16 septembre 2015

L’Homme de l’Ouest (1958) de Anthony Mann

Titre original : « Man of the West »

L'homme de l'OuestRéservé et apparemment un peu gauche, Link Jones (Gary Cooper) prend le train pour la première fois de sa vie. Il doit se rendre dans une grande ville afin d’engager une institutrice pour son village. Un joueur professionnel lui présente une chanteuse de saloon. Le train est attaqué et ils sont tous trois laissés en rase campagne loin de toute civilisation. Link les conduit dans une maison où il a, dit-il, vécu jadis… L’Homme de l’Ouest est le dernier western d’Anthony Mann. Il vient donc après les « cinq grands » qu’il a tournés avec James Stewart. Mais si le film a un petit côté « fin d’époque », c’est surtout dû à son sujet : un Gary Cooper vieillissant confronté à un hors-la-loi vivant dans le passé, qui n’est plus en phase avec les évènements. Une histoire de résurgence du passé qui prend presque la forme d’une rencontre avec des fantômes dans des paysages eux-mêmes fantomatiques (1). C’est un film également très dur avec des poussées de violence brute, assez primitive. Gary Cooper, ici dans l’un de ses derniers films, impose son personnage par une indéfectible placidité. Lee J. Cobb est assez remarquable dans son personnage à la limite de la folie. L’Homme de l’Ouest est un film quelque peu déroutant mais assez intense.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gary Cooper, Julie London, Lee J. Cobb, Arthur O’Connell, John Dehner, Royal Dano
Voir la fiche du film et la filmographie de Anthony Mann sur le site IMDB.

Voir les autres films de Anthony Mann chroniqués sur ce blog…

(1) Cette belle formule est de Jacques Lourcelles (qui place le film très haut dans le panthéon des westerns américains).

L'Homme de l'Ouest
Gary Cooper et Julie London dans L’Homme de l’Ouest de Anthony Mann

14 septembre 2015

La Chronique de Grieshuus (1925) de Arthur von Gerlach

Titre original : « Zur Chronik von Grieshuus »

La Chronique de Grieshuus Au XVIIe siècle dans le Holstein (région d’Allemagne touchant le Danemark, au nord de Hamburg), le seigneur de Grieshuus voit en son fils aîné Hinrich son digne héritier, tandis que le cadet, qu’il n’aime guère, fait des études de droit en ville. Mais Hinrich tombe amoureux de Bärbe, la fille d’un serf et le maître ne peut accepter cette idylle… Le nom du réalisateur, Arthur von Gerlach, n’évoquera certainement rien à la plupart des amateurs de cinéma et pour cause : on ne lui connait qu’une autre réalisation (1). Et pourtant, La Chronique de Grieshuus, récemment redécouvert, fut un film majeur de la grande époque de l’UFA. L’adaptation de ce conte de Theodor Storm, écrivain inspiré par les landes austères et romantiques de son Allemagne du Nord natale, est signée Thea von Harbou (scénariste et épouse de Fritz Lang). Il s’agit d’un sombre récit d’amour impossible et de lutte fratricide, un mélodrame assez appuyé avec un final teinté d’expiation. Les éclairages, notamment en intérieurs, sont tout à fait dans l’esprit du clair-obscur, plutôt impressionniste (2), avec une belle utilisation de voiles de lumière. Le chef-opérateur est le talentueux Fritz Arno Wagner que l’on connait surtout pour avoir travaillé pour Murnau et Fritz Lang. La production s’est étalée sur presque deux années pour un tournage dans les vastes studios de Babelsberg (dans la banlieue de Berlin) qui n’avaient alors rien à envier à ceux d’Hollywood. La restauration du film est assez remarquable. (Film muet)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Arthur Kraußneck, Paul Hartmann, Rudolf Forster, Lil Dagover
Voir la fiche du film et la filmographie de Arthur von Gerlach sur le site IMDB.

