11 juin 2016

La Courtisane (1931) de Robert Z. Leonard

Titre original : « Susan Lenox <Her Fall and Rise> »

La CourtisaneHelga, une jeune fille orpheline s’échappe du domicile de ses beaux-parents pauvres pour éviter d’être mariée de force à un rustre. Elle se réfugie chez un jeune ingénieur et ils tombent amoureux l’un de l’autre. Alors qu’il est en déplacement, le beau-père la retrouve et elle doit s’enfuir de nouveau… Susan Lenox (Her Fall and Rise) est adapté d’un volumineux roman à scandale et il a fallu une quinzaine de scénaristes pour en venir à bout. Pour le film, la MGM a décidé de mettre leur plus grande star, Greta Garbo, face à un acteur qu’ils sentent promis à un grand avenir, Clark Gable. Sans surprise (quand on connait leurs tempéraments respectifs), les deux acteurs ne s’entendirent pas très bien : Greta Garbo trouva Clark Gable vulgaire, et Clark Gable trouva Garbo distante. Ce sera leur seul film ensemble. Malgré toute l’expérience de Robert Z. Leonard (1), Susan Lenox montre un flagrant manque d’unité, il y a y un peu de tout : drame social, comédie (toute la scène où ils se rencontrent préfigure étonnamment les comédies screwball), drame mondain, un petit zeste de licence et même un soupçon d’exotisme. Sur le fond, le thème est celui d’une femme victime de ses origines et du jugement des autres La Courtisanealors qu’elle n’aspire qu’à l’amour et au bonheur. Greta Garbo montre comme toujours la formidable expressivité de son visage qu’elle semble manier à sa guise pour exprimer toute une palette de sentiments. La différence avec Clark Gable, qui n’a jamais pratiqué le cinéma muet, est sur ce plan assez flagrante. Le film connut un certain succès à sa sortie.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Greta Garbo, Clark Gable, Jean Hersholt, Alan Hale
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Z. Leonard sur le site IMDB.

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Voir les livres sur Greta Garbo

Remarques :
* L’auteur David Graham Phillips fut assassiné à New York en 1911 par un détraqué qui était persuadé qu’il avait basé un de ses romans sur l’histoire de sa soeur. Le roman Susan Lenox (Her Fall and Rise), qu’il n’avait pu publier du fait de son sujet réputé scandaleux, ne sortit en librairies qu’en 1917, soit 6 ans après sa mort. Outre ses romans de fiction, David Graham Phillips a écrit une série d’articles sur la corruption du Sénat qui ont eu de grandes répercussions.

* La réputation du roman était telle que la censure anglaise a interdit le film avant même de le visionner. La MGM parvint à le sortir dans une version écourtée sous le titre The Rise of Helga.

* Amusant : Bien que ce soit très court, il semble bien que l’air que siffle Clark Gable quand il sèche les vêtements d’Helga soit Singin’ in the Rain (rappelons que la chanson est bien antérieure au film homonyme). C’est d’autant plus probable que Robert Z. Leonard avait déjà utilisé le morceau dans son film La Divorcée (1930).

(1) A noter que Robert Z. Leonard est plutôt un spécialiste des mélodrames mondains.

Susan Lenox
Greta Garbo et Clark Gable dans La Courtisane de Robert Z. Leonard (photo publicitaire proche d’une scène du film).

Susan Lenox
Clark Gable et Greta Garbo pour La Courtisane de Robert Z. Leonard (photo publicitaire qui n’est pas une scène du film).

10 juin 2016

Marie Walewska (1937) de Clarence Brown

Titre original : « Conquest »

