28 septembre 2024

Sur l’Adamant (2023) de Nicolas Philibert

Sur l'AdamantL’Adamant est un lieu unique en son genre : c’est un bâtiment flottant sur la Seine, en plein cœur de Paris, qui accueille de jour des adultes souffrant de troubles psychiques. On y pratique la « psychiatrie institutionnelle » en offrant aux patients une routine quotidienne pour les aider à reprendre pied dans la vie quotidienne, avec des ateliers et activités thérapeutiques…
Sur l’Adamant est un film documentaire français réalisé par Nicolas Philibert. Le sujet peut effrayer à priori mais c’est en réalité un film assez passionnant à suivre. Nicolas Philibert a cherché à donner la parole aux patients (il n’y a aucun commentaire ou voix-off du réalisateur) et le discours de ces hommes et femmes montre une étonnante qualité, même s’il est parfois, du moins en apparence, un peu désordonné. Beaucoup montrent une surprenante lucidité sur leur état. Tout cela engendre en nous une certaine réflexion, sur la définition de la normalité bien entendu, mais aussi sur le rôle de la communication, sur la futilité des apparences et bien d’autres sujets. Il y a là une richesse qu’on ne trouve que rarement dans un film documentaire. Nicolas Philibert a un grand talent pour nous faire entrer en douceur dans des sujets que l’on pourrait croire difficiles.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs:
Voir la fiche du film et la filmographie de Nicolas Philibert sur le site IMDB.
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Remarques :
* Sur l’Adamant est le premier film d’un triptype : Le deuxième est sorti en 2024 : Averroès et Rosa Parks.
* Le mot « adamant » vient de ‘adamantin » : qui a les caractéristiques du diamant.

L’un des habitués de l’Adamant dans Sur l’Adamant de Nicolas Philibert.
L’Adamant est amarré Quai de la Rapée à Paris (bâtiment flottant en bois, à droite).

10 avril 2023

Les Enfants des autres (2022) de Rebecca Zlotowski

Les enfants des autresRachel a 40 ans et pas d’enfant. Elle aime sa vie : ses élèves du lycée, ses amis, ses ex, ses cours de guitare. En tombant amoureuse d’Ali, elle s’attache à Leila, sa fille de 4 ans. Elle la borde, la soigne, et l’aime comme la sienne. Mais peut-on aimer les enfants des autres sans risque ?…
Les Enfants des autres est un film français écrit et réalisé par Rebecca Zlotowski. Le film est formidablement interprété mais pêche par un manque de développement du scénario. Une fois la situation exposée et comprise par le spectateur, il n’arrive rien de nouveau, ce ne sont que des petites touches supplémentaires. Les personnages ne sont pas approfondis et le récit ne prend pas de dimension plus large, comme aborder la notion de normalité. L’histoire est d’inspiration autobiographique et c’est peut-être cette trop grande proximité avec son personnage qui a empêché la réalisatrice d’élargir sa vision. Les Enfants des autres est, selon la formule consacrée, « un film au sujet très actuel ». Très bien accueilli par la critique et assez bien par le public.
Elle: 3 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Virginie Efira, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni, Henri-Noël Tabary, Victor Lefebvre, Sébastien Pouderoux
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Les enfants des autresVirginie Efira et Callie Ferreira-Goncalves dans Les enfants des autres de Rebecca Zlotowski.

Remarque :
* Le gynécologue est interprété par Frederik Wiseman qui, à défaut d’être crédible dans le rôle (il a tout de même plus de 90 ans), est un très grand réalisateur américain de documentaires sociologiques et plutôt engagés (il renierait certainement ces deux adjectifs, c’est pour fixer les esprits). Egalement producteur et brillant monteur, il a réalisé près de cinquante films entre 1967 et 2022 (Voir sa fiche IMDB) (Voir les livres sur Frederick Wiseman).

Les enfants des autresRebecca Zlotowski, Frederick Wiseman et Virginie Efira
sur le tournage de Les enfants des autres de Rebecca Zlotowski.

