19 décembre 2016

L’Emprise du crime (1946) de Lewis Milestone

Titre original : « The Strange Love of Martha Ivers »

L'emprise du crimeDans une petite ville de Pennsylvanie, une nuit de 1928, la jeune Martha Ivers (13 ans) fugue avec son ami Sam Masterson pour échapper à la tyrannie de sa riche tante. La police les retrouve. Le même soir, un tragique évènement va forcer Sam à fuir seul. Dix-huit ans plus tard, il repasse en automobile dans la ville et un accident le force à s’y arrêter… Adaptation d’une histoire du dramaturge John Patrick (futur Prix Pulitzer en 1954), The Strange Love of Martha Ivers est un film noir assez peu connu mais qui mérite pourtant toute notre attention. C’est une superbe étude psychologie criminelle sur fond de mœurs provinciales. Le thème du poids du passé a certes souvent été traité au cinéma mais rarement avec autant de réussite. Le déroulement du scénario est remarquable et surprend plus d’une fois (plus que jamais, il faut éviter tous ces sites et livres qui racontent le scénario si vous avez l’intention de voir ce film). L’interprétation est remarquable. C’est le deuxième film de Lizabeth Scott et le premier pour Kirk Douglas. Ils font tous deux de très belles prestations, avec déjà une forte présence à l’écran, Douglas exprimant parfaitement toutes les fêlures de son personnage. Van Heflin est admirable, on se demande bien pourquoi, avec toutes ses qualités, il n’a pas eu une plus grande carrière. Barbara Stanwick est impériale dans ce type de rôle de femme machiavélique. The Strange Love of Martha Ivers mérite de figurer parmi les classiques du genre. Un film à découvrir.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Barbara Stanwyck, Van Heflin, Lizabeth Scott, Kirk Douglas, Judith Anderson
Voir la fiche du film et la filmographie de Lewis Milestone sur le site IMDB.

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Remarques :
* Le jeune marin que Van Heflin a pris en stop est joué par Blake Edwards (non crédité au générique). Blake Edwards a en effet fait de la figuration entre 1942 et 1948, avant de se consacrer à l’écriture puis à la réalisation (à partir de 1955-56).
* C’est Humphrey Bogart et Lauren Bacall qui ont poussé le producteur Hal B. Wallis à aller voir une pièce où jouaient Laureen Bacall et son ex-camarade de cours dramatique Kirk Douglas.
* Dans son autobiographie, Kirk Douglas raconte que Van Heflin l’a bien aidé sur le tournage de ce premier film.
* Lewis Milestone a abandonné le tournage plusieurs jours pour soutenir la grève des décorateurs. Il fut alors remplacé par Byron Haskin (non crédité au générique). De plus, dans une interview, Lewis Milestone a indiqué que le producteur Hal B. Wallis avait filmé et ajouté quelques gros plans de Lizabeth Scott contre son gré. Milestone a déclaré qu’il ne retravaillerait jamais pour lui.

L'emprise du crime
Barbara Stanwyck, Van Heflin et Kirk Douglas dans L’Emprise du crime de Lewis Milestone.

L'emprise du crime
Barbara Stanwyck, Van Heflin et Kirk Douglas dans L’Emprise du crime de Lewis Milestone.

L'emprise du crime
Van Heflin, Lizabeth Scott et Barbara Stanwyck dans L’Emprise du crime de Lewis Milestone (il n’y a pas que Lana Turner qui porte des shorts blancs en 1946… Clin d’oeil ? Probablement pas puisque Le facteur sonne toujours deux fois est sorti seulement deux mois avant L’Emprise du crime)

L'emprise du crime
Lewis Milestone, Kirk Douglas, Van Heflin et Barbara Stanwyck sur le tournage de L’Emprise du crime de Lewis Milestone.

14 août 2014

À l’ouest rien de nouveau (1930) de Lewis Milestone

Titre original : « All Quiet on the Western Front »

À l'ouest rien de nouveauEn août 1914, alors que défilent au dehors des soldats, un professeur exhorte ses jeunes élèves de 17 ans à s’engager. Leur exaltation va vite être refroidie lors de l’entraînement et surtout quand ils seront placés sur le front. Ils vont vivre alors l’enfer des tranchées… Ce grand film antimilitariste adapté d’un roman d’Erich Maria Remarque est enfin visible dans une version non censurée proche de celle de sa sortie en 1930. Avec un budget de 1,25 millions de dollars et plus de 2000 figurants, À l’ouest rien de nouveau est une superproduction du producteur Carl Lemmle (fondateur d’Universal Pictures) qui a voulu donner un grand réalisme au récit. Le but est largement atteint, l’horreur de la guerre est montrée sans fard, avec une violence rare pour l’époque (1). Le propos anti-guerre est sans équivoque : « la guerre n’apporte pas la gloire, elle n’apporte que l’enfer ». Les défauts du film, notamment dans ses dialogues pas toujours très convaincants, sont balayés par plusieurs grandes scènes qui marquent les esprits. Vu aujourd’hui, le film conserve toute sa puissance et il délivre toujours son message pacifique et humaniste avec force.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Louis Wolheim, Lew Ayres, John Wray
Voir la fiche du film et la filmographie de Lewis Milestone sur le site IMDB.
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À l'ouest rien de nouveauRemarques :
* Techniquement parlant, le plus étonnant est certainement cette belle utilisation d’une grue sur dollie pour faire un long travelling surplombant les tranchées. Le réalisme des scènes de bombardement et de combats est très poussé, dépassant le film de King Vidor de 1925 La Grande Parade qui était déjà très impressionnant sur ce point.

* Les nazis ont tout fait pour perturber les projections du film en Allemagne et empêcher les spectateurs de le voir. Ils réussiront rapidement à faire interdire le film.

* Le film a connu une carrière mouvementée : rapidement des coupes furent faites pour ne pas froisser les allemands (notamment toute la scène où Paul revient en permission et tente de dire la vérité à des écoliers de 15 ans qui le traitent de lâche). Le film fut ensuite interdit dans plusieurs pays dont la France (jusqu’en 1963). Avant sa mort en 1980, Lewis Milestone avait demandé à Universal de restaurer le film le film dans sa version d’origine. Ce ne sera fait que 20 ans plus tard.

* Le producteur officiel du film est Carl Lemmle Jr., le fils de Carl Lemmle. Il avait alors 22 ans (son jeune âge ne l’empêchait d’être, en outre, président d’Universal).

(1) Quatre années plus tard, après l’implantation généralisée du Code Hays en 1934, le film n’aurait certainement pu sortir, du moins sans de sérieuses coupures.