La Chronique de Grieshuus
(de g. à d.) Paul Hartmann, Rudolf Forster et Arthur Kraußneck dans La Chronique de Grieshuus de Arthur von Gerlach. L’éclairage est superbe, un véritable tableau…

(1) La noce au pied de la potence (Vanina oder Die Galgenhochzeit) avec Asta Nielsen et Paul Wegener (1922), adaptation d’un roman de Stendhal.
La carrière d’Arthur von Gerlach a été brutalement interrompue par son décès prématuré en 1925.
(2) C’est ainsi que les décrit assez justement Lotte Eisner dans son ouvrage « L’écran démoniaque » (Ramsay).

12 septembre 2015

La Guerre des cerveaux (1968) de Byron Haskin

Titre original : « The Power »

La Guerre des cerveauxDans un futur proche, un petit groupe de chercheurs étudient la résistance à la douleur et son influence éventuelle sur le cerveau. Lorsque l’un d’eux pointe du doigt que l’un des chercheurs a des capacités mentales très développées, il est mystérieusement assassiné… A la base, le film de science-fiction La Guerre des cerveaux soulève une question intéressante : si les capacités du cerveau humain évoluent, peut-on envisager qu’il parviendra un jour à influencer celui de ses congénères pour le soumettre à ses volontés ? Quelles seraient les implications de ce type de pouvoir ? Comment se comporterait dans notre monde d’aujourd’hui un humain qui aurait sauté des centaines de générations ? Hélas, Byron Haskin délaisse la pure prospective pour développer essentiellement un film à suspense où le héro ne fait que rechercher le coupable au péril de sa vie, un film dans un esprit assez hitchcockien. Le réalisateur semble d’ailleurs assumer cette filiation puisqu’il fait un hommage assez voyant au réalisateur anglais avec une scène dans un manège de chevaux de bois devenu incontrôlable. Certains critiques ont vu en cette histoire une manifestation de la paranoïa anticommuniste américaine ; pourquoi pas, tous les films sur le contrôle des esprits peuvent être vus ainsi mais cela ne me semble pas être le but premier ici. La Guerre des cerveaux se regarde sans ennui car la réalisation est soignée et le déroulement de l’histoire bien rythmé. On notera la musique de Miklós Rózsa avec une présence originale de son cymbalum.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: George Hamilton, Suzanne Pleshette, Richard Carlson, Yvonne De Carlo, Michael Rennie

Voir la fiche du film et la filmographie de Byron Haskin sur le site IMDB.

The Power
George Hamilton et Suzanne Pleshette dans La Guerre des cerveaux de Byron Haskin

Remarques :
* The Power est l’adaptation d’un roman de Frank M. Robinson qui est également connu pour avoir écrit La Tour infernale (à ma connaissance, aucun lien de parenté avec l’écrivain de science-fiction Kim Stanley Robinson).
* Byron Haskin est un réalisateur connu pour L’île au trésor (1950) et La Guerre des mondes (1953).
* La Guerre des cerveaux est produit par George Pal.

10 septembre 2015

Messaline (1960) de Vittorio Cottafavi

Titre original : « Messalina Venere imperatrice »

MessalineA Rome, en l’an 38 après J.-C., la jeune et ambitieuse vestale romaine (1) Valeria Messalina rencontre le centurion Lucius Maximus la veille de ses noces avec l’empereur Claude. Le jeune Lucius Maximus n’en sait rien puisqu’il est aussitôt envoyé livrer bataille dans une lointaine contrée. Parvenue au pouvoir, Messaline ne cesse de comploter pour assouvir ses désirs… Le personnage de Messaline, impératrice cruelle et débauchée, a toujours excité les imaginations par son mélange explosif de pouvoir, violence et sexualité. Réalisé en pleine période de surproduction de péplum italiens, le film de Cottafavi ne cherche pas, on s’en doute, la vérité historique mais plutôt à créer un spectacle à la sensualité épanchée. L’histoire se déroule, nous prévient-on en exergue, « à une période où la vie humaine n’avait aucune valeur » (diantre, on en frémit d’avance)… C’est l’anglaise Belinda Lee qui est chargée de minauder et de rouler des yeux devant la caméra mais elle ne parvient pas à donner une réelle dimension à son personnage. La réalisation est toutefois soignée ce qui écarte tout ennui à la vision du film. Messaline n’est pas le péplum de Cottafavi le plus remarquable : on pourra probablement lui préférer Les Légions de Cléopâtre tourné l’année précédente.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Belinda Lee, Spiros Focás
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Voir les autres films de Vittorio Cottafavi chroniqués sur ce blog…