9 juillet 2019

Le Bonheur (1965) de Agnès Varda

Le BonheurFrançois est un jeune menuisier heureux qui aime sa femme. Il aime aussi la nature et ses amis. Lorsqu’il rencontre Emilie, une jeune postière, et qu’il en tombe amoureux, il voit là une occasion d’ajouter du bonheur à son bonheur…
Troisième long métrage écrit et réalisé par Agnès Varda, Le Bonheur fit grand scandale à sa sortie et fut interdit aux moins de 18 ans car il montrait l’adultère sans réprobation. Débarrassés de ces considérations morales un demi-siècle plus tard, il nous reste un film plein de vie, joyeux et très beau. Agnès Varda explore la notion de bonheur qu’elle déconnecte des conventions sociales ou morales. « Ce n’est pas le mariage qui mène au bonheur, c’est le bonheur qui mène au mariage » semble-t-elle vouloir nous dire. La réalisatrice montre beaucoup d’inventivité dans ses cadrages et surtout une recherche esthétique et picturale qui est particulièrement visible. De très nombreux plans évoquent des natures mortes ou même des tableaux impressionnistes. Son utilisation des couleurs est enthousiasmante, ses talents de photographe sont manifestes. C’est un régal pour les yeux. Jean-Claude Drouot sait restituer toute la candeur de son personnage. L’acteur joue ici avec sa femme et ses enfants ce qui contribue à la sensation de naturel. Le film a été restauré en 2014, rendant ainsi justice à ses qualités esthétiques. Les couleurs, notamment, sont magnifiques.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean-Claude Drouot, Marie-France Boyer, Marc Eyraud
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Le BonheurMarie-France Boyer et Jean-Claude Drouot dans Le Bonheur de Agnès Varda.

Remarques :
* Jean-Claude Drouot était alors le héros de la série TV Thierry La Fronde (1963-1966). Il bénéficiait d’un immense capital de sympathie, y compris auprès des très jeunes enfants, ce qui a certainement exacerbé les oppositions au film d’Agnès Varda.

* L’interdiction aux moins de 18 ans n’a été levée qu’en 2006, lors d’une ressortie au cinéma Saint-André-des-Arts.

* Finalement, le plus étonnant dans ce film d’Agnès Varda est que le propos ne soit pas plus féministe : c’est le bonheur de l’homme qui importe, il est censé déteindre sur le bonheur de la femme… Il faut toutefois garder à l’esprit que nous sommes en 1965. Le propos d’Agnès Varda ne se situe d’ailleurs pas sur le plan homme/femme, la réalisatrice nous incite à réfléchir sur le lien entre bonheur et morale. « Faut-il se cacher pour être heureux? » C’est ce genre de question qu’elle pose.

Voir aussi : Entretien avec Agnès Varda pour la télévision suisse RTS (8’30)…

Le BonheurMarie Drouot, Jean-Claude Drouot et leurs deux enfants dans Le Bonheur de Agnès Varda.

 

Homonymes :
Le Bonheur d’Aleksandr Medvedkin (1935)
Le Bonheur de Marcel L’Herbier (1935) avec Gaby Morlay et Charles Boyer

Le BonheurMarie Drouot, Jean-Claude Drouot et leurs deux enfants dans Le Bonheur de Agnès Varda.