Marie WalewskaPologne, 1807. Comme beaucoup de polonais, la comtesse Walewska voient en Napoléon un libérateur des jougs russe et prussien. C’est donc avec un mélange d’admiration et de ferveur patriotique qu’elle rencontre l’empereur. Napoléon tombe instantanément sous son charme… Marie Walewska est un des ces films où Hollywood romance l’Histoire pour servir au plus grand nombre une belle histoire d’amour, de quoi hérisser le poil de tout historien fervent. C’est ici l’histoire de celle qui fut la maitresse de Napoléon de 1807 à 1815, parfois désignée comme « la femme polonaise » de Napoléon. C’est le septième (et ultime) film de Garbo sous la direction de Clarence Brown qui sait donc bien manier la ténébreuse actrice, intimidante pour ses partenaires. Il n’est pas facile de trouver un acteur de sa stature à lui opposer mais force est de constater que Charles Boyer, à défaut d’être parfaitement crédible en Napoléon, est entièrement à la hauteur. L’acteur originaire de Figeac est alors au sommet de sa gloire ; il fait preuve ici d’une palette assez riche de jeu. Certes, il n’y a pas de chimie particulière entre les deux acteurs mais cela sied bien aux personnages. Garbo montre toute la force de son jeu, autant dans la mélancolie, ce qui est habituel, que dans la gaité, ce qui l’est moins. Le film bénéficia de tous les soins, le tournage fut particulièrement long (cinq mois). Malgré cela, le film n’eut qu’un succès relatif et se révéla être un grand gouffre financier pour la MGM. Il n’est pas mineur pour autant mais sans doute manque t-il d’une ou deux scènes de grande envergure qui lui auraient certainement donné de l’ampleur.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Greta Garbo, Charles Boyer, Reginald Owen
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Remarques :
* Conquest est souvent présenté comme le film qui a initié la chute de Greta Garbo. De fait, alors qu’elle a touché 500 000 dollars pour faire ce film (soit l’équivalent de 8 millions de dollars de 2016), elle ne touchera que 125 000 dollars pour son film suivant (le délicieux Ninotchka de Lubitsch) soit quatre fois moins.
* Certaines scènes auraient été tournées par Gustav Machatý (le réalisateur austro-hongrois découvreur d’Hedy Lamarr) durant une brève abscence de Clarence Brown pour cause de maladie.
* Le budget du film fut de 2,7 millions de dollars (soit le double de celui de Camille) et n’en rapporta que la moitié. La perte de 1,4 millions fut la plus lourde perte enregistrée pour un seul film par la MGM pour les années 20, 30 et 40.
Nota : à titre de comparaison, le budget de de Gone with the Wind l’année suivante sera de 3,9 millions, nous sommes donc là dans les plus gros budgets.

Marie Walewska
Greta Garbo et Charles Boyer dans Marie Walewska de Clarence Brown.

4 juin 2016

Le Voile des illusions (1934) de Richard Boleslawski

Titre original : « The Painted Veil »

Le Voile des illusions Une jeune femme autrichienne épouse un médecin-chercheur, collaborateur de son père, et le suit à Hong Kong où il va soigner le choléra. Là, son mari étant accaparé par son travail, elle se laisse séduire par un diplomate anglais… Le Voile des illusions est adapté du roman de Somerset Maugham. Ce mélodrame fortement teinté d’exotisme repose sur un triangle amoureux. Si le film n’est aussi puissant qu’espéré, ce n’est pas tant du fait de Greta Garbo qui fait une belle prestation, d’une grande expressivité, notamment de son visage, dans le dernier tiers du film, mais plutôt de ses deux partenaires masculins. George Brent est particulièrement fade et sans saveur et Herbert Marshall, tout en ayant un jeu bien supérieur, n’est pas ici à son meilleur. De ce fait, Le Voile des illusions est souvent décrit, assez injustement, comme un film assez mou. Le film rencontra un franc succès en Europe mais, tout comme le précédent film de Garbo, le très beau La Reine Christine, ne toucha pas le public américain et fut donc considéré par ses producteurs comme un échec.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Greta Garbo, Herbert Marshall, George Brent, Warner Oland
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Remarques :
* Certaines scènes ont été tournées par George Hill en Chine. Elles seront réutilisées par The Good Earth (Visages d’Orient) de Sidney Franklin (1937).
* Durant le tournage, Garbo s’est prise d’amitié pour George Brent qui était, comme elle, assez solitaire. Ils passaient tant de temps ensemble que des rumeurs de liaison ont commencé à circuler. George Brent a raconté à des amis qu’il allait épouser Greta Garbo mais ce n’était visiblement pas dans les projets de l’actrice puisqu’ils se virent de moins en moins une fois le tournage terminé.

Remakes :
La passe dangereuse (The seventh sin) de Ronald Neame (1957) avec Eleanor Parker et Jean-Pierre Aumont
le Voile des illusions (The Painted Veil) (2006), beau film de John Curran avec Naomi Watts, Edward Norton

Le Voile des illusions
Greta Garbo dans Le Voile des illusions de Richard Boleslawski.