Messaline
Belinda Lee dans Messaline de Vittorio Cottafavi

(1) Les vestales étaient des prêtresses de la déesse Vesta, des jeunes filles vouées à la chasteté et éduquées de façon très stricte.

Autres films centrés sur le personnage de Messaline :
Woman de Maurice Tourneur (1918) avec Flora Revalles
Messaline (Messalina) de Carmine Gallone (1951) avec María Félix et Georges Marchal
Messaline , impératrice et putain (Messalina, Messalina!) de Sergio Corbucci (1977) avec Anneka Di Lorenzo
Caligula et Messaline de Bruno Mattei (1981) avec Betty Roland

9 septembre 2015

Nouveautés livres – août 2015

Livres sur le cinéma – Les sorties de la semaine dernière (et du mois d’août) :


Jean-Louis Trintignant : L'inconformismeTITRE : Jean-Louis Trintignant
… L’inconformisme
AUTEUR : Vincent Quivy
EDITEUR : Seuil
SORTIE : 03 septembre 2015
SUJET : Réalisateur > Jean-Louis Trintignant
Et dieu créa la femme, Un homme et une femme, Z, La Controverse de Valladolid, Ceux qui m’aiment prendront le train, Amour… la liste est longue des chefs d’oeuvres et des succès de l’acteur. Mais elle ne dit rien de sa vocation première de réalisateur, rien de sa passion pour le théâtre ou la poésie contemporaine, et si peu de choses de l’homme Trintignant…


Sam PeckinpahTITRE : Sam Peckinpah
AUTEUR : Fernando Ganzo
EDITEUR : Capricci
SORTIE : 03 septembre 2015
SUJET : Réalisateur > Sam Peckinpah
A l’occasion d’une rétrospective du cinéaste à la Cinémathèque française, cet ouvrage consacré à son oeuvre réunit trois textes critique abordant chronologiquement sa filmographie, une étude de son travail pour la télévision, des récits de tournage et des entretiens…


James Dean: PhotographsTITRE : James Dean
… Photographs
AUTEUR : Axel Arens
EDITEUR : Schirmer Mosel
SORTIE : 03 septembre 2015
SUJET : Acteur > James Dean
This book reproduces the most impressive still photos from the three films, East of Eden, Rebel Without a cause and Giant, James Dean starred in as well as the striking pictures of the three master photographers he often sat for…


La Direction de spectateurs:Création et réception au cinémaTITRE : La Direction de spectateurs
… Création et réception au cinéma
AUTEUR : Collectif dir. Dominique Chateau
EDITEUR : Les Impressions nouvelles
SORTIE : 03 septembre 2015
SUJET : Sociologie
Hitchcock dit à propos de Psychose : « Je faisais de la direction de spectateur. » Cette boutade qu’on peut rapprocher du « calcul du spectateur » cher à Eisenstein, est une invitation à repenser les rapports entre création et réception au cinéma…


Signoret ou la traversée des apparencesTITRE : Signoret ou la traversée des apparences
AUTEUR : Chantal Pelletier
EDITEUR : Editions des Busclats
SORTIE : 03 septembre 2015
SUJET : Acteur > Simone Signoret
Trente ans déjà que Simone Signoret a disparu. Elle n’en avait alors que soixante-quatre, en paraissait bien davantage…


