18 mai 2011

A fool there was (1915) de Frank Powell

Titre français : « Embrasse-moi, idiot »

A Fool There WasLui :
(Film muet) Une intrigante sans scrupules jette son dévolu sur un riche diplomate, temporairement éloigné de sa famille. Telle un vampire, elle profite des hommes en véritable prédatrice et scelle leur perte… A Fool There Was est le film qui a lancé Theda Bara, la première grande vamp de l’histoire du cinéma. Theda Bara est aussi la première star fabriquée de toutes pièces (1), en l’occurrence par William Fox qui, alors au bord de la ruine, renaîtra ainsi de ses cendres. Theda Bara sera une star immensément populaire, jouant à la fois le rôle de sex-symbol et de moteur à la libération des femmes. Theda Bara Hélas, la quasi-totalité de ses films sont perdus y compris les immenses succès (souvent avec un parfum de scandale) que furent Carmen, Salomé ou Cléopâtre. Ici, dans cette histoire de femme fatale inspirée d’un poème de Kipling « The vampires » dont certains vers sont reproduits dans les intertitres (« A Fool There Was » en est le premier), son personnage particulièrement cynique et cruel (2) crée tous les codes du genre. Très influencé par le théâtre, le jeu de Theda Bara est assez excessif, ce qui était encore assez courant à cette époque. Hélas, l’image des copies existantes est très abimée mais nous voyons aisément comment un tel film a pu bouleverser les esprits dans une société encore très marquée par la morale victorienne.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Theda Bara, Edward José, Mabel Frenyear, May Allison, Clifford Bruce
Voir la fiche du film et la filmographie de Frank Powell sur le site IMDB.

A Fool There Was (1) Par un jeu subtil de fausses fuites à la presse, William Fox laissera croire que Theda Bara est une actrice arabe. Son nom, trouvé par William Fox ou par Frank Powell, est d’ailleurs une anagramme de « arab death » (son vrai nom est Theodosia Burr Goodman et ses parents sont des émigrés polonais). Le nom de « vamp » aurait également été créé pour elle.
(2) Deux exemples de son cynisme et de sa cruauté :
a) Quand elle arrive au port en taxi, c’est l’une de ses anciennes victimes, devenu clochard, qui lui ouvre la porte pour avoir une pièce et qui l’interpelle. Après lui avoir jeté à peine un regard, elle se contente d’appeler un policier pour qu’il la débarrasse de l’importun… b) Quand l’homme qu’elle quitte après l’avoir ruiné la menace d’un révolver, elle se contente de lui dire le célèbre « Embrasse-moi, idiot » (« kiss me, my fool ») et le laisse ensuite se tirer une balle dans la tête…

Précédentes adaptations de ce poème de Kipling :
The Vampire (1910) de ? avec Margarita Fisher (film perdu)
The Vampire (1913) de Robert Vignola avec Alice Hollister (38 mn)
ainsi Theda Bara n’est pas, techniquement parlant, la première vamp du cinéma… mais, en terme d’impact, elle l’est bel et bien.

Film homonyme :
Embrasse-moi, idiot! (Kiss me, stupid) de Billy Wilder (1964) avec Dean Martin et Kim Novak

17 mai 2011

La femme sur la plage (1947) de Jean Renoir

Titre original : « The Woman on the Beach »

La femme sur la plageLui :
Hanté et fortement perturbé par une tragédie maritime survenue pendant la guerre, un garde-côte peine à retrouver une vie paisible. Il rencontre une femme seule sur la plage battue par les vents. Elle vit non loin de là avec son mari, un peintre qui a perdu la vue et avec lequel elle entretient des rapports mêlés d’amour et de haine… La femme sur la plage est le dernier film de la période américaine de Jean Renoir. Il ne s’est pas fait dans de bonnes conditions : le sujet a été plus ou moins imposé au réalisateur et la RKO imposa que la première version du film soit grandement remaniée après de mauvaises réactions d’un public-test. Et pourtant, malgré le manque de cohérence induit, La femme sur la plage reste un très beau film, centré sur trois personnages très différents, chacun a ses fantômes, ses errements, ses espoirs. Les liens qui se tissent entre eux sont assez étonnants avec une forte tension sexuelle sous-jacente qui semble toujours sur le point d’exploser. Le personnage le plus riche est certainement le mari peintre, très bien interprété par Charles Bickford. Le film est assez inclassable, ce n’est pas vraiment un film noir, il s’inscrirait plutôt dans la veine des films à fort contenu psychologique de ces années quarante. Seule la fin, imposée par les studios, est inconsistante. La femme sur la plage est parfois jugé assez sévèrement et les commentaires que Renoir a faits sur son propre film n’ont probablement rien arrangé. C’est un film qui reste néanmoins assez fascinant.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Joan Bennett, Robert Ryan, Charles Bickford, Nan Leslie
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16 mai 2011