Le Voile des illusions
Greta Garbo et George Brent : 5 ans avant Ninotchka, Garbo rit dans Le Voile des illusions de Richard Boleslawski.

Le Voile des illusions
Greta Garbo et Herbert Marshall dans Le Voile des illusions de Richard Boleslawski (photo publicitaire, le film n’est pas en couleurs).

25 mai 2016

L’Ange bleu (1930) de Josef von Sternberg

Titre original : « Der blaue Engel »

L'ange bleuDans une petite ville d’Allemagne, un professeur âgé découvre que ses élèves fréquentent le cabaret L’ange bleu où se produit la fameuse Lola. Il décide d’aller sur place pour se plaindre mais tombe sous le charme de la chanteuse… Adapté d’un roman d’Heinrich Mann, L’Ange bleu est le premier film de Josef von Sternberg avec Marlene Dietrich. C’est aussi le premier film allemand parlant. Cette histoire de déchéance sociale par attirance sexuelle est superbement mise en images par von Sternberg qui transforme le cabaret en un monde à part, assez tourbillonnant, avec de nombreux personnages secondaires. Eclairages et décors génèrent une atmosphère prenante, très allemande, proche du Kammerspiel (1).  Si le film est bien entendu connu pour avoir lancé Marlene Dietrich à la face du monde, il est aussi illuminé par la performance d’Emil Jannings, très grand acteur alors très connu et que Sternberg avait déjà dirigé à Hollywood (2). Son jeu très expressif peut dérouter le spectateur moderne mais il a une forte présence et une belle palette de sentiments. Il personnifie à lui seul la petite bourgeoisie sous toutes ses formes. Face à lui, Marlene Dietrich se montre enjôleuse et même aguicheuse avec, elle aussi, une très forte présence à l’écran. Sa pose sur le tonneau attirant sa jambe vers elle est devenue une icône qui a traversé le temps. L’Ange bleu n’a pas la sophistication des films suivants de von Sternberg avec Marlene Dietrich, mais ce caractère un peu brut lui permet justement de conserver presque toute sa force évocatrice aujourd’hui.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Emil Jannings, Marlene Dietrich, Kurt Gerron
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Voir les livres sur Josef von Sternberg

(1) Le Kammerspiel (ou Kammerspiel film, en français film de chambre) est un courant de l’histoire du théâtre et du cinéma allemand des années 1920. Issu des travaux du metteur en scène de théâtre Max Reinhardt, le Kammerspiel respecte le principe des trois unités : unité de lieu, unité de temps, unité d’action. Le Kammerspiel est un naturalisme intimiste et social qui s’oppose seulement en partie à l’expressionnisme.

(2) Après une belle carrière en Allemagne (sous la direction notamment de Lubitsch, Murnau, Wiene, Paul Leni, Arthur Robison), Emil Jannings avait traversé l’Atlantique pour poursuivre sa carrière à Hollywood où il fut oscarisé (pour The Last Command de Josef von Sternberg, 1928 et pour The Way of All Flesh de Victor Fleming, 1927) mais l’avènement du parlant l’obligea à renter en Allemagne car son accent germanique était trop prononcé. Il termina sa carrière en Allemagne, tournant plusieurs films (notamment historiques) sous le régime nazi.

L'ange Bleu
Marlene Dietrich dans L’Ange bleu de Josef von Sternberg chantant son célèbre « Ich bin von Kopf bis Fuss auf Liebe eingestellt… » (De la tête aux pieds, je suis faite pour l’amour, c’est là mon univers sinon il n’y a rien.)

L'ange bleu
Marlene Dietrich et Emil Jannings dans L’Ange bleu de Josef von Sternberg.

L'ange bleu
Josef von Sternberg et Emil Jannings sur le tournage de L’Ange bleu de Josef von Sternberg.

