7 juin 2017

Love and Friendship (2016) de Whit Stillman

Love & FriendshipJeune veuve désargentée, la belle Lady Susan Vernon trouve un refuge temporaire chez son beau-frère à la campagne. Elle est prête à toutes les manœuvres et intrigues pour marier sa fille et trouver pour elle-même un beau parti… Love & Friendship est basé sur une nouvelle de jeunesse de Jane Austen, Lady Susan (écrite aux alentours de 1794 mais publié en 1871). L’écrivaine, qui n’avait alors que seize ou dix-huit ans, montre déjà un sens de l’observation pour le moins étonnant sur la haute société qui l’entoure. Son style est déjà formé : une critique sociale pointue agrémentée d’une bonne dose d’humour. Les dialogues sont assez savoureux. On ne peut s’empêcher de déceler une certaine sympathie de l’auteure pour son intrigante et cruelle héroïne qui, en fait, utilise les seules armes en sa possession pour assurer sa survie. Le début est un peu confus, original mais trop rapide. La réalisation est très soignée malgré le budget plutôt réduit. L’américain Whit Stillman est venu tourner cette histoire anglaise en Irlande. Kate Beckinsale est probablement ici dans le meilleur rôle de sa carrière. La musique mérite également une mention particulière. Un film très réussi.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Kate Beckinsale, Morfydd Clark, Chloë Sevigny, Xavier Samuel, Emma Greenwell
Voir la fiche du film et la filmographie de Whit Stillman sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Remarque :
* Le château Churchill Estate est en réalité le Howth Castle, situé sur la presqu’île de Howth, à deux pas de Dublin.

Love & Frienship
Chloë Sevigny et Kate Beckinsale dans Love & Friendship de Whit Stillman.

Love and Friendship
Emma Greenwell et Xavier Samuel dans Love & Friendship de Whit Stillman.

Love and Friendship
Kate Beckinsale dans Love & Friendship de Whit Stillman.

6 juin 2017

Charles mort ou vif (1969) de Alain Tanner

Charles mort ou vifLe quinquagénaire Charles est à la tête d’une entreprise familiale de pièces de montres. Il en a hérité de son père et son fils prendra sa succession. A la suite d’une interview pour la télévision, il réfléchit à sa vie et décide de ne pas rentrer chez lui… Charles mort ou vif est le premier long métrage du suisse Alain Tanner. Il en a écrit le scénario qui nous fait suivre un homme qui refuse de continuer à tenir le rôle qui lui a été imposé par d’autres, en l’occurrence sa famille et la société en général. Il était « mort » et devient « vif » en retrouvant son libre arbitre. Ce film s’inscrit ainsi pleinement dans son époque, post-Mai 68, où le thème « on arrête tout et on réfléchit » était porté par cette volonté de refuser une société trop formatée. Nos yeux modernes (ou serait-ce simplement l’âge du spectateur qui a avancé …?) peuvent trouver décevant que cette démarche aboutisse sur pas grand-chose : Charles se contente de vivoter avec un couple de semi-marginaux rencontrés par hasard. Il n’est d’ailleurs pas plus heureux et ses questionnements existentiels persistent à ne pas trouver de réponses. La mise en place est assez longue. Alain Tanner parsème son histoire d’allégories (il casse ses lunettes qui l’empêchent de bien voir) et surtout d’un humour par petites touches (son discours sur les méfaits de l’automobile est très amusant). Charles mort ou vif a connu un bon succès mais c’est surtout avec son film suivant, La Salamandre, qu’Alain Tanner se fera vraiment connaître.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: François Simon, Marcel Robert, Marie-Claire Dufour
Voir la fiche du film et la filmographie de Alain Tanner sur le site IMDB.

Voir les autres films de Alain Tanner chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Alain Tanner

Charles mort ou vif
Marie-Claire Dufour, Marcel Robert et François Simon (qui est, rappelons-le, le fils de Michel Simon) dans Charles mort ou vif de Alain Tanner.