Nana (1926) de Jean Renoir

NanaLui :
(Film muet) Pour sa troisième réalisation, Jean Renoir trouve dans le roman d’Emile Zola Nana un vecteur pour mettre en valeur Catherine Hessling. Le réalisateur a épousé en 1920 cet ancien modèle de son père Auguste Renoir ; il s’est mis au cinéma pour en faire une grande vedette. Il finance lui-même Nana, ce qui lui donne une très grande liberté. Il y engloutit une fortune, vendant des tableaux de son père. On peut ainsi trouver certains points communs entre cette histoire de femme fatale imaginée par Zola et la propre situation de Jean Renoir. Il fait le choix assez étonnant de mettre face à sa protégée un acteur de l’expressionnisme allemand : Werner Krauss. Tout les oppose, le face à face est surprenant. Devant Werner Krauss, véritable roc, rigide, d’une forte présence, au jeu minimaliste, qui passe tout par son visage… Catherine Hessling gesticule, papillonne sans arrêt, froufroute, prend de poses provocantes… un jeu outrancier et frénétique. Le très fort contraste de jeu entre les deux acteurs donne un côté hétéroclite au film mais a toutefois le mérite de souligner, de façon magistrale, le contraste entre les deux personnages principaux de cette histoire. Jean Renoir dit avoir été fortement influencé par Folies de femmes d’Eric von Stroheim. C’est apparent dans le climat équivoque, légèrement décadent et empreint de cruauté, et aussi dans la démesure de certains décors, par exemple l’escalier du palais de Nana. Les autres décors sont parfois minimalistes et donnent un petit côté irréel. La fin a des parfums de fantastique. Le film fut un échec et ruina Jean Renoir. Bien qu’alourdi par le jeu outrancier de Catherine Hessling, Nana ne manque toutefois pas de charme.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Catherine Hessling, Werner Krauss, Jean Angelo, Raymond Guérin-Catelain
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Remarques :
* Jean Renoir (parlant du film dans les années 60) : « Après Nana, comme je n’avais plus d’argent, j’ai dû travailler pour les autres et, en travaillant pour les autres, j’ai dû apprendre la discipline cinématographique. C’est toujours bon de ne pas pouvoir faire tout ce que l’on veut. »
* L’acteur qui joue Fauchery (l’auteur de la pièce de théâtre qui devient l’amant de la comtesse) est Claude Moore d’après le générique. En réalité, il ne s’agit ni plus ni moins que de Claude Autant-Lara, qui a aussi créé les décors. L’acteur Pierre Philippe qui joue Bordenave (le directeur du théâtre) n’est autre que le scénariste Pierre Lestringuez.

Adaptations de Nana, le roman d’Emile Zola :
Nana (1914) de Camillo De Riso (Italie)
A man and a woman (1917) d’Herbert Blaché et Alice Guy
Nana (1926) de Jean Renoir
Nana (1934) de Dorothy Arzner et George Fitzmaurice
Nana (1944) de Roberto Gavaldón et Celestino Gorostiza (Mexique) avec Lupe Velez
Nana (1955) de Christian-Jaque avec Charles Boyer et Martine Carol
Nana (1981) de Maurice Cazeneuve (TV) avec Véronique Genest
Nana (2001) d’Edouard Molinaro (TV) avec Lou Doillon

