21 octobre 2014

Mr. Smith au sénat (1939) de Frank Capra

Titre original : « Mr. Smith Goes to Washington »

Mr. Smith au sénatResponsable d’un groupe de boy-scouts, le jeune et idéaliste Jefferson Smith est choisi par le gouverneur de son état pour remplacer un sénateur décédé. Il ne sait pas que s’il a été choisi, c’est parce qu’il donne l’apparence d’être facilement contrôlable et qu’il ne pas gêner une importante malversation en-cours… Mr. Smith au sénat est considéré par beaucoup comme étant le meilleur film de Frank Capra ; c’est un film à la gloire de la démocratie américaine qui fut interdit dans plusieurs dictatures, un film qui a suscité des vocations politiques (1) en montrant comment un homme seul et ordinaire, naïf mais sincère, peut mettre à terre les plus puissants quand ils sont corrompus. On peut cependant trouver l’ensemble très manichéen, bourré d’archétypes et regretter que le scénario soit finalement peu développé : il s’attache surtout à susciter la sympathie envers le héros qui est particulièrement malmené et ridiculisé par ses pairs. Mais quoi qu’il en soit, le film a eu un impact considérable. Mr. Smith au sénat est l’archétype du film fédérateur, habité et porté par le souffle de grands idéaux. Plus encore, il nous montre un exemple à suivre. James Stewart, avec son image d’homme ordinaire, était bien l’acteur idéal pour le rôle. Sa prestation est un peu inégale, il surjoue son personnage la plupart du temps mais sa prestation finale est impressionnante (2). Mr. Smith au sénat est en tous cas un film intéressant à voir et à analyser.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean Arthur, James Stewart, Claude Rains, Edward Arnold
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Remarques :
* Dans un premier temps, le film avait été mal accueilli par la presse (qui n’est pas toujours montrée à son avantage) et aussi par certains hommes politiques. Des voix se sont élevées pour souligner que le film risquait de donner une mauvaise image de la démocratie américaine. Il est vrai qu’il y a deux choses dans le film : d’une part, le fait que cette démocratie permet à quelques hommes puissants de contrôler journaux et politique et de les utiliser à des fins pas toujours avouables, et d’autre part, le fait qu’elle donne la possibilité à n’importe quel quidam de détruire leur pouvoir excessif. Dans la perception du film par le public, c’est ce deuxième aspect qui a prévalu. Peu importe que Jefferson Smith n’y parvienne qu’à la suite d’un concours de circonstances bien peu crédible, le fait qu’il puise sa volonté et sa droiture dans les paroles des pères de la démocratie balaye tout.

* Originellement, le film comportait une scène finale où le sénateur Smith rentrait chez lui pour être ovationné. Toute cette scène fut coupée après projection à un public-test mais on peut en voir des extraits dans la bande annonce du film.

(1) Frank Capra a dit avoir reçu beaucoup de lettres de personnes qui, inspirés par le film, avaient choisi d’entrer en politique.
(2) Pour obtenir la voix cassée de la scène finale

Mr. Smith au sénat (Mr. Smith Goes to Washington)James Stewart et Jean Arthur dans Mr. Smith au sénat (Mr. Smith Goes to Washington) de Frank Capra.

16 octobre 2014

L’homme qui en savait trop (1934) de Alfred Hitchcock

Titre original : « The Man Who Knew Too Much »

