22 février 2022

Soldat bleu (1970) de Ralph Nelson

Titre original : « Soldier Blue »

Soldat bleu (Soldier Blue)Une colonne de l’armée américaine escortant un important convoi de fonds est attaquée par des Cheyennes. Seuls survivent un jeune soldat fraîchement incorporé, et une jeune femme jadis enlevée par les Cheyennes. Ils vont tous deux devoir rejoindre le fort le plus proche, situé à plusieurs jours de marche…
Soldat bleu (ou Le Soldat bleu) est un western américain réalisé par Ralph Nelson d’après un roman de Theodore V. Olsen. Il est resté dans l’histoire du cinéma comme un film anti-guerre et pro-indien. L’histoire évoque le massacre de Sand Creek, Colorado, le 29 novembre 1864, par sept cents hommes de la Cavalerie du Colorado. De plus, il sort en pleine Guerre du Vietnam, deux ans après le Massacre de Mỹ Lai (mars 1968) où l’armée américaine a tué plusieurs centaines de civils désarmés. Cette dénonciation n’intervient toutefois que dans le dernier quart du récit. Auparavant, le film est plus intimiste, il prend même des tournures de comédie : le jeune soldat, malhabile et totalement inexpérimenté (c’est le sens du mot « blue » dans le titre) se heurte à l’assurance de la jeune femme, bien plus expérimentée que lui dans tous les domaines. C’est elle qui nous délivre des analyses sociologiques et politiques pointues (il faut toutefois être indulgent et accepter l’anachronisme de la maturité et de la modernité de ces analyses). Elle lui (nous) explique notamment que les Indiens sont chassés d’une terre qui leur appartient. La démonstration de la brutalité des conquérants est prouvée par le massacre d’un village indien qui clôt le film. Violence et cruauté y sont montrées jusqu’à l’insoutenable. Si les intentions sont claires et compréhensibles, on peut s’interroger sur la nécessité d’une telle surenchère dans l’horreur. Cela soulève l’éternelle question : une cause juste autorise t-elle d’utiliser tous les moyens, tous les excès ? Soldat bleu est un film militant, il en a les défauts. Il connut un très grand succès à sa sortie.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Candice Bergen, Peter Strauss, Donald Pleasence
Voir la fiche du film et la filmographie de Ralph Nelson sur le site IMDB.

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 Soldat bleu (Soldier Blue)Peter Strauss et Candice Bergen dans Soldat bleu (Soldier Blue) de Ralph Nelson.

13 février 2019

L’insulte (2017) de Ziad Doueiri

L'insulteTony, un Libanais chrétien, vit avec son épouse Shirine dans un appartement à Beyrouth. Il s’oppose à un chef de chantier, Yasser, qui a réparé sa gouttière non conforme dans le cadre de travaux de rénovation du quartier. Le ton monte et Yasser traite Tony de « gros c… » …
Le réalisateur libanais Ziad Doueiri a eu l’idée d’écrire le scénario de L’insulte après une dispute avec son plombier qui a quelque peu dérapé. Il en a amplifié les conséquences pour mieux mettre en relief les fractures et plaies non refermées de son pays : trente ans après la guerre civile, la page n’est pas tournée et les antagonismes entre chrétiens et palestiniens ne demandent qu’à ressurgir. Ziad Doueiri fait preuve d’une grande habilité en mêlant des éléments de comédie à la tragédie, enrichie d’évènements historiques comme le massacre de Damour en 1976. Rares sont les cinéastes qui parviennent à insérer l’humour dans un contexte d’une telle gravité. Démarré comme une farce, le film prend ensuite la forme d’un film de procès, avec dévoilement progressif des motivations profondes de chacun. Plus le film avance et le plus l’intensité du propos s’insinue. Plus admirable encore, Ziad Doueiri ne prend finalement pas parti, non pas en renvoyant dos à dos les protagonistes (ce qui est toujours un peu une facilité) mais en montrant une voie possible vers la réconciliation. Assez justement, son film a connu un certain succès international, il a même été nominé aux Oscars.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Adel Karam, Kamel El Basha, Rita Hayek
Voir la fiche du film et la filmographie de Ziad Doueiri sur le site IMDB.

L'insulte
Adel Karam et Kamel El Basha dans L’insulte de Ziad Doueiri.

25 janvier 2008

Intolérance (1916) de David W. Griffith

Titre original : « Intolerance: Love’s struggle throughout the ages »

IntoléranceLui :
Intolérance sortit un an après Naissance d’une Nation pour lequel Griffith s’était vu accusé d’encourager un certain racisme. Il voulu donc, en réponse, faire une vaste fresque contre l’intolérance à travers les âges en prenant quatre moments historiques et en les entremêlant pour créer des parallèles. Ce montage, habile et audacieux (mais engendrant toutefois une certaine confusion chez le spectateur), s’accélère pour devenir bien plus rapide vers le fin du film. Les quatre séquences sont inégales en importance dans le montage final, puisque celle sur la Passion du Christ est plus une simple évocation et celle sur le Massacre de la Saint-Barthélemy (par Catherine de Médicis en 1572) est globalement plus brève que les deux morceaux principaux : The Mother and the Law qui se déroule à l’époque actuelle en 1914 et Le Festin de Balthazar dans Babylone, en 539 avant J.C.

IntoléranceComme cela a toujours été souligné par les historiens du cinéma, Intolérance forme un ensemble hétéroclite et assez peu convaincant quant au fond (prôner la tolérance) mais les séquences babyloniennes restent l’un des plus grands spectacles qu’Hollywood ait pu créer de toute son histoire : Griffith utilisa un gigantesque plateau de 2 kilomètres de long avec des décors hauts comme une maison de six étages et des milliers de figurants. Le résultat est à la hauteur des moyens utilisés avec des scènes du siège de Babylone par Cyrus assez phénoménales.

Le film fut un échec commercial, du fait de ses faiblesses mais aussi parce qu’en 1917 les Etats-Unis entreront en guerre et les messages pacifiques n’auront plus beaucoup droit de cité. En 1919, pour récupérer un peu d’argent, Griffith sortira séparément The Fall of Babylon et The Mother and the Law. L’historien George Sadoul rapporte avoir vu The Mother and the Law ainsi monté seul et l’avoir trouvé d’une grande puissance alors que, intégré dans Intolérance, il est un peu écrasé par la magnificence de Babylone. Il faut d’ailleurs savoir que Griffith l’avait tourné avant même Naissance d’une Nation mais ne l’avait pas sorti, redoutant sans doute les effets de son message social (il montre la répression aveugle et sanglante d’une grève). Malgré son côté disparate, Intolérance a marqué l’histoire du cinéma, son influence sur les jeunes cinéastes russes comme Eisenstein est souvent citée. Il reste donc très intéressant à visionner presque un siècle plus tard.
Note : 4 eacute;toiles

Acteurs: Mae Marsh, Robert Harron, Constance Talmadge, Alfred Paget
Voir la fiche du film et la filmographie de D.W. Griffith sur le site imdb.com.
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Note : Le montage initial d’Intolérance de 275 minutes a été perdu très tôt. Griffith fit des nouveaux montages pour ressortir le film en 1926 et 1933. La version que nous pouvons voir actuellement dure un peu plus de 150 minutes avec des teintures d’images un peu marquées.

Note : Dans Les trois âges (1923), Buster Keaton utilisera la même construction qu’Intolérance, plus dans un esprit de parodie que d’hommage cependant.