15 mai 2011

Joueuse (2009) de Caroline Bottaro

JoueuseElle :
Note : 4 étoiles

Lui :
Après avoir entrevu un couple jouer aux échecs de façon assez sensuelle dans l’hôtel où elle travaille, une femme de chambre quarantenaire, modeste et effacée, se prend de passion pour le jeu d’échecs. L’un de ses employeurs, un américain qui vit seul dans une grande maison, l’initie au jeu… Adaptation d’un roman de Bertina Heinrichs, Joueuse est le premier long métrage de Caroline Bottaro. Le jeu d’échecs est ici un vecteur qui va permettre à cette femme de briser le carcan dans lequel elle était prise, du fait de sa condition modeste et aussi, plus simplement, de sa condition de femme. C’est un cheminement vers une certaine liberté qui se fera sans éclat mais avec détermination. Caroline Bottaro a su éviter toute dramatisation excessive et tout effet spectaculaire tout en donnant de l’intensité à son film et une progression régulière et soutenue. Elle est bien entendu aidée par le jeu riche de Sandrine Bonnaire qui a toujours le ton juste. Face à elle, Kevin Kline est assez étonnant dans ce rôle d’expatrié renfrogné qu’il interprète tout en français. Joueuse est un film attachant qui possède un certain charme. Une réussite.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Sandrine Bonnaire, Kevin Kline, Francis Renaud, Alexandra Gentil, Alice Pol
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14 mai 2011

Nickelodeon (1976) de Peter Bogdanovich

NickelodeonLui :
Ancien critique cinématographique et grand amoureux du septième art, Peter Bogdanovich rend hommage aux premières années du cinéma, l’époque où les Nickel Odéons (1) avaient un besoin démesuré en petits films rapidement tournés. Il rend aussi hommage à l’humour de type « slapstick » des comédies de Mack Sennett car toute la première partie de son film est dans cette veine de comédie, une partie qui n’est pas exempte de longueurs et de répétitions. Nickelodeon est plus réussi dans son aspect de reconstitution, nous pouvons ainsi voir opérer une petite équipe qui enchaîne les tournages avec des scénarios écrits à la va-vite et rafistolés en cours de route. Ce petit côté documentaire trouve son point d’orgue dans la reconstitution de la première projection de Naissance d’une Nation avec orchestre et bruiteurs tirant des coups de feu en direct. C’est cela qui rend Nickelodeon finalement très intéressant. Le film n’eut aucun succès et Bogdanovich s’interrompit de tourner pendant deux à trois ans.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Ryan O’Neal, Burt Reynolds, Tatum O’Neal, Brian Keith, Stella Stevens, John Ritter, Jane Hitchcock
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Remarques :
Le film de Peter Bogdanovich est dédié à Allan Dwan, réalisateur sur lequel il a écrit un livre en 1971. Allan Dwan aurait tourné plus de 1400 films. Il était encore vivant (91 ans) en 1976.

(1) Les Nickel Odéons sont de petites salles de cinéma qui connurent un énorme succès entre 1905 et 1915 aux Etats Unis. On en comptait plus de 10 000. NickelodeonLe prix d’entrée était un nickel (pièce de 5 cents). Ce faible prix permit leur explosion, elles ne désemplissaient pas.
Toutes ces salles avaient besoin de films régulièrement renouvelés. Un groupe de producteurs mené par Thomas Edison tenta de monopoliser le marché grâce à une série de brevets sur les caméras et les projecteurs. Cette « Patents Company », surnommée « The Trust », faisait la chasse aux producteurs indépendants (l’un d’eux était l’allemand Carl Lemmle, montré dans le film) en utilisant parfois des méthodes brutales, détruisant caméras et laboratoires. Pour leur échapper, des producteurs indépendants décidèrent d’aller s’installer à l’autre bout du pays, en Californie, s’éloignant ainsi le plus possible du New Jersey qui était alors le centre névralgique du cinéma.