L'homme qui en savait tropLors de vacances en Suisse avec leur fille, Bob et Jill Lawrence se lient d’amitié avec un skieur français. Celui-ci est mystérieusement assassiné sous leurs yeux et, avant de mourir, leur transmet un étrange message… Dans sa version de 1934, L’homme qui en savait trop est le premier grand film d’espionnage d’Alfred Hitchcock. Il se situe, dans la période anglaise du cinéaste, juste avant les grands films que sont Les 39 marches, Jeune et innocent et Une femme disparaît. Par rapport à ces derniers, il est plus rudimentaire, moins développé sans aucun doute, mais il contient des éléments particulièrement intéressants ou originaux. Citons-en deux : le meurtre intervient en pleine scène comique, la surprise est totale, et l’utilisation du coup de cymbale lors du concert pour couvrir un coup de feu. Hitchcock se montre toujours assez influencé par l’expressionnisme dans l’utilisation de la lumière (la photographie est d’ailleurs de Curt Courant) et la présence de Peter Lorre (son premier film en langue anglaise après avoir fui l’Allemagne) renforce cette impression (1). Le film sera un succès, offrant au cinéaste une plus grande liberté pour ses films suivants. Hitchcock tournera à nouveau la même histoire en 1956.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Leslie Banks, Edna Best, Peter Lorre, Frank Vosper, Nova Pilbeam, Pierre Fresnay
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Remarques :
* La fille du couple est interprétée par la jeune (15 ans) Nova Pilbeam qu’Hitchcock fera rejouer dans Jeune et innocent trois ans plus tard, dans le rôle principal cette fois.
* Hitchcock raconte avoir eu beaucoup de soucis avec la censure anglaise car les autorités ne voulaient pas montrer de police armée dans la fusillade finale (en Angleterre, les policiers ne sont pas armés). Hitchcock trouva une solution scénaristique satisfaisante pour tout le monde : un camion est allé chercher des armes dans une armurerie proche et ces armes, assez vieilles, sont distribuées aux policiers.
* Caméo : Alfred Hitchcock apparaît traversant la rue juste avant que Leslie Banks n’entre dans la chapelle.

Remake :
L’homme qui en savait trop (1956) d’Alfred Hitchcock avec James Stewart et Doris Day.

(1) Le personnage d’anarchiste joué par Peter Lorre se situe bien dans le prolongement du personnage de M le Maudit de Fritz Lang. De plus, la fusillade finale est assez proche de celle du Mabuse du même Lang.

L'homme qui en savait trop (The Man Who Knew Too Much)Peter Lorre, Leslie Banks et Edna Best dans L’homme qui en savait trop (The Man Who Knew Too Much) de Alfred Hitchcock.

14 octobre 2014

Jeune et innocent (1937) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Young and Innocent »
Autre titre (USA) : « The Girl was Young »

Jeune et innocentUne actrice est retrouvée morte étranglée sur la plage. Entraperçu quittant les lieux du crime, un jeune homme est accusé à tort. Il se rend compte rapidement qu’il ne peut compter que sur lui-même pour prouver son innocence… Jeune et innocent fait partie des meilleurs films de la période anglaise d’Alfred Hitchcock. Le thème est celui du faux coupable. Toutefois, ce n’est pas tant l’intrigue en elle-même qui fait la qualité du film mais la façon dont le cinéaste capte toute notre attention. Hitchcock maitrise alors de mieux en mieux ce mélange de légèreté apparente et de tension qui va le caractériser. Il sait placer le suspense dans les scènes les plus anodines, par exemple dans une fête d’enfants.
Il a également de belles trouvailles comme ce long travelling devenu l’un des plus célèbres du cinéma : Jeune et innocent la caméra surplombe la salle de danse du Grand Hotel et, partant de très loin, effectue un long travelling avant par-dessus des danseurs pour aller cadrer les yeux du batteur de l’orchestre situé au fond de la salle (et livrer au spectateur un indice que les personnages principaux ignorent, renforçant ainsi le suspense). Indéniablement réussi, Jeune et innocent est un beau divertissement.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Nova Pilbeam, Derrick De Marney, Edward Rigby
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Remarque :
* Cameo : Alfred Hitchcock apparaît assez longuement à l’extérieur du tribunal avec un petit appareil photo à la main.

Jeune et innocent (Young and Innocent)Nova Pilbeam et Derrick De Marney dans Jeune et innocent (Young and Innocent) de Alfred Hitchcock.