13 janvier 2018

Apnée (2016) de Jean-Christophe Meurisse

ApnéeCéline, Thomas et Maxence ont décidé de tout faire toujours à trois, et même se marier. Désireux de s’insérer et d’avoir une vie « normale », ils rencontrent des difficultés à adapter leur choix de vie à la réalité administrative ou économique de tous les jours…
Apnée est le premier long métrage de Jean-Christophe Meurisse. Il en a écrit le scénario. Il s’agit d’une comédie un peu déjantée qui se présente comme une suite de saynètes, partant toujours d’une base simple mais évoluant toujours de façon surprenante. Le fil rouge de l’ensemble est de porter un regard sur la normalité sociale  à travers le prisme de l’humour, avec une bonne dose de dérision qui n’hésite pas à aller dans l’absurde. Dans les meilleurs moments, on pense à Tati, Raymond Devos, Jérôme Deschamps ou même Bertrand Blier. Les dialogues ont été en grande partie improvisés au moment du tournage. Tout n’est pas réussi (et j’avoue avoir carrément sauté toute la séquence avec le Christ ensanglanté, assez horrible à voir) mais Apnée est un film original qui vaut la peine d’être découvert.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Céline Fuhrer, Thomas Scimeca, Maxence Tual, Claire Nadeau, Olivier Saladin
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Précisions :
* Le trio d’acteurs fait partie du collectif Les Chiens de Navarre dont Jean-Christophe Meurisse est le chef de meute sur les planches.
* Le film a été tourné en Corse.

Apnée
Maxence Tual, Céline Fuhrer et Thomas Scimeca veulent avoir des enfants… dans Apnée de Jean-Christophe Meurisse.

Apnée
… et aussi des parents : Claire Nadeau et Olivier Saladin dans Apnée de Jean-Christophe Meurisse.

16 octobre 2017

Rollerball (1975) de Norman Jewison

RollerballDans un avenir proche, les nations ont disparu en même temps que les guerres. La paix et le progrès sont généralisés, le travail est réduit. Des « corporations » aux dirigeants anonymes gèrent les besoins essentiels. Un sport assez violent, le Rollerball, est très populaire. Jonathan E., le capitaine de l’équipe de Houston, est l’indétrônable star mondiale de ce sport. Pourtant, l’un des organisateurs lui demande de prendre sa retraite… Rollerball est un film qui n’a pas très bonne réputation. Il fut mal compris à sa sortie du fait de sa violence, accusé de l’étaler sous le prétexte de la combattre. Pourtant, il recèle une intéressante réflexion sur le sport-spectacle qui concentre ici tout ce que la société a écarté (notamment la violence) pour devenir l’un des piliers fondamentaux de sa cohésion. L’analogie avec les jeux du cirque de la société romaine est visiblement recherchée, le stade de Rollerball rappelle indéniablement le Colisée. D’autres points, plus courants dans la science-fiction de prospective, sont soulevés : l’abandon du droit de regard sur les décisions majeures, le nivellement des individus, ou encore l’idée que la prépondérance du groupe sur l’individu seraient des prix à payer pour le progrès social. Rollerball s’inscrit parfaitement dans la science-fiction des années soixante-dix où, contrairement aux deux décennies précédentes, le pessimisme est de rigueur : dans l’esprit, il est ainsi assez proche de THX 1138 (1972), Orange mécanique (1971) ou autres Soleil vert (1973). Sur le plan visuel, la vision du futur qu’il nous propose a certes plutôt mal vieilli car elle nous paraît aujourd’hui très marquée par les années soixante-dix. En revanche, Jewison a judicieusement utilisé la musique classique et le décalage qu’elle engendre fonctionne toujours aujourd’hui. Rollerball a été copié maintes fois par la suite, pour des films mettant en scène des sports futuristes violents, des films de moindre intérêt.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: James Caan, John Houseman, Maud Adams, John Beck, Ralph Richardson
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Remarques :
* Le film a entièrement été tourné en Allemagne. Tous les spectateurs et autres figurants sont donc allemands.
* L’histoire est censée se dérouler en 2018.
* Le Rollerball peut être décrit comme un mélange de football américain, de hockey sur glace, de rugby et de cyclisme de poursuite.
* Remake :
Rollerball de John McTiernan (2002) avec Chris Klein et Jean Reno, film d’action violent de moindre intérêt.

Rollerball
James Caan dans Rollerball de Norman Jewison.

Rollerball
James Caan et Maud Adams dans Rollerball de Norman Jewison.