Le Moyen Âge au cinéma:Panorama historique et artistiqueTITRE : Le Moyen Âge au cinéma
… Panorama historique et artistique
AUTEUR : François Amy de La Bretèque
EDITEUR : Armand Colin
SORTIE : 02 septembre 2015
SUJET : Genre > Historique
Le Moyen Âge nous a légué un réservoir de récits, un trésor d’anecdotes et de situations, une galerie de personnages et un répertoire de motifs et de situations visuelles propices à la création cinématographique…


L'Espace cinématographique:Esthétique et dramaturgieTITRE : L’Espace cinématographique
… Esthétique et dramaturgie
AUTEUR : Antoine Gaudin
EDITEUR : Armand Colin
SORTIE : 02 septembre 2015
SUJET : Théorie
L’espace constitue un enjeu majeur des réflexions esthétiques et philosophiques sur le cinéma, autour duquel s’articule toute l’histoire des formes filmiques…


Les communistes et le cinéma : France, de la Libération aux années 60TITRE : Les communistes et le cinéma
… France, de la Libération aux années 60
AUTEUR : Pauline Gallinari
EDITEUR : Presses Universitaires de Rennes
SORTIE : 27 août 2015
SUJET : Histoire du cinéma
Le projet cinématographique communiste français est ambitieux. Dès la Libération, les communistes cherchent d’une part à agir sur le champ cinématographique dans le but d’influer sur le devenir économique du cinéma français…


L'Amérique des frères CoenTITRE : L’Amérique des frères Coen
AUTEUR : Julie Assouly
EDITEUR : CNRS
SORTIE : 27 août 2015
SUJET : Réalisateur > Frères Coen
Les frères Coen, « réalisateur à deux têtes », tandem farouchement inclassable, paire prodigieuse révélée au grand public par Arizona junior (1987), dressent un tableau désopilant de l’Amérique profonde…


L'Horizon de Michael MannTITRE : L’Horizon de Michael Mann
AUTEUR : Axel Cadieux
EDITEUR : Playlist Society
SORTIE : 26 août 2015
SUJET : Réalisateur > Michael Mann
Michael Mann est incontournable à Hollywood. Auteur de succès planétaires (Heat, Le Dernier des Mohicans), ses partis pris formels et thématiques, d’une singularité extrême, tranchent avec l’uniformité des productions actuelles…


Perles de cinémaTITRE : Perles de cinéma
AUTEUR : Françoise Baroni et Florence Roman
EDITEUR : Editions Générales First
SORTIE : 26 août 2015
SUJET : Les Films > Humour
« Cinquante nuances de Grey, c’est écrit avec les pieds et joué avec les fesses. »
« J’ai bien aimé mais y a trois quarts d’heure de trop.  »
« The Artist, c’est un joli film mais s’ils avaient mis deux ou trois répliques, ça n’aurait pas été plus mal. »…


Scénario et scénariste:De la reconnaissance institutionnelle de l'objet scénaristiqueTITRE : Scénario et scénariste
… De la reconnaissance institutionnelle de l’objet scénaristique
AUTEUR : Gabrielle Tremblay
EDITEUR : LettMotif
SORTIE : 25 août 2015
SUJET : Technique > Ecriture
Sous-titre complet : De la reconnaissance institutionnelle de l’objet scénaristique dans le monde de l’art cinématographique français.
Le scénario et le scénariste composent ici l’objet scénaristique. En France, dans le monde du cinéma, leur valorisation pose problème, semble-t-il…


Jerry LewisTITRE : Jerry Lewis
AUTEUR : Chris Fujiwara
EDITEUR : Les Prairies Ordinaires
SORTIE : 20 août 2015
SUJET : Acteur > Jerry Lewis
Jerry Lewis aura 90 ans en 2016. Bien que la France – on nous l’a assez reproché – soit sans doute le pays à l’avoir le plus défendu, cela fait plus de trente ans que n’a paru aucun ouvrage en français consacré à son travail…