12 octobre 2014

Gueule d’amour (1937) de Jean Grémillon

Gueule d'amourUn beau militaire du régiment des spahis (1) d’Orange collectionne les aventures féminines ce qui lui vaut le surnom de Gueule d’amour. Venu à Cannes en permission, il tombe sous le charme d’une femme mondaine… Adaptation d’un roman d’André Beucler, Gueule d’amour de Jean Grémillon permet de retrouver le couple formé par Jean Gabin et Mireille Balin qui avait tant séduit les spectateurs de Pépé le Moko de Julien Duvivier, sorti quelques mois auparavant. Le fond est assez similaire, une histoire d’amour rendu impossible par les différences de classe, à ceci près que la femme est ici une courtisane, incapable de sentiments, irrémédiablement pourrie par l’argent. Mireille Balin en femme fatale est assez convaincante. Elle et Jean Gabin forment un vrai couple de cinéma, d’une forte présence à l’écran. Le scénario peut certainement paraître trop prédictible, surtout à nos yeux actuels, mais il y a de très belles scènes, notamment dans la première partie du film, lorsque l’alchimie entre les deux acteurs est vraiment manifeste à l’écran.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Mireille Balin, René Lefèvre, Jean Aymé
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Remarques :
* Le surnom de Gueule d’amour restera attaché à Jean Gabin l’acteur, surnom dont il n’arrivera à se débarrasser que dans les années cinquante.
* Avec son image de vamp, Mireille Balin aurait pu faire une belle carrière mais, hélas, elle n’aura vraiment connu le succès qu’avec Pépé le Moko et Gueule d’amour.

(1) Les spahis étaient des unités de cavalerie appartenant à l’Armée d’Afrique du Nord, branche de l’armée de terre française.

Gueule d'amourMireille Balin et Jean Gabin dans Gueule d’amour de Jean Grémillon.

29 septembre 2014

Chicago (1931) de Tay Garnett

Titre original : « Bad Company »

ChicagoUn jeune avocat qui travaille pour la pègre désire se retirer pour pouvoir se marier avec une jeune femme sans savoir qu’elle n’est autre que la soeur du concurrent de son patron. Le mariage est toutefois autorisé afin de faire cesser la lutte entre les deux gangs… Si Bad Company est un film qui a été plutôt mal perçu à sa sortie, il est considéré aujourd’hui comme l’un des plus particuliers des gangster films du début des années trente. En un sens, on peut trouver qu’il préfigure Le Parrain car il se focalise plus les relations humaines à l’intérieur d’une famille de la pègre et les implications psychologiques des crimes commis que sur l’action et les coups d’éclats. Comme pour compenser ce fait, Tay Garnett a concocté une scène finale qui a marqué les esprits : un duel furieux à la mitraillette de plusieurs minutes. Chicago Mais le plus intéressant est certainement le portrait du caïd Goldie, psychopathe au comportement névrotique, et aussi celui de cette jeune femme qui découvre avec effroi que non seulement elle a épousé un gangster mais aussi qu’elle vient elle-même de ce milieu. On pourra noter l’influence des expressionnistes notamment dans cette scène où l’ombre d’une main géante se profile au-dessus du personnage principal sur le point de tomber dans un piège.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Helen Twelvetrees, Ricardo Cortez, John Garrick, Frank Conroy
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Chicago (Bad Company)Helen Twelvetrees et Ricardo Cortez dans Chicago (Bad Company) de Tay Garnett.

Homonymes :
Chicago de Franck Urson (1927) avec Phyllis Haver
Chicago de Rob Marshall (2002) avec Catherine Zeta-Jones et Renée Zellweger
Bad Company de Robert Benton (1972) avec Jeff Bridges
Bad Company (Duo mortel) de Damian Harris (1995) avec Laurence Fishburne
Bad Company de Joel Schumacher (2002) avec Anthony Hopkins

18 septembre 2014

La femme et le pantin (1935) de Josef von Sternberg

Titre original : « The Devil Is a Woman »

