Joe Gardner, pianiste et professeur de musique au collège vivant à New York, n’a qu’un rêve : devenir musicien de jazz professionnel. Euphorique en rentrant chez lui après avoir été engagé, il fait une chute mortelle dans une bouche d’égout et se retrouve à l’état d’âme en route pour le « Grand Après ». Il essaie de s’échapper mais finit dans le « Grand Avant », là où les âmes sont préparées à la vie… Soul (le titre est à prendre, non pas dans son sens musical, mais dans le sens « âme ») est un film d’animation américain réalisé par Pete Docter et Kemp Powers, produit par Pixar. Tous deux en ont écrit le scénario avec en outre Mike Jones. C’est une histoire originale et charmante qui prône de profiter de chaque instant de la vie. Original, il l’est par ses images, essentiellement dans le monde des âmes qui sont de mignonnes petites boules avec des personnages instructeurs en fil de fer. Original, il l’est aussi par son thème philosophique : le propos est assez intelligent, adulte tout en restant accessible aux enfants. Les quelques morceaux de jazz sont excellents. Le film forme un bel ensemble harmonieux. Une vraie réussite. Elle: – Lui :
Deux femmes journalistes au New York Times enquêtent sur les rumeurs de harcèlement et d’agressions sexuelles dans le milieu du cinéma… She Said est un film américain réalisé par l’allemande Maria Schrader (1). Adapté du livre homonyme des journalistes Jodi Kantor et Megan Twohey, il retrace leur parcours journalistique de 2017 qui a révélé l’affaire Harvey Weinstein. Qu’Hollywood consacre un film à cette enquête, qui a bouleversé notre société à l’échelle mondiale en engendrant le mouvement #MeToo, paraît être la moindre des choses. Le récit est un peu plat mais il a le mérite d’être conforme à la réalité et de montrer la difficulté à libérer la parole des femmes et à trouver des preuves. Aurait-il fallu créer artificiellement des moments de suspense pour rendre ce récit plus prenant ? La réponse est loin d’être évidente. En fait, il faut prendre ce film comme un témoignage, un semi-documentaire (2). Vu ainsi, il est intéressant à voir et il est loin d’être inutile. Elle: – Lui :
(1) L’allemande Maria Schrader n’a aucun lien de parenté avec l’américain Paul Schrader. (2) A noter : sur le sujet, L’Intouchable est un film documentaire britannique très complet, réalisé par Ursula Macfarlane en 2019.
Zoe Kazan, Carey Mulligan, Andre Braugher et Patricia Clarkson dans She Said de Maria Schrader.
Hanté par un lourd passé, Mad Max estime que le meilleur moyen de survivre est de rester seul. Cependant, il est capturé par une bande du terrible Immortan Joe. Lorsque l’Imperator Furiosa s’enfuit avec un convoi, Max entravé se retrouve embarqué dans la horde des poursuivants… Quatrième opus de la série, Mad Max: Fury Road est un film post-apocalyptique australien réalisé par George Miller. Il marque le retour du héros australien au cinéma après trente ans d’absence. L’acteur britannique Tom Hardy succède à Mel Gibson dans le rôle-titre. A défaut d’étoffer le scénario, George Miller a voulu créer un spectacle plus hallucinant que jamais. Les véhicules sont délirants et les combats à pleine vitesse ébouriffants. Bien entendu, on peut trouver tout cela assez limité mais il faut reconnaitre à George Miller une grande originalité : on ne retrouve ici aucun des codes des films hollywoodiens. Gros succès public et critique. Elle: – Lui :