11 mai 2017

Lucrezia Borgia (1940) de Hans Hinrich

Lucrezia Borgia1508. Lucrèce Borgia est l’épouse du Duc de Ferrare qui est en permanence suspicieux. Elle ignore pourtant les nombreux prétendants qui l’entourent… Acteur puis metteur en scène de théâtre avant de passer au cinéma, l’allemand Hans Hinrich s’est réfugié en Italie pour fuir le nazisme. Son Lucrezia Borgia se concentre sur la dernière partie de la vie de la fille du pape Alexandre VI, après la mort de son frère César, alors qu’elle devient une protectrice des arts à Ferrare. Le film semble ainsi prendre la suite du film qu’Abel Gance a tourné cinq ans plus tôt et, tout comme ce dernier, la présente plutôt comme une victime qu’une intrigante, victime des passions qu’elle suscite par sa beauté. L’ensemble manque un peu d’intensité, mais la réalisation demeure plus qu’honorable et cette version très peu connue est loin d’être la moins intéressante. Isa Pola est très convaincante dans son rôle. A noter une séquence qui montre en détail la fabrication d’un canon.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Isa Pola, Friedrich Benfer, Carlo Ninchi, Nerio Bernardi
Voir la fiche du film et la filmographie de Hans Hinrich sur le site IMDB.

Lucrezia Borgia
Nerio Bernardi, Guido Lazzarini, Isa Pola et Carlo Ninchi dans Lucrezia Borgia de Hans Hinrich.

Lucrezia Borgia
Friedrich Benfer et Isa Pola dans Lucrezia Borgia de Hans Hinrich.

9 mai 2017

Lucrèce Borgia (1922) de Richard Oswald

Titre original : « Lucrezia Borgia »

Lucrèce Borgia1498 à Rome. César Borgia tue et assassine tous ceux qui approchent sa cousine (!?) Lucrèce qui est sur le point d’épouser en secondes noces Alphonse d’Aragon… Basé sur un roman d’Harry Scheff, ce film allemand de Richard Oswald est la première grande adaptation des Borgia au cinéma. Marqué par la forte présence de l’acteur Conrad Veidt, le film s’inscrit dans la vogue des films historiques allemands de la première moitié des années vingt. Le scénario est assez confus, prend d’importantes libertés historiques, fait totalement l’impasse sur les motivations politiques de César (d’ailleurs Machiavel est absent). Tout est centré sur le caractère vil et criminel de César Borgia. Conrad Veidt a un jeu très appuyé, prenant souvent des postures menaçantes mais il est incontestablement le pivot du film. La production semble importante. Les scènes de bataille notamment, l’attaque d’un château fortifié vers la fin du film, sont d’une rare ampleur par le décor et une figuration massive. Les quelque 2h10 paraissent toutefois bien longues. (film muet)
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Conrad Veidt, Liane Haid, Albert Bassermann
Voir la fiche du film et la filmographie de Richard Oswald sur le site IMDB.

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Remarques :
* Etrangement, dans la version américaine visionnée, César et son frère ne sont pas les fils d’Alexandre VI mais ses neveux et, en outre, ils sont les cousins de Lucrèce. Il est probable que cette bizarrerie soit due aux intertitres américains. César n’est donc plus amoureux de sa soeur mais de sa cousine… ce qui est tout de même un peu plus convenable!

* Dans son livre L’écran démoniaque, Lotte H. Eisner souligne l’influence du metteur en scène de théâtre Max Reinhardt sur ces films historiques allemands des années vingt et sur celui-ci en particulier.

* Une scène est étrange par son anachronisme : César Borgia ordonne qu’une femme soit jetée aux lions dans une arène romaine pleine de spectateurs. Rien n’indique qu’il s’agisse d’une scène rêvée ou fantasmée. Sans doute, n’est-ce qu’une allégorie pour montrer la cruauté du personnage.

* Certains critiques américains de l’époque affirment que le film a été tourné en Italie mais, en réalité, il a été tourné en Allemagne, dans les studios de l’UFA principalement.

* C’est William Dieterle qui interprète le rôle de Sforza. Le futur réalisateur a en effet beaucoup tourné en tant qu’acteur dans les années vingt.

Lucrèce Borgia
« Je te maudis César » : Conrad Veidt et Albert Bassermann dans Lucrèce Borgia de Richard Oswald.

Lucrèce Borgia
Liane Haid et Conrad Veidt dans Lucrèce Borgia de Richard Oswald.

29 avril 2017

The Dark Valley (2014) de Andreas Prochaska

Titre original : « Das finstere Tal »

