5 juillet 2014

Une fille de la province (1954) de George Seaton

Titre original : « The Country Girl »

Une fille de la provinceAprès avoir mis à la porte l’acteur de premier rôle, le metteur en scène d’une comédie musicale doit trouver au pied levé un nouvel acteur-chanteur. Il insiste pour faire accepter par son producteur un chanteur qui a tenu la vedette il y a plusieurs années mais qui n’est plus très actif. De plus il a la réputation d’être alcoolique… Adaptation d’une pièce de Clifford Odet, l’histoire de The Country Girl accumule les poncifs mais le thème de la « seconde chance » est toujours très apprécié outre-Atlantique. Il est ici affublé de relations particulières entre l’acteur et sa femme sur fond de drame familial. En outre, le scénario a été aménagé pour inclure des chansons de Bing Crosby, crooner alors immensément populaire aux Etats Unis. Si William Holden et même Bing Crosby savent garder une certaine mesure, Grace Kelly recherche la performance avec un jeu du style « habitée par son personnage », outrancier, caricatural. Elle reçut un Oscar pour ce rôle (1). Très ennuyeux et terriblement prévisible, le film bénéficie d’une aura qui peut paraître assez incompréhensible.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Bing Crosby, Grace Kelly, William Holden
Voir la fiche du film et la filmographie de George Seaton sur le site IMDB.
Voir les autres films de George Seaton chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Grace Kelly

(1) Grace Kelly a reçu cet Oscar alors que Judy Garland était donnée largement favorite pour son rôle dans A Star Is Born.

4 juillet 2014

Léviathan (1962) de Léonard Keigel

LeviathanPaul Guéret aime Angèle, une jeune blanchisseuse. Il la suit, réussit à lui parler, lui donne rendez-vous mais elle se refuse à lui. Paul en est désespéré… Dès sa publication en 1929, le grand roman de Julien Green Léviathan a attiré plusieurs metteurs en scène et non des moindres : Marc Allégret, Georg Pabst, Robert Siodmak, Eisenstein, Cukor, Jacques Tourneur, Visconti. A chaque fois, le projet n’aboutit pas pour des raisons diverses et ce n’est qu’en 1962 que l’adaptation au grand écran verra enfin le jour sous la direction du débutant Léonard Kiegel. Il s’agit d’une histoire très sombre où les différents personnages ont de grandes frustrations et où l’amour, loin d’être un élément émancipateur, n’apporte qu’aigreur et rancoeur, voire pire encore. Pour son premier film, Léonard Kiegel parvient parfaitement à restituer l’atmosphère assez oppressante, presque morbide, du livre ; il est aidé par la présence de Julien Green qui a écrit les dialogues de cette adaptation. Louis Jourdan a laissé au vestiaire son profil de grand séducteur : son personnage est censé être quelconque, sans attrait ; il a su adapter son jeu et gagne ainsi en complexité. Face à lui, Marie Laforêt apporte une touche de sensualité et de spontanéité, elle semble entrer dans son personnage au fur et à mesure que le film avance. Mais le plus beau personnage, le plus complexe, le plus tourmenté sans doute, est celui de Madame Grosgeorges admirablement interprété par l’actrice internationale Lili Palmer (1) qui a probablement ici l’un de ses plus beaux rôles. Elle fait preuve d’une très grande présence à l’écran, absolument superbe dans toutes les scènes où elle apparaît. La très belle photographie est signée Nicolas Hayer(2). Léviathan est une belle adaptation littéraire, assez puissante, qui a certainement grandement bénéficié de la participation active de Julien Green. Il fait partie de ces films qu’une mauvaise distribution à l’époque a jetés dans l’ombre alors qu’ils méritent un bien meilleur statut.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Louis Jourdan, Lilli Palmer, Marie Laforêt, Madeleine Robinson, Georges Wilson
Voir la fiche du film et la filmographie de Léonard Keigel sur le site IMDB.
Voir les autres films de Léonard Keigel chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Le film est produit par Pierre Jourdan, frère de Louis Jourdan.
* La musique utilise des extraits de La Nuit transfigurée d’Arnold Schönberg.
* Auparavant très difficile à visionner, Léviathan vient de ressortir restauré dans une belle édition DVD (Voir sur Amazon…) Parmi les suppléments, il faut noter la présence de scènes commentées d’une autre adaptation d’un roman de Julien Green, Adrienne Mesurat, que Marcel L’Herbier a réalisée pour la télévision en 1953 avec Anouk Aimée et Alain Cuny dans les rôles principaux. Ces courtes scènes filmées (env. 15 à 20 minutes) sont les seules dont on ait la trace aujourd’hui car toutes les autres ont été interprétées en direct.

(1) Lili Palmer est une actrice d’origine allemande qui a tourné en Allemagne, en Angleterre, aux Etats Unis et en France.

(2) Nicolas Hayer est l’un des plus grands directeurs de la photographie français. Sa filmographie est impressionnante, il a travaillé pour Clouzot (Le Corbeau), Cocteau (Orphée), Duvivier, Melville, Daquin, Becker, etc.