Série des Mad Max, tous réalisé par George Miller : 1) Mad Max (1979) 2) Mad Max 2 : Le Défi (1981) 3) Mad Max 3 : Au-delà du dôme du tonnerre (1985) 4) Mad Max : Fury Road (2015)
En 1952 dans le New Jersey, le jeune Samuel « Sammy » Fabelman se rend avec ses parents au cinéma pour la première fois. Il en ressort subjugué mais aussi très marqué par la scène spectaculaire de l’accident de train. Peu après, Sammy recrée cette scène avec son train électrique, qu’il filme avec la caméra de son père… The Fabelmans est un film américain coécrit et réalisé par Steven Spielberg. C’est un film semi-autobiographique où il met en scène ses propres souvenirs d’enfance. Bien entendu, il y est question de cinéma mais le sujet central est plutôt le couple formé par ses parents, qui va montrer de plus en plus de difficultés, avant de se rompre. Le récit est très long (2h30), Spielberg prend tout son temps pour nous parler de sa mère dont la personnalité très complexe est bien restituée par le jeu de Michelle Williams. Mais l’ensemble finit par être un peu ennuyeux. La volonté de créer des scènes ou images magiques (danse dans les phares, projection dans les mains, … ) est un peu trop visible. Il termine son récit avec la célèbre anecdote (tenue pour véritable) de la courte leçon de cinéma de John Ford, personnifié ici par David Lynch (1). Le film n’eut pas le succès escompté aux Etats-Unis. En France, ce ne furent que louanges, du public et des critiques. Elle: Lui :
(1) En revanche, Steven Spielberg n’a pas repris l’histoire de son année clandestine chez Universal, la légende serait-elle fausse…? (Le cinéaste a raconté avoir passé toute une année dans les studios sans y être employé. Il y aurait même squatté un bureau vide et mis son nom sur la porte…)
Gabriel LaBelle dans The Fabelmans de Steven Spielberg.
Voulant offrir une belle robe à sa femme Beth pour ranimer leur idylle, Robert Gordon rencontre Sally, mannequin de la maison de couture. Le lendemain, lorsque sa femme refuse d’aller voir un spectacle avec lui, Robert propose à Sally de l’accompagner… Why Change Your Wife? (L’Échange) est une comédie réalisée par Cecil B. DeMille. Entre 1919 et 1921, Cecil B. DeMille a tourné six films d’affilée avec Gloria Swanson qui l’ont propulsée en star. Why Change Your Wife?(1) est le quatrième, ce n’est pas le plus remarquable. C’est également le premier grand rôle pour Bebe Daniels qui était auparavant aux côtés d’Harold Lloyd. L’histoire, sur une idée du frère du réalisateur, William DeMille, est une fois de plus une comédie sur le mariage qui donne de véritables leçons de vie aux spectateurs. Le propos est effroyablement misogyne : séductrice avant le mariage, la femme se transforme en cerbère triste une fois épousée, n’offrant que reproches au pauvre mari qui, malgré sa bonne volonté, finit par aller chercher ailleurs ce qu’il a perdu. L’histoire est assez simplette et n’est pas vraiment remarquable. Elle offre toutefois un prétexte pour faire rêver les spectateurs avec des robes extravagantes (qui paraissent assez compliquées à nos yeux actuels, les tenues de bain valent le détour !) (Film muet) Elle: – Lui :
(1) Ne pas confondre avec Don’t change your husband (Après la pluie, le beau temps) de 1919 qui est le premier film de DeMille avec Gloria Swanson.
Remarque : Le film est tombé dans le domaine public. Il est visible sur Archive.org.
Gloria Swanson et Thomas Meighan dans L’Échange (Why Change Your Wife?) de Cecil B. DeMille.Thomas Meighan et Bebe Daniels dans L’Échange (Why Change Your Wife?) de Cecil B. DeMille.