L'analyse des filmsTITRE : L’analyse des films
AUTEUR : Jacques Aumont et Michel Marie
EDITEUR : Armand Colin
SORTIE : 19 août 2015
SUJET : L’analyse de films
Depuis sa première édition il y a 25 ans, l’Analyse des films est devenu un classique des études cinématographiques…


André Bourvil, inoubliableTITRE : André Bourvil, inoubliable
AUTEUR : Solène Haddad
EDITEUR : City
SORTIE : 19 août 2015
SUJET : Acteur > Bourvil
André Bourvil, acteur, chanteur, comique et homme de théâtre, a marqué la France d’après-guerre par sa carrière exceptionnelle…


James Bond:Une esthétique du plaisirTITRE : James Bond
… Une esthétique du plaisir
AUTEUR : Claude Monnier
EDITEUR : L’Harmattan
SORTIE : 15 août 2015
SUJET : Un Film > James Bond
Comment expliquer l’immense plaisir que procurent les films de James Bond ? Pourquoi peut-on recevoir ces oeuvres d’innombrables fois, sans se lasser ? Beaucoup de livres ont recensé, à la manière d’un catalogue, les gadgets, les « girls », les méchants ou les multiples voitures de l’agent secret…


Bertolt Brecht et Fritz Lang :Le nazisme n'a jamais été éradiquéTITRE : Bertolt Brecht et Fritz Lang
… Le nazisme n’a jamais été éradiqué
AUTEUR : Danielle Bleitrach et Richard Gehrke
EDITEUR : LettMotif
SORTIE : 14 août 2015
SUJET : Un Film > Les bourreaux meurent aussi
Danielle Bleitrach, sociologue, universitaire spécialiste de la mondialisation et du développement, auteur de nombreux ouvrages sur le mouvement ouvrier, l’Amérique latine et plus récemment sur l’espace postsoviétique a voulu interroger deux antinazis…


la Bretagne au cinémaTITRE : la Bretagne au cinéma
AUTEUR : Nolwenn Banchard et Maria Banchard
EDITEUR : Riveneuve éditions
SORTIE : 13 août 2015
SUJET : Pays > France
Depuis les débuts du cinéma, la Bretagne est un lieu privilégié pour les tournages de films…


The Charlie Chaplin ArchivesTITRE : The Charlie Chaplin Archives
AUTEUR : Paul Duncan
EDITEUR : Taschen
SORTIE : 13 août 2015
SUJET : Réalisateur > Charlie Chaplin
De l’Alaska au Zimbabwe, le chapeau melon, la canne, le pantalon trop grand et les chaussures de clown de son « vagabond » composent la silhouette la plus identifiable au monde, 100 ans après sa création…


Le cinéma:retenir l'essentielTITRE : Le cinéma
… retenir l’essentiel
AUTEUR : Francis Frey, Anne Goliot-Lété et Francis Vanoye
EDITEUR : Nathan
SORTIE : 13 août 2015
SUJET : Généralités
Rédigé de façon claire et richement illustré, cet ouvrage conduit le lecteur des origines du cinéma aux plus récentes mutations technologiques tout en apportant des éléments d’analyse sur les oeuvres marquantes du 7e art…

 