20 mai 2016

Les Nuits moscovites (1934) de Alexis Granowsky

Les nuits moscovitesA Moscou, en 1916, le Capitaine Ignatoff est soigné à l’hôpital militaire par l’infirmière Natacha dont il tombe instantanément amoureux. La jeune femme est hélas promise par sa famille à un riche négociant, fournisseur de l’armée, bien plus âgé qu’elle et peu avenant…
Alexis Granowsky (1890-1937) est un réalisateur d’origine russe ; premier film en URSS (1925) qui lui causa quelques soucis avec la censure, puis deux films en Allemagne (1931) et quatre films en France dont Les Nuits moscovites adapté d’une histoire de Pierre Benoît que l’auteur choisira de ne pas publier (déjà, ça s’annonce mal). Le film, il faut bien l’avouer, n’a pas grand-chose pour lui : l’histoire est très banale, il est mal dirigé, mal monté et plombé par un exotisme de pacotille. Malgré l’appui de moult musiques entrainantes tsiganes (dont le russe, c’est bien connu, est gros consommateur), on ne croit pas un seul instant à cette Russie toc et francisée. Et quoi de plus naturel que Tino Rossi habillé en napolitain vienne à Moscou pousser la chansonnette en français accompagné par un orchestre russe…?
L’imprécision de la direction est assez nette dans les scènes à forte figuration et a certainement déteint sur les interprétations : celle d’Annabella est très mauvaise, celle de Pierre Richard-Willm bien moyenne, trop impulsif et finalement inconsistant, seul Harry Baur s’en tire honorablement avec sa truculence habituelle (sauf dans la scène finale où il ne parvient vraiment à rien de bon). Comme toujours, on peut trouver qu’il en fait beaucoup mais il est le seul à donner un peu d’allant à cet ensemble par ailleurs bien terne. Alexis Granowsky le refera tourner pour son ultime film, Tarass Boulba en 1936.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Annabella, Harry Baur, Pierre Richard-Willm
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Les Nuits moscovites
Annabella et Harry Baur dans Les nuits moscovites de Alexis Granowsky.

11 mai 2016

Les Poupées du diable (1936) de Tod Browning

Titre original : « The Devil-Doll »

Les poupées du diableDix-sept ans après avoir mis injustement en prison par des associés malveillants, un ex-banquier parisien parvient à s’évader avec son compagnon de cellule, un savant qui travaillait sur un procédé permettant de miniaturiser un être vivant et de le faire obéir à sa volonté. Ils se réfugient chez sa femme qui a continué les recherches… Pour son avant-dernier film, Tod Browning laisse l’horreur de côté pour cette histoire qui mêle mystère et fantastique, une variation très originale sur le thème du crime parfait. Adapté d’un roman d’Abraham Merritt, le scénario a été écrit par Garrett Fort (qui avait travaillé sur Frankenstein et Dracula), Guy Endore et Erich von Stroheim. La mise en place est assez rapide et le film se déroule ensuite assez rapidement. Les effets spéciaux sont très bien réalisés, même pour des yeux modernes. L’astuce a été de tourner dans des décors gigantesques et, si des projections ont été utilisées, elles ne sont pas vraiment visibles. Lionel Barrymore passe la plus grande partie du film déguisée en vieille femme et il prend visiblement du plaisir à jouer ; il trouve le ton juste, sans en faire trop. L’histoire est très originale et assez prenante. Dans cette décennie des années trente où beaucoup de réalisateurs n’étaient que des exécutants, Tod Browning prouve, une fois de plus, qu’il est un vrai créateur.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Lionel Barrymore, Maureen O’Sullivan, Frank Lawton, Rafaela Ottiano, Henry B. Walthall
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Remarques :
* Le savant est interprété par Henry B. Walthall qui est mort peu avant la sortie du film. L’acteur a tourné dans 327 films, de 1908 à 1936. Il a accompagné la naissance du cinéma de fiction : il est présent dans de nombreux films courts de Griffith et dans Naissance d’une nation. Dans les années 20, il joue principalement dans des films de moindre importance avant que sa carrière ne reprenne de l’allant avec l’avènement du parlant.
* Dans The Unholy Three (Le Club des trois) de Tod Browning (1923), l’un des criminels se déguisait déjà en vieille femme tenant un magasin. A ce sujet, on pourra remarquer que l’un des slogans utilisés par la MGM pour la promotion du film fut « Greater than The Unholy Three ».

The Devil-Doll
Henry B. Walthall et Rafaela Ottiano dans Les poupées du diable de Tod Browning.

The Devil-Doll
Frank Lawton, Maureen O’Sullivan et Lionel Barrymore (déguisé en vieille femme) dans Les poupées du diable de Tod Browning.