La femme et le pantinEn Espagne, lors du carnaval de Séville, un ex-capitaine de l’armée raconte à l’un de ses amis comment il s’est épris de la belle Concha Perez…
La femme et le pantin est le dernier des sept films que Josef von Sternberg a tourné avec Marlene Dietrich. Cette histoire de femme fatale est adaptée du roman homonyme de Pierre Louÿs qui a été porté de nombreuses fois à l’écran. L’adaptation a beau avoir été écrite par John Dos Passos, ce n’est pas du côté du scénario qu’il faut chercher des qualités à ce film : il est assez répétitif et sans surprise. Ce n’est pas non plus du côté de la musique : les deux chansons que Marlene y chante sont de bien piètre qualité. L’intérêt est plutôt du côté de l’atmosphère, de la beauté des décors, des costumes très travaillés. La femme et le pantinL’entente entre le réalisateur et son actrice n’était hélas plus parfaite, loin de là, et le film en pâtit. Beaucoup voient, dans le personnage du capitaine, Josef von Sternberg lui-même. La femme et le pantin serait ainsi un film d’adieu… Le jeu de Marlene Dietrich est effroyablement outré, elle minaude, appuie tous ses effets, gesticule. En réalité, c’est tout le film qui est empreint d’une exubérance et d’une outrance qui alimentent un exotisme qui peut paraître artificiel. La femme et le pantin est toutefois porté en haute estime par beaucoup. Marlene Dietrich a déclaré qu’il s’agissait de son film préféré.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marlene Dietrich, Lionel Atwill, Edward Everett Horton, Cesar Romero
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Remarques :
* John Dos Passos aurait été engagé par la Paramount pour écrire l’adaptation car les studios pensaient qu’il était espagnol. Ce sera le seul scénario de fiction écrit par l’auteur de Manhattan Transfer et de la trilogie U.S.A.

* Le film fut assez mal reçu à sa sortie et ne connut aucun succès. Aussi, quand le gouvernement espagnol, furieux de l’image qui était donnée de la police espagnole, menaça de bannir tous les films Paramount du pays si le film n’était pas retiré et détruit dans le monde entier, les studios acceptèrent. Heureusement, Marlene Dietrich parvint à en garder une copie dans ses coffres (l’actrice avait pour habitude de conserver une très grande quantité de souvenirs dans ses coffres mais ce serait le seul film qu’elle ait gardé) et c’est cette copie qui nous permet de le voir aujourd’hui.

* Maria Riva (fille de Marlene, âgée 11 ans à l’époque du tournage ce qui ne l’empêchait de participait à l’élaboration des costumes avec sa mère) rapporte une anecdote de tournage : dans une scène, Marlene est entourée de ballons et elle ne devait pas ciller lorsque l’un d’entre eux éclatait près d’elle. C’est Josef von Sternberg lui-même qui tirait avec une carabine à plomb pour faire éclater le ballon. Perfectionniste, Marlene aurait demandé à refaire la scène plusieurs fois… Cette anecdote est très probablement fausse. Le ballon qui éclate et le visage de Marlene ne sont d’ailleurs pas dans le même plan.

La femme et le pantin (The Devil Is a Woman)Marlene Dietrich et Lionel Atwill dans La femme et le pantin (The Devil Is a Woman) de Josef von Sternberg.

Principales autres adaptations du roman de Pierre Louÿs :
La femme et le pantin de Jacques de Baroncelli (1928)
La femme et le pantin de Julien Duvivier (1959) avec Brigitte Bardot (adaptation bien terne)
Cet obscur objet du désir (1977) ultime réalisation de Luis Buñuel.