13 mai 2011

Rupture (1961) de Jean-Claude Carrière et Pierre Étaix

RuptureLui :
(Court métrage 10 mn) Un jeune homme reçoit une lettre de sa bien-aimée. Hélas, il s’agit d’une lettre de rupture. Il entreprend de lui répondre… Pour sa toute première réalisation, en réalité une co-réalisation puisque Jean-Claude Carrière est associé aussi bien au scénario qu’à la mise en scène, Pierre Etaix montre déjà toute la personnalité de son comique. Il joue avec les objets et il n’en a pas besoin de beaucoup pour créer tout un enchainement de gags : ces dix minutes se déroulent en quasiment une seule scène où Pierre Etaix est à son bureau, sans paroles avec des objets pas toujours coopératifs… et aussi une sacré chute finale.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Pierre Étaix
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean-Claude Carrière & Pierre Étaix sur le site imdb.com.

12 mai 2011

Le fils du désert (1948) de John Ford

Titre original : « 3 godfathers »

Le fils du désertLui :
Trois aventuriers qui viennent de dévaliser la banque d’un petit village isolé de l’Arizona sont pourchassés dans le désert. Ils tombent sur un chariot près d’une source tarie. A l’intérieur, une femme est sur le point d’accoucher… John Ford tourne pour la seconde fois cette histoire à fort symbolisme religieux (1). C’est en effet une variation autour du thème des Rois Mages de la Bible. L’allégorie est assez appuyée, il faut bien avouer que Le fils du désert ne joue pas sur la finesse. John Wayne est ici employé à contre-emploi et ne se montre pas toujours très à l’aise avec ce rôle de cowboy au cœur tendre. Ses deux acolytes manquent plutôt de présence. Heureusement, il reste la superbe photographie de Winton Hoch et ce talent de John Ford pour filmer le désert (2). Les scènes de tempête sont superbes.
Note : 2 étoiles

Acteurs: John Wayne, Pedro Armendáriz, Harry Carey Jr., Ward Bond, Mae Marsh
Voir la fiche du film et la filmographie de John Ford sur le site IMDB.

Voir les autres films de John Ford chroniqués sur ce blog…

Remarques :
(1) La première fois que John Ford a mis en scène cette histoire écrite par Peter B. Kyne, c’était en 1919 : Marked Men (le film est aujourd’hui perdu). Son acteur principal était Harry Carey qui est mort peu avant le tournage du Fils du désert. John Ford a dédié le film à sa mémoire et a engagé son fils pour tenir l’un des trois rôles principaux.
(2) Le film a été tourné en partie dans la Vallée de la Mort. John Wayne a dû être hospitalisé après avoir été gravement brûlé par le soleil.

Autres adaptations :
Three Godfathers (1916) de Edward LeSaint avec Stella LeSaint et Harry Carey
Marked Men (1919) de John Ford avec Harry Carey
Hell’s Heroes (1929) de William Wyler avec Charles Bickford
Three Godfathers (1936) de Richard Boleslawski avec Chester Morris et Walter Brennan

11 mai 2011

Les Trois Mousquetaires (1921) de Henri Diamant-Berger

Les trois mousquetairesLui :
(Film muet à épisodes de 12 x 60 mn réédité en 14 x 26 mn) Cette version française des Trois mousquetaires est sortie presque simultanément à la version américaine avec Douglas Fairbanks (1). Elles sont très différentes l’une de l’autre, ne serait-ce que par le format. Le jeune (25 ans) Henri Diamant-Berger choisit d’en faire un film à épisodes, format qui avait été extrêmement populaire quelques années auparavant, notamment avec les feuilletons de Louis Feuillade. Il réussit à obtenir un très gros budget de 2,5 millions de francs de la part de Pathé pour réaliser une production ambitieuse.

Les trois mousquetaires Longtemps considéré comme perdu, le film a été récemment restauré. Il est un peu difficile de juger le film car il a été profondément modifié lors de cette restauration (2), mais une chose est sûre, cette adaptation est très fidèle au roman d’Alexandre Dumas. La reconstitution est soignée et fait intervenir de nombreux lieux et de nombreux figurants. La réalisation est plutôt classique mais solide et bien maitrisée. Aimé Simon-Girard, acteur réputé de théâtre dont c’est ici la première appartition à l’écran, manque hélas souvent de présence et son jeu d’expressions de visage est certainement trop réduit pour donner une vraie dimension à son personnage.