3 mai 2016

Pasteur (1935) de Sacha Guitry

PasteurQuelques épisodes de la vie de Pasteur : l’abnégation du chercheur alors que la guerre est déclarée, Pasteur rejeté par les membres de l’Académie de Médecine, Pasteur soigne un enfant atteint par la rage, Pasteur malade reçoit son médecin qui lui demande d’arrêter ses recherches, Pasteur célébré à la Sorbonne par un parterre de sommités du monde entier… Pasteur est la première réalisation de Sacha Guitry (1). Il met en scène sa propre pièce, montée en 1919 avec son père Lucien Guitry dans le rôle principal. Il prend ainsi la suite de son père en interprétant lui-même cette fois le rôle du scientifique. L’ensemble est très solennel, assez rigide, très verbeux mais il est intéressant de constater que Sacha Guitry avait déjà défini certaines grandes lignes de son style cinématographique : générique au passé composé, introduction par lui-même (il ne s’adresse pas encore directement au spectateur mais à un interlocuteur anonyme visible que de dos), mise en avant du caractère narratif et ces grandes tirades qui lui sont si coutumières. Il prend ainsi rapidement possession de ce nouveau media, sans toutefois éviter quelques maladresses : la filiation avec la pièce est très marquée dans la structure même du film en tableaux, il semble déclamer parfois et le ton général manque de légèreté (mais il faut avouer que le sujet ne s’y prête guère…) Sur le fond, Guitry fustige l’ostracisme et prône les vertus du travail. Petite particularité de la pièce et donc du film : il n’y aucun rôle féminin.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Sacha Guitry, Jean Périer, José Squinquel
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Autres films sur la vie de Pasteur :
Pasteur de Jean Epstein et Jean Benoît-Lévy (1922) avec Charles Mosnier
La Vie de Pasteur (The Story of Louis Pasteur) de William Dieterle (1936) avec Paul Muni.

(1) Sacha Guitry avait toutefois réalisé un documentaire de 50 minutes en 1915, Ceux de chez nous sur quelques grands noms de la culture française.

Pasteur
François Rodon et Sacha Guitry dans Pasteur de Sacha Guitry.

2 mai 2016

Coeur de lilas (1932) de Anatole Litvak

Coeur de lilasPersuadé de l’innocence du principal suspect dans une affaire de meurtre, un inspecteur de police s’introduit sous une fausse identité dans le milieu interlope parisien. Il veut faire la connaissance de Coeur de lilas, une jeune femme qui fut la maitresse de la victime… Adapté d’une pièce de Tristan Bernard, Coeur de lilas est le premier film de l’ukrainien Anatole Litvak qui venait de fuir l’Allemagne. Le gros point faible du film est un déroulement de scénario très mou ; l’histoire semble faire du surplace. Elle s’efface pour laisser la place à de nombreuses scènes d’atmosphère des milieux populaires de l’époque : on danse, on chante et tout ce joli monde s’égaye quand la police arrive. Coeur de lilas Jean Gabin, encore peu connu, interprète un arrogant mauvais garçon ; il manifeste beaucoup de présence à l’écran, beaucoup plus que l’acteur principal André Luguet, plutôt fade. Il chante aussi avec Frehel « La Môme Caoutchouc ». Fernandel n’a qu’un tout petit rôle, garçon d’honneur à un mariage qui pousse la chansonnette. On remarquera un très beau plan d’ouverture qui nous fait suivre deux mouvements simultanés et inverses (la fanfare et le cortège des enfants). On notera également l’utilisation des guinguettes de bord de Marne qui seront un lieu privilégié de tournage pendant plusieurs décennies.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Marcelle Romée, André Luguet, Jean Gabin, Fernandel
Voir la fiche du film et la filmographie de Anatole Litvak sur le site IMDB.

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Remarques :
* L’actrice Marcelle Romée a mis fin à ses jours quelques mois après la sortie du film. Elle était âgée de 29 ans.

Coeur de lilas
Marcelle Romée dans Coeur de lilas d’Anatole Litvak.

coeur de Lilas
Fréhel et Jean Gabin dans Coeur de lilas d’Anatole Litvak.