Tout va mal pour Bettie, une restauratrice bretonne, veuve portant élégamment la soixantaine : elle vient d’apprendre que l’homme qu’elle aime épouse une autre femme plus jeune et son restaurant est en difficulté. Au lendemain de ces mauvaises nouvelles, elle quitte soudainement le restaurant sous le prétexte d’aller acheter des cigarettes, puis décide de faire une balade afin de retrouver ses esprits… Elle s’en va est un film français réalisé par Emmanuelle Bercot. Elle en a écrit le scénario avec Jérôme Tonnerre (ancien voisin de François Truffaut). Écrit pour Catherine Deneuve, il dresse un portrait de femme sous des facettes multiples. L’angle le plus approfondi est toutefois celui de la famille, avec des relations compliquées, distendues, chargées de rancœurs et de mal-être. Mais il y aussi des rencontres, qui sont assez inattendues à défaut d’être plaisantes, et aussi chargées de clichés sur la « France profonde ». Catherine Deneuve est parfaite dans ce rôle assez difficile, capable de passer rapidement du rire aux larmes, imposant son personnage à l’écran. Emmanuelle Bercot fait jouer son propre fils qui montre un talent certain. En revanche, la chanteuse Camille ne semble pas bien à sa place en tant qu’actrice. Elle: Lui :
Titre original : « Ercole alla conquista di Atlantide »
Le devin Tirésias révèle au roi de Thèbes, Androclès, que de terribles malheurs vont s’abattre sur la Grèce à cause d’un ennemi inconnu venu d’au-delà les mers. Hercule et Androclès s’embarquent sur une galère avec Hyllos et le nain Timotéo vers une destination inconnue, qui se révèle être l’Atlantide… Hercule à la conquête de l’Atlantide est un péplum franco-italien réalisé par Vittorio Cottafavi. Dans la série des Hercule, il passe pour être l’un des plus réussis. Bien entendu, le film paraîtra kitsch à de nombreux spectateurs actuels mais l’ensemble est plaisant. Les situations sont nombreuses, le Technicolor est éclatant et les décors en carton-pâte font bien leur effet. De plus, l’humour et la dérision sont très présents. On se laisse volontiers happer par ces aventures spectaculaires, sans s’offusquer des petites lourdeurs de la mise en scène. Le demi-dieu de la mythologie grecque est interprété pour la première fois par le culturiste anglais Reg Park. À noter, une des premières apparitions de Gian Maria Volonté, dans un petit rôle. Elle: – Lui :
Reg Park dans Hercule à la conquête de l’Atlantide (Ercole alla conquista di Atlantide) de Vittorio Cottafavi.Mimmo Palmara et Fay Spain (la reine Antinéa) dans Hercule à la conquête de l’Atlantide (Ercole alla conquista di Atlantide) de Vittorio Cottafavi.Gian Maria Volonté dans Hercule à la conquête de l’Atlantide (Ercole alla conquista di Atlantide) de Vittorio Cottafavi.
Alors qu’ils s’étaient perdus de vue, deux couples se retrouvent lors d’un concert de Chano Dominguez dans un bar de Madrid. Un couple invite l’autre à venir les voir dans leur maison à la campagne, ce qui sera fait six mois plus tard… Venez voir est un film espagnol écrit et réalisé par Jonás Trueba. Il est rare de voir un film avec si peu de consistance. Il ne dure que 64 minutes et ses dix premières minutes sont déjà occupées par d’interminables plans fixes (sans dialogue) sur les quatre personnages. La suite est dans la même veine, de longues scènes vides et parfois quelques dialogues insignifiants. Les deux couples sont à un moment charnière de leur vie mais ce n’est visiblement pas l’objet du film. Le seul contenu un tant soit peu consistant, on le doit à la lecture par un personnage de quelques pages d’un livre du philosophe allemand Peter Sloterdijk. Le cinéaste assume le vide de son film : « Je voulais revendiquer, dans les temps qui courent, qu’on peut avoir envie d’aller au cinéma pour voir un film aussi simple que celui-ci. » Une partie de la Critique semble avoir apprécié cette simplicité. Elle: Lui :