Le rythme est marqué par les scènes d’action, régulièrement réparties. Malgré la longueur de l’ensemble, on ne s’ennuie pas une seconde. A l’époque, cette série eut un très grand succès. Henri Diamant-Berger tournera dès l’année suivante la suite, 20 ans après. Il fera aussi une version parlante des Trois mousquetaires en 1932.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Aimé Simon-Girard, Henri Rollan, Charles Martinelli, Pierre de Guingand, Pierrette Madd, Jeanne Desclos, Claude Mérelle, Armand Bernard, Édouard de Max
Voir la fiche du film et la filmographie de Henri Diamant-Berger sur le site IMDB.

Les trois mousquetaires(1) Henri Diamant Berger dit, dans ses mémoires, avoir contacté Douglas Fairbanks pour interpréter le rôle principal. L’acteur aurait refusé car, d’une part, il ne voulait jouer dans un film à épisodes et, d’autre part, il ne voulait tourner qu’à Hollywood. (Voir la présentation de la version américaine des Trois mousquetaires)

(2) Réalisée par Jérôme et Guillaume Diamant Berger, descendants du réalisateur, la restauration a été faite dans l’optique de moderniser le film. Partant d’une version anglaise retrouvée, les intertitres ont été supprimés pour être remplacés par une voix off (Patrick Préjean) et des sous-titres, la segmentation a été revue pour correspondre aux normes actuelles de la télévision (de 12 épisodes de 60 minutes, on est passé à 14 épisodes de 26 minutes), des bruitages ont été rajoutés et une nouvelle musique a été composée.

Les trois mousquetaires Ces choix sont assez discutables : supprimer les intertitres oblige à mettre bout à bout des scènes qui n’étaient pas prévues pour être enchaînées et change le rythme, ajouter des sous-titres explicatifs empêchent de « lire » sur les visages les expressions des acteurs, modifier le nombre et la durée des épisodes est franchement du domaine de la mutilation… En outre, le passage de 720 minutes à 360 ne peut s’expliquer par la suppression des intertitres et des résumés de début d’épisode, de nombreuses scènes ont probablement été supprimées. En revanche, l’ajout de bruitages (qui, j’avoue, me faisait très peur à priori) est plutôt réussi car intelligemment fait, avec parcimonie. La nouvelle musique est parfaite et colle très bien à l’image.

Ce n’est donc pas à proprement parler une restauration du film d’Henri Diamant Berger que ses descendants ont réalisée mais plutôt une transformation car ils en ont profondément changé la nature. « Le cinéma muet, cela m’ennuie profondément » dit l’un d’eux… cette phrase explique beaucoup. Certes, on pourra toujours souligner que de tels projets permettent de donner une nouvelle vie à des films qui autrement resteraient enfouis et ignorés… mais ce genre de transformation pose un problème de fond : s’ils se multipliaient, on perdrait la vraie trace d’une des plus grandes époques du cinéma.

 Les 12 épisodes originaux : …………
(12 x 60 mn)

 Les 14 épisodes de la version restaurée :
(14 x 26 mn)

1. L’auberge de Meung
2. Les mousquetaires de M. de Tréville
3. La lingère du Louvre
4. Pour l’honneur de la Reine
5. Les ferrets de diamant
6. Le Bal des Echevins
7. Le Pavillon d’Estrées
8. L’auberge du Colombier Rouge
9. Le bastion de Saint-Gervais
10. La Tour de Sportmouth
11. Le couvent de Béthune
12. La Cabane de la Lys

1. L’auberge de Meung
2. Les mousquetaires de M. de Tréville
3. La lingère du Louvre
4. Pour l’honneur de la Reine
5. Les ferrets de diamant (1e partie)
6. Les ferrets de diamant (2e partie)
7. Le Bal des Echevins
8. Le Pavillon d’Estrées
9. Les conquêtes de D’Artagnan
10. L’auberge du Colombier Rouge
11. Le conseil des mousquetaires
12. Milady prisonnière
13. Le couvent de Béthune
14. La vengeance des mousquetaires