Das finstere TalFin du XIXe siècle. Dans un village isolé au milieu des montagnes, un jeune étranger arrive au début de l’hiver. La famille qui dirige le village ne l’accepte que parce qu’il paie son séjour avec des pièces d’or. Taciturne, il se présente comme photographe.… Très inhabituel en soi, The Dark Valley est un film austro-allemand et il s’agit d’un western. La transposition de l’imagerie du western dans les Alpes est intelligemment faite : on retrouve bien les chevaux, le thème du cavalier solitaire, de la famille qui dicte sa loi mais les armes sont moins répandues et les spécificités des montagnes et du climat hivernal sont bien utilisées. Les ressorts du scénario sont assez habituels du genre ce qui contribue à donner à l’ensemble un certain classicisme plutôt attrayant. Tout au plus, pourrait-on reprocher à Andreas Prochaska d’avoir trop appuyé le caractère taciturne et mystérieux du héros (Sam Riley, qui est anglais, n’a pas du avoir trop de mal à apprendre son texte, il ne doit guère prononcer plus d’une vingtaine de phrases…) mais il a ainsi su créer une atmosphère forte. Le rythme est lent mais sans excès, la photographie est assez belle. S’il est disponible en DVD, The Dark Valley n’a pas été distribué en salles en France ce qui est fort dommage car ce « western alpin » mérite vraiment d’être remarqué.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sam Riley, Tobias Moretti, Paula Beer, Thomas Schubert
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Remarques :
* Le film est basé sur le roman homonyme de l’allemand Thomas Willmann qui a été traduit en français sous le titre Sombre Vallée (Ed. Belfond, 2016).
* Le réalisateur autrichien Andreas Prochaska signe ici son cinquième long métrage. Il a aussi réalisé de nombreuses séries pour la télévision.

The Dark Valley
Sam Riley dans Das finstere Tal de Andreas Prochaska.

8 avril 2017

Le Continent fantastique (1977) de Juan Piquer Simón

Titre original : « Viaje al centro de la Tierra »
Titre UK : « Journey to the Center of the Earth »
Titre USA : « Where Time Began »

Viaje al centro de la TierraEn 1898 à Hambourg, le professeur Otto Lidenbrock achète à un homme mystérieux un vieux livre écrit par un certain Saknussemm. Celui-ci indique un passage pour pénétrer dans les entrailles de la Terre à partir du cratère d’un volcan en Islande. Le professeur monte rapidement une expédition… Assez bizarrement, le merveilleux livre de Jules Verne Voyage au centre de la Terre a été assez peu adapté au cinéma. Cette version espagnole n’est pas la plus remarquable, loin de là. On y retrouve bien toutes les scènes importantes mais ce récit imaginaire a perdu toute sa profondeur (c’est le cas de le dire…) et les évènements s’enchaînent assez platement. De plus, les scénaristes ont ajouté un élément assez ridicule de voyage dans le temps (ou extra-terrestre ?) qui n’apporte vraiment rien. C’est le premier long métrage de Juan Piquer Simón qui se spécialisera ensuite dans les films d’horreur de série B.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Kenneth More, Pep Munné, Ivonne Sentis
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Remarque :
* En préambule, le réalisateur montre quelques images du film de Méliès Le Voyage dans la lune et déclare que son film est un hommage aux pionniers du cinéma.

When Time beganViaje al centro de la Tierra de Juan Piquer Simón.

Adaptations du roman de Jules Verne :
Voyage au centre de la Terre de Segundo de Chomón (1910)
Voyage au centre de la Terre (Journey to the Center of the Earth) de Henry Levin (1959) avec Pat Boone et James Mason
Viaje al centro de la Tierra de Juan Piquer Simón (1977)
Voyage au centre de la Terre de Eric Brevig (2008)

17 mars 2017

Jusqu’au bout du monde (1991) de Wim Wenders

Titre original : « Bis ans Ende der Welt »

Jusqu'au bout du mondeDans un futur proche (1999), alors que la Terre est menacée par un satellite atomique dont on a perdu le contrôle, Claire Tourneur se voit confier un magot par des truands pour le convoyer. Elle prend en stop Trevor McPhee dont elle tombe amoureuse… Jusqu’au bout du monde est un film ambitieux de Wim Wenders. D’une durée initiale de neuf heures, il fut ramené à cinq puis à trois heures pour sa sortie commerciale en 1991. Le film se trouve divisé en deux parties : avant et après une explosion atomique. La première est une suite d’aventures dans plusieurs capitales du monde, une sorte d’errance où Claire recherche Trevor, le trouvant parfois pour mieux le reperdre. Rien de bien passionnant (à mes yeux du moins) si ce n’est la vision du futur que nous présente Wenders : un monde où l’image tient une grande place au travers de différents gadgets électroniques. Etrangement, la technologie semble comme usée, avec des animations ludiques dérisoires. Et c’est une technologie qui semble plus subie que choisie. Cette première partie est en outre plombée par l’interprétation très artificielle de Solveig Dommartin. La seconde partie s’apparente plus à un conte philosophique : dans un laboratoire perdu au milieu de l’Australie, un chercheur tente de transmettre des images mentales à une aveugle. Wenders s’interroge sur le pouvoir de l’image, sa capacité à dépersonnaliser l’individu si elle devient autonome, et plusieurs questions corollaires telle que : notre vécu, notre histoire peuvent-ils se caractériser par une suite d’images ? Ce sont des questions intéressantes à priori mais il est bien difficile de ne pas décrocher car l’approche de Wenders paraît inutilement alambiquée, plutôt emphatique… et le film est bien long.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: William Hurt, Solveig Dommartin, Sam Neill, Max von Sydow, Jeanne Moreau, Rüdiger Vogler
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Versions :
– Version commerciale (1991) : 179 mn (version vue ici)
– Version Director’s Cut (2015) : 280 mn (seule version disponible aujourd’hui, me semble t-il)