1 mai 2016

Le Grand Amour (1931) de Otto Preminger

Titre original : « Die grosse Liebe »

Le Grand AmourDix ans après la fin de la guerre, un ancien prisonnier revient à Vienne, sa ville natale. La mère d’un soldat porté disparu le prend pour son fils. Il n’ose la contredire de peur de lui briser le coeur… Le Grand Amour est le premier film d’Otto Preminger alors âgé de 26 ans, le seul qu’il ait tourné en langue allemande. On ne peut pas dire que le réalisateur austro-hongrois fasse grand cas de cette période puisqu’il fait débuter son autobiographie en 1935 (c’est-à-dire au moment où il a émigré aux Etats-Unis) et c’est à peine s’il mentionne au détour d’une phrase « un petit film que j’avais auparavant dirigé ». Effectivement, ce film de jeunesse n’est pas vraiment remarquable. C’est un mélodrame dont l’histoire est assez classique et peu développée. On notera toutefois une satire de l’optimisme économique (où les gens se forcent à dire que ça va mieux), la critique de la bureaucratie et la satire des riches commerçants parvenus qui font des fêtes assez tapageuses. Preminger s’amuse à réaliser une petite prouesse technique, un panoramique à 360 degrés dans une pièce fermée (on peut supposer que les fils viennent du sol ou du plafond). Otto Preminger réalisera son premier film américain cinq ans plus tard en 1936 et son premier « grand film » (Laura en 1944) sera son sixième.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Hansi Niese, Attila Hörbiger
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Die grosse Liebe
Hansi Niese et Attila Hörbiger dans Le Grand Amour de Otto Preminger.

Die grosse Liebe
Hansi Niese et Hugo Thimig dans Le Grand Amour de Otto Preminger.

14 avril 2016

International House (1933) de A. Edward Sutherland

International HouseA l’hôtel International House de la ville chinoise de Wu-Hu, des représentants des grandes puissances arrivent pour tenter d’acquérir l’invention du Professeur Wong : un procédé pour transmettre les images par la voie des airs… L’histoire de cette comédie loufoque et débridée n’est qu’un prétexte pour avoir des personnages très différents. Nous sommes là dans un genre proche des Marx Brothers avec des jeux de mots qui fusent et situations totalement farfelues. Face à un W.C. Fields en pleine forme (il n’apparaît qu’assez tardivement), le premier rôle féminin est tenu par Peggy Hopkins Joyce, une ex-danseuse des Ziegfeld Follies qui faisait alors régulièrement la une des journaux pour ses mariages à répétition avec des millionnaires. Elle joue son propre rôle, jouant avec son image scandaleuse et avec sa mauvaise réputation. On trouve aussi George Burns et Gracie Allen, un duo comique, ici franchement hilarant en docteur affublée d’une assistante un peu dérangée. On remarquera aussi la présence de Bela Lugosi, en agent russe et ex-mari jaloux, l’un de ses rares rôles comiques. Les démonstrations de l’invention du professeur (en fait, c’est ni plus ni moins qu’un mode primitif de télévision) sont l’occasion de petites scènes avec des vedettes de radio de l’époque mais aussi avec le crooner Rudy Vallee ou encore un morceau débridé de Cab Calloway.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Peggy Hopkins Joyce, W.C. Fields, Rudy Vallee, Stuart Erwin, George Burns, Gracie Allen, Bela Lugosi, Franklin Pangborn
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Remarques :
* Dans une scène, Peggy Hopkins Joyce se demande sur quoi elle est assise et W.C.Fields, découvrant qu’il s’agit d’un chat, s’exclame « Oh, it’s just a pussy ». Cette réplique aurait particulièrement irrité le Hays Office dont le code de censure se généralisera l’année suivante. Il faut avouer qu’ils avaient d’autres raisons d’être scandalisés par ce film qui est, de toute évidence, à classer parmi les films « pre-Code ». A noter que la chanson de Cab Calloway « Reefer Man » a été souvent censurée lors des diffusions par les télévisions américaines car il y est fortement question de drogue.

* Peggy Hopkins Joyce a fait l’objet d’un livre : Gold Digger: The Outrageous Life of Peggy Hopkins Joyce de Constance Rosenblum (Metropolitan Books/Henry Holt & Company, 2000). Elle a collectionné les maris millionnaires et les diamants. Chaplin, qui a été l’un de ses amants, se serait inspiré de ses récits pour certaines scènes de A Woman of Paris.

International House
Edmund Breese, Peggy Hopkins Joyce et W.C. Fields dans International House d’Edward Sutherland.