11 septembre 2014

La Bête humaine (1938) de Jean Renoir

La bête humaineConducteur de la locomotive La Lison entre Paris et Le Havre, Jacques Lantier est le témoin indirect d’un crime. Au regard suppliant de Séverine, la jeune et jolie femme du sous-chef de gare Roubaud, il choisit de se taire. Ils se revoient par la suite et la relation entre eux évolue… Jean Renoir s’est laissé convaincre d’adapter le roman de Zola La Bête humaine. Le film s’inscrit pleinement dans la veine du réalisme poétique. Renoir a choisi d’écarter les scènes les plus spectaculaires et les plus noires pour mieux mettre en scène l’univers des cheminots, comme l’annonce la longue et impressionnante scène d’ouverture où nous sommes à bord d’une locomotive lancée à pleine vitesse. Mais la force du roman est intacte, une puissante histoire de passion maudite et de personnages victimes d’une fatalité sur laquelle ils n’ont aucune prise. Gabin exprime admirablement toute la complexité de son personnage et la photographie de l’allemand Kurt Courant est magnifique.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Simone Simon, Fernand Ledoux, Julien Carette
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La bête humaine Remarques :
* C’est Claude Renoir, frère de Jean Renoir, qui a tourné la scène d’ouverture, un tournage particulièrement périlleux et dangereux.
* Jean Renoir interprète lui-même le rôle de Cabuche, le cheminot injustement accusé.
* Jean Renoir est allé chercher Simone Simon aux Etats-Unis où elle faisait alors carrière. Elle y retournera peu après, avant de revenir définitivement en France à la fin de la guerre après avoir été, dans sa vie privée, la cible de l’échotière fouilleuse de poubelles Louella Parsons.

La Bête humaineJean Gabin et Julien Carette dans La Bête humaine de Jean Renoir.

La Bête humaineJean Gabin et Simone Simon dans La Bête humaine de Jean Renoir.

Remake américain :
Désirs humains (Human Desire) de Fritz Lang (1954) avec Glenn Ford et Gloria Grahame.

14 août 2014

À l’ouest rien de nouveau (1930) de Lewis Milestone

Titre original : « All Quiet on the Western Front »

À l'ouest rien de nouveauEn août 1914, alors que défilent au dehors des soldats, un professeur exhorte ses jeunes élèves de 17 ans à s’engager. Leur exaltation va vite être refroidie lors de l’entraînement et surtout quand ils seront placés sur le front. Ils vont vivre alors l’enfer des tranchées… Ce grand film antimilitariste adapté d’un roman d’Erich Maria Remarque est enfin visible dans une version non censurée proche de celle de sa sortie en 1930. Avec un budget de 1,25 millions de dollars et plus de 2000 figurants, À l’ouest rien de nouveau est une superproduction du producteur Carl Lemmle (fondateur d’Universal Pictures) qui a voulu donner un grand réalisme au récit. Le but est largement atteint, l’horreur de la guerre est montrée sans fard, avec une violence rare pour l’époque (1). Le propos anti-guerre est sans équivoque : « la guerre n’apporte pas la gloire, elle n’apporte que l’enfer ». Les défauts du film, notamment dans ses dialogues pas toujours très convaincants, sont balayés par plusieurs grandes scènes qui marquent les esprits. Vu aujourd’hui, le film conserve toute sa puissance et il délivre toujours son message pacifique et humaniste avec force.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Louis Wolheim, Lew Ayres, John Wray
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À l'ouest rien de nouveauRemarques :
* Techniquement parlant, le plus étonnant est certainement cette belle utilisation d’une grue sur dollie pour faire un long travelling surplombant les tranchées. Le réalisme des scènes de bombardement et de combats est très poussé, dépassant le film de King Vidor de 1925 La Grande Parade qui était déjà très impressionnant sur ce point.

* Les nazis ont tout fait pour perturber les projections du film en Allemagne et empêcher les spectateurs de le voir. Ils réussiront rapidement à faire interdire le film.

* Le film a connu une carrière mouvementée : rapidement des coupes furent faites pour ne pas froisser les allemands (notamment toute la scène où Paul revient en permission et tente de dire la vérité à des écoliers de 15 ans qui le traitent de lâche). Le film fut ensuite interdit dans plusieurs pays dont la France (jusqu’en 1963). Avant sa mort en 1980, Lewis Milestone avait demandé à Universal de restaurer le film le film dans sa version d’origine. Ce ne sera fait que 20 ans plus tard.

* Le producteur officiel du film est Carl Lemmle Jr., le fils de Carl Lemmle. Il avait alors 22 ans (son jeune âge ne l’empêchait d’être, en outre, président d’Universal).

(1) Quatre années plus tard, après l’implantation généralisée du Code Hays en 1934, le film n’aurait certainement pu sortir, du moins sans de sérieuses coupures.