Versions chroniquées sur ce blog :
1921: The Three Musketeers de Fred Niblo (USA, 119 mn) avec Douglas Fairbanks
1921: Les Trois Mousquetaires de Henri Diamant-Berger (France, 720 mn) avec Aimé Simon-Girard
1922: L’Étroit Mousquetaire de Max Linder (USA, 58 mn) avec Max Linder (parodie)
1948: The Three Musketeers de George Sidney (USA) avec Lana Turner et Gene Kelly
1961: Les Trois Mousquetaires de Bernard Borderie (France) avec Gérard Barray et Mylène Demongeot (2 films)
1973: Les Trois Mousquetaires de Richard Lester (USA) avec Michael York et Raquel Welch (3 films)
1993: Les Trois Mousquetaires de Stephen Herek (USA) avec Chris O’Donnell
2023: Les Trois Mousquetaires: D’Artagnan de Martin Bourboulon (France) avec François Civil (2 films)

10 mai 2011

La reine des pommes (2009) de Valérie Donzelli

La reine des pommesElle :
Note : 3 étoiles

Lui :
Adèle est dévastée par la récente rupture avec son ami Mathieu. Anéantie, elle est recueillie par sa cousine qui l’encourage à voir d’autres hommes. Peu à peu, elle reprend goût à la vie… Pour son premier long métrage, Valérie Donzelli réalise un film au ton très original. Le début de La reine des pommes peut surprendre mais on se laisse gagner peu à peu par son humour et son personnage déboussolé en manque d’amour. On peut sentir l’influence de Truffaut, Rohmer ou Varda mais la réalisatrice parvient à garder une cohérence et surtout trouver un style. Elle cultive aussi un petit côté désuet, l’accentuant même en cadrant tout le film dans une fenêtre 4/3. A noter, une belle trouvaille pour les rôles masculins qui, lorsque l’on s’en aperçoit, donne un sens nouveau au film. Tout comme les films d’Emmanuel Mouret, La reine des pommes apporte un ton nouveau à la comédie, original et joliment enlevé, assez unique au cinéma français.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Valérie Donzelli, Jérémie Elkaïm, Béatrice De Staël, Laure Marsac
Voir la fiche du film et la filmographie de Valérie Donzelli sur le site IMDB.

9 mai 2011

Les nuits blanches (1957) de Luchino Visconti

Titre original : « Le notti bianche »

Les nuits blanchesElle :
Note : 4 étoiles

Lui :
Jeune employé fraichement muté, Mario erre le soir dans les rues de Livourne, en proie à la solitude. Il remarque sur un pont une jeune fille en pleurs. Il parvient à lui parler et à la raccompagner chez elle, mais à peine a-t-il le dos tourné qu’elle retourne sur le pont… Les nuits blanches est l’adaptation du roman homonyme de Dostoïevski sur la passion amoureuse. Luchino Visconti se démarque à la fois du néoréalisme de ses débuts et des fastes colorés de son film précédent, Senso. Il revient ici au noir et blanc (superbe photographie de Giuseppe Rotunno) et recrée entièrement en studio un quartier de Livourne avec ses ruelles et ses canaux. Cela donne une atmosphère irréelle au film, une sensation d’être hors du temps, impression amplifiée par le fait que toutes les scènes sont nocturnes, aucun plan ne montre les personnages dans leur vie diurne, et aussi par la présence de Jean Marais qui nous évoque Cocteau. Les nuits blanches Maria Schell fait une belle interprétation, tourmentée, oscillant entre la joie et le désespoir, presque dévote dans son amour désincarné et Mastroianni montre comme toujours beaucoup de présence, de tendresse et de richesse dans son jeu. Les nuits blanches a parfois été considéré comme mineur dans la filmographie de Visconti. Assez injustement.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Maria Schell, Marcello Mastroianni, Jean Marais
Voir la fiche du film et la filmographie de Luchino Visconti sur le site IMDB.
Voir les autres films de Luchino Visconti chroniqués sur ce blog…

Remarques :
Les (très belles) scènes de brouillard ont été créées en utilisant des kilomètres de tulle, technique habituellement utilisée au théâtre (et rappelons que Visconti est aussi un metteur en scène de théâtre).

Autre adaptation du roman de Dostoïevski « Nuits blanches » :
Quatre nuits d’un rêveur de Robert Bresson (1971)
En outre, le roman a été une source d’inspiration pour James Gray pour son Two Lovers.