Jusqu'au bout du monde
Solveig Dommartin et William Hurt dans Jusqu’au bout du monde de Wim Wenders.

15 mars 2017

Les Ailes du désir (1987) de Wim Wenders

Titre original : « Der Himmel über Berlin »

Les ailes du désir A Berlin, les anges Cassiel (Otto Sander) et Damiel (Bruno Ganz) veillent sur les humains et recueillent depuis des siècles leurs monologues intérieurs et tout ce qui chez eux traduit une recherche de sens et de beauté… Les Ailes du désir marque la fin de la période américaine de Wim Wenders. Il revient en Allemagne pour signer un film sur Berlin, y mettant tout ce que la ville représente pour lui. Son film est une fable poétique et philosophique, marquée par la mélancolie et le désir de construire un avenir commun où l’amour universel et la grâce devront avoir une place. C’est aussi une réflexion sur l’Histoire, le poids du passé est très présent, celui de la guerre et de la reconstruction (ce qui a fait dire à certains que Wenders faisait son Allemagne Année Zéro) et celui de la partition de la ville, symbolisée par cette Potsdamer Platz devenue un gigantesque no man’s land entouré de ruines (le mur sera détruit deux ans plus tard). Les Ailes du désir est vraiment enthousiasmant par sa forme, avec une belle utilisation du noir et blanc (la vision des anges) et de la couleur (la vision des humains) et une merveilleuse photographie signée par le grand Henri Alekan. Le film est également plein de trouvailles cinématographiques qui ajoutent à la poésie de l’ensemble. La musique de Nick Cave and the Bad Seeds contribue à restituer l’atmosphère de la ville à la veille de la chute du Mur. Tourné sans scénario formalisé, Les Ailes du Désir apparaît au spectateur comme une véritable œuvre de création.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bruno Ganz, Solveig Dommartin, Otto Sander, Curt Bois, Peter Falk
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Voir les livres sur Les Ailes du désir
Voir les livres sur Wim Wenders
Voir les livres sur Henri Alekan

Les Ailes du désir
Solveig Dommartin dans Les Ailes du désir de Wim Wenders.

Les Ailes du désir
Bruno Ganz et Solveig Dommartin dans Les Ailes du désir de Wim Wenders.

Les Ailes du désir
Peter Falk dans Les Ailes du désir de Wim Wenders.

Remarques :
* Le personnage de Peter Falk a été ajouté à mi tournage.

* Wim Wenders raconte qu’il a inséré la mention « à suivre » en fin de film pour laisser espoir à Otto Sander qu’il pourrait lui-aussi jouer un ange qui devient humain, mais sans savoir du tout s’il ferait un tel film ou non. Il le fit néanmoins sept ans plus tard : Si loin, si proche! (In weiter Ferne, so nah!) (1993).

* Anecdote (racontée par Wenders) : n’ayant pu obtenir l’autorisation de filmer entre les deux murs (Wim Wenders avait pourtant un bon contact avec l’Est mais le fait qu’un ange puisse traverser le mur était inconcevable à leurs yeux), un décor fut reconstitué pour la scène qui s’y déroule. Pour faire plus vrai, une centaine de lapins furent introduits (car l’entre-deux-murs était le paradis des lapins) et ils devinrent un gros problème car ils n’arrêtaient pas de copuler en arrière plan. Seuls quelques-uns sont visibles à l’écran.