24 juillet 2014

L’Or des mers (1932) de Jean Epstein

L'or des mersSur la petit île de Hoedic, proche de Belle-Île en Bretagne, vivent une centaine de familles de pêcheurs, le plus souvent dans la misère quand la pêche ne donne pas. Très pauvre et méprisé par tous, Quoirrec vit là avec sa fille Soizig. Un jour, on le voit trouver sur le rivage une boîte qu’il cache soigneusement. Les habitants sont tous persuadés qu’il a trouvé un trésor et deviennent très affables. L’un d’eux demande à son fils Rémy de séduire Soizig… Tourné fin 1931, donc dans les premières années du parlant, L’Or des mers utilise le procédé Synchro-Ciné : le film est tourné sans le son qui est rajouté ensuite en studio avec une post-synchronisation des acteurs (assez peu de films ont utilisé ce procédé qui était conçu au départ pour mettre des chansons en images). Il n’y a que peu de dialogues, heureusement car le procédé est loin d’être convaincant. Jean Epstein est allé filmer sur place, en plein hiver, utilisant les habitants de l’île comme acteurs. Son film est à mi-chemin entre le documentaire, le drame et l’analyse sociale. Le film est cependant plus remarquable par sa forme : l’image est très travaillée, avec de très beaux gros plans éclairés par des lumières diffuses. Si le film a pu être comparé aux films de Murnau, notamment par Henri Langlois (1), Jean Epstein ne montre pas la même maitrise et la même perfection.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs:
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Remarques :
* Jean Epstein a réalisé plusieurs films sur les îles bretonnes et notamment :
Finis Terrae (1929) sur l’île d’Ouessant
Mor Vran (1931) sur l’île de Sein
L’Or des mers (1932) sur l’île de Hoedic
Le Tempestaire (1947) sur Belle-Île.
« Jean Epstein, cinéaste des îles » est le titre d’un livre de Vincent Guigeno.

* L’île d’Hoedic fait 2,5 kilomètres de longueur sur 800 mètres de large. En 1931, à l’époque du tournage, l’île comptait 415 habitants. A noter que le recteur de l’île, l’abbé Jégo, joue son propre rôle. De nos jours, l’île d’Hoedic est peuplée de 120 habitants permanents. L’été, la population de l’île peut atteindre 3000 personnes. C’est une île sans voiture.

(1) « L’or des mers n’est pas un drame, c’est une tragédie de Murnau. » Henri Langlois.

13 juillet 2014

Le cirque en folie (1939) de George Marshall

Titre original : « You Can’t Cheat an Honest Man »
Autre titre français :« Sans peur et sans reproche »

Le cirque en folieLarson E. Whipsnade (W.C. Fields) est à la tête d’un petit cirque poursuivi par des créanciers. Il emploie un ventriloque avec lequel il se querelle sans arrêt. Il a aussi un fils et une fille qui est courtisée par un fils de bonne famille… Le scénario de You Can’t Cheat an Honest Man est assez insignifiant. Le film est surtout l’occasion de mettre face à face W.C. Fields et Edgar Bergen, ventriloque américain très connu, lui et son « dummy » Charlie McCarthy. Les meilleurs traits d’humour viennent d’ailleurs de la bouche de cette marionnette. L’ensemble est très décousu et assez inégal. A noter une partie de ping-pong pas très orthodoxe et un système de douche portative qui l’est encore moins… Nous sommes toutefois loin des meilleurs films de W.C.Fields.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: W.C. Fields, Edgar Bergen, Constance Moore
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Remarques :
* Edgar Bergen est un ventriloque qui a bâti sa renommée… à la radio ! Ses joutes verbales avec W.C. Fields y étaient, paraît-il, mémorables. Son numéro est devenu très populaire grâce à l’humour de sa marionnette mais sa performance en tant que ventriloque n’est pas parfaite : on peut le voir bouger les lèvres. Ceci dit, la personnalité de sa marionnette est telle que l’on ne regarde qu’elle.
* Edward F. Cline a participé à la réalisation (voir commentaire ci-dessous).