8 septembre 2015

Gertrud (1964) de Carl Theodor Dreyer

GertrudCopenhague, début du XXe siècle. L’ancienne chanteuse d’opéra Gertrud sent que l’amour a quitté son mariage : son mari Gustav, sur le point d’être nommé ministre, fait passer son travail en premier. Elle lui annonce qu’elle va le quitter. Gertrud entretient une liaison avec Erland, un jeune compositeur. C’est à ce moment que Gabriel, son ancien amour, revient d’un long séjour à l’étranger… Le dernier film de Dreyer surprend par sa forme. Cette pièce du suédois Hjalmar Söderberg, écrite quelque cinquante ans auparavant, est portée à l’écran avec un très haut niveau d’abstraction : décors épurés, longs plans fixes, personnages qui ne se regardent pas, très forte retenue dans l’expression des acteurs. Cette forme a tendance à rebuter au premier abord et pourtant on se laisse happer par les échanges entre Gertrud et les hommes qu’elle a aimés. Cette femme est en recherche d’un certain absolu dans l’amour et Dreyer semble faire de même avec son cinéma. Cette rigidité des postures rend l’intensité d’autant plus palpable, c’est même assez étonnant. A sa sortie, le film fut accueilli très froidement (il est vrai que nous sommes ici très loin du souffle de la Nouvelle Vague !) mais il peut s’apprécier différemment avec le recul. Son caractère atemporel paraît plus évident.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Nina Pens Rode, Bendt Rothe, Ebbe Rode, Baard Owe
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Gertrud
Nina Pens Rode dans Gertrud de Carl Theodor Dreyer

5 septembre 2015

Ordet (1955) de Carl Theodor Dreyer

Autre titre français : « La Parole »

La ParoleDans le Danemark aux alentours de 1930, le luthérien Morten Borgen exploite une vaste ferme avec ses trois fils ; l’aîné est marié, le second traverse une grave crise mystique qui le pousse à se prendre pour le Christ et le troisième désire épouser la fille du tailleur. Les pères s’opposent à cette union du fait de leurs divergences religieuses… Dès qu’il voit la pièce Ordet de Kaj Munk en 1932, Dreyer souhaite la porter à l’écran. Il n’y parvient pas et se fait « doubler » par le suédois Gustaf Molander en 1943 (1). La version qu’il en donne finalement en 1955 est à la fois plus profonde et plus stylisée avec cette belle austérité qui le caractérise. Sur le fond, le film pose la question de la foi et du rapport des hommes à Dieu (sans toutefois que la réflexion ne soit poussée très avant, la foi étant placée comme un idéal absolu) et, en s’élevant au dessus des querelles théologiques triviales,  s’oppose aux sectarismes. La forme est, une fois de plus, superbe : la mise en scène de Dreyer est rigoureuse, majoritairement en plans moyens, déroulant lentement le récit. Le climat ainsi créé est fort et prégnant. Les rares plans extérieurs sont très beaux avec tous ces joncs qui ondulent au gré des vents, comme une expression du trouble intérieur du fils illuminé.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Henrik Malberg, Birgitte Federspiel, Emil Hass Christensen, Cay Kristiansen, Preben Lerdorff Rye
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Ordet
Emil Hass Christensen, Henrik Malberg et Cay Kristiansen dans Ordet de Carl Theodor Dreyer

(1) La Parole (Ordet) de Gustaf Molander (1943) avec Victor Sjöström dans le rôle principal du patriarche.

4 septembre 2015

Jour de colère (1943) de Carl Theodor Dreyer

Titre original : « Vredens dag »
Autre titre : « Dies Irae »