25 février 2017

Le Montreur d’ombres (1923) de Arthur Robison

Titre original : « Schatten – Eine nächtliche Halluzination »

Le Montreur d'ombresAux alentours de 1800, un bourgeois et sa femme reçoivent pour un dîner. La femme se complait à se laisse désirer par les invités, le mari est jaloux. Un montreur d’ombres parvient à s’introduire pour montrer son spectacle. Il va dévoiler à tous les conséquences de leur attitude et cela va leur glacer le sang… Le Montreur d’ombres est considéré comme l’un des films majeurs de l’expressionnisme allemand. Plutôt rare, il fait partie de ces films dont on entend parler mais qui restent difficiles à voir. Hormis dans un prologue qui nous présente de façon plutôt fastidieuse les personnages, le film ne comporte aucun intertitre, ce qui donne d’autant plus d’importance à l’image. Les personnages ne parlent pas d’ailleurs. L’histoire est assez simple mais joue avec subtilité sur les éclairages et les ombres dont on voit toutes les formes et toutes les fonctions : l’ombre qui trahit, l’ombre qui effraie, l’ombre qui trompe, l’ombre qui dévoile, l’ombre qui amuse et même l’ombre qui se substitue aux vivants devenus simples spectateurs de leur destin. Le sous-titre allemand est bien choisi : « Une hallucination nocturne ». Ce sont les ombres qui agissent sur le déroulement de l’histoire, faisant prendre telle ou telle tournure aux évènements. L’image de Fritz Arno Wagner est superbe, les décors sont simples pour mieux jouer avec la lumière et il faut noter également l’utilisation étonnante des miroirs. L’atmosphère est très forte, intrigante, angoissante. Le jeu des acteurs est typique de l’expressionnisme allemand, un jeu assez théâtral aux mouvements saccadés. Les ombres ont toujours une grande importance dans les films muets allemands mais Le Montreur d’ombres va plus loin que tous les autres et, en ce sens, il est un film assez unique en son genre.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Alexander Granach, Fritz Kortner, Gustav von Wangenheim, Ruth Weyher, Rudolf Klein-Rogge
Voir la fiche du film et la filmographie de Arthur Robison sur le site IMDB.

Voir les livres sur l’expressionnisme allemand

Remarques :
* Arthur Robison est américain de naissance mais a grandi et fait ses études en Allemagne. Hormis Le Montreur d’ombres, il a réalisé une vingtaine de films jugés de peu d’intérêt, y compris sa première version de The Informer en 1929 (six ans avant John Ford). Georges Sadoul a ainsi dit de lui qu’il était « l’homme d’un seul film ».

* Le film restauré est accompagné par une musique très contemporaine que, personnellement, je suis incapable d’écouter. J’avais heureusement la possibilité de couper le son mais il faut faire attention à ce point pour une vision en salles.

le Montreur d'ombres
le Montreur d'ombresFritz Kortner dans Le Montreur d’ombres de Arthur Robison.

12 décembre 2016

La Demi-Lune rouge (1919) de Alexander Korda

Titre original : Az aranyember

Az aranyemberUn riche pacha turc, sur le point d’être arbitrairement arrêté, s’enfuit avec sa fille à l’étranger et s’embarque pour remonter le Danube sur un navire marchand commandé par Michael Timar. Sur le point de mourir, le pacha lui confie sa fille que le capitaine va épouser après avoir mis la main sur la fortune du défunt. Mais c’est un mariage de convenance, sans amour… Hongrois avant d’être naturalisé anglais en 1931 et d’écrire certaines des plus belles pages du cinéma anglais, le producteur Alexander Korda a réalisé dans son pays natal de nombreux films dont extrêmement peu sont parvenus jusqu’à nous. En 1919, le jeune réalisateur de 26 ans, qui s’appelait encore Korda Sándor, s’inspire d’un grand classique de la littérature hongroise, L’homme en or de Mór Jókai (1872). Le film durait quatre heures. Seules 80 minutes ont survécu dans une version allemande, Der Rote Halbmond. Il y a donc inévitablement des sautes dans le récit, certains épisodes manquent mais l’ensemble reste très compréhensible même si l’histoire est assez complexe. Les intertitres sont assez nombreux. La réalisation est assez classique pour l’époque, le jeu des acteurs est plutôt théâtral, assez appuyé. De nombreuses scènes sont tournées en extérieurs et le Danube tient une grande place dans cette histoire. Une nouvelle bande-son originale, signée par le compositeur et clarinettiste allemand Michael Riessler, accompagne cette version restaurée. (Film muet).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Oscar Beregi Sr., Margit Makay
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La Demi-lune rouge
Oscar Beregi Sr. dans La Demi-Lune rouge (Az aranyember) de Korda Sándor.

La Demi-lune rouge
Navigation sur le Danube dans La Demi-Lune rouge (Az aranyember) de Korda Sándor.

La Demi-lune rouge
Oscar Beregi Sr. et Ica von Lenkeffy dans La Demi-Lune rouge (Az aranyember) de Korda Sándor.

Autres adaptations du roman en long métrage :
Az aranyember (1936) du hongrois Béla Gaál
Az aranyember (1962) du hongrois Viktor Gertler