3 juillet 2014

Hannah Arendt (2012) de Margarethe von Trotta

Hannah ArendtEn 1961, la philosophe juive allemande Hannah Arendt est envoyée à Jérusalem par le New Yorker pour couvrir le procès d’Adolf Eichmann, responsable de la déportation de millions de juifs. Alors qu’elle s’attendait à voir un monstre, elle est surprise de ne voir qu’un homme banal, un « falot », un homme « dépourvu de pensée ». Elle en tire un concept philosophique majeur sur la banalité du mal qui fait d’autant plus scandale que, dans le même texte, elle soulève la question des conseils juifs dans les déportations… Comment mettre en scène la pensée au cinéma est une question assez récurrente. La réalisatrice Margarethe von Trotta apporte ici une réponse convaincante, aidée il est vrai par une remarquable interprète, Barbara Sukowa. Loin du maniérisme agaçant des biopics et de ses effets, la cinéaste nous fait simplement accompagner Hannah Arendt dans sa réflexion et c’est cette démarche qui rend le film vraiment passionnant de bout en bout. Un bel exemple de la façon dont le cinéma peut ouvrir à la philosophie.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Barbara Sukowa, Janet McTeer, Julia Jentsch
Voir la fiche du film et la filmographie de Margarethe von Trotta sur le site IMDB.
Voir les autres films de Margarethe von Trotta chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Le livre écrit par Hannah Arendt à la suite du procès d’Eichmann est Eichmann à Jérusalem – Rapport sur la banalité du mal (Viking Press, 1963 – Gallimard pour la traduction française).

2 juillet 2014

Chaplin (1992) de Richard Attenborough

ChaplinMettre en scène la vie de ce véritable artiste de cinéma qu’est Charles Chaplin n’est pas chose aisée. L’anglais Richard Attenborough s’est basé assez librement sur l’autobiographie du cinéaste (1) et s’est concentré sur sa vie, ses démêlés avec ses femmes et les accusations d’être communiste, plutôt que sur son oeuvre. Bien entendu, il y a des imprécisions, des raccourcis, une certaine édulcoration due au grand respect d’Attenborough envers Chaplin, mais il y a aussi de quoi réjouir l’amateur : c’est par exemple toujours un plaisir de voir récréées les tournages des comédies burlesques des années dix (ce passage est hélas trop court). Richard Downey Jr. est assez étonnant car il fait un Chaplin vraiment très crédible. Sa brillante prestation nous permet de fermer les yeux sur toutes les approximations du film et de prendre vraiment plaisir à le regarder car nous avons l’impression de voir Chaplin en chair et en os.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Robert Downey Jr., Geraldine Chaplin, Paul Rhys, Moira Kelly, Anthony Hopkins, Dan Aykroyd, Kevin Kline, David Duchovny
Voir la fiche du film et la filmographie de Richard Attenborough sur le site IMDB.
Voir les autres films de Richard Attenborough chroniqués sur ce blog…

Voir les films réalisés par Charlie Chaplin chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Charles Chaplin

Remarques :
* Géraldine Chaplin tient le rôle de la mère de Chaplin ; on peut regretter qu’elle n’ait pas tenu celui d’Oona (sa mère à elle dans la vraie vie) car elle lui ressemble tant.
* Bizarrement, Richard Attenborough fait jouer par la même actrice Moira Kelly les rôles d’Hetty Kelly (le premier amour londonien de Chaplin) et de Oona. Veut-il laisser supposer que Chaplin aurait cherché à retrouver Hetty Kelly dans Oona ?
* Un livre très récent du Dr. Stephen Weissman Chaplin – A Life (2008) apporte un regard nouveau sur la mère de Chaplin et de son importance dans l’esprit du cinéaste.

(1) Histoire de ma vie par Charles Chaplin (Ed. Robert Laffont, 1964 réédité en 2002).

1 juillet 2014

L’insoumise (1928) de Howard Hawks

Titre original : « Fazil »

L'insoumise(Film muet) Le prince arabe Fazil rencontre la jeune parisienne Fabienne lors d’un voyage à Venise et l’épouse à Paris. Mais rapidement, les différences de culture font surface et la jeune femme, très moderne d’esprit, ne veut accepter les règles que son mari lui impose… Fazil est adapté d’une pièce du français Pierre Frondaie. L’histoire est une bluette romantique avec de l’exotisme, un beau prince arabe, un jolie française, des gondoliers qui chantent des chansons d’amour. Peu d’intérêt de ce côté donc, seule la fin est tout de même assez audacieuse. En outre, Charles Farrell est certes un bon acteur romantique mais on peut se demander qui a bien pu penser qu’il serait crédible une seule seconde en prince arabe (et il n’est même plus beau). Si le film Fazil reste intéressant à voir, c’est surtout parce qu’il est signé Howard Hawks. A 32 ans, le cinéaste réalise ici son sixième et ultime film muet, sachant que son premier ne remontait qu’à un peu plus de deux ans (1). L’élément le plus notable est que l’on ne retrouve ici aucun élément ou signe précurseur de son futur style…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Charles Farrell, Greta Nissen, John Boles, Mae Busch
Voir la fiche du film et la filmographie de Howard Hawks sur le site IMDB.

Voir les autres films de Howard Hawks chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Howard Hawks

Remarques :
* Fazil est un film rare. Un grand merci à Patrick Brion de nous avoir donné l’occasion de le voir.
* Le film est muet mais une musique synchronisée (système Fox Movietone) lui a été ajoutée à sa sortie. Le gondolier qui chante est ainsi assez synchrone. Cette « bande son » comporte également quelques bruitages : chevaux qui passent sur un plancher de bois, coup de feu, etc.

Homonyme :
L’Insoumise (Jezebel) de William Wyler (1938) avec Bette Davis

(1) The Road to Glory (L’Ombre qui descend) (1926)