Dies iraeDans le Danemark de 1623, le pasteur d’un village a recueilli et épousé une très jeune femme, du même âge que son fils issu d’un premier mariage. Celui-ci rentre vivre avec son père au moment où le pasteur fait brûler vive une femme accusée de sorcellerie… Après l’échec commercial de Vampyr, Dreyer reste dix ans sans tourner. Ce n’est qu’en 1943, alors que son pays est occupé, qu’il parvient à réaliser ce Jour de colère, une histoire de sorcellerie et d’amour impossible dans l’austère Danemark du XVIIe siècle. Il s’agit de l’adaptation d’une pièce de Wiers-Jenssen que Dreyer avait vue presque vingt ans auparavant. Le film est remarquable par sa très grande beauté formelle. Les décors sont épurés (mais sans avoir l’abstraction de ceux de Jeanne d’Arc) et les éclairages particulièrement travaillés, avec une superbe répartition  des noirs et des blancs. Le film a souvent été rapproché des peintures de Rembrandt, certains le qualifiant même de « Rembrandt vivant ». L’image évoque la peinture non seulement par l’éclairage mais aussi par le placement des personnages : c’est particulièrement net dans les plans sur les jurés par exemple. Il faut aussi mentionner les panoramiques tournants savamment synchronisés (1). Toute cette beauté plastique peut toutefois nous détacher du récit : la scène de torture de la vieille femme accusée devient ainsi objet d’émerveillement visuel alors qu’elle est bien entendu atroce sur le fond. Cette scène évoque bien entendu les pratiques des occupants nazis. Et pour rester sur le fond, André Bazin a souligné avec justesse que le désespoir final de la jeune femme peut exprimer aussi bien l’aveu que le mensonge. De son côté, Georges Sadoul affirme que Dreyer croit à la sorcellerie, ce qui semble effectivement probable mais pas certain, toutefois. Jour de colère est un très beau film : rarement l’austérité et la beauté formelle n’ont été si harmonieusement accordées.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Lisbeth Movin, Thorkild Roose, Preben Lerdorff Rye, Sigrid Neiiendam, Anna Svierkier
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Jour de colère
Lisbeth Movin dans Jour de colère de Carl Theodor Dreyer.

(1) Le panoramique sur les enfants de choeur lors des funérailles est d’une perfection absolue : les enfants tournent autour de la pièce et la camera tourne dans le même sens mais un peu plus lentement, créant ainsi un mouvement apparent inverse dont le décalage rythmé par leurs chants. Du grand art.

2 septembre 2015

Oblivion (2013) de Joseph Kosinski

Oblivion2077 : La terre a été évacuée vers Titan après avoir subi une attaque d’extra-terrestres. Les terriens ont gagné mais les radiations résiduelles des armes atomiques ont rendu la terre inhabitable. Jack Harper et une assistante sont restés en charge de la réparation des drones qui assurent la sécurité d’une gigantesque opération d’extraction des dernières ressources. Quelques aliens survivants continuent en effet d’attaquer sporadiquement les installations…
Joseph Kosinski est un réalisateur d’à peine quarante ans qui vient du monde de l’infographie et des jeux vidéo. Il a écrit un scénario assez solide dans la veine post-apocalyptique et a su le mettre en scène en dosant parfaitement ses éléments : action et effets spéciaux sont bien entendu présents mais une bonne place a été laissée à la création, aussi bien d’objets que d’environnement, ce qui donne une atmosphère assez magique au récit. Joseph Kosinski n’hésite pas à montrer ses influences (2001, Star Wars, etc.) L’image est superbe (le tournage s’est effectué en grande partie en Islande). Côté acteurs, le problème des films avec Tom Cruise est qu’il prend toute la place et c’est une nouvelle fois le cas, ses deux partenaires féminines sont charmantes mais un peu fades. Cette omniprésence convient toutefois assez bien au scénario qui n’a que très peu de personnages. Oblivion se révèle être finalement un beau, et plutôt créatif, film de science-fiction.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tom Cruise, Morgan Freeman, Olga Kurylenko, Andrea Riseborough
Voir la fiche du film et la filmographie de Joseph Kosinski sur le site IMDB.

Oblivion
La maison de Jack Harper dans Oblivion de Joseph Kosinski (la piscine transparente est, comment dire, assez unique!)

Oblivion
La même vue de l’autre côté avec, au premier plan, le Techopter (qui a été dessiné par Joseph Kosinski lui-même).

Oblivion
Tom Cruise est Jack Harper dans Oblivion de Joseph Kosinski

Homonyme :
Oblivion de Sam Irvin (1994), film qui n’a aucun lien avec celui-ci : c’est apparemment un mélange bizarre de film de cow-boys et de film d’aliens.