Rollerball

2 décembre 2014

Le Temps de l’innocence (1993) de Martin Scorsese

Titre original : « The Age of Innocence »

Le temps de l'innocenceDans la haute société new-yorkaise de 1870, Newland Archer est fiancé à une jeune fille de bonne famille dont la cousine, qui vit séparée de son mari, un comte polonais, est l’objet de réprobations du fait de son anticonformisme et de son indépendance… Le Temps de l’innocence est un film qui peut surprendre dans la filmographie de Martin Scorsese. Le réalisateur a été fasciné par l’extrême complexité et la rigidité des codes sociaux de cette haute bourgeoisie et s’est appliqué à recréer son univers avec toute l’opulence des décors et des objets. Il fait de nombreux gros plans courts sur des détails pour bien nous en montrer toute la richesse. Son film n’est pas sans nous faire penser à Visconti, que Scorsese admire tout particulièrement. Hélas, ses personnages semblent bien vides et ne présentent guère d’intérêt. Dès lors, il est bien difficile de partager les tourments de ce dandy écartelé entre deux femmes symbolisant deux mondes différents, l’un auquel il appartient et l’autre auquel il aspire. Finalement, nous observons tout cela avec détachement, avec un regard presque ethnologique…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Daniel Day-Lewis, Michelle Pfeiffer, Winona Ryder, Geraldine Chaplin, Stuart Wilson
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le Temps de l'innocence de Martin Scorsese (1993)
Huit repas jalonnent le film…

5 octobre 2014

La Sonate à Kreutzer (1956) de Eric Rohmer

La sonate à Kreutzer(Moyen métrage de 46 mn) Parvenu à une certaine réussite dans son métier, un architecte (Eric Rohmer) considère qu’il doit se marier pour parfaire sa position sociale. Il jette son dévolu sur une jeune fille effacée et plutôt solitaire… Librement adapté d’une nouvelle de Tolstoï, La Sonate à Kreutzer d’Eric Rohmer a longtemps été considéré comme perdu. Fait avec peu de moyens, c’est un film assez sombre sur un homme très conformiste dont le seul souci est la représentation sociale. Eric Rohmer en interprète le rôle principal avec sa longue, et parfois inquiétante, silhouette longiligne. Il n’y a pas de son direct ; la bande sonore est bâtie autour du récit en voix-off du personnage qui se raconte (et s’analyse) sur un fond musical (reprenant la Sonate pour violon et piano nº9 de Beethoven, dite La Sonate à Kreutzer). Outre le fait de nous faire assister à la naissance d’un grand cinéaste, ce film de jeunesse nous plonge dans l’atmosphère de la petite équipe qui marquera tant la Nouvelle Vague.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Eric Rohmer, Jean-Claude Brialy, Françoise Martinelli
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Remarque :
Dans la séquence se déroulant dans les bureaux des Cahiers du cinéma, on peut voir toute l’équipe des Cahiers de cette époque : Bazin, Godard, Rohmer, Chabrol, Truffaut et Charles Bitsch…

La Sonate à KreutzerJean-Claude Brialy et Eric Rohmer dans La Sonate à Kreutzer de Eric Rohmer.

6 mars 2013

Flamme et Femme (1967) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Honô to onna »

Flamme et FemmeTatsuko a eu recours à l’insémination artificielle pour avoir un enfant car son mari est stérile. Quand l’enfant a deux ans, le couple recherche le donneur… Flamme et Femme a été réalisé à une époque où l’insémination artificielle était une technique nouvelle au Japon et faisait débat. Yoshida apport sa vision sur le sujet, montrant tous les problèmes au sein du couple causés par ce sentiment de demi-paternité pour au final revenir sur la notion que toute décision doit revenir à la femme. Le propos m’a semblé plutôt moins fort que dans ses autres films car, volontairement ou, plus probablement, involontairement, il fait l’apologie d’une certaine normalité de la famille et reste en surface de la question parenté sociale / parenté biologique. La métaphore de l’oiseau est en outre plutôt maladroite à mes yeux, tout comme l’épilogue. Flamme et Femme reste toutefois très intéressant à regarder avec toujours de très beaux plans et de belles recherches d’éclairage.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Mariko Okada, Isao Kimura, Mayumi Ogawa, Takeshi Kusaka
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