien entendu l’image de Peter Fonda sur sa Harley Davidson qui est la plus frappante, trois ans avant Easy Rider où il réincarnera de nouveau cette soif de liberté, dans un esprit fort différent toutefois.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Peter Fonda, Nancy Sinatra, Bruce Dern
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Les Anges sauvages (The Wild Angels)Peter Fonda, Nancy Sinatra, Buck Taylor, Gayle Hunnicutt, Marc Cavell et Bruce Dern (casque blanc)
dans Les Anges sauvages (The Wild Angels) de Roger Corman.

Les Anges sauvages (The Wild Angels)Roger Corman, Peter Fonda et Peter Bogdanovich (assistant-réalisateur non crédité)
sur le tournage de Les Anges sauvages (The Wild Angels) de Roger Corman.

30 août 2014

Une femme douce (1969) de Robert Bresson

Une femme douceUne jeune femme se jette par la fenêtre et se tue. Fac à elle sur son lit de mort, son mari se souvient de sa première rencontre, de sa vie avec elle…
Adaptation assez fidèle de La Douce, une nouvelle de Dostoïevski, Une femme douce de Robert Bresson n’est pas un film facile à aborder. L’histoire en elle-même est d’une tristesse infinie : une jeune femme se suicide pour échapper à la vie étriquée dans laquelle son mari, un prêteur sur gages surtout intéressé par l’argent, l’a enfermée. De manière assez audacieuse (certains comme Jean-Michel Frodon parlent de « film-essai »), Robert Bresson appuie par sa mise en scène l’austérité du monde dans lequel la jeune femme est enfermée : très peu de dialogues mis à part la voix-off du mari qui raconte (1), silences entrecoupés de bruitages insignifiants, peu d’extériorisation de sentiments, distanciation marquée, et même un long extrait du final d’Hamlet épouvantablement joué sur une scène de théâtre (2). Le problème de cette démarche est que nous ne savons plus très bien si l’austérité vient de l’univers étriqué du mari ou de la mise en scène de Bresson. L’appétit de vie de la jeune femme n’est pas très décelable pour le spectateur, il ne se manifeste que très peu (par son intérêt pour la musique, le cinéma, l’art). Robert Bresson a tenu à prendre des acteurs débutants : si ce sera le seul film de Guy Frangin, Une femme douce ne sera que le premier film d’une longue carrière pour la jeune et talentueuse Dominique Sanda (alors âgée de 20 ans).
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Dominique Sanda, Guy Frangin
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Remarques :
* Dominique Sanda s’est mariée à l’âge de 16 ans pour divorcer peu après. On peut donc supposer que ce rôle a pu réveiller des échos de sa propre vie.
* Le film que le couple va voir au cinéma est Benjamin ou Les mémoires d’un puceau de Michel Deville (1968).

(1) A noter que le narrateur n’est pas introduit par Bresson : dans la nouvelle de Dostoïevski, c’est également le mari qui raconte. Le fait que les personnages n’aient pas de nom est également dans la nouvelle.

(2) Le but de ce pensum de 10 minutes semble être uniquement de montrer que la jeune femme, alors qu’elle s’ouvre au monde extérieur en s’intéressant à la musique, au cinéma ou à l’art moderne (art cinétique plus précisément), rejette le théâtre pour son aspect artificiel et forcé. Dans la scène qui suit, elle reproche au metteur en scène de la pièce de théâtre d’avoir omis le « conseil aux comédiens » (acte III scène 2) en le citant : « Dites, je vous prie, cette tirade comme je l’ai prononcée devant vous, d’une voix naturelle ; mais si vous la braillez, comme font beaucoup de nos acteurs, j’aimerais autant faire dire mes vers par le crieur de la ville. Ne sciez pas trop l’air ainsi, avec votre bras, mais usez de tout sobrement. (…) »

Une femme douceGuy Frangin et Dominique Sanda dans Une femme douce de Robert Bresson.