Dessinateur de bandes dessinées, Giorgio s’est retiré de la vie parisienne, où il a femme et enfants, pour aller vivre avec son chien Melampo sur un îlot rocheux au sud de la Corse. Sa vie se voit perturbée par l’arrivée de Liza, une belle jeune femme assez snob. Ne supportant pas l’indifférence de Giorgio, en un étrange jeu cruel, elle tue le chien. Désormais seule en face de Giorgio, elle décide de prendre la place de l’animal… Liza est un film franco-italien réalisé par Marco Ferreri. Adaptation du roman Melampo d’Ennio Flaiano, le scénario a été écrit par Jean-Claude Carrière et Marco Ferreri. L’histoire met en scène une relation d’amour à sens unique très inhabituelle. Contrairement à ce que l’affiche laisse supposer, il n’y a rien de scabreux, ce n’est pas une relation sadomasochiste (la laisse de l’affiche ci-dessus a été ajoutée par les commerciaux). Non, c’est juste une relation étrange et l’on ne perçoit pas toutes les motivations de deux protagonistes. Ferreri était hanté par l’idée de bestialité à l’époque et (d’après Jean-Claude Carrière) il avait surtout très envie de tourner avec Mastroianni et Deneuve. Le couple s’était formé peu auparavant sur le tournage de Ça n’arrive qu’aux autres de Nadine Trintignant au grand bonheur des tabloïds. Pour Mastroianni, c’est une nouvelle occasion de tourner en français, langue qu’il maitrise parfaitement. Le décor est assez magique : les Îles Lavezzi au sud de la Corse, désertiques, avec des superbes rochers et un soleil éblouissant. Liza est un film original, étrange, d’une belle personnalité. Elle: – Lui :
Caprice à l’italienne est un film à sketches italien réalisé par Mario Monicelli, Pier Paolo Pasolini, Mauro Bolognini, Steno, Pino Zac et Franco Rossi. Hélas, le résultat n’est pas à la hauteur de ces signatures prestigieuses. Souvent, seule l’idée de départ est amusante. Très moyen, le sketch de Steno n’est sauvé que par les nombreux déguisements de Totò. Celui de Pino Zac/Franco Rossi est mauvais et un poil raciste. Insignifiant, celui de Monicelli est heureusement très court. Les plus intéressants sont les deux sketches signés Bolognini qui s’amuse avec des traits de caractères (mais ils sont tous deux passablement misogynes) et le sketch de Pasolini (« C’est quoi les nuages ? ») qui apparaît un peu hors-classe et d’une indéniable profondeur. Le cinéaste propose une réflexion sur la notion de spectacle : notre vie est un spectacle où nous sommes des marionnettes tirées par des ficelles invisibles, impuissants à comprendre les idéologies que ceux qui les tirent. La vraie vie intervient finalement par une révolte des spectateurs qui changent l’issue de la pièce. L’épilogue est joliment poétique. Le défaut de Pasolini est toutefois de ne pas être toujours facilement accessible (1). Ce court film de Pasolini est la dernière apparition de Totò à l’écran qui décèdera peu après le tournage. Elle: – Lui :
(1) Un exemple : Le générique de son sketch s’inscrit sur une reproduction des « Ménines », le tableau de Velasquez. Or, ce tableau a été analysé en profondeur par Michel Foucault deux ans plus tôt : tous les regards convergent vers le hors champ, vers le spectateur, c’est-à-dire dans le cas de Velasquez, vers le Roi et la Reine. Ainsi, ce n’est pas le spectacle de la cour qui est diégétisé mais celui de la vie dans laquelle nous ne serions que des pantins. (Explication donnée par Martine Boyer et Muriel Tinel dans leur ouvrage « Les films de Pier Paolo Pasolini », Dark Star 2002.)
Ninetto Davoli et Totò dans le sketch de Pasolini de Caprice à l’italienne (Capriccio all’italiana)
Les sketches : 1) Il mostro della domenica (Le monstre du dimanche), réalisé par Steno. Importuné par les hippies, un riche bourgeois les enlève pour leur raser le crâne. 2) Perchè? (Pourquoi ?), réalisé par Mauro Bolognini. Dans un embouteillage, une femme pousse son mari à se faufiler entre les voitures. 3) Che cosa sono le nuvole? (C’est quoi les nuages ?) (22 min), réalisé par Pier Paolo Pasolini, assisté de Sergio Citti. Des marionettes interprètent Othello avant que le public n’intervienne. 4) Viaggio di lavoro (Voyage d’affaires), réalisé par Pino Zac et Franco Rossi. Lors d’une tournée en Afrique, la reine d’un pays européen se trompe de discours et fait l’éloge du pays ennemi. 5) La bambinaia (La nourrice), réalisé par Mario Monicelli. Une gouvernante interdit aux enfants les bandes dessinées supposées violentes et leur raconte des contes de Perrault encore plus terrifiants. 6) La gelosa (La jalouse), réalisé par Mauro Bolognini. Une femme montre une jalousie maladive et suit partout son mari.